Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHAMPS ÉLYSÉES, paradis chez les païens

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 3p. 888).

CHAMPS ÉLYSÉES, paradis chez les païens. Selon Homère, dans les champs Élysées les hommes mènent une vie douce et tranquille ; les pluies, les neiges, les frimas n’y désolent point les campagnes ; en tout temps on y respire un air délicieux, et une fraîche brise vient sans cesse rafraîchir cette heureuse contrée. Virgile, que Fénelon a imité, en fait un éloge bien plus poétique, et signale surtout la douce lumière qui y répand ses rayons. Chaque mortel, dans ce bienheureux séjour, retrouve l’occupation qui lui fut chère sur la terre : Achille poursuit les bêtes féroces ; les héros grecs et troyens s’exercent aux armes, à la lutte ou à dompter les chevaux ; les poètes y débitent des vers ; les amants y retrouvent les objets de leur affection.

Chaque peuple, chaque poète même, différait sur la question de savoir où étaient placés les champs Élysées : les uns les mettaient dans le soleil, d’autres dans la lune ; Platon les reléguait aux antipodes, Homère aux extrémités de la terre, tandis que d’autres les plaçaient dans les îles Fortunées (îles Canaries) ou dans la Bétique (province de Grenade). Virgile et plusieurs autres poètes placent l’Élysée au centre de la terre, dans le royaume de Pluton. C’est dans sa descente aux enfers qu’Énée retrouve son père Anchise au milieu de tous les hommes vertueux qui goûtent dans un séjour de paix et de félicité la récompense de leurs bonnes actions. Fénelon, dans son Télémaque, a imité Virgile, et il l’a surpassé peut-être quand il a décrit le bonheur des justes admis dans l’Élysée, parce qu’il a joint aux idées païennes un reflet des jouissances purement spirituelles que le christianisme a rêvées pour son paradis.

La tradition première des champs Élysées parait venir de l’Égypte, ainsi que presque tous les mythes religieux de la Grèce. Diodore de Sicile raconte que la sépulture ordinaire des Égyptiens était au delà d’un lac appelé Achéron ; que le mort était apporté au bord du lac, au pied d’un tribunal qui jugeait sa vie et ses mœurs : s’il n’avait pas été fidèle aux lois, on jetait le corps dans une fosse commune, sorte de voirie appelée Tartare ; si, au contraire, sa vie avait été sans reproche, on enterrait le corps dans une prairie arrosée de ruisseaux, ornée de bosquets ; ce lieu se nommait Elysoul ou Champs Élysées. De là est venue la tradition des Grecs. Virgile, dans le VIe livre de l’Énéide, nous dit que les âmes des justes restaient là mille ans à boire les eaux du Léthé, à oublier le passé, puis allaient recommencer une autre vie.