Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Actes et paroles (victor hugo) (supplément)

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Administration du grand dictionnaire universel (16, part. 1p. 37).

Actes et paroles, par Victor Hugo (1875-1876, 3 vol. iu-8o). Ces trois volumes embrassent toute la vie publique du grand écrivain, de 1841 à 1875, ou, si l’on aime mieux, de sa réception k l’Académie française à son entrée au Sénat. Le recueil de ses discours le montre successivement k l’Académie, k la Chambre des pairs, dans les réunions électorales de 1848, k l’Assemblée constituante, k l’Assemblée législative, en exil après le 2 décembre et continuant son rôle politique soit par des manifestes, soit par d’éloquents discours prononcés sur les tombes des proscrits. Enfin, rentré en France k la chute de l’Empire, il prend la parole en maintes occasions graves, h Paris, k Bordeaux et à Bruxelles. L’ouvrage entier se divise naturellement en trois séries : Avant l’exil, Pendant l’exil, Depuis l’exil, qui sont les sous-titres de chacun des trois volumes.

Avant l’exil est précédé d’une introduction intitulée : le Droit et la loi. C’est un morceau capital, et qui sert bien de frontispice k ces discours prononcés dans les séances orageuses de la Constituante et de la Législative, à ces plaidoyers pour l’abolition de la peine de mort, k ces protestations pour la Pologne, pour la liberté de la presse, centre la proscription, contre la déportation, qui remplissent tout le volume, et dans lesquels V. Hugo se montre si ardent défenseur du droit contre la loi. Cette formule, qui au premier abord pourrait sembler obscure, avait besoin d’être expliquée, commentée. V. Hugo l’a fait en termes magnifiques : à Toute l’éloquence humaine, dans toutes les assemblées de tous les peuples et de tous les temps, peut se résumer en ceci ; la querelle du droit contre la loi. Cette querelle, et c’est là tout le phénomène du progrès, tend de plus en plus k décroître. Le jour où elle cessera, la civilisation toucher* à son apogée, la jonction sera faite entre ce qui doit être et ce qui est.. Le droit et la loi, telles sont les deux forces ; de leur accord naît l’ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes. Le droit fiarle et commande du sommet des vérités : a loi réplique du fond des réalités ; le droit se meut dans le juste, la lui se meut dans le possible ; le droit est divin, la loi est terrestre. Ainsi la liberté, c’est le droit ; la société, c’est la loi.

L’inviolabilité de la vie humaine, la liberté, la paix, rien d’indissoluble, rien d’irrévocable, rien d’irréparable : tel est le droit.

t L’échaf’uud, le glaive et le sceptre, la guerre, toutes les variétés de joug, depuis le nmriage sans le divorce dans la famille jusqu’à l’état de siège dans la cité : telle es la loi.

Le droit : aller et venir, vendre, échanger.

« La loi : douane, octroi, frontière.

« Le droit : l’instruction gratuite et obligatoire, sans empiétement sur la conscience de l’homme, embryonnaire dans l’enfant, c’est-à-dire l’instruction laïque.

« La loi : les ignorantins.

Le droit : la croyance libre.

> La loi : les religions d’État.

Le suffrage universel, le jury universel, c’est le droit ; le suffrage restreint, le jury trié, c’est la loi.

« La chose jugée, c’est la loi ; la justice, c’est le droit.

Mes *rez l’intervalle. »

Cette formule : Pro jure contra legem, a diciék V. Hugo, non-seulement ses plus beaux discours, mais ses plus belles œuvres littéraires ; on la retrouve au fond de Claude Gueux, des Misérables, de presque tous ses romans et de ses poèmes. Elle donne une sorte d’unité puissante k tout sou œuvre, si colossal et si touffu ; elle éclaire du même jour toutes les phases de sa carrière politique, malgré les variations, plus apparentes que réelles, du poète qui a passé du royalisme de ses