Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BERRUGUETE (Alonzo), célèbre sculpteur, peintre et architecte espagnol

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 2p. 610).

BERRUGUETE (Alonzo), célèbre sculpteur, peintre et architecte espagnol, né vers 1480, dans le bourg de Paredes de Nava, près de Valladolid, mort à Alcala ou à Tolède en 1561. Il reçut les premières leçons de son père, Pedro Berruguete, peintre de Philippe Ier, qui travaillait dans la manière gothique. Il passa en Italie vers 1503, étudia à Florence sous la direction de Michel-Ange et copia le fameux carton de la Guerre de Pise, que cet illustre maître avait peint en concurrence avec Léonard de Vinci. En 1504, Berruguete suivit Michel-Ange à Rome et fut employé par lui aux travaux du Vatican. Après avoir appris à cette grande école les règles et la pratique des trois arts, il revint dans sa patrie, en 1520, nourri de fortes études et possédant un talent consommé. Il s’arrêta d’abord à Saragosse, où il exécuta, dans l’église de Santa-Engracia, un retable et le mausolée du vice-chancelier d’Aragon, don Antonio Agustin. Arrivé à Madrid, il fut bientôt distingué par Charles-Quint, qui le nomma son peintre et son sculpteur, et le fit plus tard son valet de chambre. Dès ce moment, Berruguete fut chargé des plus importants travaux. Comme architecte, il construisit, en totalité ou en partie, le vieil alcazar de Madrid, le nouveau palais de Grenade, le Pardo, le palais de l’archevêque de Tolède à Alcala, la cathédrale de Cuença, etc. Ses ouvrages de sculpture sont surtout nombreux à Tolède ; en 1539, il fut chargé par le chapitre de cette ville de sculpter, en compagnie de Philippe de Bourgogne, les soixante stalles du chœur de la cathédrale et celle de l’archevêque-primat ; il fit seul cette dernière, où il représenta la Transfiguration. En fait de peinture, il n’a guère exécuté que des retables : les plus remarquables se voient dans les églises de Tolède, de Valladolid et de Salamanque. Le musée royal de Madrid n’a pas de tableaux de cet artiste. Parmi les autres musées d’Europe, il n’y a guère que celui de Berlin qui ait de lui une Assomption. « La peinture de Berruguete est froide et sèche, mais terminée et expressive, dit M. Viardot. Du reste, la savante correction de son dessin, et sa connaissance approfondie des procédés de la peinture à l’huile, encore peu répandue en Espagne, lui donnèrent une influence considérable ; elles le placent, dans son pays, au premier rang des maîtres de l’art. C’est surtout dans la sculpture qu’il mérite pleinement cet éloge ; c’est là que brillent la grandeur des formes, la noblesse des caractères, la science anatomique et la vigueur de modelé d’un digne élève de Michel-Ange. » Berruguete acquit par son travail une fortune considérable. En 1559, il acheta de Philippe II la seigneurie du bourg de la Ventosa, qui est restée dans sa famille jusqu’à la fin du siècle dernier. — Son fils unique, Alonzo Berruguete y Pereda, qu’on appelle Berruguete le Jeune, l’aida dans ses derniers ouvrages de sculpture, et termina le mausolée du cardinal de Tavera, qui est dans l’hôpital de Saint-Jean-Baptiste, à Tolède. En parlant de ce chef-d’œuvre, auquel le vieux Berruguete travaillait encore avant de mourir, à l’âge de plus de quatre-vingts ans, Théophile Gautier a dit : « La terre cuite la plus souple et la plus facile n’a pas plus de liberté et de mollesse ; ce n’est pas sculpté, c’est pétri ! »