Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Buzot (François-Léonard-Nicolas), conventionnel girondin

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 4p. 1453).

BUZOT (François-Léonard-Nicolas), conventionnel girondin, né à Évreux le 1er mars 1760, mort en 1793. Il était avocat dans sa ville natale à l’époque de la Révolution. Nommé député du tiers aux états généraux, il siégea à la gauche et soutint, sinon avec éclat, au moins avec dévouement et dignité, la grande cause de la régénération nationale et de la liberté. Dès le 6 août, il proclama que les biens du clergé appartenaient à la nation. Le lendemain, il réclama le port d’armes pour tous les citoyens, s’opposa ensuite à un nouvel emprunt que sollicitait Necker, combattit le projet d’une loi martiale, fut élu secrétaire le 16 août 1790, et se prononça avec énergie, après la fuite du roi, pour la convocation d’une Convention nationale, vœu prématuré qui lui attira de vives attaques. Après la session de l’Assemblée constituante, il fut élu président du tribunal criminel de l’Eure, et, en septembre 1792, député à la Convention. L’un des chefs du parti de la Gironde, devenu le côté droit dans la nouvelle assemblée, Buzot en partagea toutes les préventions contre la Montagne et contre Paris, et il appela sur lui l’impopularité par l’âpreté de ses attaques. Dès les premiers jours de la session conventionnelle, il se joignit à Kersaint, Lasource, Louvet, Barbaroux, etc., pour dénoncer les prétendus projets de dictature de Robespierre, Danton et Marat, et se rendit surtout fameux par sa proposition d’une garde départementale destinée à protéger la Convention contre les anarchistes de la Commune et de la capitale. Cette garde devait se composer d’autant de fois quatre hommes d’infanterie et deux cavaliers qu’il y avait de représentants ; ces hommes seraient choisis par le conseil général de chaque département, le commandant nommé parla Convention. Le chiffre total de cette garde (moins de 5,000 hommes) n’avait rien de bien effrayant pour la population de Paris ; mais on fut particulièrement choqué de l’intention, des formes injurieuses de la proposition, de l’esprit du projet lui-même, qui représentait à la France la capitale de la Révolution comme un repaire de brigands. On sait que des préventions de cette nature se reproduisent à toutes les époques de tourmente politique, et que ces défiances injustes, et le plus souvent intéressées, éclosent toujours dans certains esprits réactionnaires qu’épouvante le patriotisme bien connu de la capitale ; enfin, que l’ambition de tous les pouvoirs absolus est de faire de Paris une sorte d’eunuque politique n’appartenant à aucune espèce et à aucun genre. Ni la Constituante ni la Législative n’avaient eu de garde particulière ; et cependant ces assemblées, continuellement menacées par le parti de la cour, étaient environnées de dangers réels. L’idée de donner une sorte de maison militaire à la grande assemblée démocratique, cette idée, venant du parti qui tout récemment avait fait décréter la dissolution de la garde constitutionnelle du roi, montrait bien le chemin que la Gironde avait fait dans les voies de la réaction. Par le talent et la renommée de ses membres, elle se croyait assurée d’exercer une influence prépondérante sur la Convention. Elle parvint à faire adopter en principe l’établissement de la fameuse garde ; mais cette mesure, d’ailleurs, ne fut jamais appliquée. Il y eut à ce sujet, dans la presse et à la tribune, de vives polémiques qui envenimèrent encore l’inimitié des deux partis. Buzot, homme probe, austère et sincèrement républicain, mais d’un esprit étroit, exclusif, et d’un caractère irascible, ne sut jamais faire à la paix publique le sacrifice de sa malencontreuse idée, dont l’application, d’ailleurs, n’eût probablement pas arrêté la marche ascendante de la Révolution ni assuré le triomphe des Girondins. Il la reproduisait sans cesse et la jetait impérieusement dans toutes les discussions : c’était son delenda Carthago. Le 23 octobre, il fit décréter la peine de mort contre les émigrés qui rentreraient en France, et le lendemain, la même peine contre quiconque proposerait le rétablissement de la royauté. Ce fut lui aussi qui demanda la déportation du duc d’Orléans et de ses fils. Ces petits détails, qu’il n’est pas inutile de rappeler, montrent que les mesures de terreur n’appartiennent pas toutes à la Montagne, comme on le croit trop généralement. Dans le procès du roi, Buzot partagea toutes les inconséquences de son parti. Il eût désiré sauver le monarque, ou tout au moins lui épargner l’échafaud. Il n’en vota pas moins la mort, mais demanda l’appel au peuple, puis le sursis à l’exécution. Suspendu de ses fonctions avec les meneurs de la Gironde, dans les journées des 31 mai-2 juin 1793, il s’échappa de Paris avec quelques-uns de ses collègues, se jeta dans la Normandie et devint un des organisateurs de cette insurrection fédéraliste qui échoua si misérablement, et à la suite de laquelle fut rendu contre lui le terrible décret de mise hors la loi. Il gagna ensuite la Gironde, où les fugitifs ne trouvèrent pas l’appui qu’ils avaient espéré, erra d’asile en asile, et se croyant sur le point d’être atteint, s’empoisonna, à ce qu’on croit, avec Pétion, près des bois de Saint-Émilion. Du moins, les cadavres de ces infortunés furent retrouvés le lendemain dans un champ, à demi dévorés par les loups. Buzot n’avait alors que trente-quatre ans. Il a laissé des Mémoires qui ont été publiés par Guadet en 1823,

Dans ses Mémoires, Mme Roland a tracé de Buzot un portrait qui contient les éloges les plus enthousiastes. Nous savons aujourd’hui qu’il était pour elle plus qu’un ami ; on a découvert en 1863 des lettres d’amour qu’elle lui adressait du fond de sa prison, et qui sont aujourd’hui à la Bibliothèque impériale. Elle a laissé également des témoignages de cette passion dans plusieurs passages de ses Mémoires, passages qui avaient été supprimés par le premier éditeur, et qui ont été restitués dans les éditions récentes faites d’après le manuscrit original, légué à notre grande bibliothèque par la fille de l’héroïne de la Gironde. Pour plus de détails, v. Roland (Mme). Les lettres ont été imprimées par M. Dauban, dans son Étude sur Mme Roland. Le même ouvrage contient un portrait de Buzot gravé d’après une miniature qui est très-probablement la chère peinture que Mme Roland conservait dans sa prison et qu’elle remit, au dernier moment, à l’un de ses amis. Ce précieux dessin fut découvert un peu avant l’apparition des fameuses lettres, chez un étalagiste des Batignolles, par l’éditeur du procès de Charlotte Corday, M. Ch. Vatel, dont l’attention fut éveillée par une petite biographie de Buzot placée derrière la miniature, et d’une écriture que M. Vatel reconnut pour être celle de Mme Roland. Buzot était marié.