Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques/Chapitre 2 - §1

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CHAPITRE II


LE RÉSEAU DES AQUEDUCS

§1 — Les eaux de la région lyonnaise.

Affluents de droite de la Saône et du Rhône dans la région lyonnaise. Topographie de cette région. — A peine le Rhône après s’être dégagé des défilés du Bugey a-t-il pu étaler enfin librement son cours dans une large plaine en reprenant sa direction primitive de l’est à l’ouest, qu’il est obligé d’effectuer encore un coude brusque pour couler, cette fois définitivement, du nord au sud. Un peu en amont, de Lyon, il vient, en effet, se heurter contre le talus oriental du plateau de Dombes, derrière lequel glisse doucement la Saône. Celle-ci ayant trouvé un passage entre l’extrémité effilée de ce plateau (colline de Saint-Sébastien ou de la Croix-Rousse) et la colline de Fourvière, continue à couler au pied de cette dernière et des hauteurs de Saint-Irénée et Sainte-Foy-lès-Lyon, qui en sont le prolongement. Cette ligne de coteaux, dont le sol est formé d’alluvions sablonneuses, de graviers et de cailloux roulés, fait partie de ce que l’on considère comme la moraine terminale des glaciers de la période quaternaire. De Vaise à Oullins, elle forme une sorte de bourrelet en bordure du plateau qui relie le versant oriental de monts dits du Lyonnais au massif du Mont-d’Or. Entre ce bourrelet et le plateau règne une étroite dépression demi-circulaire, à deux pentes opposées, par où s’écoulent au nord, à Vaise, dans la Saône, le ruisseau des Planches ou dEcully, au sud à Oullins, dans le Rhône, la rivière dIseron. C’est cette dépression qu’ont été forcés de franchir par le moyen de siphons, pour arriver à Fourvière, les quatre aqueducs romains (V. Pl. II, carte nouvelle à la fin du volume).

Le Rhône, aussitôt son coude formé, entre dans Lyon presque parallèlement à la Saône, se rapproche d’elle insensiblement, et la saisit au sortir de la ville, un peu avant Oullins. Après avoir suivi, d’Oullins à Givors, une seconde ligne de collines de formation quartenaire séparées, comme la première, du plateau lyonnais par l’extrémité d’une vallée, celle du Garon, et après avoir reçu l’apport de cette rivière et celui du Gier, le fleuve passe au pied du massif granitique du Mont Pilat, haut et puissant contrefort des Cévennes, formant trait d’union entre cette chaîne et les chaînons plus modestes du Jarez et du Lyonnais. Entre ceux-ci et le Pilat s’ouvre seulement l’étroite vallée du Gier, dont le fond et les bords, dans sa partie moyenne, sont constitués par le terrain houiller.

La région lyonnaise proprement dite s’arrête au sud à cette vallée. Au nord, elle est limitée, à la hauteur d’Anse-sur-Saône, par une dépression qui existe entre le Mont-d’Or, les monts du Lyonnais et le plateau intermédiaire d’une part, les monts du Beaujolais d’autre part. À cette dépression aboutissent, d’un côté, la vallée de l’Azergue, limite du Beaujolais, et celle de son affluent la Turdine[1] de l’autre celle de la Brévenne, autre affluent de l’Azergue, qui longe le versant occidental des monts du Lyonnais, et un peu au delà de laquelle commence la région forézienne.

Tous ces cours d’eau, en particulier Brévenne, Izeron, Garon et Gier, reçoivent un nombre considérable d’affluents. Ceux de la Brévenne, sur la rive droite que côtoie l’aqueduc romain, sont multiples, mais individuellement peu importants : un des principaux est l’Orgeolle, dont nous aurons à nous occuper spécialement. L’Iseron a pour tributaire le Ratier, appelé aussi ruisseau de Charbonnières ou ruisseau d’Alaï, grossi du ruisseau de Méginan et du Mercier, ou ruisseau de Saint-Genis-les-Ollières. Dans le Garon se jettent le Faron et le Merdançon. Le Mornantet est un ruisseau presque indépendant qui n’aboutit au Garon que tout près de son embouchure, au-dessus de Givors. Parmi les affluents du Gier qui descendent des monts du Jarez, sont à noter le Bosançon, formé de deux branches, petit et grand Bosançon; le Feloing, la Durèze, qui aboutissent, l’un à Rive-de-Gier, l’autre un peu en amont (celle dernière reçoit, près du village de Chagnon, le Trévin et le Feuillet) ; le ruisseau des Arcs ; et enfin le Janon, qui, venant de Terrenoire, rejoint le Gier à Saint-Chamond, après avoir reçu le Langonan. Quant aux affluents de rive droite du Gier, le seul intéressant pour nous est le Ban qui, descendant comme lui des sommets du Pilat, s’y jette avant la prise d’eau des Romains.

Le massif du Mont-d’Or. — Il n’a pas été question jusqu’ici des cours d’eau du Mont-d’Or, qui forment un groupe à part comme le massif dont ils sont issus, trop voisin de la Saône pour donner naissance à de grosses rivières. Mais ce massif est tout échancré de profondes et pittoresques vallées, au fond desquelles des sources nombreuses font jaillir de clairs ruisseaux, entre autres le Toux, les deux ruisseaux d’Arche, dont l’un dit de Roche-Cardon, et celui de Limonest. Ajoutons-y, comme tributaire également de la Saône, le ruisseau des Planches, dont il a été fait mention plus haut, et qui descend, non du Mont-d’Or, mais des hauteurs de Dardilly, appartenant au plateau intermédiaire entre le Mont-d’Or et les monts du Lyonnais.

Le Mont-d’Or est à part aussi à cause de sa constitution géologique, toute différente de celle des autres montagnes d’où découlent les rivières et ruisseaux ci-dessus énumérés. Ce sont, en effet, des roches primitives, c’est-à-dire des gneiss et des micaschistes qui forment la masse principale des montagnes de la région lyonnaise, c’est-à-dire les chaînes de Riverie, Duerne, Iseron, Sourcieux, comme aussi le versant nord du Pilat. Ces roches primitives sont traversées çà et là par des bandes ou des recouvrements de granit, tels que la traînée de granit porphyroïde qui part de la rive droite de la Brévenne entre Courzieu et Chevinay, et va se terminer contre les flancs du Mont-d’Or à Limonest, en englobant les hauteurs de Saint-Bonnet, les pentes de Pollionnay, la vallée de Charbonnières et le plateau de Dardilly ; tels aussi que le granit syénitique des environs de Tarare. Mais le massif du Mont-d’Or se distingue en ce qu’il est tout entier de formation sédimentaire, de l’époque jurassique. On y trouve presque tous les étages de cette période : l’infra-lias, représenté par des bandes de marne et d’argile plus ou moins ferrugineuse, des calcaires magnésiens jaunes ou rouges, au nord du mont Verdun, et aux alentours de Saint-Didier et de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or ; le sinémurien, avec ses calcaires à gryphées arquées, donnant une assez bonne pierre de taille qui est exploitée en grand dans les carrières de Saint-Fortunat (vallon d’Arche) ; le lias, à calcaires généralement marneux et ferrugineux, jaunâtres ou rougeâtres, dans cette même région ; le toarcien, à calcaire oolithique formant, à mi-hauteur du mont Cindre, du mont Toux et du mont Verdun, une ceinture de faible largeur, mais très continue : enfin, le calcaire à entroques du bajocien, exploité dans la carrière de Couzon. Seuls les étages supérieurs, bathionien, oxfordien, kimméridien et portlandien font défaut.

Qualité des eaux des montagnes lyonnaises. — Les eaux du Mont-d’Or, parmi toutes celles qui alimentaient les anciens aqueducs de Lyon, étaient seules susceptibles de former quelques dépôts ; encore ces dépôts étaient-ils peu considérables, ainsi que nous le constaterons. Toutes les eaux issues de terrains calcaires en donnent un peu. La composition de celles-ci n’en est nullement altérée. Elles sont, comme toutes les autres qui ont été captées pour Lugdunum, très pures, très fraîches, bien aérées et très agréables à boire.

L’analyse chimique, l’examen microscopique des dépôts, ainsi que l’analyse bactériologique, ont prouvé effectivement que ces eaux des montagnes du Lyonnais étaient d’une exceptionnelle qualité. D’après la classification générale des eaux, actuellement adoptée par le Comité consultatif d’hygiène de France, et reproduite ci-après, on verra que celles du Gier, dont je fournis une analyse par comparaison, recueillies à leur descente des sommets du Mont Pilat, peuvent être classées parmi les plus pures qui soient.

DÉSIGNATION
DES ÉLÉMENTS
EAU
PURE
EAU
POTABLE
EAU
SUSPECTE
EAU
MAUVAISE
Degré hydrotimétrique total 0° à 15° 15° à 30° plus de 30° plus de 100°
—— —— après ébullition 2° à 5° 5° à 12° 12° à 18° —— 20°
Chlore, par litre moins de 15mgr moins de 20mgr 50 à 100mgr —— 100mgr
Acide sulfurique, par litre 2 à 5mgr 5 à 30mgr plus de 30mgr —— 50mgr
Mat. organiques en milligr. p. lit. moins de 1mgr moins de 2mgr de 3 à 4mgr —— 4mgr
Produits volatils au rouge sombre —— 15mgr moins de 40mgr 40 à 70mgr —— 70mgr
Nombre de bactéries p.centim² —— 1.000 1.000 à 5.000 plus de 10.000 —— 100.000

D’après l’analyse faite en 1866, des eaux du Gier à leur source, voici leur composition[2] :

Acide sulfurique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0g,00354

Acide chlorhydrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0,00500

Acide silicique, et résidus insolubles dans l’eau. 0,14900

Chaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0,01250

Magnésie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . traces

Alcalis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0,02406

Matières organiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . traces

(moins de 1 mg.)

Cette analyse ne donne pas le degré hydrotimétrique ; mais comme on sait qu’un degré hydrotimétrique correspond à 0g,0067 de chaux, on en conclut que 0g,01250 représente à l’hydrotimètre 2g,193. Le nombre de bactéries n’a pas été recherché non plus en 1866. Mais il est certain, d’après la quantité absolument minime de matières organiques, et d’après l’opinion de plusieurs médecins consultés à ce sujet, que ce nombre est fort au-dessous de 1.000 par centimètre cube.

Voici les résultats obtenus à l’hydrotimètre en 1859, par M. Seeligmann[3], pour les affluents de la Brévenne et pour le Gier, d’une part ; d’autre part, pour le Rhône, la Saône, la Seine ; j’y joins le degré pour les eaux d’aqueducs alimentant actuellement Paris :

Ruisseau de l’Orgeolle (origine de l’aqueduc romain de la Brévenne). . . . . . 2°

—————— du Rossand (affluent de la Brévenne, près de Montromand) . . 0°,75

—————— de la Barge ——————   ——————                   0°,75

—————— du Sotison —————— près de Courzieu. . . . . . . . . . . 2°

Source du Gier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2°

Rhône, à Lyon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13°

Saône, ———. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15°

Seine, à Paris. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17,7°

Aqueduc de la Vanne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19,8°

————— de la Dhuis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24,6°

————— de l’Avre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15°

Suivant Boussingault, une eau potable doit contenir par litre, pour être, comme on dit, aérée, de 20 à 50 centimètres cubes d’un mélange gazeux composé d’oxygène, d’azote et d’acide carbonique. La proportion d’oxygène doit y être supérieure à celle que contient l’air atmosphérique ; quant à l’acide carbonique, une bonne eau en contient presque toujours une petite proportion, 5 à 10 % du mélange gazeux, ce qui relève un peu la saveur du liquide. La dose d’ammoniaque ne doit pas dépasser un milligramme par litre ; les carbures et l’hydrogène sulfuré doivent en être totalement absents. Or, un litre d’eau du ruisseau de l’Orgeolle (origine de l’aqueduc de La Brévenne) renferme[4] :

Oxygène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 cent. cubes
Azote . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,15 cent. cubes
Acide carbonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1cc,5

La proportion est conforme à la règle ci-dessus, puisqu’elle est de 2/5 d’oxygène pour 1 d’azote, 7 % d’acide carbonique[5]. L’eau du Gier contiendrait une proportion d’oxygène un peu plus forte. Ce sont donc là des eaux parfaitement aérées[6].

Régime hydrologique actuel du Lyonnais. — Nous chercherons plus loin à déterminer le débit des divers aqueducs antiques de Lyon au moyen des éléments fournis par l’observation des conduites elles-mêmes. Mais il est une méthode d’évaluation a priori, à la vérité seulement approximative, et même d’autant moins exacte que nous ne nous trouvons plus tout à fait dans les conditions climatologiques et hydrologiques d’autrefois ; méthode que l’on peut essayer pourtant à titre de comparaison ou de contrôle, puisque aussi bien les Romains ont dû l’employer, et qu’elle nous permet de reprendre, dès le début, toutes les phases de leur travail. C’est de considérer le débit des cours d’eau que l’on se proposait, alors d’utiliser pour ces aqueducs. La première question qui se pose en effet à l’origine de tout projet d’adduction d’eau est celle-ci : telle rivière, telle source donnant une eau de la qualité voulue, quelle quantité cette rivière ou cette source peut-elle en fournir ? C’est sur cette évaluation que l’on se guide pour déterminer les dimensions de la conduite et des réservoirs.

Le climat de Lyon est généralement assez pluvieux. Sur les montagnes d’où s’échappent les cours d’eau en question, la neige tombe en abondance pendant plusieurs périodes de l’hiver, qui se répartissent du mois de décembre au mois d’avril dans les années normales, et quelquefois de novembre à mai ; les sommets et les versants du Pilat surtout en reçoivent et en conservent des couches épaisses. On a souvent aussi de longues pluies de printemps et d’automne. Les orages d’été y déversent également des masses d’eau considérables, mais d’une façon irrégulière, très variable suivant les années. En consultant les statistiques que fournissent les udomètres installés en de nombreux points de la région, on constate ce qui suit :

1o La hauteur d’eau tombée annuellement varie suivant les altitudes ; elle est de 0m,50 à 1 mètre dans les régions basses (100 à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer), de 1 mètre à 1m,50 dans les régions élevées (au-dessus de 500 mètres). Or, les sommets du Mont Pilât ont de 1.200 à 1.400 mètres d’altitude, ceux des monts du Jarez et du Lyonnais 700 à 900 mètres, ceux du Mont-d’Or de 500 à 600 mètres. Les sources d’où s’échappait l’eau captée par les aqueducs romains, étant à peu près toutes dans les zones élevées, pouvaient, donc, en admettant que le sous-sol fût à même de s’imprégner suffisamment, faire de copieuses provisions.

2o Les pluies d’été, comme il est dit plus haut, souvent abondantes, font en d’autres années presque complètement défaut. D’ailleurs, quelles que soient leur fréquence et leur importance, ces pluies d’été s’écoulent toujours à présent de façon torrentielle, et ne suffisent pas à assurer aux cours d’eau la régularité d’un fort débit. Le Gier, par exemple, au-dessus d’Izieux, grossi de la rivière du Ban, n’a, pendant trois mois, qu’un débit moyen de 80 à 100 litres par seconde[7], qui s’est réduit, lors de certains étés exceptionnellement secs, à 20 litres.

3o Mais d’autre part, ces montagnes, tout en étant encore relativement bien garnies de végétation, ont été, sans aucun doute, considérablement déboisées depuis l’époque gallo-romaine. Elles devaient alors être entièrement revêtues d’épaisses forêts, ce qui donnait beaucoup plus de richesse et de constance au régime des eaux. Débit actuel des cours d’eau utilisés pour Lyon à l’époque romaine. Débit des quatre aqueducs estimé a priori. — Voici en tous cas quelques renseignements sur les débits actuels des rivières et ruisseaux que les Romains avaient captés pour Lugdunum.

D’après les calculs faits en 1864 à l’occasion du projet de barrage-réservoir sur le Ban, affluent du Gier, pour la ville de Saint-Chamond[8], cette rivière amène au barrage un volume annuel de près de neuf millions de mètres cubes[9], soit près de 25.000 mètres cubes en moyenne par 24 heures. Le débit du Gier, avant la réunion des deux cours d’eau, est sensiblement le même.

Les statistiques officielles du département du Rhône, que l’obligeance de M. l’ingénieur en chef des ponts et chaussées m’a permis de consulter, indiquent pour la rivière d’Iseron à son embouchure un débit moyen de 0mc,260 soit par 34 heures 22.464mc ; pour la Brévenne, avant sa jonction avec la Turdine 0mc,132, soit par 24 heures 11.406mc. Quant aux ruisseaux descendant du Mont-d’Or, ils ont, comme débit par seconde en temps ordinaire, d’après ces mêmes statistiques :

Ruisseau du Toux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0mc,011
Ruisseau de Saint-Romain (1er ruisseau d’Arche) . . . . . . .0mc,013
Ruisseau du Pomet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0mc,005
Ruisseaux de Roche-Cardon (2e d’Arche) et de Limonest . 0mc,020
                                              TOTAL . . . . . . . . . . . . . . 0mc,049

soit par 4.233mc.

En additionnant ces débits, du Gier en amont d’Izieux, de la Brévenne en amont de la Turdine, de l’Iseron à son embouchure et des ruisseaux du Mont-d’Or, on arrive aux alentours de 80.000. mètres cubes. Ce chiffre nous donne une idée, mais une idée seulement, de ce qui pouvait être recueilli par les aqueducs romains. Il faut faire les remarques suivantes :

1o Comme il est dit ci-dessus, les débits moyens, en raison de la végétation, étaient alors beaucoup plus considérables. Nous n’avons, à vrai dire, sur ce point, aucune donnée précise. Mais on n’exagérerait probablement pas en les supposant doubles de ceux d’aujourd’hui. D’autre part, l’aqueduc du Gier, comme nous le verrons, ne prenait pas seulement les eaux de cette rivière au-dessus d’Izieux, mais celles du Janon, du Langonan et des ruisseaux de la vallée de Chagnon, ce qui devait bien augmenter son débit de près d’un tiers.

2o Mais, en revanche, l’aqueduc de la Brévenne récoltait seulement les affluents de rive droite de cette rivière, et l’aqueduc de Craponne seulement les affluents de rive gauche de l’Iseron. Enfin, on laissait bien s’écouler une certaine quantité d’eau dans le lit des rivières.

Il y a donc une sorte de compensation qui ramène aux alentours du chiffre indiqué plus haut. On se tiendrait dans des limites vraisemblables en estimant ainsi à priori entre 50 et 100.000 mètres cubes par jour le volume d’eau que pouvaient fournir ensemble les quatre aqueducs antiques de Lyon.

  1. En réalité, la Turdine se jette, non pas directement dans l’Azergue, mais dans la Brévenne, à l’Arbresle, très peu en amont de l’embouchure de ce dernier cours d’eau.
  2. Le tableau ci-dessous donne le résultat moyen des analyses effectuées en 1892 et 1893 par MM. Albert Lévy et P. Miquel pour les eaux de Paris (Milligrammes par litre).
    DRUIN AVRE VANNE SEINE
    Matière organique, en oxygène 1 0,4 0,4 2,8
    Carbonate alcalinoterreux, en acide carb. 99,50 89,00 71,30 81,00
    Acide carbonique demi-combiné 90,00 81,7 60,6 75,3
    —— sulfurique 7,4 2,7 6 10,3
    —— azotique 13,00 11,9 10,4 9,00
    Chlore —— 7,7 5,00 16,00 6,3
    Silice —— 11,9 10,00 15,2 7,8
    Chaux —— 113 114 95 103,8
    Magnésie 14,7 2 4,2 5
    Fer et alumine 1 0,7 0,7 1,1
    Potassium 0,9 1,7 0,6 3,9
    Sodium 6 3,7 6,2 5,4
  3. Essai chimique sur les eaux potables, approprié aux eaux de la ville de Lyon, publié dans les Annales des Sciences physiques et naturelles, d’Agriculture et d’Industrie de Lyon.
  4. Seeligmann, ouvr. cit.
  5. L’air atmosphérique contient 79 % d’azote et 21 % d’oxygène avec des traces (quelques dix-millièmes) d’acide carbonique. Le rapport O/Az est donc de 1/5 au lieu de 2/5 que nous constatons ici pour le gaz contenu dans l’eau de L’Orgeolle, conformément aux indications de Boussingault.
  6. On n’y trouve aucun autre élément gazeux, c’est-à-dire ni ammoniaque, ni sulfure ou carbure d’hydrogène.
  7. V. la note 1 de la page suivante.
  8. Ces calculs figurent dans un rapport de M. Adrien de Montgolfier, directeur général de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt, à cette époque ingénieur des Ponts et Chaussées du département de la Loire, et auteur du projet.
  9. Exactement 8.832.000 mètres cubes.