Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARGUERITE, dite la Sémiramis du Nord, reine de Danemark, de Norvège et de Suède

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1169-1170).

MARGUERITE, dite la Sémiramis du Nord, reine de Danemark, de Norvège et de Suède, née à Copenhague en 1353, morte en 1412. Elle était fille de Valdemar, roi de Danemark. Cette princesse, qui était douée de l’énergie d’un grand homme en même temps que des grâces de son sexe, sut réunir les trois royaumes sous la même autorité. Dès son enfance, elle montra une force de caractère qui faisait dire à son père que la nature s’était trompée en la faisant naître femme. En 1363, elle épousa, non sans de grandes difficultés, Haquin, roi de Norvège, qui venait d’être couronné roi de Suède (1362). Mais les Suédois, mécontents de ce mariage, déposèrent Haquin et mirent sur le trône Albert de Mecklembourg. Marguerite suivit alors son mari en Norvège et mit au monde, en 1371, un fils qui reçut le nom d’Olof. Le père de Marguerite, Valdemar, étant mort en 1376, sans laisser d’enfant mâle, cette princesse, malgré tous les obstacles, parvint à faire proclamer roi de Danemark le jeune Olof et à se faire donner la régence. Après la mort de son mari Haquin (1380), elle fut aussi appelée à gouverner la Norvège. Quatre ans plus tard, Marguerite battit le roi de Suède, qui avait envahi le Halland, rentra ensuite en possession de la Scanie, que son père avait engagée aux villes hanséatiques pour quinze ans, fit alliance avec ces villes, dont elle favorisa le commerce, réforma alors l’administration intérieure, destitua les baillis prévaricateurs et fit rentrer dans le trésor épuisé les revenus qui en avaient été détournés. Sur ces entrefaites, son fils Olof étant mort (1387), elle se fit déférer la couronne de Danemark, puis se rendit en Norvège, où, pour s’assurer le pouvoir et garder la régence, elle fit élire roi un enfant de cinq ans, son petit-neveu Éric, fils du duc de Poméranie. C’est alors que Marguerite résolut de mettre à exécution le projet depuis longtemps conçu par elle de réunir les trois royaumes scandinaves. Profitant du mécontentement qu’Albert de Mecklembourg avait excité chez les nobles suédois, elle leur proposa de maintenir les privilèges du royaumes si on lui conférait la couronne (1388). Ces conditions ayant été acceptées, elle envahit la Suède (1389), remporta une victoire complète sur Albert à Falkœping (Westrogothie), et, pour activer la ruine de ce dernier, elle fit un traité avec Jean, duc de Mecklembourg, qui soutenait le parti d’Albert. Devenue maîtresse des trois royaumes, y voyant la tranquillité rétablie, Marguerite fît donner la couronne de Danemark et celle de Suède à son neveu Éric, qu’elle avait fait antérieurement proclamer roi de Norvège, et, l’année suivante, en 1397, fit approuver par dix-sept seigneurs, appartenant aux sénats des trois royaumes, l’acte fameux connu sous le nom d’union de Calmar, en vertu duquel les trois royaumes devaient être gouvernés par un seul et même roi, élu parmi les fils du dernier souverain ou, à leur défaut, parmi les plus dignes de porter la couronne. Bien qu’elle eût cessé de prendre le titre de reine, Marguerite n’en continua pas moins à diriger toutes les affaires. En 1339, elle envoya contre les Russes une armée qui les battit et soumit aux États scandinaves la Laponie et une partie de la Finlande. Malheureusement, Éric était incapable de remplir le grand rôle auquel Marguerite l’avait appelé, et cette princesse eut plus d’une fois à se repentir de son choix. Pendant qu’elle rétablissait la confiance et la paix, favorisait le clergé pour l’opposer à la noblesse, Éric attirait sur les armes danoises, dans la guerre contre les comtes de Holstein, les premiers revers qu’elles eussent encore essuyés depuis que Marguerite gouvernait l’État, faisait mourir injustement un ministre fidèle, Abraham Brodersson, et se montrait aussi impatient qu’incapable de régner. Bien qu’affectée vivement de cette conduite, Marguerite n’en continua pas moins à veiller à l’accroissement de la puissance d’Éric, conclut une convention avec les comtes de Holstein, et mourut subitement dans le port de Flensbourg. « Joignant, dit Eyriès, à la force du caractère et à l’étendue de l’esprit, qui sont plus particulièrement le partage des hommes, les grâces et la douceur de son sexe, elle parvint à dominer sans paraître aspirer à la domination ; elle montra une grande habileté à préparer les événements et à les diriger dans ses intérêts. Sous son règne le peuple fut heureux. »