Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BARBAROUX (Charles-Jean-Marie), conventionnel

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 1p. 207).

BARBAROUX (Charles-Jean-Marie), conventionnel, né à Marseille en 1767, était avocat dans cette ville lorsque la Révolution éclata. Il en embrassa les principes avec enthousiasme, et fut envoyé, en 1792, comme mandataire particulier de la ville de Marseille auprès de l’assemblée législative. Pendant son séjour à Paris, il se lia étroitement avec Roland, joua un rôle actif dans la révolution du 10 août et fut élu membre de la Convention par son département. Il n’avait alors que vingt-cinq ans, et il se jeta, avec la fougue de son âge et de son pays, dans le parti des girondins ; poursuivit de ses accusations Robespierre, Marat, les montagnards et la Commune de Paris ; flétrit les auteurs des massacres de septembre ; vota la mort de Louis XVI, mais en demandant l’appel au peuple, et fut proscrit, avec son parti, après le 31 mai. Il avait été secrétaire de la Convention et membre du comité de constitution et du comité de Salut public, à la création duquel il s’était opposé, ainsi qu’à celle du tribunal révolutionnaire. Arrêté un moment, il parvint à s’échapper, se rendit dans le Calvados, où il organisa, avec ses collègues, une insurrection fédéraliste, presque aussitôt réprimée ; alors il se réfugia d’abord à Bordeaux, puis dans un souterrain à Saint-Émilien. Obligé de quitter cet asile, et se voyant poursuivi, il se tira deux coups de pistolet, mais conserva encore assez de vie pour être décapité à Bordeaux, le 25 juin 1794. Il n’avait que vingt-sept ans. Ses Mémoires ont été publiés par son fils, dans la collection des frères Beaudoin (1822).

Jeune, beau, éloquent et courageux, Barbaroux a toujours excité un vif intérêt, augmenté encore par sa destinée tragique. Son intimité avec Mme Roland n’a pas échappé à la malignité publique. On trouve, en effet, dans les Mémoires de cette dame, un brillant portrait qui a paru inspiré par un sentiment plus tendre que l’amitié et la confraternité politique. Voici un passage de ce croquis, où, d’ailleurs, le modèle est un peu idéalisé.

« Barbaroux, dont les peintres ne dédaigneraient pas de prendre les traits pour une tête d’Antinoüs, actif, laborieux, franc et brave, avec toute la vivacité d’un jeune Marseillais, était destiné à devenir un homme de mérite et un citoyen aussi utile qu’éclairé. Amoureux de l’indépendance, fier de la Révolution, déjà nourri de connaissances, capable d’une longue attention avec l’habitude de s’appliquer, sensible à la gloire ; c’est un de ces sujets qu’un grand politique voudrait s’attacher, et qui devaient fleurir avec éclat dans une république heureuse. Mais qui oserait prévoir jusqu’à quel point l’injustice prématurée, la proscription, le malheur, peuvent comprimer une telle âme et flétrir ses belles qualités ? Les succès modérés auraient soutenu Barbaroux dans la carrière, parce qu’il aime la réputation et qu’il a toutes les facultés nécessaires pour s’en faire une très-honorable. Mais l’amour du plaisir est à côté ; s’il prend une fois la place de la gloire, à la suite du dépit des obstacles ou du dégoût des revers, il affaissera une trempe excellente et lui fera trahir sa noble destination… »

Comme on le voit, ce passage n’a rien de décisif. Outre qu’il contient quelques réserves, il y règne un ton tranquille qui ne s’accorde pas avec les enthousiasmes du cœur. D’ailleurs, tous les girondins sont aussi bien traités par Mme Roland, du moins tous ceux qui formaient son cercle et subissaient son influence ; de même que tous leurs adversaires sont représentés sous des traits horribles. La muse de la Gironde était femme ; elle était artiste et scribe ; elle était sectaire ; de là son exclusivisme et sa partialité. D’ailleurs, aucun doute n’est plus possible sur ce problème de sa vie intime : le voile est aujourd’hui déchiré ; des documents récemment découverts nous donnent la preuve irrécusable qu’elle aimait ailleurs. V. Buzot, et Roland (Mme).

Pendant son séjour à Caen, Barbaroux avait vu Charlotte Corday, qui s’était enflammée au contact des girondins proscrits, et qui vraisemblablement n’avait pas été insensible à la beauté de l’Antinoüs du parti, comme le prouve la lettre qu’elle lui écrivit la veille de sa mort. Mais il est extrêmement probable que lui-même ne se douta point du sentiment qu’il avait, suivant toutes les apparences, inspiré à cette femme extraordinaire. Quant à des excitations directes de sa part, ou de celle de ses amis, au meurtre de Marat, il n’est pas nécessaire de réfuter cette vieille assertion, qui est tout simplement absurde et ne repose sur aucun fondement. V. Corday.