Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BATAVES, ancien peuple germanique

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 1p. 351).

BATAVES, ancien peuple germanique, qui, par suite de troubles intérieurs, vint se fixer, longtemps avant César, aux embouchures du Rhin. Le centre principal du pays où ils s’établirent était l’insula Batavorvm (île des Bataves), décrite par César et qui avait pour limites la Meuse, l’Océan et l’embouchure occidentale du Rhin. Outre cette île, et à une époque postérieure, tout le pays situé plus au nord, depuis l’Yssel et le lac Flevus (Sudersée) jusqu’à la mer, fut compris, dans une acception plus étendue, sous le nom de Batavia, lorsque Drusus eut changé l’embouchure du Rhin par sa fameuse Fossa Drusiana, canal qui devint l’embouchure principale de ce fleuve,

« Les Bataves, dit Tacite, sont Cattes d’origine, et ils quittèrent leur pays à la suite d’une guerre civile, pour s’avancer vers l’Océan. Les Romains ne les chargent pas de taille et d’impôts ; ils les réservent pour le combat, comme le fer et les armes. » D’après quelques récits fabuleux ou légendaires, un certain Batos aurait été, lors de l’émigration, le chef des Bataves, auxquels il aurait donné son nom ; quelques poètes hollandais l’ont pris même pour héros de leurs fictions. Malgré ces fictions poétiques, quelques écrivains pensent que les Bataves portaient d’abord le nom de Batti, auquel on joignit, après leur émigration dans les marécages du Rhin, la syllabe aw, qui signifiait eaux et marécages. Le pays où ils vinrent s’établir était désert, et on conjecture que ses premiers habitants s’étaient joints aux Cimbres et aux Teutons lorsque ceux-ci se présentèrent vers le Midi. V. Bataves (île des).

Au point de vue religieux, moral et politique, les Bataves devaient ressembler beaucoup aux peuples de la Germanie, dont ils tiraient leur origine. Les auteurs latins, qui seuls peuvent nous renseigner sur les peuplades germaniques, rendent unanimement témoignage à la bravoure des Bataves ; leur cavalerie surtout, armée à la légère et habituée à traverser les fleuves à la nage, fut très-utile aux Romains dans leurs guerres. Les Bataves n’avaient point de rois, mais des chefs d’armée (duces), élevés sur le pavois par une élection unanime, et des familles plus éminentes que les autres, parce que la gloire des ancêtres passait de ceux-ci à leurs descendants ; Outre les armes dont se servaient les autres peuples germaniques, ils avaient des machines de siège, des échelles pour escalader les murs, et même des tours mobiles qui servaient à la défense de leurs remparts ; ils se servaient aussi de javelots et d’arcs, que ne connaissaient pas les autres tribus germaniques. Ils plaçaient des oiseaux et d’autres ornements sur leurs casques, et, pour musique militaire, se servaient d’une espèce de cor de chasse. Les Caninéfates, une des tribus bataves, étaient particulièrement puissants sur mer, et il y avait un grand nombre de Bataves parmi les matelots que les Romains entretenaient sur le Rhin.

La ville éternelle faisait encore plus de cas des Bataves que des autres Germains, à cause de leur haute stature et de leur blonde chevelure ; aussi les cosmétiques destinés à teindre en blond les noirs cheveux des Romains s’appelaient-ils crème batave.

L’histoire de ce peuple, comme celle de tous les peuples de l’Europe septentrionale, nous est tout à fait inconnue avant la conquête romaine ; mais quand Rome eut étendu sa puissance sur les Gaules et sur une partie de la Germanie, les Bataves jouèrent un rôle important dans la vie militaire de l’empire romain. Ce furent des cohortes bataves qui, rangées sous les drapeaux de César, firent les premières charges à cette grande bataille de Pharsale, qui assura la victoire de César sur Pompée. À la bataille d’Actium, ils se trouvaient aussi sur la flotte romaine, et les empereurs avaient tant d’estime pour eux qu’ils les admettaient dans les cohortes prétoriennes, chargées de veiller à la sûreté de leur personne. Enfin, quand Agricola soumit la Grande-Bretagne, les Bataves l’aidèrent puissamment dans la conquête de ce pays. Plus tard, traités en esclaves par les lieutenants romains envoyés dans leur pays, ils profitèrent des dissensions intestines des Romains pour recouvrer leur indépendance. Après la mort de Néron, un des principaux de leur nation, Civilis, se mit à leur tête ; il fut l’âme de cette insurrection gallo-romaine qui, au nom de Vitellius, prit les armes contre Vespasien, et dont le but était d’établir un empire gaulois, ou indépendant de Rome, ou maître de la ville éternelle. Vespasien, délivré de Vitellius, eut besoin d’une année encore pour comprimer la révolte et forcer les Bataves à accepter une paix honorable. Ce peuple resta longtemps ensuite allié fidèle du peuple romain. Septime-Sévère traita les Bataves avec la plus grande faveur, et ils contribuèrent beaucoup à la victoire que Julien, surnommé l’Apostat, remporta près de Strasbourg. Ils rendirent, plus tard encore, de grands services à l’empereur Théodose, et passèrent enfin sous la domination des Francs. Sous les Mérovingiens, ils furent rattachés de nom au royaume d’Austrasie ; sous les Carlovingiens, les anciens noms disparurent, et tous les pays eurent des ducs ou des comtes. L’île des Bataves, centre de leur résidence, fit partie, sous diverses appellations, des Pays-Bas. V. ce mot.