Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/atropine s. f.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 879-880).

ATROPINE s. f. (a-tropi-ne — rad. atrope, nom scientifique de la belladone). Chim. Alcaloïde découvert dans la belladone, qui lui doit ses propriétés énergiques et vénéneuses : /.’atropinu est une substance très-àcre et très-vénéneuse. (Kicberand.) On emploie la solution rf’ATROPiNK ou celle de sulfate d’hTRO- pine, pour dilater la pupille, afin de pouvoir observer larétine avec l’ophthabnuscope. (Nysten.)

Encycl. L’atanpine considérée au point de vue chimique. Découverte en 1S33 à peu près en même temps par Geiger et Hess et parMein.l’afropiHese rencontre dans toutes les parties de la belladone (atropa belladoua). Pour l’extraire^ on épuise, par l’alcool concentré et chaud, la poudre des racines de belladone ; on abandonne l’extrait pendant quelques heures avec de l’hydrate de chaux ; on filtre, et l’on ajoute goutte à goutte de l’acide sulfurique pour séparer la chaux qui s’est dissôutél’ L’alcool ayant été chassé par une douce chaleur, on verse par gouttes une solution concentrée rie carbonate de potasse, et l’on filtre dès que le liquide commence à se troubler. L’atropine y cristallise alors^u bout de quelque temps ;’on la purifie par plusieurs cristallisations dans l’alcool., ■

L’atropine est inodore, incolore ; elle cristallise en aiguilles soyeuses, transparentes ; réunies en aigrettes ; souvent, par l’évaporation lente de sa solution alcoolique, elle s’obtient en une masse diaphane, ayant, l’aspect du verre. Elle est peu soluble dans l’eau ; l’alcool la dissout aisément, l’ètber la dissout moins bien. Evaporées à l’air, les solutions s’altèrent en partie, en prenant une odeur nauséabonde. L’atropine est fort alcaline, et d’une saveur très-amère. Elle fond à 90u, et se volatilise à HO", en se décomposant en partie. Elle parait renfermer sur 100 parties : carbone, 70,58 ; oxygène, 7,95 ; azote, 4,84 ; hydrogène, 16,60. Sa composition s’exprime par la formule C"H»Az(J*. • „ ■ ’

Les sels d’atropine s’obtiennent difficilement à l’état cristallisé ; ils sont inodores, Acres, amers, inaltérables à l’air, ordinairement solul.les dans l’eau et l’alcool, insolubles dans î’éther pur. La potasse, l’ammoniaque et les carbonates ne les précipitent.qu’à l’état fort concentré, le précipité se dissout aisément dans un excès d alcali. Le phosphate de soude, l’iodure de potassium et le sulfocyanure de potassium ne précipitent pas les sels d’atropine ; le tannin ne les précipite qu’après l’addition de l’acide chlorhydrique.

Les principaux sels d’atropine sont : le chlorhydrate, le cMoraurate, le sulfate, l’azotate, l’acétate et le valérianate. , echlurliydrate d’atropine cristallise en aigrettes groupées en faisceaux. Le chtoraurate d’atropine se précipité sous la forme d’une poudre jaune, devenant "peu à peu cristalline, lorsqu’un verse doucement une solution concentrée de chlorhydrate d’atropine dans une solution diluée do chlorure d’or. Le sulfate d’atropine cristallise aisément en aiguilles déliées, incolores, nacrées et réunies en aigrettes ou en étoiles ; il est fort soluble. L’azotate d’atropine fonn • une masse sirupeuse, déliquescente. Vncétat d’atropine s’obtient sous la forme de prisme nacrés, groupés en étoiles ; il est iimltérabl et très-solubie ; lorsqu’on le dissout à plusieurs reprises, il finit par perdre un peu d’acide acé- ■ tique. Le volérianate d’atn.pine se présente sous ia forme d’un miel un peu liquide ; il est soluble dans l’alcool et dans l’eau, et ne parait pas susceptible de cristalliser.

L’utropine eonsidétée au point de vue physiologique et thérapeutique, h’atropin» représente complétement, pour ses effets physiologiques, la belladone, dont elle est le principe actif ; elle doit remplacer cette plante dans toutes les indications thérapeutiques. Appliquée sur le derme dénudé, elle cause une vive irritation locale, que quelques malades ont comparée à la sensation d’un fer chaud qu’on passerait sur la plaie. Cette douleur diminue graduellement et disparaît au bout de cinq à dix minutes. Voici, suivant M. Bouchardat, l’ensemble des phénomènes que peut déterminer chez l’homme l’absorption de 1 centigramme d’atropine ; Le pouls s’élève, le plus souvent, de huit h dix pulsations, quelquefois de quinze à vingt. Un des premiers et des plus constants symptômes que les malades « éprouvent, c’est la sécheresse de la gorge, accompagnée d’une grande difficulté dans la déglutition. La dilatation de la pupille est "constante et souvent considérable. Les jambes s’engourdissent ; elles refusent leur service. Les malades se cramponnent aux meubles ; ils éprouvent des fourmillements, des vertiges, des éblouissements, des bourdonnements d’oreilles. Leur voix est souvent sans force ; à peine peuvent-ils appeler au secours ; quelquelois l’aphonie est complète. La face peut être très-rouge ou très-pale ; les extrémités se refroidissent ; la sensibilité générale devient très-obtuse. Malgré ce cortège effrayant de symptômes, au bout de douze ou vingt heures, toute inquiétude a disparu.

Il résulte des expériences de M. Bouchardat que l’atropine agit plus énergiquement sur 1 homme que sur les animaux, et que son action porte sur une partie de l’encépnale qui se trouve moins développée et moins impressionnable chez le chien que chez l’homme, et bien moins encore chez le lapin. « Nous avons placé, dit M. Bouchardat, au fond d’une incision pratiquée au dos d’un fort lapin 1 centigramme à’atropine sans qu’il en soit résulté le moindre effet pathologique. Deux jours plus tard, nous lui avons fait une nouvelle incision à quelques centimètres de la première ; nous en avons disséqué la peau dans une étendue de 5 à 6 centimètres ; ensuite nous avons ou— • vert la gaine d’un muscle, et la plaie ayant cessé de saigner, nous avons placé sur le muscle, ainsi misa nu, 5 centigrammes d’atropine. Enfin la plaie a été pansée de manière que rien ne pût s’en échapper. L’animal a paru souffrir dans les premiers moments qui suivirent cette opération, mais de l’action locale du médicament et non de son influence générale. Nous l’avons fait garder à vue ensuite pendant plusieurs heures, et il ne s’est présenté aucun phénomène morbide. Nous avons répété cette dernière expérience quelques jours plus tard, en portant la dose d’atropine a 15 centigrammes, et il n’en est résulté aucun accident… Ces expériences démontrent clairement que l’atropine ne peut être considérée comme un poison pour les lapins. • Le même physiologiste a fait absorber à des chiens, soit parla méthode endermique, soit par injection dans les veines, des doses de 5, 10, 15 et même 20 centigrammes d’atropine, qui n’ont jamais produit chez ces animaux qu’un état momentané de paralysie générale.

L’atropine se prescrit à la dose de 2 milligrammes, qu’on porte, en l’augmentant pror gressivement, jusqu’à celle de l centigramme. Elle est employée utilement contre les affections spasmodiques ou convulsives, notamment contre l’épilepsie,.l’hystérie, la chorée, la coqueluche et l’asthme essentiel. Elle présente deux avantages qui doivent la taire préférer aux préparations de belladone:d’une part, elle peut être dosée exactement, ce qui permet d’en prévoir et d’en mesurer d’avance avec certitude les effets ; d’autre part, elle peut être facilement administrée par la méthode endermique. Les principales formes pharmacologiquessous lesquelles elle est prescrite sont celles de teinture (atropine, 1 gr. ; alcool à 85, 100 gr.) ; — de sirop (atropine, 1 décigr., dissous dans 10 gr. d’eau avec une goutte d’acide chlorhydrique, puis mêlé avec sirop de sucre, 1, 000 gr.) ; — de prises (atropine ; 1 centigr., sucre blanc, 2 gr.) ; — de pilules (atropine, 5 centigr., miel et poudre de guimauve, q. s. pour faire 100 pilules); : — de collyre (atropine, 10 centigr. ; eau distillée, 100 gr.).