Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/GOBEL (Jean-Baptiste-Joseph), constituant, évêque constitutionnel de Paris

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 4p. 1334-1335).

GOBEL (Jean-Baptiste-Joseph), constituant, évêque constitutionnel de Paris, né à Thann (Haut-Rhin) en 1727, décapité le 14 avril 1794. Il étudia la théologie à Rome, au collège germanique, devint chanoine du chapitre de Porentruy, évêque de Lydda (in partibus), enfin suffragant de l’évêque de Bâle, pour la partie française de ce diocèse.

En 1789, le clergé de Huningue et Befort l’élut député aux états généraux. Il ne joua pas un rôle bien brillant dans l’Assemblée, mais il se fit remarquer parmi les prêtres les plus libéraux et les plus tolérants, et, dès que la constitution civile du clergé eut été promulguée, il déposa son serment de fidélité. Aussi fut-il élu évêque constitutionnel à la fois par les assemblées électorales de Colmar, de Langres et de Paris. Il opta pour ce dernier siège, reçut de l’évêque d’Autun, Talleyrand, l’institution canonique (15 mars 1791), et dans la première lettre pastorale, qu’il adressa aux habitants de son diocèse (16 avril), il s’écriait : « Quoi que vous soyez, ô mes frères, quelque opinion que vous ayez, restez au moins unis par le cœur, si vos esprits sont toujours divisés ! L’amour de son semblable n’est-il pas, tout à la fois, le plus doux, comme le plus grand précepte de l’Évangile ? »

Assurément, c’étaient là des conseils qui valaient bien les prédications furieuses de ces prêtres réfractaires qui fomentaient la guerre civile dans l’Ouest et ailleurs. Toute la conduite du prélat parisien est empreinte de cet esprit de conciliation. Non-seulement il confirmait dans leurs fonctions sacerdotales les prêtres mariés de son diocèse, mais encore il installa comme curé des Petits-Pères un prêtre marié. Nullement refroidi par l’âge, il suivait le mouvement avec ardeur, et il figura toujours parmi les révolutionnaires les plus avancés. Après le 10 août, il fut envoyé, comme commissaire civil, à Porentruy, pour y organiser la nouvelle république rauracienne. Il se montra dans cette mission entièrement dévoué aux idées de la Montagne, et les Girondins le firent rappeler par le ministre Lebrun, au commencement de 1793. Les besoins du service de son évêché le mettant en relations journalières avec la Commune de Paris, il s’établit entre lui et les principaux membres de cette administration des liaisons intimes, et bientôt une certaine conformité de vues. Au commencement du grand mouvement contre le culte catholique, à la suite d’un entretien avec Anacharsis Cloots et Chaumette, Gobel se décida ou consentit à se démettre de ses fonctions. Le 17 brumaire an II (7 novembre 1793), il se rendit au sein de la Convention, accompagné de son clergé et des autorités municipales, et, dans une harangue qu’où peut lire au Moniteur, il déclara que, la Révolution touchant à son heureux accomplissement, il ne devait plus y avoir, suivant les vœux du peuple, d’autre culte national que celui de la liberté et de l’égalité, et que, en conséquence, pour se conformer à la volonté du souverain, il renonçait désormais, ainsi que son clergé, à l’exercice de ses fonctions de ministre du culte catholique. Il déposa ensuite ses lettres de prêtrise, son anneau et sa croix.

Ceci, comme on en peut juger, ne fut pas, à proprement parler, une abjuration, ainsi qu’on l’a tant de fois répété, mais une simple renonciation aux fonctions sacerdotales. Que Gobel cédât à la pression des idées dominantes, cela n’a rien d’invraisemblable ; mais on remarquera que sa conduite en cette circonstance était conforme à celle qu’il avait tenue jusqu’alors ; toujours il s’était attaché à suivre docilement le mouvement révolutionnaire. Il crut à la puissance irrésistible de cette réaction anticatholique, il crut que les montagnards auraient la logique de leurs croyances, et, sans discuter le fond de la question, sans renier formellement ses anciennes idées, il déposa ses insignes pour obéir au peuple, comme un fonctionnaire qui renonce à sa fonction, bien plutôt que comme un prêtre qui renonce à sa foi.

L’exemple de cette déprêtrisation solennelle précipita le mouvement, de telle sorte qu’on put croire un moment que c’en était fait à jamais du catholicisme en France.

Mais on sait que sur cette grande question les révolutionnaires se partagèrent en deux camps. Robespierre et ses amis réagirent violemment contre ce qu’ils appelèrent l’athéisme, et, sous le nom d’hébertisme, proscrivirent à la fois le parti de la Commune et le parti philosophique. On trouvera plus de détails à ce sujet dans les articles déprêtrisation, hébertisme, Raison (fêtes de la), Robespierre, etc.

Arrêté comme complice de Chaumette, d’Hébert, de Cloots et de la faction des athées, le malheureux Gobel fut traduit au tribunal révolutionnaire, condamné à mort et exécuté avec Chaumette et autres. Il n’avait voulu recevoir aucun prêtre dans sa prison. Cependant on a prétendu plus tard qu’il s’était rétracté à ses derniers moments, et qu’il avait fait une fin chrétienne. Un de ses anciens vicaires, M. Lothringer, dans une lettre insérée aux Annales catholiques, a prétendu que Gobel lui avait fait parvenir secrètement sa confession écrite, en le priant de se trouver sur le passage de la charrette pour lui administrer clandestinement l’absolution. Cette historiette est d’une authenticité contestable.