Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARGUERITE DE VALOIS ou D’ANGOULÊME, reine de Navarre, fille de Charles d’Orléans et sœur de François Ier

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1170-1171).

MARGUERITE DE VALOIS ou D’ANGOULÊME, reine de Navarre, fille de Charles d’Orléans et sœur de François Ier, née à Angoulême en 1492, morte à Odes (Bigorre) en 1549. Belle, spirituelle, instruite, connaissant l’italien, l’espagnol, le latin et même un peu de grec et d’hébreu, joignant à l’élégance exquise des manières les plus précieuses qualités du cœur, bonne, humaine, tolérante dans un temps d’excessive intolérance religieuse, honnête au milieu d’une cour où régnait la plus grande corruption, Marguerite fut sans contredit la princesse la plus accomplie de son siècle. En 1509, on lui fit épouser le duc d’Alençon, peu digne d’elle. Six ans plus tard, son frère étant devenu roi sous le nom de François Ier (1515), elle joua un rôle considérable à la cour ; ce prince, si l’on en croit Brantôme, la consultait dans toutes les affaires importantes et l’employa dans plusieurs négociations difficiles. Devenue veuve du duc d’Alençon, mort après la bataille de Pavie (1525), elle alla consoler son frère pendant sa captivité à Madrid ; celui-ci, qu’elle aimait tendrement, avait pour elle en retour une grande amitié et la nommait la Marguerite des Marguerites. Elle se remaria, en 1527, au roi de Navarre, Henri d’Albret ; Jeanne d’Albret, mère de Henri IV, naquit de ce mariage. Dans son royaume, elle fit fleurir l’agriculture, le commerce et les arts, donna asile aux protestants persécutés et fit d’honorables efforts pour les réconcilier avec les catholiques. Pleine de dégoût pour la superstition du moyen âge et pour les moines qui exploitaient la crédulité populaire, elle avait accueilli avec une sympathique curiosité les idées de réforme dont Érasme et Lefèvre d’Étaples s’étaient faits les promoteurs avant les bruyantes prédications de Luther, et elle ne cessa d’employer son influence sur François Ier pour empêcher la persécution des protestants. La protection qu’elle accorda aux novateurs donna lieu d’élever des doutes sur son orthodoxie et bientôt elle se vit l’objet des attaques les plus violentes, surtout de la part des moines. « L’un disait que la sœur du roi était hérétique, dit M. Henri Martin dans son Histoire de France, mais que M. de Montmorency, son grand ennemi, saurait bien l’empêcher de faire apostasier le roi ; un autre, qu’il faudrait mettre la sœur du roi dans un sac et la jeter en Seine (1532). Marguerite répondit en employant le confesseur même du roi, Guillaume Petit ou Parvi, évêque de Senlis, à traduire en français les Heures, allégées de tout ce qu’on arguait de superstition, et en publiant un livre de poésies religieuses qu’elle avait composé, le Miroir de l’âme pécheresse, où elle avait gardé un silence calculé sur la mérite des œuvres, l’invocation des saints, le purgatoire. Beda, syndic de la Faculté de théologie, fit condamner le livre de Marguerite par la Sorbonne et poussa le principal du collège de Navarre à faire jouer par ses écoliers une moralité en drame allégorique, où une femme quittait sa quenouille pour un évangile traduit en français que lui présentait une furie. » Pour châtier les insultes faites à sa sœur, François Ier envoya Beda au Mont-Saint-Michel. Toutefois, à partir de ce moment, la reine de Navarre résida moins constamment à la cour de France, et finit par vivre à sa petite cour de Nérac, où elle eut à lutter plus d’une fois contre le mauvais vouloir et même la brutalité de son mari Henri d’Albret, qui la voyait avec peine s’entourer de poètes et de libres penseurs. On sait qu’elle cultiva avec succès la poésie et qu’elle écrivit l’Heptaméron ou les Contes de la reine de Navarre, recueil de nouvelles imitées de Boccace, pleines de grâce et d’imagination, mais malheureusement fort licencieuses. C’est à tort que la liberté de langage de Marguerite de Valois a fait soupçonner ses mœurs de n’être pas très-pures. Il ne faut pas oublier que c’était là le bon ton de la cour et le langage des honnêtes gens, et que son style est encore plus décent que celui de quelques sermons du temps. Outre l’Heptaméron, publié pour la première fois sans nom d’auteur sous ce titre : Histoire des amants fortunez, dédiée à l’illustre princesse Mme Marguerite de Bourbon {Paris, 1558, in-4o), réédité sous celui-ci : Heptaméron des nouvelles de très-illustre et très-excellente princesse Marguerite de Valois (Paris, 1559, in-4o), et depuis lors très-souvent réédité, on a d’elle : Miroir de l’âme pécheresse, poème (Alençon, 1533) ; Marguerites de la Marguerite des princesses, très-illustre royne de Navarre (Lyon, 1547, 2 parties in-8o), recueil de pièces de poésie, d’épîtres, etc., d’une médiocre valeur littéraire ; le Miroir de Jésus-Christ crucifié (Lyon, 1556) ; les Lettres de Marguerite d’Angoulême, publiées par Genin (Paris, 1841) [v. ci-après], et Nouvelles lettres de la reine de Navarre (Paris, 1842). Une très-piquante statue de cette princesse, due au ciseau de M. Lescorné, orne le jardin du Luxembourg.