Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Attilius regulus (métastase)

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 897-898).
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Attilius Regulus, Attilio Regolo, titre de l’un des meilleurs drames de Métastase. Dans ce drame, le consul Régulus parle et agit avec l’héroïsme d’un vieux Romain. Tombé au pouvoir des Carthaginois, il est envoyé à Rome pour proposer l’échange des prisonniers. Prisonnier lui-même, il se considère comme indigne d’entrer dans la ville, dans sa propre maison. Introduit avec l’ambassadeur carthaginois dans le temple de Belloné, il refuse de s’asseoir à la place qu’il avait occupée comme consul ; son fils, par piété filiale, veut rester debout comme lui, et Régulus gémit de son peu de patriotisme. Puis, il s’oppose fortement à l’échange, et pourtant, si cet échange ne se fait pas, il a promis de retourner à Carthage, où l’attendent les plus cruels supplices. « Ces barbares, dit-il aux sénateurs, m’ont cru assez lâche pour vous trahir par crainte. Ah ! cet outrage est plus cruel que tous les tourments. Vengez-moi, sénateurs, etc. » Le consul Manlius lui répond : « Je ne sais de quel côté le péril est le plus grand, ou de ne pas suivre ton conseil, ou de perdre un citoyen capable de donner un si grand conseil. »

Régulus ne veut pas même embrasser les siens ; ce n’est pas de la tendresse qu’il demande à son fils Publius, c’est de la fermeté :

…… Dal tuo core
Prove lo vo di costanza, e non d’amore.

Il persuade aussi au Consul Manlius de le laisser retourner à Cartage, et celui-ci, enthousiasmé, s’écrie : « Oh ! grande âme ! quelle flamme de gloire, d’honneur, je sens courir dans mes veines en te parlant ! Oui, le cœur le plus timide, à ta parole, échangerait contre tes chaînes le sort d’un roi ! »

Quand son gendre Licinius et sa fille cherchent à le faire fuir, Régulus éclate : — « Tais-toi, ce n’est pas un Romain qui conseille une lâcheté ! Tais-toi, ce n’est pas ma fille celle qui n’a point de courage !… »

Et quand, au moment de se séparer pour toujours sa fille s’écrie : « Ah ! tu es père, tu me quittes, et pas même un soupir ! » Régulus répond : « Je suis père, et je serais indigne de l'être, si je laissais à mes enfants un exemple de lâcheté. »

La plèbe de Rome se soulève pour l’empêcher de partir ; mais il obtient que le peuple dépose les armes et « le laisse marcher à son triomphe. » Ensuite il prend congé du peuple et de Rome dans une apostrophe magnifique : « Conservez, s’écrie-t-il, conservez intact ce grand nom, et vous serez les arbitres de l’univers ; le monde entier deviendra romain. » Puis il invoque les divinités protectrices de Rome pour qu’elles conservent à la république les anciennes vertus romaines. Et si jamais la colère des dieux menaçait sa patrie, il appelle toutes les foudres sur sa tête.

On a reproché à Attilius Régulus un héroïsme exagéré, tout d’une pièce ; mais on pourrait répondre que ces grands efforts de vertu, si excessifs qu’ils soient, exercent du moins une influence salutaire sur les masses en élevant les esprits ; on ne pourrait pas en dire autant de la plupart de nos drames modernes.