Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Révolution de 1830 et les révolutionnaires (LA) ou Histoire de vingt mois, par M. de Salvandy

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Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 3p. 1123).

Révolution de 1830 et les révolutionnaires (LA) ou Histoire de vingt mois, par M. de Salvandy (1832, in-8o). Cet ouvrage présente un ensemble de considérations sur la situation politique de la France sous la Restauration, et spécialement sur l’avènement de la branche cadette des Bourbons. Il est divisé en six livres. Le premier traite des principes généraux, de la liberté du pouvoir, de l’ordre, de la légitimité et des conditions particulières où se trouvait placée la monarchie de Juillet. Le deuxième a pour objet l’histoire de la société française depuis la première révolution jusqu’en 1832, les fautes de la Restauration, les mobiles de la révolution de 1830, les promesses de Juillet et les résultats généraux de cette révolution. Dans le troisième et le quatrième livre, l’auteur examine l’état du parti révolutionnaire tel qu’il était constitué en 1832, ses antécédents, ses ressources, son but, ses moyens, ses dangers. Le livre cinquième est un violent réquisitoire contre le gouvernement de Juillet que l’auteur accuse d’avoir violé ses promesses et d’avoir laissé pénétrer le désordre dans les lois, ce qui, d’après lui, est la cause du malaise universel et de l’anarchie morale qui régnaient alors. Mais ce malaise et cette anarchie sont-ils sans remède ? C’est la question que se pose l’auteur dans le sixième et dernier livre et qu’il s’efforce de résoudre au profit de la monarchie représentative avec ses exclusions, ses inégalités et ses privilèges. M. de Salvandy n’acceptait alors qu’à contre-cœur cette monarchie de Juillet, qu’il a plus tard loyalement servie. Il lui reprochait d’abord de n’avoir pas pour base la légitimité, qui est le seul fondement rationnel d’une monarchie, et, en second lieu, de se laisser déjà déborder, au bout de vingt mois d’existence, par le parti révolutionnaire. Or, pour M. de Salvandy, le parti révolutionnaire, autrement dit démocratique, c’est « la suppression du véritable ordre politique qui veut que les pouvoirs soient attribués aux classes élevées ; » c’est « le triomphe du principe absurde de la souveraineté nationale et l’avénement du suffrage universel, cette folie. » Il ajoute : « La doctrine du nombre est impie ; elle se fonde sur ce principe que l’homme intelligent n’existe pas ou qu’il est sans droits, que l’homme physique est tout ; elle nous traite comme des unités égales ; elle ne fait nulle acception des lumières, des capacités et des services. » Cet ouvrage est donc écrit au point de vue le plus réactionnaire qui se puisse imaginer. Dans son attachement aux idées conservatrices, M. de Salvandy, malgré ses protestations de bonne foi et d’impartialité, paraît aussi souvent aveugle qu’injuste. Ainsi il s’emporte en déclarations violentes contre la Convention nationale, sans avoir un seul mot pour en reconnaître les immenses bienfaits. Dans l’ancien régime, il ne voit que les côtés favorables, et, dans les constitutions issues de 1789, que les parties défectueuses. Il prétend condamner à jamais la révolution de 1793 et la démocratie, et consacrer l’excellence du principe du droit divin, parce que des excès furent commis pendant la Terreur, « N’a-t-on pas vu, s’écrie-t-il, la Vendée inondée de sang, Lyon emporté jusqu’à la jacquerie ? » Comme si l’ancien régime n’avait pas laissé dans l’histoire de nombreuses traces de sang et de carnage ! Ailleurs, il soutient bravement que dans tous les siècles la liberté s’est alliée à l’aristocratie et que nulle part la liberté et la démocratie n’ont pu coexister ! Ce livre, qui fit du bruit en son temps, est aujourd’hui parfaitement oublié, et c’est justice.