Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Homme personnel (L’), comédie en cinq actes et en vers, de Barthe

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 365).

Homme personnel (L’), comédie en cinq actes et en vers, de Barthe ; représentée aux Français le 21 février 1778. « Le moi est haïssable, » a dit Pascal ; Barthe a voulu le démontrer. Soligni, le héros de sa pièce, est

… Un de ces gens ou de marbre ou d’acier,
Qui d’eux-mêmes sans cesse et partout idolâtres.
De leur moi tyrannique amants opiniâtres,
S’honorent d’un regard et d’un culte assidu,
Qui bornent l’univers à leur individu,
Appellent la bonté ridicule ou faiblesse,
Qui n’aiment rien, mais rien, pas même leur maîtresse.

Il veut épouser une veuve, Mme  de Melfon, espérant que son oncle Gercourt lui donnera toute sa fortune, tandis que sa sœur entrera au couvent. Mais son oncle s’avise de vouloir partager également son bien entre Soligni et sa sœur Julie, et il exige, de plus, que l’homme personnel lui succède sur son siège de magistrat ; quant à Julie, elle épousera Limeuil, un jeune officier qu’elle aime ;

Une charge ! une femme ! et l’hymen de Julie !
C’est acheter son bien, ce n’est pas hériter !

pense notre égoïste ; et vite il persuade à Limeuil, ne sachant pas qu’il est le futur époux de sa sœur, d’acheter la charge de son oncle. Pour la jolie veuve, il la cède à son ami Saint-Géran, qui, justement, se trouve en être secrètement amoureux. Toutes ses menées égoïstes sont si habilement combinées, qu’il a l’air, en se servant des autres, de les servir gratuitement. Mais le vice ne peut pas toujours afficher les dehors de la vertu ; tôt ou tard il se trahit. Au dénoûment, par un singulier concours de circonstances, tout se découvre : Gercourt, furieux, déshérite Soligni en faveur de Julie, qui épouse Limeuil, tandis que Mme  de Melfon récompense l’amour timide et dévoué de Saint-Géran.

Cette pièce est morale, assez bien écrite, et l’intrigue, intéressante, n’est pas mal conduite ; on y trouve des mots comiques et quelques scènes heureuses ; mais elle a un défaut capital. L’auteur, au lieu de nous présenter un égoïste trouvant son châtiment dans son égoïsme seul, le double d’un menteur et d’un méchant, ce qui change le caractère de la leçon morale qu’on peut tirer de la pièce.