Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abaque s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 11).

ABAQUE s. m. (a-ba-ke — du lat. abacus, qui lui-même vient du gr. abax, table, tablette, buffet). Archit. Partie supérieure du chapiteau d’une colonne sur laquelle porte l’architrave.

— Math. Machine à calculer d’origine étrusque, employée par les Romains dans toutes leurs opérations arithmétiques.

— Par extens., Abaque est appliqué à la table de multiplication qu’on appelle encore Table de Pythagore : Le nombre dénaire contient, selon lui, tous les rapports numériques et harmoniques, et forme ou plutôt termine son abaque ou sa table. (Diderot.) || A été appliqué aussi à des tableaux dressés pour effectuer une multitude de calculs : multiplication et division, élévation au carré et au cube, extraction des racines carrées et cubiques, évaluation des superficies et des volumes, etc. Ces tableaux ont été publiés sous le titre d’Abaque ou Compteur universel. || Abaque est devenu chez tous les peuples de race latine synonyme d’Arithmétique, et on le retrouve encore avec cette acception dans plusieurs ouvrages du XVIe siècle. V. Abaco.

— Couvercle carré d’une corbeille de fleurs. || Tablette carrée placée sur un corps rond. || Plaque de bronze, de verre ou de toute autre matière, qu’on incrustait dans les lambris des édifices ou des palais, || Buffet destiné à placer les vases en usage dans les repas, et dont se servirent dans la suite les gens riches pour étaler leur vaisselle la plus précieuse.

Abaque à jouer, Sorte d’échiquier ou de damier. || Abaque de lecture. Tableau sur lequel on traçait les lettres pour apprendre à lire aux enfants.

Abaque des équivalents chimiques, Tableau qui donne à vue les résultats numériques de toutes les combinaisons et réactions mutuelles des corps simples et des corps composés, en proportions définies.

— Minér. Sorte d’auge dans laquelle on lave les métaux, et principalement l’or.

Encycl. Archit. Primitivement l’abaque constituait le chapiteau tout entier. Dans les ordres dorique, toscan, ionique, il rappelle assez bien, par la simplicité de sa forme carrée et plate, la signification grecque de son nom. Dans l’ordre corinthien et dans le composite, il s’éloigne de cette forme, se revêt d’ornements, s’enrichit de moulures. Échancré sur ses faces et taillé de diverses manières, il prend le nom de tailloir. Revenu à son état primitif pendant la période gallo-romaine, il présente généralement pendant la période ogivale la forme d’un octogone. Dans l’ordre corinthien, l’abaque ne constitue que la septième partie du chapiteau. Dans l’ordre toscan, il porte aussi le nom de plinthe, parce qu’il ressemble à la plinthe de la base.

— Math. L’abaque que les Romains employaient dans leurs opérations arithmétiques n’était autre chose qu’une table divisée en un certain nombre de colonnes parallèles, dont la première était affectée aux unités, tandis que les suivantes étaient affectées aux dizaines, centaines, etc. On y effectuait les calculs tantôt avec de petites pierres qui indiquaient des unités d’ordre plus ou moins élevé, selon la colonne où elles étaient placées, tantôt à l’aide de sable dont on couvrait l’abaque et sur lequel on traçait des caractères. Dans les abaques perfectionnés, les petites pierres étaient remplacées par des boutons qu’on faisait glisser dans une rainure. Plusieurs exemplaires de l’abaque romain nous sont parvenus. Il en existe un au cabinet des antiques de la Bibliothèque impériale. Depuis un temps immémorial, les Chinois et les Tartares possèdent une machine à calculer qui n’est autre que l’abaque et à laquelle ils donnent le nom de souwan-pan. Cette machine a été introduite en Russie vers la fin du moyen âge par les conquérants mongols, et importée en 1812 dans notre pays, où elle est employée dans les salles d’asile, sous le nom de boulier, pour enseigner aux enfants les premiers éléments de l’arithmétique. Alexandre de Humboldt fait remarquer avec raison que l’intérêt de l’abaque, au point de vue de l’histoire de l’arithmétique, est dans le principe de la valeur de position des signes numériques sur lequel repose cet instrument, et qui est devenu celui de notre numération écrite.