Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JEAN (saint), l’Évangéliste, un des douze apôtres et le disciple bien-aimé du Christ

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 926-927).

JEAN (saint), l’Évangéliste, un des douze apôtres et le disciple bien-aimé du Christ, né l’an 5 de notre ère, mort en 99. Il était frère de saint Jacques le Majeur, pécheur comme lui, et raccommodait ses filets quand il fut appelé par le Maître à le suivre, l’accompagna jusque devant les juges, et, après la mort du Christ, il se chargea du soin de Marie, sa mère. Samarie, Jérusalem, l’Asie Mineure furent tour à tour le théâtre de son apostolat. L’Kglise d’Éphèse l’eut pour premier évêque. Suivant une tradition, il fut arrêté pendant la persécution de Domitien (95), conduit à Rome et jeté dans une cuve d’huile bouillante, d’où il sortit sain et sauf. Relégué ensuite dans l’île de Pathmos, l’une des Sporades, il eut des visions qu’il rapporta dans son Apocalypse, revint à Éphèsesous Nerva, ety composa son Évangile (en grec) ainsi que les trois Épîtres qu’on a sous son nom. Il mourut à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans. Aux mots apocalypse et Évangile, nous avons parlé longuement du caractère de ces œuvreset des discussions critiques auxquelles elles ont donné lieu. Nous y renvoyons le lecteur. L’Église célèbre la fête de saint Jean l’Evangéliste le 27 décembre, et fait aussi, mémoire de son martyre devant la porte Latine le 6 mai, d’où le nom de saint Jean Porte-Latine sous lequel il est parfois désigné. C’est le patron que se sont choisi les ouvriers typographes, sans doute k cause de son érudition.

— Iconogr. Jean, le disciple bien-aimé, lefrère adoptif de Jésus, occupe toujours une place importante dans les représentations delà Cène et du Crucifiement. Qui ne se rappelle l’attitude touchante que Léonard de Vinci lui a donnée dans son admirable fresque du couvent de Santa-Maria-delle-Graziel Les artistes qui ont retracé le Crucifiement n’ont JEAN

fait que se conformer au récit de l’évangéliste lui-même, en nous le montrant placé au pied de la croix avec la mère de Jésus. Il nous apparaît ainsi dans une fresque des premiers siècles qui décore les catacombes de Saint-Jules, à Rome.

Les peintres du moyen âge, comme ceux des temps modernes, donnent presque toujours a saint Jean une apparence juvénile. Cela se conçoit lorsqu’il s’agit de représenter la Cène ou le Crucifiement ; mais on commet un véritable anachronisme en conservant cet air de jeunesse au solitaire de Pathmos qui écrivit, dit-on, son livre vers l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. L’erreur importe peu, d’ailleurs, au point de vue de l’art.

L’aigle est l’emblème, l’attribut ordinaire de saint Jean. Nous le rencontrons pour la première fois dans une mosaïque de Saint-Vital de Ravenne, qui date de 547, et qui nous fait voir ■l’évangéliste assis et tenant un livre ouvert devant une petite table sur laquelle sont posés un style et un encrier : l’oiseau symbolique est placé au-dessus de la tête du saint. Beaucoup d’artistes ont représenté saint Jean occupé à écrire ('Évangile ou l’Apocalypse : nous citerons, entre autres : Alonzo Cano (musée de Madrid), le Dominîquiu (gravé par C.-F. Muller), Carlo Dolci (palais Pitti et musée de Berlin), le Guide (musées de Munich et de Naples), Memling (volet d’un triptyque à l’hôpital Saint-Jean, à Bruges), Ary Scheffer (tableau vendu 9,000 fr., à la vente de M. H. déliât en 1860), Sébastien Le Clerc (estampe), J. Lutma (estampe), etc. Quelquefois, saint Jean est représenté tenant à la main un calice d’où sort un serpent : suivant quelques iconographes, ce reptile indique que le breuvage contenu dans le calice est empoisonné, et ferait allusion à un miracle du saint, qui but, sans ressentir aucun mal, du poison qu’on lui avait donné. Des représentations de ce genre ont été peintes par Ad. Elsheimer (gravé par W. Hollar), le Guerchin (pinacothèque de Bologne), Van der Goes (volet d’un triptyque, au Belvédère de Vienne), Alessandro Tiarini (musée de Berlin), etc. Nous connaissons sur le même sujet une gravure de Bolswert. D’autres figures de saint Jean ont été peintes par B. de Bruyn (musée de Munich), Hans Burgkmair (daté de 1513, même musée), H. Corradi (gravé par Barlolozzi), leCorrége (gravé par Earlom), le Dominiquin (musée de Berlin), le Giorgione (inusée de Vienne), le Guerchin (gravé par Gio - B. Pasqualini), C.-H. Halle (gravé par Gantrel), Ch. Lebrun (musée de Montpellier, et gravures de F. Poilly et de N.-K. Bertrand), Macrino d’Alba (musée de Turin), le Pérugin (musée de Toulouse), Ribalia (musée de Madrid), Valentin (musée de Dijon), le Volterrano(église de l’Annunziata, à Florence), etc. Citons encore : les estampes d’Agostino Veneziano, J.-B. Barbé. M.-A. Bellavia, Franz Brun, J. Callot, Albert Durer (gravure sur bois représentant Saint Jean et saint Jérôme), Jean Duvet (le Maître à la Licorne), Paolo Farinati, Hans Klim, L. Krug, B. Passarotti, etc. Nous ne dirons rien ici des nombreuses suites d’estampes, de tableaux et même de statues représentant les douze Apôtrespu les quatre Eoanyéiisles, suites où saint Jean figure naturellement. Le plus souvent, quand il s’agit de statues, elles sont dues à différents auteurs : ainsi, des quatre Eisangélistes de marbre qui décoraient autrefois la façade de la cathédrale de Florence et qui ont été placés depuis dans l’intérieur, deux seulement, Saint Jean et Saint Matthieu, ont été sculptés par Donatello ; le Suait Luc est d’Aïuonio di Banco, et le Saint Marc, de Nicûlo Aretino. La même église possède de remarquables statues de marbre des douze apôtres : le Saint Jean est l'œuvre de Beuedelto da Rovezzano. Une statue de ce saint, sculptée par Pradier, se voit dans l’église Saint-Sulpice, à Paris. Un bas-relief en terre cuite de Luc Breton, qui est au musée de Besançon, représente le Ravissement ou l’Extase de saint Jeun. Ce dernier sujet a inspiré à Raphaël et à M. Gleyre des tableaux que nous décrivons ci-après. Un petit tableau de Carlo Dolci, qui « si dans la galerie du palais Pitti et qui a été gravé par A. Calzi, représente la Vision de saint Jeun à Pathmos : le saint, à demi étendu sur le sol, appuyé à un rocher, tient un livre et lève les yeux vers le ciel où apparaît la Vierge debout sur le croissant ; devant lui, sur une roche, est une béte à sept têtes, et, du côté opposé, un aigle. Ce tableau, peint sur cuivre, est la réduction d’une peinture qui, d’après ce que nous apprend Baldinucci, tut payée 300 écus à Dolci par le marquis Kinueuim.

Nous avons décrit au mot Apocalypse les quinze gravures sur bois dans lesquelles Albert Durer a retracé les visions de saint Jean. Il y a sur le même sujet une suite de vingt et une estampes gravées par Holbein. Une remarquable tapisserie française de la fin du xiv« siècle, appartenant à la cathédrale d’Anfers et qui a figure à l’Exposition universelle e 1887, représente quarante-deux scènes de l’Apocalypse. Un peintre contemporain, M. Ad. Brune, a exposé au Salon de 1838 un tableau retraçant la scène de l’ouverture des sceaux.

La Vocation de saint Jean et de saint Jacques, son frère, a été peinte par plusieurs artistes, notamment par Lucio Massari (pinacothèque de Bologne) et par Marco Basaiti

JEAN

(musée du Belvédère, à Vienne). Zurbaran a représenté Saint Jean accompagnant la Vierge sur le chemin du Golgotka (musée de Munich). Une ancienne mosaïque du portique de Saint-Jean de Latran, malheureusement fort endommagée, représente le Martyre de saint Jean : on ne distingue plus que la flagellation de l’apôtre et Ta scène de la coupe de ses cheveux. Son immersion dans la chaudière d’huile bouillante a été représentée par Rubens sur l’un des volets d un triptyque appartenant à l’église Saint-Jean, de Malines ; l’autre volet nous le montre écrivant l’Apocaltjpse. Les deux mêmes scènes ont été retracées par Hans Fries (1514) sur la face et le revers d’un volet d’autel qui appartient au. musée de Bàle. Le Martyre de saint Jean et. d’autres sujets de la vie de cet apôtre ont été peints à fresque par un artiste contemporain dans une chapelle de Saint-Sulpice, a Paris.

Jean l’Evongéliite (LE RAVISSEMENT DE),

tableau de Raphaël, au musée de Berlin. Saint Jean, assis sur les ailes déployées de son aigle et tenant de la main gauche une tablette sur laquelle il s’apprête à écrire l’Apocaiypse, est ravi au eièl. Il plane au-dessus de l’Ile de Pathmos, que l’on entrevoit dans le bas du tableau. Son vêtement se compose d’une tunique bleuâtre qui laisse l’épaule droite à découvert et d’un manteau violet que le vent agite ainsi que la chevelure. « Que ! sentiment de surprise et d’admiration ne doit-on pas éprouver en regardant ce chefd'œuvre ! a dit M. H. Delaroche. Ce n’est fioint un mortel qu’il présente a nos yeux : a grandiositè et la beauté de ses formes, la franchise qui décore Son front, l’assurance et la douceur de son regard nous offrent les caractères de la divinité. » C’est une composition digne de Raphaël ; mais quel que soit le mérite de la peinture, elle est bien loin d’accuser la puissante manière du maître ; elle est peut-être de la main de l’un de ses nombreux disciples, et, à coup sûr, elle a été exécutée vers le milieu du xvio siècle. Elle vaut beaucoup mieux qu’une toile sur le même sujet, qui appartient au musée de Marseille, et qui a été attribuée aussi à Raphaël (gravée par Nie. de Larraessin, dans le Cabinet Crozat).

Le tableau du musée de Berlin provient de l’ancienne galerie Giustiniani.

Jeun iuspiré par la vision apocalyptique

(saint), tableau de Charles Gleyre ; Salon de 1840. Cette peinture a commencé à établir la réputation de l’auteur. Un critique des plus sévères, G. Planche, en a fait l’éloge suivant : ■ Le Saint Jean de M. Gleyre obtient un succès légitime ; la tête, les mains et la draperie sont étudiées avec soin et rendues avec une grande habileté ; la couleur en est vigoureuse, le dessin pur, le mouvement naturel. La tète éclairée en plein exprima très-bien l’extase dans laquelle est plongé saint Jean ; mais on peut lui reprocher de n’être pas assez idéalisée. Telle qu’elle est, cette figure révèle un remarquable talent d’exécution ; il y a dans l’attitude et dans les draperies l’élévation se style qui convient aux compositions bibliques. «