Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PRAGUE, en allemand Prag, ville de l’empire d’Autriche, capitale de la Bohême

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Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 1p. 28).

PRAGUE, en allemand Prag, ville de l’empire d’Autriche, capitale de la Bohême, sur la Moldau, à 356 kilom. N.-O. de Vienne, à 1,068 kilom. E. de Paris, par 50° 5’ de latit. N. et 12° 4’ de longit. E. ; 186,479 hab., parmi lesquels on compte environ 10,000 juifs. Archevêché primatial ; tribunal suprême de la Bohême ; tribunaux criminels, de 1re instance et de commerce ; siège d’un grand commandement militaire ; place forte ; résidence du grand prieur de l’ordre de Malte pour l’Allemagne, d’un grand rabbin ; abbaye de prémontrés, abbaye de bénédictins ; université impériale, dite Carolinum ; trois gymnases ; institut polytechnique ; haute école juive ; école normale d’instituteurs primaires ; conservatoire de musique ; écoles d’aveugles, de sourds-muets ; écoles vétérinaire, militaire, de peinture ; nombreuses sociétés savantes ; bibliothèque publique, observatoire astronomique, cabinet d’histoire naturelle, jardin botanique, musée ; arsenal principal de la Bohême ; hôtel des invalides, hôtel des monnaies, hospices et maisons de travail pour les pauvres. La ville de Prague, avec ses faubourgs, comprend plus de 300 manufactures diverses, parmi lesquelles nous mentionnerons en première ligne : une vingtaine d’ateliers d’impression sur étoffes ; des fabriques de tissus de lin, de coton, de laine, de soie ; des fabrique de galons, de chapeaux de feutre, d’ouvrages en baleine ; fabrication d’argenterie, bijouterie, quincaillerie, coutellerie, armes, gants, sellerie ; produits chimiques, allumettes et capsules ; porcelaine et faïence renommées ; bougies ; instruments de musique ; meubles ; raffineries de sucre, épuration d’huile de colza, distilleries ; fabrication importante de machines et de produits métallurgiques ; fabriques de vinaigre, etc. L’industrie locale alimente pour une très-forte part l’activité commerciale de cette ville, à laquelle les facilités de transport par voie fluviale et chemins de fer donnent de grands avantages pour le commerce d’expédition, de transit et d’entrepôt. On compte à Prague 350 maisons de commerce et il s’y fait notamment un large trafic en produits du pays, céréales, fruits, trèfle, colza, houblon, alcool, laine, cuirs et peaux, couleurs, plumes, bois, fer, charbon de terre et autres produits des mines, verreries, poteries, livres, estampes, etc.

La ville de Prague est bâtie dans une situation aussi majestueuse que possible, sur les deux rives de la Moldau ; elle occupe sept collines, au milieu d’un pays fertile et pittoresque. Ses maisons sont en général construites en pierre et assez élevées ; les rues sont pour la plupart larges et bien percées. La ville se divise en quatre parties, dont chacune a un nom et un caractère particulier : l’Altstadt (ou ancienne ville), la Neustadt (ou nouvelle ville), sur la rive droite du fleuve ; sur la rive gauche, le Kleinseite (ou petit côté) et le Hradschin. Ces quartiers sont réunis par un pont magnifique, commencé en 1358, sous Charles IV, et terminé seulement dans les premières années du XVIe siècle, pendant le règne de Wladislas II. À chacune de ses extrémités s’élève une tour fortifiée, théâtre de plus d’un sanglant combat ; celle qui regarde la vieille ville conserve encore sur ses murailles des figures et des ornements sculptés, ainsi que les armes de tous les pays avec lesquels la Bohême avait contracté autrefois des alliances. Mais la tour du petit côté a été dépouillée de ses sculptures dans la longue suite de guerres qui ont désolé Prague. Le pont de la Moldau est orné de vingt-huit grandes statues, qui datent du XVIIIe siècle, au milieu desquelles on distingue saint Jean Népomucène, patron de la ville, qui fut précipité dans la Moldau par ordre du roi Venceslas pour n’avoir pas voulu lui révéler la confession de la reine. Népomucène est honoré comme un saint par les habitants de Prague qui, le 16 mai, célèbrent une grande fête en son honneur. Les monuments les plus remarquables de Prague sont : le vieil hôtel de ville, surmonté d’une tour supportant le cadran astronomique de Tycho-Brahé ; le nouvel hôtel de ville, dans le quartier de Neustadt ; la cathédrale, d’une architecture ancienne, dans laquelle les hussites, sous Ziska, prononcèrent le serment de vengeance, et où se trouve le tombeau de l’astronome Tycho-Brahé, dont l’observatoire se voit sur le Hradschin. Dans le château impérial ou burg, dont la construction dura plusieurs siècles et ne fut terminée que du temps de Marie-Thérèse, on remarque des appartements immenses. Parmi les églises, nous citerons celle de Saint-Veit, qui possède un très-haut clocher ; celle de la Croix, où l’on admire une très-belle coupole ; celle de Saint-Thomas, où l’on conserve un magnifique tableau de Rubens ; celle de Saint-Gilles, qui possède le mausolée de Népomucène en argent massif. Citons encore le palais archiépiscopal, le séminaire archiépiscopal, le grand hôpital, l’hôpital militaire, les palais de Czernim, de Schwarzenberg, de Wallenstein, de Salm, de Choteck, de la douane, etc. Mentionnons aussi les bâtiments de l’univerversité (ou Carolinum), fondée en 1348 par l’empereur Charles IV et qui fut la première université de l’Allemagne. On l’organisa à l’instar de l’Université de Paris. On divisa les étudiants en nations et les sciences enseignées en Facultés. Les quatre nations étaient celles de Bohême, de Pologne, de Bavière et de Saxe. Les Allemands formaient donc les trois quarts de cette université et leur prépondérance devint si grande, que Jean Hus et Jérôme de Prague proposèrent en 1408, à une assemblée générale, que désormais, à l’instar de Paris, les Bohèmes formeraient les trois quarts des nations et les Allemands un quart seulement. L’empereur eut la faiblesse de sanctionner cette proposition et de lui donner force de loi. Immédiatement (1409) des milliers d’étudiants, avec leurs professeurs en tête, émigrèrent ; les uns se dirigèrent sur Vienne, les autres sur Erfurt et sur Heidelberg. La majeure partie s’établit à Leipzig. L’université de Prague, sur le moment ruinée, s’est relevée depuis. Près de 1,500 étudiants suivent aujourd’hui les cours de 55 professeurs, divisés en cinq Facultés : théologie, sciences, lettres, droit et médecine. L’Académie des sciences de Prague est renommée en Allemagne. La bibliothèque de la ville contient plus de volumes et le musée national renferme une multitude d’objets rares et précieux. L’arsenal, qui est très-important, est situé dans le Wissehrad, formant une ville à part.

Prague occupe, croît-on, l’emplacement de Marobodum, dont il est question dans Ptolémée, et fut fondée vers 723. Elle tomba, en 928, au pouvoir de l’empereur Henri Ier. Wenceslas, à qui Henri Ier la rendit moyennant un tribut annuel, fit agrandir la ville et construire plusieurs églises. Vers 950, Prague fut assiégée par l’armée impériale. Un évêché y fut établi en 973. Elle eut à subir de nouveaux sièges en 1005, 1042, 1052. Les juifs qui l’habitaient et qui refusèrent de se faire chrétiens y furent massacrés par des fanatiques en 1096. Au XIIe siècle, Prague fut assiégée à diverses reprises, notamment en 1142, époque où un grand nombre d’édifices devinrent la proie des flammes. Au commencement du XIVe siècle, elle devint la capitale du royaume de Bohême. Elle s’accrut, à cette époque, d’un nouveau quartier (celui de Neustadt). En outre, Charles IV y fit commencer le château de Karlstein et y établit l’université dont nous avons parlé plus haut (1348). En 1344, elle fut érigée en métropole, avec les évêchés d’Olmutz et de Letomeritz pour suffragants. À l’instigation de prêtres fanatiques, on y massacra 3,000 juifs en 1389. En 1400, Wenceslas IV y fut assiégé par son compétiteur Ruprecht, comte palatin du Rhin. Peu après, Jean Hus et Jérôme de Prague prêchèrent contre les indulgences et soulevèrent le peuple contre l’Église et la papauté, dont la corruption était alors sans bornes. Le supplice des deux réformateurs (1415 et 1416) amena la guerre civile.

Pendant quatorze ans, la Bohême fut ravagée, les églises et les couvents pillés, des rues entières de Prague détruites par les flammes et le fer ; les habitants de la nouvelle ville et ceux de l’ancienne étaient armés les uns contre les autres. Le traité connu sous le nom de Compacta mit fin à la guerre civile (1433) et donna aux habitants de Prague une sorte de liberté religieuse. En 1526, Prague perdit le rang de capitale en même temps que la Bohême sa nationalité. Lorsque l’empereur Mathias se départit envers les Bohémiens de la tolérance religieuse dont ils jouissaient, les habitants de Prague, à l’instigation du comte Henri de Thurn, s’insurgèrent et jetèrent par les fenêtres du château les deux commissaires impériaux, qui, lancés d’une hauteur de 10 pieds, ne se firent pourtant aucun mal : c’est ce qu’on a appelé la Défenestration de Prague (1618). Ce mouvement insurrectionnel fut le point de départ de la guerre de Trente ans. Ferdinand II marcha contre les révoltés, qui venaient de proclamer roi de Bohême l’électeur palatin Frédéric V, et la victoire qu’il remporta sur eux, près de Prague, à la Montagne-Blanche, en 1620, lui livra la Bohême avec sa capitale. En 1648, le Suédois Kœnigsmark s’empara de Prague, ce qui hâta la conclusion du traité de Westphalie. En 1741, lors de la guerre de la succession d’Autriche, Prague fut conquise par les Français ; mais le maréchal de Belle-Isle l’évacua en 1742, après y avoir soutenu un siège mémorable. Occupée par Frédéric II en 1744, elle allait tomber de nouveau, en 1757, entre ses mains, après la bataille de Prague (v. ci-après), quand la bataille de Koliin, gagnée fort à propos par le général autrichien Daun, la délivra de ce danger. C’est à Prague que fut conclu, en 1813, entre les souverains du Nord, le traité de la Sainte-Alliance ; enfin, Charles X, exilé de France, choisit, en 1833, cette ville pour refuge ; il habita, au Hradschin, le burg ou château fort. Enfin, en 1848, un mouvement insurrectionnel éclata contre l’Autriche, mais il fut bientôt réprimé par Windischgrætz. Des conciles ont été tenus à Prague en 1355, en 1381, en 1392 et en 1421. Jérôme de Prague est né dans cette ville.