Frankenstein, ou le Prométhée moderne (trad. Saladin)/4

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Traduction par Jules Saladin.
Corréard (1p. 34-36).


LETTRE III.

À MADAME SAVILLE, EN ANGLETERRE.
7 juillet 17-
Ma chère sœur,

« Je vous écris quelques lignes à la hâte, pour vous dire que je suis en bonne santé, et fort avancé dans mon voyage. Cette lettre parviendra en Angleterre par la voie d’un marchand qui retourne d’Archangel dans sa famille ; il est plus heureux que moi, qui, pendant quelques années, ne pourrai peut-être revoir ma patrie. Je suis cependant dans de bonnes dispositions : mes hommes sont courageux et semblent fermes dans leurs projets. Ils ne paraissent pas découragés par les bancs de glaces que nous rencontrons continuellement, et qui nous indiquent les dangers du pays vers lequel nous nous dirigeons. Nous avons déjà atteint une latitude très-élevée, mais nous sommes dans le fort de l’été, et quoiqu’il ne fasse pas aussi chaud qu’en Angleterre, les vents du sud qui nous portent avec vîtesse vers les rives où je désire si ardemment arriver, renouvellent sans cesse une chaleur à laquelle je ne m’étais pas attendu.

» Jusqu’ici nul événement qui soit digne d’être rappelé. Un ou deux coups de vent et un mât brisé, sont des accidens dont un navigateur expérimenté se souvient à peine de faire mention ; et je serai bien heureux, s’il ne nous arrive rien de pire pendant notre voyage.

» Adieu, ma chère Marguerite. Soyez sûre que, par amour pour vous et pour moi-même, je n’irai pas témérairement au-devant du danger. Je serai froid, persévérant et prudent.

» Rappelez-moi à tous mes amis d’Angleterre.

» Votre très-affectionné,

» Robert Walton »,