Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BEAUJEU (maison de)

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 2p. 436).

BEAUJEU (maison de). La ville de Beaujeu avec ses annexes, portant titre de baronnie, était possédée par les comtes de Lyon et de Forez, sous le règne des successeurs de Charlemagne. Guillaume II, comte du Lyonnais vers 890, fit du Beaujolais l’apanage de la branche cadette de sa maison, branche qui finit dans sa postérité mâle avec Guichard, cinquième du nom, sire de Beaujeu, mort en 1265, laissant pour héritière Isabeau de Beaujeu, sa sœur, qui avait épousé en secondes noces Renaud, comte de Forez. Elle eut de ce mariage plusieurs fils, dont l’un a continué la ligne des comtes de Forez, et dont un autre, Louis, a formé une nouvelle maison de Beaujeu. Ce dernier, marié à Aliénor de Savoie en 1270, eut pour fils Guichard VI, dont la descendance, en ligne de primogéniture, s’éteignit en 1374, en la personne d’Antoine, sire de Beaujeu, fils d’Édouard de Beaujeu, maréchal de France, tué au combat d’Ardres. Guichard VII, un des fils de Guichard VI, forma une branche collatérale, dite des seigneurs de Perreux. Son fils Édouard de Beaujeu, seigneur de Perreux, recueillit la succession de son cousin Antoine, de la ligne directe. N’ayant pas d’enfants, il fit don, en 1400, de ses possessions à Louis II de Bourbon. La baronnie de Beaujeu resta dans la maison de Bourbon jusqu’en 1522, époque où, confisquée sur le connétable de Bourbon, elle fut donnée à Louise de Savoie, mère de François Ier, par le roi François II. Réunie à la couronne en 1531, elle fut rendue à la maison de Bourbon, d’où Marie de Montpensier la porta en dot à Gaston d’Orléans, dont la fille, Mademoiselle, la légua au frère de Louis XIV, dans la famille de qui elle est depuis restée. La baronnie de Beaujeu ou du Beaujolais fut érigée en comté en 1626.

La maison de Beaujeu comptait au nombre des premières baronnies de France, ainsi que l’indique ce passage du Grand coutumier : « Au royaume de France ne souloit avoir que trois baronnies, savoir : Bourbon, Coucy et Beaujeu. » Plusieurs sires de Beaujeu, barons de Beaujolais, ont joué un rôle important au moyen âge ; nous consacrons donc une notice biographique aux plus remarquables d’entre eux,

Humbert II sire de Beaujeu, succéda à son père Guichard III, mort en 1127, après avoir pris l’habit des religieux de Cluny. Humbert se livra d’abord à toutes sortes d’excès ; puis, afin d’expier ses fautes, il se rendit en Palestine et se fit templier. Alix, sa femme, protesta contre le vœu que venait de faire son mari, en appela au pape Eugène III, qui cassa le vœu, et Humbert revint dans sa baronnie. Le sire de Beaujeu recommença aussitôt à se livrer à toutes sortes de déprédations, à désoler les terres de ses voisins, et finit par s’emparer d’une partie de la Bresse. Il mourut au couvent de Cluny en 1174. — Humbert III, fils du précédent, mort vers 1202, acquit par mariage la seigneurie de Montpensier et fonda Villefranche, qui devint en 1532 la capitale du Beaujolais. Philippe-Auguste fut obligé d’intervenir en 1180 pour mettre un terme à ses agressions contre ses voisins, — Guichard IV, son fils, lui succéda vers 1202, et mourut à Douvres en 1216. Il se joignit en 1206 à Louis de France pour combattre contre les Albigeois, fut chargé en 1207, par Philippe—Auguste, d’une mission près du pape Innocent III et de l’empereur de Constantinople, en rapporta de grandes richesses, fonda à Villefranche le premier couvent de franciscains qu’ait eu la France, et mourut en Angleterre, où il avait accompagné le prince Louis dans son expédition contre ce pays. — Humbert IV, fils aîné du précédent, mort en 1250, joua un grand rôle sous Louis VIII et saint Louis. La grande part qu’il prit à la guerre des Albigeois lui valut d’être nommé par Louis VIII gouverneur de tout le pays, titre qui lui fut confirmé par saint Louis. Pendant son gouvernement, il prit le château de la Bessède (1227), et fit brûler vif Géraud de Mota, un des chefs albigeois, ravagea le comté de Foix et s’empara du château de Montech. Élevé en 1240 à la dignité de connétable, il alla en Orient soutenir l’empereur de Constantinople Baudouin II, et accompagna saint Louis à la croisade. Joinville parle à plusieurs reprises du connétable de Beaujeu, dont il vante à la fois la bravoure sur le champ de bataille et la sagesse dans les conseils. D’après une ancienne chronique, il mourut en Égypte. — Guichard V, fils du précédent, mort en 1285, fut élevé à la dignité de connétable de France comme son père. Il se distingua à la bataille de la Massoure (1250) et au siège de Tunis (1270), commanda l’armée envoyée au pape par Philippe III, lors du concile de Lyon, en 1274, puis il assista à la prise de Pampelune et à la réduction de la Navarre. Nommé connétable en 1277, il fut chargé d’un commandement dans le Languedoc, où il termina sa vie. — Guichard VI, surnommé le Grand, mort en 1331, hérita en 1290 de son père Louis, qui lui laissa le Beaujolais et une partie de la principauté de Dombes, où il battait monnaie. Il porta le titre de chambellan et de grand gouverneur sous Philippe le Bel, Louis le Hutin, Philippe le Long, Charles le Bel, Philippe de Valois. Il fut mêlé à une guerre que soutenait la maison de Valois contre les dauphins de Vienne, et fait prisonnier à la bataille de Saint-Jean-le-Vieux (1325). Mis en liberté en 1327, il accompagna en Flandre le roi Philippe VI, et commanda une partie de l’armée française à Cassel, où il se conduisit d’une façon brillante. — Édouard, sire de-Beaujeu, né en 1316, mort en 1351, était fils du précédent, et devint maréchal de France. Après avoir bataillé contre les musulmans, il fut chargé par Philippe de Valois d’aller reconnaître les forces de l’armée anglaise, qui venait de passer la Somme (1346). Contrairement à son avis, on donna la bataille dans la plaine de Crécy (1346). Après la déroute de l’armée française, il fut un des cinq gentilshommes qui accompagnèrent Philippe VI de Valois à Broye, puis à Amiens, où il rassembla les débris de son armée. Nommé maréchai de France l’année suivante, après la démission de son beau-frère, de Montmorency, il marcha au secours de Godefroy de Charay, gouverneur de Saint-Omer, surprit les Anglais à Ardres (1351), les tailla en pièces, fit prisonnier Aimeri de Pavie, et périt sur le champ de bataille, âgé seulement de trente-cinq ans. On voit son nom inscrit sur les tables de bronze du palais de Versailles. — Antoine, sire de Beaujeu, fils du précédent, mort en 1374, se signala par sa bravoure à la bataille de Cocherel (1364), accompagna en Guienne et en Espagne le célèbre Bertrand Duguesciin, et mourut sans postérité à Montpellier, laissant la seigneurie de Beaujeu et celle de Dombes à Édouard II de Beaujeu. — {sc|Édouard}} II, sire de Beaujeu et petit-fils de Guichard VI, se vit contester la succession d’Antoine par la sœur de ce dernier, Marguerite, femme de Jacques de Savoie, prince d’Achaïe. Après de longs démêlés, il finit par s’arranger avec Jacques de Savoie (1383) ; puis il fut attaqué en justice par Béatrix, veuve de son prédécesseur, dont il avait saisi le douaire. Ayant jeté par une fenêtre un huissier qui venait lui faire une citation, au sujet d’un rapt qu’il avait commis, il fut saisi par des troupes employées contre lui, et jeté en prison à Paris par l’ordre du parlement. Il n’échappa à une juste peine que grâce à Louis de Bourbon, auquel il acheta sa liberté moyennant la cession de ses domaines (1400) dans le cas où il mourrait sans enfants, ce qui eut lieu quelques semaines après. C’est pendant qu’Édouard était seigneur de Beaujolais que des bourgeois et des officiers de Villefranche rédigèrent une espèce de code, contenant les coutumes, immunités et libertés de la ville (1376). Un des articles de ce code, approuvé par Édouard, porte qu’il est permis aux maris de battre leurs femmes, jusqu’à la mort exclusivement. — Pierre II de Bourbon, connétable de France, né en 1439, mort en 1503, reçut en apanage (1475) le Beaujolais et le comté de Clermont. Ayant épousé la fille aînée de Louis XI, Anne de France, devenue célèbre sous le nom d’Anne de Beaujeu, il eut un grand pouvoir pendant la minorité de Charles VIII, car il gouverna conjointement avec sa femme, devenue régente. À la mort de son frère Jean, Pierre entra en possession de tous les biens de la branche aînée des Bourbons. Il n’avait qu’une fille, Suzanne, qu’il maria à Charles de Montpensier, devenu plus tard si célèbre sous le nom du connétable de Bourbon. Louis XII consentit à ce que les duchés de Bourbonnais et d’Auvergne, ainsi que le comté de Clermont, passassent à ce dernier, de telle sorte que, grâce à cette alliance, le futur connétable devint un des princes les plus riches de l’Europe.