Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Vendée militaire (LA)

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 3p. 841).

Vendée militaire (la), par M. Crétineau-Joly (1841, 4 vol. in-8o). Dans ce livre, sous prétexte de rétablir la vérité historique d’un des épisodes les plus importants de nos annales révolutionnaires et de faire justice des apologies aussi bien que des incriminations systématiques, l’auteur, malgré ses protestations d’impartialité et de véracité, a pour but manifeste de formuler un réquisitoire contre les actes et l’esprit de la Révolution française, et, par contre, de glorifier l’ancien régime. Il a choisi l’épisode de l’insurrection vendéenne comme le thème le plus propre au développement de ses doctrines rétrogrades ; même lorsqu’il respecte la vérité historique, il a toujours soin de la présenter sous un jour favorable à son parti. Du reste, de son aveu même, la plus grande partie de ses informations a été puisée à des sources royalistes. Ses guides ordinaires sont les manuscrits rédigés à Londres en 1796 par M. de Beauvau, l’Histoire de la Vendée par Alphonse de Beauchamp, les notes du comte et de la comtesse de Bouère, les mémoires de la marquise de Donnissan, de la comtesse de La Rochejaquelein, les pamphlets de Gibert, l’ancien chef d’état-major de Stofflet ; les lettres des Vendéens Charette, Joly, Savin ; les confidences des frères de Georges Cadoudal, du marquis de La Boessière, du comte de Robier, de M. de Guernissac et du commandant Guillemot, tous anciens chefs ou partisans de la chouannerie. Quant aux documents républicains, il les récuse comme indignes de foi lorsqu’ils ne concordent pas avec les souvenirs royalistes. Les seuls qu’il admette sont ceux qu’a fournis l’ancien conventionnel Boursault ; quant aux récits du Moniteur, ils lui paraissent tronqués ou défigurés : « Les républicains, dit-il, racontent l’histoire militaire de la Vendée avec une partialité tout à fait digne des haines des guerres civiles. Ils arrangent les faits, pallient leurs défaites, grossissent leurs victoires. » Mais M. Crétineau-Joly en fait tout autant dans le sens opposé. Dès les premières lignes, il trahit sa partialité : « La France, écrit-il, vient d’entrer en l’année 1793, et la Révolution triomphe de la monarchie qu’elle a si habilement, si audacieusement attaquée et qui s’est si mal défendue. » Ainsi, l’auteur fait un reproche à la royauté de n’avoir pas organisé la terreur blanche pour se défendre. Il justifie l’émigration de la noblesse française et trouve tout naturel que des Français aient pris les armes et attisé les haines de l’Europe contre la France.

Une fois entré en plein sujet, M. Crétineau-Joly considère l’insurrection vendéenne non-seulement comme légitime, mais encore comme glorieuse, admirable, sans tache. C’est, à ses yeux, une sublime protestation du droit contre l’iniquité triomphante, représentée par la Révolution. Pour lui, la Révolution n’est qu’une saturnale ridicule et sanglante, une folie prodigieuse, burlesque et lugubre, un épouvantable épanouissement du mal : « Avec de grandes phrases vertueuses, la Révolution, dit-il, divinisait le vice ; avec des paroles de conciliation, avec des promesses de félicité universelle, elle introduisait !e désordre dans les familles, l’anarchie dans l’État, l’incendie dans la société. Elle brûlait les châteaux pour acquérir plus tard le droit de faire descendre le feu jusque sur les chaumières. Elle déclarait la guerre à la propriété. » M. Ûrétineau-Joly prétend que les excitations de la noblesse et du clergé n’ont été pour rien dans le soulèvement de la Vendée contre la volonté nationale : « La Vendée est devenue militaire sans eux, elle les a entraînés sur ses glorieuses traces. Ils l’ont suivie. Voilà toute la participation qui leur revient dans cette idée d’insurrection provinciale contre un pouvoir qui centralisait tout et qui, afin de protéger les plus monstrueuses tyrannies, se faisait un rempart d’une impossible liberté, d’une égalité plus impossible encore. » Est-il bien nécessaire d’ajouter que les armées et les chefs républicains sont représentés par l’écrivain fantaisiste comme souillés de tous les vices, capables de tous les crimes, tandis que les insurgés sont des modèles accomplis de toutes les vertus privées et civiques ? L’aveuglement et la mauvaise foi dépassent ici toute mesure.