Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abandonnement s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 10).

ABANDONNEMENT s. m. (a-ban-do-ne-man — rad. abandon). Action d’abandonner, de délaisser, de renoncer à : Cet abandonnement de sa propre cause, et par conséquent de la vie. (Bourdal.) La reine avait aimé la duchesse de Malborough avec une tendresse qui allait jusqu’à la soumission et à l’abandonnement de toute volonté. (Volt.) || Cession : Faire à des créanciers l’abandonnement de ses biens. Il a fait un abandonnement de tous ses biens. (Acad.) Il s’y dispose par un abandonnement actuel des biens qu’il possède. (FIéch.) || Dans ce sens, le mot abandon est beaucoup plus usité aujourd’hui. || État d’une personne abandonnée, délaissée : Vivre dans un complet abandonnement. Dites quels furent, dans ce triste abandonnement, les sentiments de son âme. (Mass.) Il se plaint d’être abandonné ; mais au milieu de ses plaintes il est contraint de confesser que cet abandonnement est équitable. (Boss.) || Dévouement, abnégation : Tout en elle annonçait d’abord l’ abandonnement et l’oubli de soi-même. (Crébill.)

Je vois couler tes pleurs tant de soins, tant de flamme,
Tant d’abandonnement, ont pénétré mon âme.
Voltaire.

|| Confiance entière ; ouverture d’âme, franchise : Je lui soumets tout avec un entier abandonnement. (Boss.) || Action de se laisser aller, de se laisser dominer : La tyrannie de Louis XIV et son abandonnement aux jésuites eurent des suites cruelles. (St-Simon.) C’est l’abandonnement au plaisir qui nous jette loin des voies du salut. (Mass.) Peut-on dire que ce soit l’esprit de débauche, de licence, d’abandonnement à leurs passions, qui les réunit ? (Volt.) Les stoïciens dédaignaient et méprisaient l’abandonnement à la mollesse et aux plaisirs. (J. Simon.)

— Absol. Inconduite, déréglement : Vivre dans l’abandonnement. (Acad.) Il s’agit de réparer une vie entière de corruption et d’abandonnement. (Mass.) Un abandonnement qui ne connait plus ni règle, ni pudeur, ni bienséance. (Mass.)

Abandonnement au bras séculier, Acte par lequel une personne condamnée par les juges ecclésiastiques était livrée aux juges laïques. || Abandonnement de bénéfice. Il se faisait d’une manière expresse ou tacite. La première avait lieu lorsqu’on résignait un bénéfice, qu’on se mariait, ou qu’on prenait un bénéfice incompatible ; la seconde, lorsqu’on changeait d’habit, qu’on manquait à la résidence, qu’on ne desservait pas le bénéfice.

— Jurispr. Abandonnement était, dans l’ancien droit, synonyme de cession de biens. Aujourd’hui il exprime l’attribution que les notaires, chargés d’un partage, font à chacun des copartageants. Pour exprimer cette idée, le Code Napoléon se sert du mot fournissement. || Contrat par lequel on abandonne, au profit des assureurs, des marchandises avariées, chargées sur un vaisseau. || Lorsque les compagnies n’étaient pas encore au compte du roi, on appelait abandonnement, dans l’ancienne législation militaire, la banqueroute que faisait un capitaine, quand il laissait, par départ ou par décès, la compagnie mal équipée et hors d’état de tenir campagne.