Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ABBÉ (l') roman de Walter Scott

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 15).

Abbé (L’), roman de Walter-Scott, dont le sujet est l’évasion de Marie Stuart du château de Lochleven. L’abbé Ambroise, qui donne son nom au roman, ne joue qu’un rôle secondaire dans l’action ; le véritable héros est Roland Græme, orphelin recueilli et élevé par la reine d’Écosse. L’auteur revient ici à l’histoire de ce pays vers la fin du xvie siècle. Il représente non plus la lutte politique de deux races rivales et hostiles, mais le choc non moins opiniâtre de deux croyances religieuses, animées du même fanatisme, tour à tour persécutées et intolérantes. Il décrit la réaction presbytérienne contre le catholicisme sous la minorité orageuse de Jacques Ier, et il a tiré un merveilleux parti de toutes les ressources que lui offrait un pareil sujet, quoiqu’il ne se pique pas d’une grande exactitude historique, et qu’il subordonne ordinairement la réalité à l’effet dramatique de ses tableaux. Mais le romancier a su reproduire avec beaucoup d’habileté le mélange de courage et de faiblesse, de fierté et de coquetterie, et surtout cet incorrigible penchant à l’épigramme, qui forment un des traits saillants du caractère de Marie Stuart. Nulle part aussi l’abaissement où était tombé le clergé catholique n’a été retracé avec plus de vigueur et d’énergie. Parmi les scènes principales du roman, nous citerons surtout l’abdication de Marie Stuart, la tentative infructueuse d’évasion, le délire soudain de la reine, sa fuite du château de Lochleven et la description de la bataille de Langside. Toutefois, les caractères, excepté celui de la reine, sont moins habilement tracés que dans quelques autres productions de l’auteur ; le héros, quoique naturellement impétueux, est un jeune homme faible, irrésolu et capricieux. De plus, le dénouement est imparfait, ou plutôt, il n’y a point de dénouement. La fuite de Marie Stuart en Angleterre, après la déroute de son armée et la ruine de son parti, ne termine rien, et laisse dans la même perplexité sur le sort des autres personnages. L’Abbé paraît, en définitive, une brillante esquisse du genre épisodique plutôt qu’un beau roman.