Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Champ de Mars, chez les Francs

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 3p. 890).

Champ de Mars, chez les Francs. Avant d’envahir la Gaule, les Francs de la Germanie avaient l’habitude de se réunir en assemblées générales à certaines époques de l’année, et, comme ils trouvèrent les mêmes usages pratiqués par les Gaulois, chez qui les Romains avaient développé l’esprit municipal, il n’est pas étonnant que de semblables réunions aient eu lieu dès l’origine de la monarchie. On leur donna le nom de champs de Mars, parce qu’elles se tenaient au mois de mars. À l’origine, sous Clovis surtout, elles furent plutôt guerrières que législatives, et eurent tous les caractères d’une véritable revue. Ce fut dans une de ces assemblées que ce prince se vengea du Sicambre qui avait brisé le vase de Soissons. Sous les successeurs de Clovis, elles eurent un cachet plus paisible ; on y promulgua des lois, on y rendit la justice ; c’était là que les hommes libres, accusés d’un crime, venaient se défendre, amenant deux ou trois cents témoins, appelés conjurateurs, pour attester leur innocence. C’étaient véritablement les assemblées générales de la nation, quoiqu’on n’y vit guère que les guerriers et les prélats, qui formaient alors la majeure partie des hommes libres.

Un instant interrompues sous les derniers Mérovingiens, ces assemblées furent rétablies par Pépin, qui les renvoya au mois de mai, ce qui leur fit donner le nom de champs de Mai. Sous son règne, sous celui de son successeur surtout, ces assemblées devinrent éminemment législatives, et ce fut là que le grand empereur édicta la plupart de ses Capitulaires. Comme l’Église avait déjà fait invasion dans l’État, il y avait au moins autant de prélats que de guerriers, ce qui transforma souvent ces réunions en conciles. Continués sous quelques successeurs de Charlemagne, les champs de Mai disparurent bientôt avec cette race. Mais ce premier germe de représentation nationale n’était qu'endormi, et non étouffé ; au XIVe siècle, il se réveilla plus vivace avec les états généraux, Un moment comprimé au XVIIe siècle, il reparut vers la fin du XVIIIe avec la Révolution française. Aujourd’hui, le régime représentatif est une condition vitale des nations modernes ; les réunions du champ de Mars ont été son berceau.