Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES Ier, roi d’Angleterre, de la maison des Stuarts, deuxième fils de Jacques Ier

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1014-1015).

CHARLES Ier, roi d’Angleterre, de la maison des Stuarts, deuxième fils de Jacques Ier, né en 1600, à Dumferline (Écosse), devint prince de Galles, en 1612, à la mort de son frère Henri, et succéda à son père en 1625. Dans la même année, il épousa Henriette de France, fille de Henri IV. Livré à un favori justement odieux au pays, Buckingham, enivré lui-même de la fiction du droit divin, entraîné par instinct d’absolutisme vers le catholicisme (qu’il ne professait point), Charles blessa la nation dès le commencement de son règne en persécutant les presbytériens écossais et les puritains anglais, en favorisant les catholiques, en attaquant les libertés publiques et en dissolvant successivement plusieurs parlements qui avaient refusé des subsides et manifesté une redoutable opposition. Pendant onze ans (1629-1640), il gouverna sans parlement, avec ses ministres Laud et Strafford, multipliant les extorsions, les taxes arbitraires, les violences, les concussions, les actes de despotisme et les persécutions religieuses et politiques. Ses efforts obstinés pour établir en Écosse la liturgie anglicane soulevèrent les presbytériens de ce pays, qui signèrent leur fameux covenant, prirent les armes et envahirent l’Angleterre. Dans ces conjonctures, Charles, à bout de ressources et d’expédients, convoqua un parlement qu’il cassa presque aussitôt, se fit battre par les Écossais à Neuwburn, et, surmontant de nouveau sa répugnance, réunit encore une fois les députés du pays, et ouvrit le 3 novembre 1640 cette assemblée fameuse qui a reçu le nom de long parlement et qui devait consommer la révolution depuis longtemps préparée dans les esprits. Les deux chambres étaient animées d’une égale irritation contre la cour et commencèrent la guerre en mettant en accusation et en envoyant au supplice le ministre Strafford, dont le roi intimidé signa la sentence avec autant de pusillanimité que d’ingratitude. La décision, l’énergie et l’audace du parlement imposèrent tellement au monarque qu’il se laissa arracher son consentement au bill qui enlevait à la couronne le droit de prorogation et de dissolution ainsi qu’à diverses autres mesures qui le dépouillaient de ses principales prérogatives. Par une réaction assez ordinaire en lui, il passa subitement de la faiblesse à la violence et voulut faire arrêter plusieurs membres influents du parlement. L’irritation qui se communiqua de l’assemblée au peuple après cette tentative le décida à quitter Londres et à commencer la guerre civile (1642). Les parlementaires, de leur côté, nommèrent un comité exécutif et organisèrent une armée. Après une suite d’opérations militaires entrecoupées de négociations infructueuses et mêlées de succès et de revers, la cause royaliste fut définitivement vaincue à la bataille de Naseby (1645) par Fairfax et Cromwell, qui commandaient les troupes du parlement. Charles Ier se réfugia chez les Écossais, effrayés déjà des progrès de la révolution et du parti des indépendants, et faciles à gagner, mais qu’il blessa par son attitude hautaine et son mépris pour le covenant et le presbytérianisme, et qui finirent par le livrer aux parlementaires. Les plus modérés se montraient disposés à traiter avec lui ; mais les indépendants et leurs chefs, Cromwell, Fairfax, Ludlow, Milton, avec l’appui de l’armée, épurèrent le parlement, firent déclarer le roi coupable de haute trahison et le livrèrent à une haute cour de justice, qui le condamna à mort comme tyran, traître, meurtrier et ennemi public. Charles montra pendant le cours du procès plus de fermeté que de prudence, déclinant opiniâtrement la compétence du tribunal et prenant pour unique moyen de défense la fiction absolutiste que le roi ne peut mal faire. Il fut décapité devant le palais de White-Hall et subit son supplice avec courage et résignation (30 janvier 1649). Quelques écrits de lui ont été publiés à La Haye, en 1650. Peu de jours après son exécution parut, en anglais et sous le titre grec d’Eikôn basiliké, une sorte de journal intime, recueil de méditations et de pensées, qu’on prétendit avoir été écrit par le roi pendant sa captivité et qui eut un succès prodigieux. Il est avéré aujourd’hui que le véritable auteur était Gauden, évêque d’Exeter.

Charles Ier d’Angleterre (PORTRAITS DE), par Van Dyck. En 1632, Van Dyck fut appelé à Londres par Charles Ier, qui le nomma premier peintre de sa cour, lui donna une pension de 200 livres sterling, le fit chevalier et lui rendit en un mot les hommages dus au génie. L’artiste exécuta un grand nombre de portraits de son royal patron ; parmi ceux qui se sont conservés jusqu’à nous, un des plus beaux est celui que possède le musée du Louvre : le roi est représenté dans son costume de chasse : veste de satin blanc, haut-de-chausses de velours rouge, bottes de buffle armées d’éperons, chapeau à larges bords orné d’une plume, épée suspendue à un riche baudrier ; il est debout, la tête de trois quarts tournée vers la gauche, la main droite appuyée sur une canne, l’autre main posée sur la hanche et tenant un gant. Près de lui, à droite, est son cheval dont on ne voit que la moitié du corps, et que retient par la bride le chevalier d’Hamilton, grand écuyer. Par derrière, et vu de profil, se tient un page portant le manteau de Charles Ier. Sur le terrain sont écrits ces mots : Carolus I, rex Magnae Britanniae, et, au-dessus, la signature de l’artiste : A. Van Diick. F. Ce portrait est justement célèbre. Suivant la remarque de M. Waagen : « la composition rappelle Velazquez, et il n’est pas impossible que la vue d’un tableau de ce maître ait exercé quelque influence sur l’imagination de Van Dyck ; elle est en outre pleine de finesse et de naturel et d’une exécution châtiée ; les chairs ont un léger reflet doré, et l’ensemble est peint dans une gamme extrêmement chaude et harmonieuse. » Van Dyck exécuta cette peinture en 1635. Descamps nous apprend qu’elle figurait, en 1745, dans le cabinet du marquis de Lassay, à Paris, et on trouve la note suivante dans les Mémoires secrets de Bachaumont : « 25 mars 1771. L’impératrice de Russie a fait enlever tout le cabinet de tableaux de M. le comte de Thiers, amateur distingué... M. de Marigny a eu la douleur de voir passer ces richesses chez l’étranger, faute de fonds pour les acquérir pour le compte du roi. On distinguait parmi ces tableaux un portrait en pied de Charles Ier, roi d’Angleterre, original de Van Dyck. C’est le seul qui soit resté en France. Mme la comtesse Dubarry, qui déploie de plus en plus son goût pour les arts, a ordonné de l’acheter. Elle l’a payé 24,000 livres, et, sur l’observation qu’on lui faisait de choisir un pareil morceau entre tant d’autres qui auraient pu lui convenir, elle a répondu que c’était un portrait de famille qu’elle retirait. En effet, les Dubarry se prétendent parents de la maison des Stuarts. » M. Viardot dit avec raison : « Quelque étrange parenté qu’ait voulu établir entre elle et les Stuarts la fille du commis aux barrières Vaubernier, encore faut-il lui savoir gré d’avoir employé à l’achat de ce bel ouvrage d’art l’argent du vieux roi libertin. » Resterait à savoir si le tableau provenait réellement du cabinet du comte de Thiers et s’il fut payé 24,000 fr. : à la vente La Guiche, qui eut lieu en 1771, un Charles Ier peint par Van Dyck, fut vendu 17,000 fr. : serait-ce le même ouvrage ? Le Charles Ier en chasse, du Louvre, a été gravé plusieurs fois, notamment par Strange, Bonnefoy, Duparc, dans le Musée Filhol, dans l’Histoire des peintres de toutes les Écoles, et récemment par M. Mandel (Salon de 1850).

Un autre portrait de la plus grande beauté est celui que possède le musée du Belvédère, à Vienne : Charles er, debout et vu jusqu’à mi-corps, est vêtu d’un pourpoint de soie blanche et d’un manteau noir jeté légèrement sur l’épaule gauche ; il appuie la main droite sur sa hanche et la gauche sur la garde de son épée. « Une élégance exquise et un sens profondément aristocratique, dit M. Waagen, s’allient ici avec un rare bonheur aux qualités ordinaires de l’artiste. » Au musée de Dresde se trouve un portrait (demi-figure de grandeur naturelle) représentant Charles Ier en habit et en manteau noirs, une main posée sur une table, l’autre tenant des gants. Ce tableau figurait autrefois dans la galerie impériale de Prague. — Une autre peinture de Van Dyck, qui se voit au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, nous montre le roi, âgé de trente-cinq ans, revêtu de son armure de guerre. — Au château de Windsor, il y a un tableau de Van Dyck qui représente Charles Ier sous trois points de vue : de face, de trois quarts, de profil. Ce singulier portrait fut peint pour le Bernin, à qui on l’envoya à Rome. Le célèbre sculpteur exécutait alors un buste de Charles IIerer qu’il n’avait jamais vu. Ce buste fut détruit par un incendie a Whitehall.

On a deux magnifiques portraits équestres de Charles Ier par Van Dyck. L’un, de grandeur naturelle, est placé au palais de Windsor : le roi, de face, la tête nue, les cheveux flottants sur ses épaules, est couvert de son armure, sur laquelle se détachent une écharpe bleue passée en sautoir, et une grande collerette de guipure ; il tient de la main droite un bâton de commandement, et de l’autre main, qu’on ne voit pas, il guide son cheval blanc, qui sort d’une haute porte cintrée, et qui vient droit au spectateur. À la gauche du monarque se tient, à pied et la tête découverte, son écuyer, M. de Saint-Antoine, qui porte le casque royal ; ce personnage, vêtu de rouge, est superbe. De l’autre côté, un grand écusson aux armes d’Angleterre, surmonté de la couronne, se dresse contre la base de l’une des colonnes cannelées qui encadrent la haute porte cintrée, et le long desquelles flottent de grandes draperies vertes. Dans l’ouverture de cette porte, la belle tête pensive de Charles Ier se détache sur un ciel qu’éclaire le soleil couchant. « Cet immense portique, qui se perd dans les bords du cadre, dit M. W. Burger, tout cet entourage de froide architecture fait paraître la toile un peu vide, malgré la splendeur du personnage équestre, et surtout de l’écuyer à pied. C’est un tableau de décoration presque autant qu’un portrait. » Il a été gravé par Baron et par Lombart. Beaucoup d’amateurs préfèrent à cette grande toile le petit portrait équestre qui est au palais Buckingham, à Londres ; le roi, vu de profil et tourné vers la gauche, est monté sur un cheval à robe jaune et à crinière noire ; le fond du tableau est un paysage du ton le plus vigoureux.

Van Dyck a représenté plusieurs fois Charles Ier entouré de sa famille : un chef-d’œuvre en ce genre a figuré à l’exposition de Manchester, en 1857 ; il appartient au duc de Richmond. qui l’a acheté 1,500 guinées, et provient de la galerie d’Orléans, à la vente de laquelle il a été payé 1,000 guinées seulement. « Aujourd’hui, dit M. W. Bürger, il se vendrait plus de 100,000 fr. » Une répétition de ce tableau se voit à Windsor. Au palais Pitti, à Florence, un tableau représente réunis dans un même cadre, mais séparés par une colonne, Charles Ier et sa femme Henriette. « La physionomie du roi est énergique et bonne, dit M. Lavice ; celle de la reine est mélancolique. Ces deux portraits sont parfaits et bien conservés.

Parmi les artistes qui ont partagé avec Van Dyck l’honneur de peindre le malheureux Charles Ier, nous citerons : Gonzalès Coques, dont le musée de Dresde possède un tableau d’une exquise finesse représentant le roi sous le portique d’un palais ; H. Pot, dont on voit au Louvre un petit portrait signé d’un monogramme et daté de 1632 (gravé dans le Musée Filhol et dans l’ouvrage de Landon, comme étant un ouvrage de N. Conningh) ; le chevalier Lely, dont un portrait équestre, appartenant au duc d’Hamilton, a été exposé à Manchester, en 1857 ; Daniel Mytens le vieux, qui a peint Charles Ier n’étant encore que prince de Galles (musée de Copenhague) ; Charles Ier et sa femme, avec fond d’architecture de Steenwyck (musée de Dresde) ; Charles Ier, sa femme et un de ses enfants (Buckingham palace) ; Charles Ier, sa femme et divers personnages de sa cour, tableau donné à Addison par la reine Anne, et qui figure aujourd’hui dans la galerie du vicomte Galway, etc.

Charles Ier (les enfants de), chef-d’œuvre de Van Dyck ; palais de Windsor. — Ce tableau est signé et daté de 1637, L’aîné des enfants, Charles, prince de Galles (plus tard Charles II), n’avait alors que sept ans ; il est vêtu de rouge et appuie sa main gauche sur la tête d’un gros chien jaunâtre ; sa sœur, la princesse Marie (plus tard femme de Guillaume de Nassau) soutient un baby entièrement nu (la petite princesse Anne) ; elle est habillée en bleu ; Jacques, duc d’York (depuis Jacques II), et la princesse Élisabeth ont des costumes blancs. Un rideau vert, une table recouverte d’un tapis rouge, un vase antique, une corbeille pleine de fruits et un coin du ciel forment la fond du tableau. Cette superbe peinture a été gravée par R. Strange, Baron, Cooper, etc. Il en existe une répétition au musée de Berlin.

Un autre tableau de Van Dyck, qui figure au palais de Windsor et dont il existe une répétition au musée de Dresde et une brillante esquisse au Louvre, représente trois enfants seulement de Charles Ier : le prince Charles, ayant près de lui un joli épagneul, est vêtu de satin jaune ; il appuie le bras droit sur la base d’une colonne et donne la main à son frère Jacques, qui est encore habillé d’une robe et d’un bonnet ; la princesse Marie, vêtue d’une robe blanche, est debout près d’eux. À droite, une porte s’ouvre sur un jardin. Ce tableau a été gravé par R. Strange, lithographie par Hanfstaengl, etc.

Charles Ier insulté par les soldats de Cromwell, tableau de Paul Delaroche ; collection de lord Ellesmere (Angleterre). Le roi déchu est assis, de face, au centre de la composition ; il tient dans ses mains un livre ouvert ; sa figure pâle, amaigrie, qu’encadrent ses longs cheveux flottants, est empreinte d’une profonde tristesse. Il tourne ses regards vers un soldat brutal qui lui souffle au visage de la fumée de tabac ; l’attitude noble et résignée de la victime contraste avec le mouvement de l’ignoble provocateur. Un autre soldat, placé à droite, derrière le fauteuil de Charles Ier et élevant un verre qu’il tient à la main, se penche en riant vers l’infortuné monarque et lui annonce sans doute qu’il va boire à sa santé. Un officier est assis plus à droite, regardant Charles, dont il est séparé par une table recouverte d’un tapis et sur laquelle est appuyé un soldat endormi ; il a la tête couverte d’un grand feutre, les mains sur la garde de son épée, les jambes allongées et les pieds posés sur un des chenets d’une vaste cheminée. Un homme, vêtu de noir, appuyé contre une colonne qui sert de montant à cette cheminée, et deux autres personnages, debout derrière l’officier, contemplent le roi avec une compassion qu’ils déguisent mal. Dans le fond, à gauche, près d’une fenêtre, est un groupe de cinq ou six figures, parmi lesquelles un homme debout, levant les bras et pérorant. Ce tableau, peint par Delaroche en 1836, et exposé au Salon de l’année suivante, n’y obtint qu’un médiocre succès. Gustave Planche en fit même une critique assez vive : « Les figures ont toutes un mérite égal, dit-il, et sont traitées avec le même soin. Les chairs et les étoffes sont neuves, et se recommandent par une propreté exemplaire. Tout cela est parfait, irréprochable ; mais la toile est vide, malgré le grand nombre des acteurs. Pourquoi ? C’est que les vêtements, les armes, les colonnes et les meubles sont amenés au même point d’exécution que les chairs ; c’est que les choses ont la même importance que les hommes, c’est que l’œil ne sait où s’arrêter, et se promène sur cette toile avec une perpétuelle indécision. La toile est couverte, mais elle n’est pas remplie. Les pierres sont peintes avec tant de précision, l’air même, qui ne devrait servir qu’à la respiration des personnages, est limité par des lignes si fortement accusées, que le spectateur se demande pourquoi le peintre n’a pas utilisé l’espace entier qui est compris dans le cadre. Envisagé sous le rapport de la composition, le Charles Ier manque d’intérêt et de grandeur. Les personnages sont en scène, mais chacun pour son compte ; il y a des acteurs et pas d’action. Tout le groupe placé à gauche dans le fond est inintelligible. Et puis, est-il bien prouvé que les gardiens de Charles Ier se soient dégradés jusqu’à lui souffler au visage de la fumée de tabac ? Et quand cela serait prouvé, est-ce à de pareilles anecdotes que le peintre doit s’arrêter ? » Malgré ce qu’il y a de fondé dans ces observations, on ne peut méconnaître la finesse des détails, la vérité des poses, la délicatesse de pinceau et la grâce de coloris qui distinguent la composition de Paul Delaroche. Elle a été gravée au burin par Martinet, et sur bois par M. L. Chapon pour l’Histoire des peintres de toutes les écoles.