Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BONAPARTE (Caroline-Marie-Annonciade), troisième sœur de Napoléon

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 952).

BONAPARTE (Caroline-Marie-Annonciade), troisième sœur de Napoléon, née à Ajaccio le 25 mars 1782, avait à peine onze ans, lorsqu’elle quitta la Corse pour venir habiter Marseille. Elle y resta jusqu’en 1796, époque à laquelle Mme  Lætitia vint se fixer à Paris. Napoléon, qui l’aimait tendrement, lui fit épouser l’un de ses plus braves lieutenants, Joachim Murat, le 20 janvier de l’année 1800. Successivement grande-duchesse de Berg et de Clèves et placée sur le trône de Naples le 15 juillet 1808, Caroline se montra digne de sa haute position par son intelligence, ses talents, le tact fin qu’elle montra dans les affaires. Radieuse de grâce et de beauté, douée d’un esprit cultivé, elle exerça un grand ascendant sur son époux, suppléa aux qualités qui manquaient à ce vaillant soldat pour l’exercice de la souveraineté, et tint elle-même, en qualité de régente, les rênes de l’État avec une remarquable habileté. Son avènement au trône fut signalé par des actes de justice et d’humanité. Elle fit rappeler les exilés et rendre la liberté aux condamnés politiques. Prenant une part très-active au gouvernement du royaume, pendant un règne de sept années seulement, elle réalisa à Naples d’immenses progrès, fonda des établissements utiles qui subsistent encore, protégea les sciences, les lettres et les arts, appela à la direction des affaires des hommes éminents, et veilla avec sollicitude à l’extension de l’instruction populaire. Douée d’une grande fermeté d’âme et de caractère, on la vit, après le combat naval de Milucola, pour ranimer ses sujets, se promener impassible sur le quai de la Chiaja au milieu d’une pluie de boulets anglais. Chargée en 1810 par son frère d’organiser la maison de Marie-Louise, Caroline se rendit au-devant d’elle à Braunaw, mais ne tarda pas à s’aliéner ses bonnes grâces par ses prétentions orgueilleuses. Elle regarda comme un outrage d’avoir été obligée de porter le manteau de l’impératrice aux cérémonies du mariage, et retourna à Naples mal disposée contre la cour de Paris. Aussi, en 1813, lorsque la fortune commença à se lasser de favoriser Napoléon, caressa-t-elle l’ambition de Murat, qui rêvait la couronne des rois lombards et la souveraineté de la péninsule italique, et ne s’opposa-t-elle point aux traités des 6 et 11 janvier 1814, conclus avec l’Autriche et l’Angleterre, traités qui jetaient son mari dans les rangs ennemis de la France et de son bienfaiteur. Cette ingratitude révolta d’autant plus l’opinion publique que Caroline abandonnait son frère, elle qui n’avait eu qu’à se louer de lui, et cela au moment des revers, lorsque les membres de sa famille qui avaient eu le plus à se plaindre de son despotisme se rapprochaient de lui spontanément. Aussi Madame mère irritée ne voulait plus la voir et l’écrasa de ces énergiques et généreuses paroles:« Vous avez trahi votre bienfaiteur, votre frère ; il aurait fallu que votre mari passât sur votre cadavre avant d’arriver à une félonie pareille. » Joseph Bonaparte prétendit même que, chargée par le général Miollis d’une somme considérable pour l’empereur captif à l’île d’Elbe, elle négligea de la lui faire passer.

La défection de l’ancien volontaire de 1792 ne sauva pas son trône. Murat parut néanmoins revenir à de plus nobles sentiments; en 1815, il voulut seconder le retour de l’empereur, mais il fut battu et forcé de se réfugier en France. L’énergie de Caroline ne l’abandonna pas dans les péripéties de cette catastrophe. Victime de la trahison à son tour, menacée par les lazzaroni, dont elle essayait de réprimer les violences, et par les partisans de Ferdinand IV, elle stipula, avant de partir, avec le commodore Campbell, chef de la flotte anglaise, la conservation des propriétés de ses anciens sujets, et ne s’occupa de ses intérêts personnels qu’après avoir obtenu des garanties pour les intérêts du pays. Elle s’embarqua sur le Tremendous, vaisseau anglais, qui salua de vingt et un coups de canon le retour de Ferdinand. Au mépris de la capitulation, elle fut dépouillée de ses propriétés et emmenée prisonnière à Trieste avec ses quatre enfants, qu’elle avait été chercher à Gaëte. On lui permit de se fixer au château de Haimbourg, près de Vienne, où elle apprit par un journal la fin tragique de son malheureux époux, fusillé au château de Pizzo. Elle obtint plus tard l’autorisation d’habiter près de sa sœur Élisa, à Trieste, avec le titre de comtesse de Lipona, anagramme de Napoli, nom italien de Naples. Là elle éleva ses enfants avec peine, n’ayant plus aucune fortune, et épousa secrètement le général Macdonald, ancien ministre de son mari. En 1830, Madame mère étant tombée malade à Rome, la princesse Caroline alla la soigner, puis retourna à Trieste. Après la révolution de Juillet, ses deux fils, Achille et Lucien, se réfugièrent aux États-Unis, où ils embrassèrent la profession d’avocat, et elle revint en Italie, auprès de ses deux filles, la marquise de Pepoli et la comtesse de Rosponi. Caroline fit un voyage à Paris pour réclamer une indemnité au sujet de l’Élysée-Bourbon et du château de Neuilly, dont Murat avait été dépossédé par l’empereur sans compensation. Les chambres lui votèrent, le 2 juin 1838, une pension viagère de cent mille francs, dont elle ne jouit pas longtemps, car, à son retour de Paris, elle mourut à Florence d’un cancer à l’estomac, le 18 mai 1839, entre les bras de la comtesse de Rosponi et de Jérôme Bonaparte,

Née avec une tête forte, un esprit souple et délié, de la grâce, de l’amabilité, séduisante au delà de toute expression, il ne lui manquait que de savoir cacher son amour pour la domination. « C’était, dit M. de Talleyrand, la tête de Cromwell sur le corps d’une jolie femme. »

La princesse Caroline avait eu de son mariage avec Murat quatre enfants : 1° Napoléon-Achille-Charles-Louis Murat ; 2° Lætitia-Josèphe, née le 25 avril 1802, mariée au marquis de Pepoli à Bologne ; 3° Lucien-Charles-Joseph-François-Napoléon Murat; 4° Louise-Julie-Caroline, née le 22 mars 1805, mariée au comte de Rosponi, à Ravenne.