Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FONTANES (Louis DE), littérateur et homme d’État

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 574).

FONTANES (Louis de), littérateur et homme d’État, né à Niort en 1757, mort en 1821. Son père était protestant et sa mère catholique ; il fut élevé dans ce dernier culte. Peu fortunée, sa famille lui fit cependant donner chez les oratoriens de Niort une forte éducation. Il vint fort pauvre à Paris. Comme il est rare que le succès récompense les jeunes espérances et les audaces de la vingtième année, Fontanes reçut de la misère quelques leçons d’expérience qui, en le rendant circonspect, ne diminuèrent pas son enthousiasme pour la poésie. La Forêt de Navarre parut en 1778 et fit une certaine sensation. MM. de Marnésia, de Boisjolin, Joubert et de Lanjeac encouragèrent le jeune débutant et lui montrèrent complaisamment l’horizon tout illuminé de la gloire qu’il rêvait de conquérir. Le Jour des Morts à la campagne et le Verger, poèmes qui ne sont pas sans mérite, soutinrent sa réputation naissante. Fontanes fut, dès cette époque, un des colloborateurs assidus de l’Almanach des Muses.

Un séjour qu’il fit en Angleterre lui donna l’idée de traduire l’Essai sur l’homme, de Pope. C’est un travail correct, ingénieux ; aussi La Harpe, Marmontel et les amis de l’auteur n’hésitèrent pas à mettre celui-ci à côté de Delille comme poète et à lui assigner dans la prose un des rangs des plus distingués à cause de la préface de l’ouvrage. l’Èpitre sur l’édit en faveur des non-catholiques fut couronnée par l’Académie française. Un poème daté des premiers jours de la Révolution : Poème séculaire sur la fédération de 1790, prouve que l’âme de Fontanes était alors capable d’enthousiasme patriotique. Ce fut aussi vers cette époque qu’il attacha son nom à un journal, le Modérateur. Le titre de cette feuille était une déclamation de principes, et il n’était pas disposé à le démentir, quand un mariage très-avantageux l’attira à Lyon et lui constitua une vie indépendante. Il se trouvait dans cette ville pendant qu’on l’assiégeait et il y resta, au milieu des bombes et des obus qui pleuvaient de tous côtés, avec sa femme enceinte de huit mois. Après la reddition de la ville, ému d’une courageuse pitié, Fontanes prit la plume et adressa une pétition énergique apportée à la barre de la Convention par trois Lyonnais. Collot-d’Herbois trembla un instant, et Fouché fit proscrire l’audacieux modérateur, qui réussit à se cacher et ne reparut plus qu’après le 9 thermidor. Rentré à Paris, il fut nommé membre de l’Institut (classe de la langue et de la littérature française), et fonda bientôt après le Mercure avec La Harpe, Esménard et de Bonald. Cette publication obtint un succès qui ne fut balancé que par le Journal des Débats. Napoléon avait déjà remarqué Fontanes, et le talent de, l’écrivain lui plaisait beaucoup. Il pensa donc a se l’attacher. Successivement créé chevalier de la Légion d’honneur, lors de l’institution de l’ordre, puis commandeur, Fontanes fut enfin appelé à la présidence annuelle du Corps législatif. En cette qualité, il harangua souvent l’empereur et ne recula jamais devant l’éloge hyperbolique ; il félicitait, par exemple, Napoléon, ce grand tueur d’hommes, des scrupules qu’il avait à verser le sang. Plus tard, ses amis prétendirent qu’il y avait sous cette phrase, comme sous bien d’autres de ses discours officiels, toutes sortes de finesses ironiques, et Chateaubriand dit de lui : « Il maintint la dignité de la parole sous un maître qui commandait un silence servile. » Reprochons-lui tout au moins ces compliments à double entente où l’on petit voir à volonté des adulations ou des sarcasmes. Vers 1808, il fut fait grand maître de l’Université, et, le 5 février 1812, il entra au Sénat. L’administration de Fontanes dans l’Université ne fut pas très-heureuse. Sous prétexte de réformer les mœurs des maisons d’éducation, il appela une foule d’abbés plus ou moins illustres à la commission des livres classiques, ce qui ne l’empêcha pas de s’aliéner le clergé, qui ne le trouvait pas encore assez religieux.

Fontanes était appelé à tous les conseils ; dans toutes les affaires, sa voix avait une très-grande autorité ; Napoléon aimait et recherchait sa conversation. Cependant il se rallia au vote de déchéance de l’empereur (1814). Fontanes menait une vie luxueuse ; il aimait à avoir une maison splendidement tenue, un nombreux domestique, à donner de grandes réceptions, des dîners fins, et il ne voulait rien retrancher de ses habitudes pour si peu de chose qu’un changement de dynastie. Resté investi, par ordre du gouvernement provisoire, des fonctions de grand maître de l’Université, il harangua officiellement le comte d’Artois, lors de l’entrée des alliés à Paris : on fut stupéfait de l’entendre acclamer les Bourbons à peu près dans les mêmes termes qu’auparavant Napoléon. Louis XVIII le nomma membre de la commission de la Charte, puis pair de France, mais supprima les fonctions de grand maître, que son entourage voulait enlever à Fontanes, et lui donna par compensation le grand cordon de la Légion d’honneur. C’était une disgrâce cachée ; aussi, lorsque Napoléon revint de l’île d’Elbe et fit appel à ceux qu’avait blessés la Restauration, n’oublia-t-il pas Fontanes. Celui-ci lui répondit en quittant Paris et resta durant les Cent-Jours à l’écart des affaires. C’était montrer un flair remarquable ; il fut récompensé de cette attitude par la nomination de ministre d’État et de membre du conseil privé que lui conféra Louis XVIII. Toutefois, quand survint le fameux procès de Ney, Fontanes protesta contre le vote fatal et ne put malheureusement sauver le héros de la Moskowa.

Cette carrière remplie d’honneurs et de dignités se termina brusquement le 17 mars 1821. Fontanes sortait de table, après un copieux déjeuner, lorsqu’il apprit tout à coup la mort, en duel, de M. de Saint-Marcellin, jeune homme qu’il aimait d’une affection toute paternelle. Cette brusque nouvelle le foudroya ; sa santé s’affaiblit et il expira quelque temps après d’une attaque d’apoplexie. Son corps fut porté au cimetière de l’Est, et M. Roger prononça sur sa tombe un discours au nom de l’Académie française. M. Villemain lui succéda au fauteuil académique.

Fontanes a laissé le renom d’un écrivain délicat et d’un courtisan habile ; mais l’homme en place, parvenu au faîte des honneurs, a fait tort à l’écrivain et au poète, qu’on ne lit plus guère. Comme grand maître de l’Université, son rôle fut assez médiocre, car il se laissa dominer par le clergé ; aussi la mesure qui prescrivit de donner son nom à l’un des lycées de Paris en 1871, mesura qui semblait l’offrir comme un exemple à la jeunesse, souleva-t-elle, et avec raison, de vives réclamations.

Voici la liste des ouvrages de M. de Fontanes : Traduction en vers de l’Essai sur l’homme, de Pope ; le Verger, poème ; Poème sur l’édit en faveur des non-catholiques ; Poème séculaire ou Chant pour la fédération du 14 juillet 1790 ; la Journée des Morts, poème ; Éloge de Washington ; Extraits critiques du Génie du christianisme, de M. de Chateaubriand ; les Tombeaux de Saint-Denis ou le Retour de l’exilé ; Collection complète des discours de M. de Fontanes ; Essai sur l’astronomie ; Fragment historique de la vie de Louis XI.


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