Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Prague (TRAITÉ DE), conclu entre la Prusse et l’Autriche, le 23 août 1866

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Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 1p. 29).

Prague (traité de), conclu entre la Prusse et l’Autriche, le 23 août 1866, à la suite de la bataille de Sadowa. L’Autriche, incapable de poursuivre la lutte après une défaite aussi désastreuse, demanda à traiter, et les négociations s’ouvrirent aussitôt à Prague, entre les plénipotentiaires prussiens et les plénipotentiaires autrichiens. De ces négociations sortit le traité célèbre dont nous allons donner le texte et qui n’est que la paraphrase, le développement des préliminaires de paix signés à Nikolsburg quelques jours auparavant :

« Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité,

« S. M. l’empereur d’Autriche et S. M. le roi de Prusse ont nommé pour leurs plénipotentiaires, etc.

« Art. 1er. Il y aura paix et amitié entre S. M. l’empereur d’Autriche et S. M. le roi de Prusse, ainsi qu’entre leurs héritiers et leurs successeurs, leurs États et sujets respectifs, à perpétuité.

« Art. 2. Dans le but de mettre à exécution l’article 6 des préliminaires de paix conclus le 26 juillet à Nikolsburg, et après que S. M. l’empereur des Français a fait déclarer officiellement, le 29 juillet, par son ambassadeur accrédité auprès de S. M. le roi de Prusse, « qu’en ce qui concerne le gouvernement de l’empereur, la Vénétie est acquise à l’Italie, pour lui être remise à la paix, » S. M. l’empereur d’Autriche adhère aussi, de son côté, à cette déclaration et donne son consentement à la réunion du royaume Lombardo-Vénitien au royaume d’Italie, sans autre condition onéreuse que la liquidation des dettes qui, grevant les parties du pays cédées, seront reconnues, conformément au procédé suivi dans le traité de Zurich.

« Art. 3. Les prisonniers de guerre seront mis immédiatement en liberté, de part et d’autre.

« Art. 4. S. M. l’empereur d’Autriche reconnaît la dissolution de la Confédération germanique telle qu’elle a existé jusqu’à ce jour et donne son consentement à une nouvelle organisation de l’Allemagne sans la participation de l’empire d’Autriche. Sa Majesté promet également de reconnaître la confédération restreinte que S. M. le roi de Prusse fondera au nord de la ligne du Mein et déclare consentir à ce que les États situés au sud de cette ligne forment une association, dont l’union nationale avec la confédération du Nord demeure réservée à un arrangement ultérieur et qui aura une existence nationale indépendante.

« Art. 5. S. M. l’empereur d’Autriche transfère à S. M. le roi de Prusse tous ses droits, acquis dans la paix de Vienne du 30 octobre 1864, sur les duchés de Holstein et de Slesvig, avec la réserve que les populations des districts septentrionaux du Slesvig, si elles expriment, par un suffrage libre, le désir d’appartenir au Danemark, devront être cédées à cet État.

« Art. 6. Sur le désir de S. M. l’empereur d’Autriche, S. M. le roi de Prusse déclare consentir à laisser intact le territoire central du royaume de Saxe dans les changements territoriaux qui doivent se faire en Allemagne ; mais il se réserve, par contre, de régler, dans un traité de paix spécial passé avec S. M. le roi de Saxe, la contribution de la Saxe aux frais de guerre et la position future du royaume de Saxe dans la confédération allemande du Nord.

« De son côté, S. M. l’empereur d’Autriche promet de reconnaître les nouvelles institutions qui seront établies par S. M. le roi de Prusse dans l’Allemagne du Nord, y compris les changements territoriaux.

« Art. 7. Au sujet de l’arrangement à prendre relativement à la propriété fédérale actuelle, une commission se réunira à Francfort-sur-le-Mein, dans le délai de six semaines au plus tard après la ratification du présent traité, commission à laquelle on devra notifier toutes les prétentions et tous les droits qu’on a à faire valoir à la Confédération germanique, lesquels seront liquidés dans le délai de six semaines. L’Autriche et la Prusse se feront représenter dans cette commission, et tous les gouvernements qui ont fait partie jusqu’à présent de la Confédération seront libres d’en faire autant.

« Art. 8. L’Autriche est autorisée à enlever des forteresses fédérales la propriété impériale ainsi que la part matriculaire de la propriété mobilière fédérale qui revient à l’Autriche, ou à en disposer comme bon lui semblera ; il en est de même de tous les biens de la Confédération.

« Art. 9. Les pensions dues ou déjà accordées aux employés, serviteurs et retraités classés de la Confédération leur sont garanties au prorata de la matricule.

« Cependant, le gouvernement prussien prend à sa charge les pensions et secours qui ont été payés jusqu’ici par la caisse fédérale matriculaire aux officiers de l’ancienne armée de Slesvig-Holstein et à leurs survivants.

« Art. 10. Les pensions accordées par la lieutenance autrichienne au Slesvig demeurent acquises aux intéressés.

« La somme de 449,500 écus danois, consistant en obligations de 4 pour 100 danoises, qui se trouve encore déposée dans les caisses du gouvernement autrichien et qui appartient au trésor du Holstehi, sera rendue à celui-ci de suite après la ratification du présent traité.

« Aucun habitant des duchés de Holstein et de Slesvig, et aucun sujet de LL. MM. l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse, ne sera poursuivi, inquiété ou repris dans sa personne ou dans ses biens pour sa conduite politique pendant les derniers événements et pendant la guerre.

« Art. 11. S. M. l’empereur d’Autriche s’engage à payer à S. M. le roi de Prusse la somme de 40 millions de thalers de Prusse, à titre d’indemnité pour une partie des dépenses occasionnées à la Prusse par la guerre. Il y aura, toutefois, à déduire de cette somme le montant des frais de guerre que S. M, l’empereur d’Autriche a encore à réclamer aux duchés de Slesvig et de Holstein, d’après l’article 12 du traité de paix de Vienne, déjà cité, du 30 octobre 1864, montant qui s’élève à 15 millions de thalers de Prusse et 5 millions comme équivalent de l’entretien gratuit dont l’armée prussienne jouira, jusqu’à la conclusion de la paix, dans les pays autrichiens occupés par elle, de sorte qu’il ne reste que 20 millions à payer comptant.

« La moitié de cette somme sera payée comptant à l’échange des ratifications du présent traité, et l’autre moitié trois semaines après, à Oppeln.

« Art. 12. L’évacuation des territoires autrichiens occupés par les troupes prussiennes devra être achevée dans le terme de trois semaines après l’échange des ratifications du traité de paix. À partir du jour de l’échange des ratifications, les gouvernements généraux prussiens circonscriront leurs fonctions dans la sphère d’action purement militaire.

« Les dispositions particulières d’après lesquelles l’évacuation doit avoir lieu sont stipulées dans un protocole spécial qui forme une annexe du présent traité.

« Art. 13. Tous les traités et toutes les conventions qui ont été conclus avant la guerre entre les deux parties contractantes, en tant que, d’après leur nature, ils ne doivent pas perdre leur effet après la dissolution de la Confédération germanique, sont remis en vigueur par les présentes.

« Entre autres, la convention générale de cartel, conclue le 10 février 1831 entre les États allemands de la Confédération, y compris ses dispositions additionnelles, restera en vigueur entre l’Autriche et la Prusse. Le gouvernement autrichien déclare cependant que la convention monétaire conclue le 24 janvier 1857 perd sa principale valeur par la dissolution de la Confédération germanique, et le gouvernement royal prussien déclare consentir à entrer en négociation avec l’Autriche et les autres États intéressés pour l’abolition de cette convention.

« Les hautes parties contractantes se réservent également d’entrer en négociation le plus tôt possible pour la révision du traité commercial et douanier du 11 avril 1865, à l’effet d’introduire de plus grandes facilités dans les transactions réciproques. En attendant, ledit traité devra rentrer en vigueur à la condition que chacune des deux hautes parties contractantes ait la faculté de le mettre hors de vigueur après une dénonciation de six mois.

« Art. 14. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Prague, dans l’espace de huit jours, ou plus tôt si faire se peut.

« En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs l’ont signé et y ont apposé le sceau de leurs armes.

« Fait à Prague, etc.

 « BRENNER, WERTHER. »

Le traité de Prague avait été précédé de traités particuliers conclus à Berlin entre la Prusse et divers États secondaires de l’Allemagne :

Avec le Wurtemberg, le 13 août ;

Avec le grand-duché de Bade, le 17 août ;

Avec la Bavière, le 22 août.

Ces divers traités modifiaient profondément la situation intérieure de l’Allemagne, qu’ils mettaient, pour ainsi dire, à la merci de la Prusse ; on l’a bien vu lors de la guerre de 1870-1871. Le traité de Prague, surtout, portait une grave atteinte à l’équilibre européen, en annihilant l’influence de l’Autriche en Allemagne au profit exclusif de la Prusse, et l’on sait si cette dernière puissance en a usé. Jusqu’ici, elle s’est refusée à mettre à exécution les prescriptions de l’article 5, concernant les populations du Slesvig, qu’elle a oublié de consulter. Cet abus sans vergogne de la force qui prime le droit trouvera peut-être un jour son châtiment.