Funérailles et cimetières

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impr. de L. Barnéoud.

FUNÉRAILLES ET CIMETIÈRES



La législation relative aux funérailles et aux cimetières s’inspire à l’heure actuelle de 3 idées essentielles :

1o Il faut que les décès soient l’objet d’une constatation officielle.

2o Il faut que chacun puisse régler ses funérailles selon ses convictions philosophiques ou religieuses et que, quelles que soient les dernières volontés du défunt, le transport des corps s’effectue d’une manière décente.

3o Enfin, il faut que les inhumations soient faites de manière à ne pas constituer un danger pour la salubrité publique.

Ces principes, surtout le second, n’ont été dégagés qu’à une époque récente. Sous l’Ancien régime, nous ne trouvons aucune règle précise ; il existe un grand arbitraire. Le Consulat (décret du 23 prairial an XII) a préparé la voie. Mais il faut arriver aux dernières années du xixe siècle pour voir appliquer en cette matière les conséquences naturelles du principe de la liberté de conscience (loi du 14 novembre 1881 établissant la neutralité des cimetières ; loi du 15 novembre 1887 consacrant la liberté pour l’individu de régler ses funérailles selon ses convictions ; loi du 28 décembre 1904 prononçant la laïcisation des pompes funèbres).

I

Les décès doivent être l’objet d’une constatation officielle.

1o. — L’officier de l’état civil doit vérifier lui-même le décès, ou se faire suppléer à cet effet par un médecin.

2o. — Aucune inhumation ne peut avoir lieu sans un permis d’inhumer délivré par l’officier de l’état civil. Les enfants morts-nés eux-mêmes doivent être déclarés à l’état civil et ne sont inhumés qu’après autorisation. — A Paris, il est pourvu à l’enlèvement à domicile et à l’inhumation des embryons par les soins de la municipalité.

3o. — En principe, l’inhumation ne peut avoir lieu que 24 heures après le décès. Toutefois :

a) Ce délai peut être réduit, lorsque le décès est survenu, à la suite d’une maladie contagieuse ;

b) Il peut être allongé s’il y a décès suspect et, dans ce cas, l’autopsie peut être prescrite par le Préfet.

4o. — Enfin, le Conseil municipal peut demander l’établissement de chambres funéraires dans lesquelles ne peuvent être transportés que les corps dont le décès ne provient pas de maladie contagieuse (D. 27 avril 1889). Les chambres funéraires n’ont pas seulement pour utilité de permettre de s’assurer de la réalité du décès ; elles servent à soustraire les familles habitant un logement exigü aux inconvénients de tout ordre qui peuvent résulter du voisinage d’un cadavre. La création des chambres funéraires est autorisée par arrêté du Préfet, après avis du Conseil d’hygiène et enquête administrative. — Les communes dans lesquelles sont installées des chambres funéraires peuvent percevoir des droits pour le dépôt des corps : le tarif de ces droits est délibéré par le Conseil municipal et approuvé par le préfet (l. 17 juillet 1889, art. 29).


II

Chacun peut régler ses funérailles selon ses convictions philosophiques ou religieuses.
Quelles que soient les dernières volontés du défunt, le transport des corps s’effectue d’une manière décente.

1o. — Tout individu majeur ou mineur émancipé, capable de tester, peut regler par écrit les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner (l. du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles). S’il s’élève des contestations, il est statué dans la journée par le juge de paix du canton, sauf appel devant le Président du Tribunal civil qui statue dans les 24 heures. La décision est notifiée au maire qui en assure l’exécution. En outre, la loi établit des sanctions pénales contre ceux qui sciemment auraient donné aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à la décision judiciaire.

2o. — Quel que soit le caractère des funérailles, les honneurs funèbres prévus par les lois sont rendus de la même façon (l. 15 nov. 1887).

3o. — Les cimetières sont neutres : Il ne doit plus y exister de quartiers d’inhumation distincts suivant les cultes (l. 14 novembre 1881 abrogeant l’art. 15 du D. du 23 prairial an XII).

4o. — Le maire, à son défaut le sous-préfet ou le préfet, a l’obligation de pourvoir d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment, sans distinction de culte ni de croyance (l. 5 avril 1884, art. 93).

5o. — Enfin, les pompes funèbres sont, en principe, un service public communal (l. 28 décembre 1904).

Avant la loi de 1904, les établissements publics constitués pour administrer les biens et ressources affectés aux cultes reconnus (fabriques et consistoires) avaient le monopole des pompes funèbres d’une manière complète, non seulement pour la décoration intérieure et extérieure des édifices religieux, mais aussi pour tout convoi funèbre, pour toute exhumation, de telle sorte que ces établissements percevaient des droits même à l’occasion des enterrements civils. Ce n’était que lorsque les fabriques n’avaient pas les moyens ou l’intention d’exploiter le service des pompes funèbres que celui-ci était assuré par les communes. — En fait, les fabriques et consistoires n’exerçaient leur droit que dans un petit nombre de communes. À Paris notamment, depuis 1879, le service était exploité en régie par les fabriques et consistoires, au moyen d’un Conseil d’administration commun.

La loi de 1904 a conféré aux communes le droit exclusif de faire toutes les fournitures quelconques nécessaires pour les enterrements et pour la pompe et la décence des funérailles, à l’exception de celles qui sont destinées au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration intérieure et extérieure de ces édifices. Et la loi précise quelles sont les fournitures qui seront faites par les communes. Ce sont exclusivement celles qui concernent le service extérieur (fourniture des cercueils, des tentures extérieures des maisons mortuaires, des corbillards, voitures de deuil, fournitures et personnel nécessaire aux inhumations, exhumations et crémations).

Les communes assurent le service soit par elles-mêmes en régie, soit par entreprise en se conformant aux lois et règlements sur les adjudications et marchés de gré à gré en matière de travaux publics, observation faite que les associations constituées en vue d’assurer l’exercice des cultes ne peuvent pas devenir adjudicataires (l. 28 décembre 1904, cbn. l. 9 décembre 1905 et l. 2 janvier 1907 sur le régime des cultes) :

a) Le matériel fourni par les communes doit être constitué en vue aussi bien d’obsèques religieuses de tout culte que d’obsèques dépourvues de tout caractère confessionnel.

b) Tous objets non compris dans l’énumération donnée par la loi de ce qui constitue le service extérieur sont laissés aux soins des familles.

c) Même, dans les localités où, conformément à d’anciennes coutumes, les funérailles sont faites par les familles elles-mêmes ou par des sociétés charitables laïques, ces usages peuvent être maintenus avec l’autorisation du Conseil municipal et sous la surveillance du maire.

d) Les fournitures faites par la commune donnent naturellement lieu à la perception de taxes. Le tarif en est établi par le Conseil municipal et approuvé par décret dans les villes ayant plus de 3 millions de revenus, ailleurs par le préfet. Mais, dans ce tarif, aucune surtaxe, ne peut être exigée pour les présentations et stations à l’église ou au temple.

e) Enfin, le service est gratuit pour les indigents.


III

Les inhumations doivent être faites de manière à ne pas constituer un danger pour la salubrité publique.

1o. — Les inhumations dans l’enceinte des villes et des bourgs sont prohibées :

1) Les inhumations dans des propriétés particulières ne sont possibles que si les propriétés sont à plus de 35 à 40 mètres de l’enceinte des villes et bourgs, et à la condition d’avoir été autorisées par le maire (D. 23 prairial an XII, art. 14) : contre l’arrêté de refus du maire, un recours pour excès de pouvoir serait possible.

2) Aux termes de l’art. 1er du décret du 23 prairial an XII, les inhumations ne peuvent avoir lieu, en principe, dans les édifices clos et fermés où l’on se réunit pour la célébration d’un culte. Toutefois, malgré cette disposition, des décrets ont souvent autorisé l’inhumation de prélats ou de curés dans des églises.

3) Les inhumations doivent être faites, en règle générale, dans des cimetières, dont l’entretien incombe exclusivement à la commune (l. 28 déc. 1904) et qui sont soumis à la surveillance du maire. Les cimetières doivent être situés à 35 ou 40 mètres au moins de l’enceinte des villes et bourgs[1] sur des terrains élevés, exposés de préférence au nord, plantés d’arbres et clos de murs de 2 m. de hauteur. — Il y a toutefois à Paris une dérogation à cette règle : La loi du 16 juin 1859 qui a étendu les limites de Paris jusqu’au glacis des fortifications, écarte, pour les cimetières existants, les dispositions du décret du 23 prairial an XII et décide que les inhumations pourront continuer à avoir lieu dans les cimetières intra-muros.

Des concessions peuvent être accordées dans les cimetières aux particuliers qui désirent y posséder une place distincte pour y fonder leur sépulture et y construire des caveaux ou monuments. Ces concessions sont accordées moyennant versement d’une redevance dont le montant est déterminé d’après des tarifs établis par le Conseil municipal et approuvés par le Préfet. Sur le produit des concessions, une certaine proportion : le tiers, — à Paris le cinquième, — est attribué aux pauvres et aux établissements de bienfaisance.

Il y a 3 sortes de concessions : 1o les concessions temporaires, faites pour 15 ans au plus ; 2o les concessions trentenaires, et 3o les concessions perpétuelles. Mais, dans les cimetières intra-muros de Paris, il n’y a ni concessions temporaires, ni concessions trentenaires.

On discute sur la nature juridique des cimetières et des concessions dans les cimetières :

a) La jurisprudence admet que les cimetières communaux font partie du domaine public de la commune ; ils sont une portion du territoire de la commune affectée à un usage public. Cette solution est discutée en doctrine.

b) Quant à la nature juridique des concessions, il faut distinguer :

α. Pour les concessions temporaires ou trentenaires, sans difficulté elles constituent une véritable concession sur le domaine public.

β. Pour les concessions perpétuelles, au contraire, la question est controversée :

Dans une opinion, il y a concession sur le domaine public, accompagnée d’une convention aux termes de laquelle la commune s’est interdit le droit de révoquer la concession à perpétuité. Mais ce n’est pas la solution admise par la jurisprudence.

La jurisprudence semble admettre qu’il y a, au profit du titulaire de la concession perpétuelle, un véritable droit de propriété avec affectation spéciale du terrain à l’usage des inhumations. Cette solution n’explique pas très bien comment il se fait que le droit du concessionnaire n’est pas perpétuel : au cas de translation du cimetière, en effet, ce droit disparait et il est remplacé par un droit sur un terrain d’égale superficie dans le nouveau cimetière. D’autre part, cette solution ne se concilie pas avec le principe de l’inaliénabilité du domaine public.

2o. — Des servitudes d’utilité publique pèsent sur tous les immeubles situés dans un rayon de 100 mètres autour des cimetières.

On ne peut sans autorisation construire des bâtiments à moins de 100 mètres des cimetières, ni restaurer ceux qui existent. De même, on ne peut creuser aucun puits à moins de 100 mètres des cimetières, et le préfet peut ordonner que ceux qui existent soient comblés. Ces servitudes ne donnent lieu à aucune indemnité (D. 7 mars 1808).

3o. — Le renouvellement des inhumations ne doit pas être trop rapproché ; il pourrait en résulter des dangers pour la salubrité publique :

a) On ne peut ouvrir les fosses pour de nouvelles sépultures que tous les 5 ans.

b) En cas de suppression ou de translation d’un cimetière, le cimetière abandonné doit rester fermé pendant 5 ans. Après ce laps de temps, il peut être loué pour ensemencement ou plantations, mais aucune fouille ni construction ne peut y être faite jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné. — La suppression d’un cimetière ou sa translation est décidée par arrêté préfectoral après avis du Conseil municipal, et le nouvel emplacement déterminé dans les mêmes conditions, après enquête (Ord. 6 déc. 1843).

c) Signalons aussi qu’aucune exhumation et réinhumation d’un corps ne peut avoir lieu sans autorisation du maire.

4o. — Enfin, des efforts ont été faits en vue de substituer l’incinération à l’inhumation (l. 15 novembre 1887 et D. 27 avril 1889).

Pendant longtemps, l’incinération a rencontré un double obstacle : α) un obstacle religieux : l’incinération est condamnée par la religion catholique ; β) une objection d’ordre médico-légal : l’incinération en cas de crime ou d’empoisonnement rend l’autopsie impossible. Si l’obstacle religieux subsiste toujours, des mesures ont été prises qui ont fait disparaître en grande partie l’obstacle médico-légal (nécessité notamment de présenter un certificat du médecin traitant contrôlé par un médecin assermenté, certifiant que la mort est naturelle).

La loi de 1887 prévoit la création de fours crématoires qui ne peuvent être mis en usage qu’après autorisation du préfet et avis du Conseil d’hygiène. Quant à l’incinération elle-même, elle est surveillée et autorisée par le maire. — Les communes dans lesquelles sont installés des appareils crématoires peuvent percevoir des droits pour l’incinération des corps. Le tarif de ces droits est délibéré par le Conseil municipal et approuvé par le préfet (l. 17 juillet 1889, art. 29).


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  1. La jurisprudence a tiré de là cette conclusion qu’il est impossible d’agrandir un cimetière situé à moins de 35 mètres des agglomérations.