Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/langue s. f.

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 1p. 156-159).

LANGUE s. f. (lan-ghe — lat. lingua, du même radical que lingere, lécher ; savoir, la racine sanscrite lih, lécher, d’où aussi le grec leichein, mémo sens). Corps mobile, situé dans la cavité butrale, et servant à la dégustation, à la déglutition, a l’articulation des sons de la voix : Un ragoût de langues de mouton, La langue est la partie par laquelle les médecins connaissent tés maladies au corps, et les philosophes celles de l’âme. (Montaigne.) La Langues des roussettes, des lions et des chats est parsemée de petites pointes cornées qui se retournent vers la gorge ; aussi ces animaux écorchent en léchant. (Virey.) Quelques ■ poissons, comme la raie, n’ont pas de langue. (J. Macé.)

Qu’une femme parle sans langue Kt Casse même une harangue,

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Je le crois bien.

Qu’ayant une langue, au contraire. Une femme puisse se faire,

Je n’en crois rien.

— Objet qui a la forme d’une langue : Le Saint-Esprit est descendu sur tes apôtres en langues de feu. (Acad.)

— Idiome d’une nation : Les langues an-' ciennes. Les langues modernes. La langue hébraïque. La langue grecque. Les langues orientales. Les langues du Nord. Posséder, savoir une langue. Parler, écrire bien sa langue. Fixer, perfectionner, enrichir une langue. C’est parce qu’une langue suppose une suite de pensées que les animaux n’en ont aucune. (Buff.) Il est impossible de fixer les langues vivantes et d’empêcher qu’elles ne changent. (Volt.) Si l’on pouvait observer une langue dans ses progrès successifs, on verrait les règles s’établir peu à peu. (Condillac.) Cette langue française est une rebelle qu’il faut dompter ; elle n’obéit qu’à ceux qui la violentent. (Marivaux.) Les langues sont la mesure des idées des hommes. (Turgot.) Une langue est la forme apparente et visible de l’esprit d’un peuple. (Villemain.) À mesure que les mœurs d’un peuple se corrompent, sa langue devient chaste. (J.Droz.)

— Langage, manière particulière de s’exprimer : La langue des poètes. La langue des philosophes. La langue des passions. L’intérêt parle toutes sortes de langues f.t joue toutes sortes de personnages, même celui du désintéressement. (La Rochef.) Il Moyen quelconque d’exprimer les idées : Mozart sait faire parler toutes les passions, tous les sentiments dans leur propre langue. (G. Sand.) "Le silence, madame.

En de pareils transports est la langue de-l’Ame.

Rotrou.

— Ensemble des termes d’un idiome et des régies de sa grammaire : Connaître, ignorer sa LANGUE,

Langue dorée, Personne éloquente, qui tient des discours persuasifs : Une langue dorée qui parle toute une nuit peut mener loin l’ingénue qui prête l’oreille sans défiance, (P. de Musset.)

Mauvaise, méchante langue, tangue de serpent, de vipère, Personne qui se plaît à médire : Laissez dire les méchantes langues et allez toujours votre train. (De Coulanges.)

Coup de langue, Médisance, rapport, propos qui attaquent la réputation de quelqu’un : Je ne sais comment il faut vivre pour se mettre à couvert des coups de langue. (Le Sage.) Les coups de langue ne furent point épargnés ; chacun lança son trait. (Le Sage.)

Langue verte, Nom donné à l’argot dans ces derniers temps.

Avoir la langue grasse, Prononcer mal certaines consonnes, et particulièrement les r.

Avaler sa kuigue, Se taire, se condamner au silence. 11 Avoir soif à avaler sa langue, Avoir une grande soif.

Tirer la langue d’un pied de long, Être dans un extrême besoin : Si j’étais de vous autres comédiens, j’aimerais mieux tirer la langue d’un pied de long que représenter de pareilles sottises. (Regnard.)

Tirer la langue à quelqu’un, Se moquer de le lui, narguer par un mouvement de la langue.

Avoir la langue bien pendue, bien affilée, Parler avec facilité, avoir un grand babil : Voilà une dràlesse qui a la langue bien pendue. (Danc.) Il Avoir bien de la langue, avoir la langue bien longue, ne savoir tenir sa langue, Ne savoir garder un secret, parler indiscrètement : C’est AVOIR BIEN DE LA LANGUE que de ne pouvoir se taire de ses propres affaires. (Mol.)

Être maître de sa langue, Savoir se taire à propos : Il est trop peu maître de sa langue pour, que je lui confie mon secret. (Acad.)

Il n’aura pas de langue pour la moitié de sa vie ; sa langue va comme un cliquet de moulin, Se dosent d’un babillard.

Se mordre la langue, S’arrêter au moment de dire ce qu’on ne voudrait pas, ce qu’on ne devrait pas dire, il Se repentir d’avoir dit quelque chose : Je l’ai dit, mais je n’en suis mordu la langue.

Avoir un mot sur la langue, sur le bout de la langue, Croire qu’on est près de trouver le mot qu’on a dans la mémoire, mais qui échappe au moment où l’on veut le prononcer.

La langue lui a fourché, Il a dit un mot pour un autre.

Faire merveilles du plat de la langue, Chercher à étonner, à étourdir, par de grandes phrases, par des récits extraordinaires. ■

N’avoir point de langue, Parler peu ou garder le silence.

Prendre langue, Entrer en pourparlers, demander des renseignements : On envoya quelques gens en avant, pour prendre langue. (Acad.)

Jeter sa langue aux chiens, Renoncer à deviner : Votre énigme est trop difficile, je

JETTE MA LANGUE AUX CHIENS. (Acad.) YOUS

n’y êtes pas : donnez votrïï langue aux cuiens. (E. Sue.).

— Prov. Un coup de langue est pire qu’un coup de lance, Une médisance est plus funeste qu’une blessure. El II faut tourner sept

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fois sa langue dans sa bouche avant de parler, Avant de parler, de se prononcer, il faut mûrement réfléchir. Il Beau parler n’écorche point la langue, 11 est toujours bon de parler poliment. 11 Qui langue a à Borne va, Quand on sait s’expliquer, on peut aller partout. Il L’usage est le tyran des langues, L’usage prévaut Sur les règles de la grammaire.

— Philol. Langue d’oc, Langue romane parlée anciennement en France, au sud de la Loire, et dans laquelle l’affirmation oui se disait oc. Il Langue d’oil, Langue anciennement parlée en France, au nord de la Loire, dans laquelle l’affirmation oui se disait oil, et qui est devenue la langue française. Il Langue de si, Nom donné quelquefois à l’italien, dans lequel la même affirmation se dit si.

— Linguist. Langue mère, Langue considérée relativement aux langues qui en sont dérivées. Il Langue fille, Langue considérée relativement à celle dont elle dérive. Il Langues sœurs, Langues filles d’une même langue mère : Les langues néolatines sont sœw*s. Il Langue vivante, Langue actuellement parlée : L’enseignement des langues vivantes est fort négligé dans les collèges, il Langue morte. Celle qui n’est plus parlée : Le latin est une langue morte.

— Gramm. Langues directes, Celles qui n’admettent pas d’inversions, et dont la construction suit plus ou moins fidèlement l’ordre analytique des idées. Il Langue écrite, Langue pourvue d’un alphabet, et dans laquelle on a composé des livres, par opposition a celle qui n’est que parlée. Il Langue synthétique ou concrète, Celle qui rend par des terminaisons variables les diverses indications grammaticales, il Langue analytique, Celle dans laquelle chaque rapport grammatical est rendu par un mot distinct.

— Théol. Don des langues, Grâce que Dieu fait à un homme quand il lui donne, par miracle et sans étude, la connaissance et l’usage d’une langue : Les apôtres reçurent Je don des langues.

— Fam. Avoir le don des langues, Avoir une grande facilité pour apprendre les langues.

— Hist. Nom donné, dans certains ordres de chevalerie, à l’ensemble des chevaliers appartenant à chaque nation : L’ordre de ■ Saint-Georges de Bavière est divisé en deux langues, la langue allemande et la langue étrangère. Les possessions de l’ancien ordre de Malte étaient partagées en huit langues, appelées langue de Provence, langue d’Auvergne, langue de France, langue d’Italie, langue d’Aragon, langue de Castille, langue d’Allemagne et langue d’Angleterre.

— Féod. Droit de pied et de langue. V. droit.

— Géogr. Langue de terre, Espace de terre beaucoup plus long que large, et entouré d’eau, excepté sur un point : La presqu’île de Malacca est une langue de terre. 11 Espace de terre étroit qui joint deux terres : Le Péloponèse n’est joint au continent que par une langue de terre.

— Mar. Coin de bois en forme de langue. Il Langue de voile, Morceau de toile étroit par le haut et large par le bas, que l’on met aux côtés de quelques voiles.

— Manég. et Chasse. Donner de la langue, Appeler ou exciter le cheval ou les chiens, en appuyant fortement la langue contre le palais, et la^ retirant aussitôt. Il Aides de la langue, Cris que fait le cavalier pour gouverner son cheval.

— Chir. Langue-de-serpent, Petit instrument do dentiste, qui sert à nettoyer les dents de la mâchoire inférieure, il Langue-decarpe, Instrument dont on se sert pour extirper les dents molaires.

— Techn. Nom donné dans les verreries à une cassure qui, des bords d’une pièce de verre, se dirige vers son milieu, il Bout de tuyau de plomb aplati, qui jette une nuppe d’eau dans une cuvette de garde-robe. Il Langue-de-carpe, Ciseau qui sert à faire des entailles dans le fer ; forêt qui sert à percer des trous très-petits dans le ter et l’acier, il Langue de balance, Style perpendiculaire au fléau. Il Langue-de-bœuf, Outil de maçon taillé en forme de cœur, il Langue-de-chat, Nom donné dans certains départements aux biscuits à la cuiller.

— Moll. Langue d’or, langue-de-chat, Nom de deux coquilles du genre tollitie.

— Bot. Chacune des trois pièces de la corolle de l’iris qui ont une position relevée. Il Langue-d’agneau, Nom vulgaire d’une espèce de plantain. Il Langue-d’anolis, Nom vulgaire du mélastome cilié, il Langue-de-bœuf, Nom vulgaire de la buglose et de la fistuline. Il Langue-de-cerf, Nom vulgaire de la scolopendre. Il Langue de châtaignier, Nom vulgaire de lu fistuline. Il Langue de chêne, Nom vulgaire de la fistuline. il Langue-de-cheval, Nom vulgaire d’une espèce de fragon. Il Langue-dechien, Nom vulgaire de la cynoglosse officinale et du myosotis lappula ou bardanette. Il Langue de noyer ou de pommier, Nom vulgaire de divers agarics à pédicule latéral. Il Languede-passereau ou de moineau, Nom vulgaire de de la stellère passerine et de ta renouée des oiseaux. Il Langue-de-serpent, Nom vulgaire de l’ophioglosse commune. Il Langue-de-terre, Nom vulgaire des géoglosses. il Langue-de-vache, Nom vulgaire de la scabieuse des champs

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et de lagrande consoude. 11 Langue-d’oie, Nom vulgaire de la grassette commune.

— Syn. Langue, dialecte, idiome, etc. V. DIALECTE.

— Encycl. Zool. La langue est un organe très-important, d’une structure très-variée et apte à des fonctions assez diverses. C’est dans les animaux supérieurs, et surtout chez l’homme, qu’elle acquiert son plus haut degré de complication et de perfection ; le mécanisme va se simplifiant à mesure qu’on descend l’échelle zoologique, et présente souvent des particularités intéressantes qui servent à caractériser des genres, ou même des groupes d’un ordre plus élevé.

La forme générale de la langue est bien connue ; ce mot et quelques-uns de ses dérivés sont assez fréquemment employés comme termes de comparaison. On peut d’ailleurs s’en faire une idée exacte par la langue de l’homme. Mais cet organe offre des modifications dans les divers groupes.

Ainsi, chez la plupart des oiseaux, il est mince et presque rudimentaire ; toutefois, chez les perroquets et les flamants, la tangue redevient volumineuse et se rapproche de celle des mammifères, mais seulement en apparence, car ce volume considérable tient au grand développement des tissus cellulaire et

! graisseux. Chez les microglosses (genre de

] perroquets), il y a une exception remarqua’ ble ; la langue, ici, se réduit à un petit tubercule ovoïde et d’apparence cornée. Elle est

également très-courte chez l’autruche ; elle
! simule une plume dans certaines espèces de

toucans, une sorte de hameçon ou de flèche barbelée chez les pies et les torcols, un fer de flèche dans les gallinacés, les geais, les étourneaux et la plupart des passereaux ;, dans quelques genres, l’extrémité de cet organe est plus ou moins divisée ou comme déchiquetée.

Les reptiles ont, en général, une langue mince, sèche, bifide à l’extrémité ; les lézards et les serpents en offrent des exemples familiers. Toutefois, celle du crocodile n’est pas visible à l’extérieur sur l’animal vivant, parce qu’elle est masquée par une peau jaunâtre, chagrinée, analogue à celle qui recouvre le palais, et formée par une continuation des enveloppes générales ; celle du caméléon est cylindrique et terminée par une sorte de pelote visqueuse. Les grenouilles et les crapauds ont une langue entièrement charnue.

Dans la plupart des poissons, la langue consiste en une simple saillie à la partie inférieure de la bouche. Quelques espèces de poissons inférieurs ont cet organe armé de dents, tandis que d’autres en sont complètement privées.

Si nous passons aux insectes, nous trouverons encore de notables modifications ; les coléoptères et les orthoptères ont une langue membraneuse, dont la forme varie beaucoup. Dans la plupart des autres insectes, elle est concave et prolongée en une trompe membraneuse, charnue, molle ou spongieuse ;

dans les papillons, la langue forme un long tube composé de deux pièces exactement soudées.

Quelques vers, l’éehinorhynque entre autres, ont aussi une trompe, à laquelle plusieurs auteurs ont donné le nom de tangue, mais la plupart des animaux de cette classe en sont dépourvus. Les mollusques céphalopodes et la plupart des gastéropodes ont une petite langue cartilagineuse qui paraît manquer complètement aux acéphales, ainsi qu’à la majeure partie des animaux connus sous le nom de vers. Dans les zoophytes, on ne retrouve plus la moindre trace de cet organe.

La surface externe de la langue est constituée par une membrane muqueuse, d’un rose pâle, abondamment pourvue de vaisseaux sanguins et entièrement couverte, à la face supérieure (du moins chez l’homme et les mammifères), de saillies ou éminenoes de formes variées, qui rendent sa surface rugueuse. Ces éminences ou papilles sont coniques, hautes, aiguës, rapprochées et serrées commo les poils d’une brosse, sur te milieu de la langue et vers sa pointe ; sur les côtés, elles se raccourcissent peu à peu et se réduisent enfin à de simples tubercules mousses. On trouve aussi vers la pointe des papilles fongiformes (en champignon), supportées par un pédicule mince et se renflant au sommet en une tète arrondie. Enfin, vers la base, sont des papilles caliciformes (en forme de coupe), hémisphériques et entourées chacune d’un bourrelet circulaire. La face inférieure de la langue est complètement dépourvue de papilles.

La langue des mammifères se rapproche plus ou moins de celle de l’homme. Chez les singes, la seule différence consiste dans un nombre moindre de papilles à calice. Les chauves-souris ont des papilles allongées, tantôt semblables à des poils, tantôt dures comme de la corne. Cette dernière disposition se retrouve chez les chats, les civettes e» beaucoup d’autres carnassiers ; les papilles du milieu de la langue sont revêtues d étuis cornés qui rendent si rude la langue des chats et font qu’elle écorche lorsqu’elle lèche, tandis que celle des chiens est au contraire très-douce. Chez les édentés et les pachydermes, la langue est complètement lisse ou à peu près. Dans les ruminants, les papilles coniques de la moitié antérieure soni nombreuses, serrées, fines, terminées par un filet corné mais flexible, surtout dans le chameau, où

les filets sont longs et donnent à la langue une douceur qu’on a comparée a celle du velours.

Les papilles de la langue des oiseaux ont des formes diverses. Presque toujours la face de cet organe est lisse, et les bords seulement présentent quelques papilles chez les • vautours, les oiseaux de proie nocturnes, les peçi’oquets, les toucans, les pics, les torcols, etc. Les papilles manquent complètement, ou h. peu prés, chez les reptiles, les poissons et les animaux inférieurs.

Quant h la structure interne de la langue, on y distingue des muscles extrinsèques, au nombre de huit ou dix, qui viennent se terminer dans l’épaisseur de l’organe et s’insèrent aux parties voisines, et des muscles intrinsèques, qui, par leur réunion et leur entrelacement, forment la plus grande partie

du tissu propre de la langue. Celle des oiseaux est, en outre, soutenue par un ou deux os (les glosso-hyaux) qui en traversent l’axe, et qu’on a considérés comme les analogues des cornes postérieures de l’os hyoïde. La langue reçoit des branches nerveuses de trois paires différentes. Celles qui proviennent du nerf hypoglosse et du rameau glosso- pharyngien de la huitième paire se distribuent aux muscles, tandis que le rameau lingual de la cinquième paire, qui se divise en un grand nombre de filets, lesquels se répandent dans la surface muqueuse et concourent à la formation des papilles, est le principal agent de la perception des saveurs.

Il nous reste h parler du mode d’attache de la Guigne et de quelques particularités que présente le jeu de cet organe. Chacun sait comment la langue est attachée chez l’homme ; il en est do même dans la plupart des mammifères. Dans ces exemples bien connus, la tangue est très-mobile, mais peu extensible. Chez les cétacés, la langue adhère au palais, tandis que chez les fourmiliers et les pangolins, elle est très - grêle et amincie, et tellement extensible, qu’elle peut acquérir une longueur double de celle de leur tète, déjà extrêmement allongée. On observe quelque chose d’analogue chez les pics et les torcols, parmi les oiseaux : ici les cornes antérieures de l’hyoïde ont acquis un très-grand développement, d’où résulte, par un mécanisme

tout particulier, la possibilité dont jouissent ces oiseaux de faire sortir de leur bec leur langue presque tout entière. Parmi les reptiles, le caméléon a une langue très-extensible ; cet organe, comme nous l’avons dit, est fixe chez le crocodile. Les crapauds et les grenouilles ont une langue charnue, fixée à la mâchoire par son extrémité antérieure, tandis que sa pointe, dirigée en arrière, est libre et peut se renverser en dehors. La langue des salamandres n’est libre et ne peut se mouvoir que sur les côtés.

Passons maintenant aux fonctions de la langue.-D’abord, elle est l’organe principal, sinon exclusif, du goût. À mesure que sa structure, si compliquée dans les mammifères supérieurs, se simplifie en passant aux autres classes, la perception des saveurs devient de plus en plus obtuse, et finit même par être tout à fuit nulle quand on arrive aux degrés inférieurs de la série. La langue joue aussi un grand rôle dans le phénomène de la voix et la production des sons ; la même progrèssion que nous observions tout a l’heure se retrouve ici ; il n’y a de voix proprement dite que chez les vertébrés supérieurs. On sait, d’ailleurs, que les personnes qui sont privées de langue, ou qui ont cet organe paralysé, peuvent bien émettre des sons gutturaux, mais sont tout a fait inaptes à produire la plupart des articulations représentées par les consonnes de l’alphabet ; on sait encore que les anomalies dans sa conformation sont la principale cause des défauts de langue connus sous le nom de bégayement, bredouillemens, zézayement, etc. La langue aide encore puissamment à lu mastication et à ia déglutition, en repoussant contre les mâchoires le bol alimentaire et «n le ramenant en arrière vers le gosier. Enfin, elle peut devenir, un organe de préhension des aliments. Nous avons vu, eu effet, que certains mammifères et oiseaux ont la faculté de darder en quelque sorte assez loin leur langue très-longue et visqueuse, pour la retirer dans l’intérieur de la bouche quand elle est suffisamment chargée de fourmis ou des autres insectes dont ces animaux font leur nourriture. Il en est de même chez les hyménoptères, les lépidoptères, les flévroptères, etc., qui, au moyen de leur longue langue disposée en trompe, puisent au sein des fleurs les liquides sucrés servant à leur alimentation.

— Anat. humaine. La langue est un corps symétrique très-mobile, charnu, de forme allongée, aplati, arrondi sur ses bords et à sa pointe, épais à son milieu et surtout à sa base, et composé de muscles qui lui font exécuter ses mouvements et lui permettent de prendre différentes formes. La langue est attachée par sa racine à l’os hyoïde et par une portion de sa base à la mâchoire inférieure. Ses muscles sont distingués en extrinsèques et intrinsèques : les premiers sont les styloglosses, les hyo-giosses, les génio-glosses et les glosso - staphylins ; les seconds comprennent les muscles linguaux. Tous ces muscles enire-croisentleurs libres d’une manière inextricable, et au centre de ce tissu, sur la ligna médiane, il existe une cloiaon fibreuse qui

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vient s’insérer, en arrière, au corps de l’hyoïde, et dont les faces latérales donnent attache à des libres musculaires transversales.

La langue est tapissée d’une membrane muqueuse qui se continue avec celle qui revêt la cavité buccale. Cette membrane forme, à la face inférieure, un repli nommé filet, et présente, sur la face supérieure, un épiderme pavimenteux très-marqué, au-dessous duquel est un réseau’de minuscules vasoulaires qui accompagnent les papilles nerveuses. Il existe sur le milieu de cette face, et dans toute sa’ longueur, un léger sillon qui se termine, à son extrémité postérieure, par le trou borgne de Morgagni, qui est l’orifice commun de plusieurs glaudules salivaires. Les papilles nombreuses que l’on observe sur le dos de la langue sont de trois espèces : " les papilles coniques, qui occupent principalement la pointe et les cotés de cet organe ; 2° les papilles fongiformes, -répandues en nombre indéterminé sur la partie moyenne et postérieure ; 3° les papilles lenticulaires ou calieiformesqui sont de véritables petites glandes salivaires, au nombre de dix a quinze, percées d’une ouverture qui donne issue à un fluide muqueux ; elles sont rangées sur deux ligues qui viennent’converger en arrière au trou borgne. Les artères de la langue viennent de la carotide interne ; ses veines se rendent dans la jugulaire interne, et ses nerfs viennent du glosso - phar3rngien, de l’hypoglosse et du maxillaire inférieur ; les uns sont destinés a la perception des saveurs, les autres donnent à I organe sa motilité.

La tangue est le principal organe du goût, et cette faculté gustative réside spécialement à sa pointe et à la partie antérieure de sa face supérieure. Elle sert à l’articulation des mots concurremment avec les autres parties de la bouche ; elle agit aussi dans la préhension des aliments, dans la succion, dans la mastication, en portant les aliments entre les arcades dentaires, dans la déglutition et dans l’expuition.

La langue est sujette à plusieurs vices primitifs de conformation : ainsi, elle peut offrir un très-grand excès de longueur ou un raccourcissement considérable, et quelquefois

même ne pas exister : elle est alors remplacée par un mamelon irrégulièrement arrondi. On la trouve quelquefois bifurquée à sa poin te ; on l’a vue aussi fort large et très-mince. Il existe quelquefois un prolapsus de la langue causé par une hypertrophie congénitale de cet organe, et qui augmente avec l’âge. 11 n’est pas rare de la Voir adhérer plus ou moins complètement à la paroi inférieure de la bouche ou aux joues ; cette adhérence peut résulter simplement d’un excès de longueur du filet. Ce repli peut aussi ne pas exister et permettre un renversement considérable de la langue en arrière. On a observé l’atrophie de sa totalité ou d’une de ses moitiés à la suite de paralysies prolongées. Enfin, on a vu sa surface hérissée de poils longs et rudes.

— Pathol. Les maladies de la langue consistent dans les divers états inflammatoire" ; connus sous le nom de glossite, la chute de la langue, ses adhérences, les plaies, les ulcérations, les tumeurs de diverse nature et la paralysie.

Inflammation de la langue ou glossite. On en distingue deux espèces, l’une superficielle, bornée à la, membrane muqueuse et très-fréquente ; l’autre profonde, occupant le parenchyme de l’organe, et assez rare. V. GLOSSITE.

Prolapsus de la langue. Cette affection est souvent la suite, chez les enfants, de l’habitude de tirer continuellement la tangue, et, chez les adultes, de salivations mercurielles abondantes et prolongées. Elle peut dépendre de la constitution lymphatique des sujets, et elle est quelquefois compliquée de paralysie. Chez les individus affectés de cette maladie, la bouche est maintenue entr’ouverte par la langue, qui s’avance entre les dents et les lèvres. La salive s’écoule involontairement, la prononciation et la déglutition sont difficiles. Lorsque la langue n’est pas trop fortement tuméfiée, il faut la repousser dans la bouche, dans l’intervalle des repas, et faire usage d’un bandage destiné à maintenir les mâchoires fortement rapprochées. On emploie aussi les lotions et les gargarismes astringents, et lorsque ces moyens sont insuffisants, on applique des sangsues a la surface de la langue pour la dégorger, et on pratique dans son tissu des scarifications profondes. Enfin, quelques chirurgiens ont fait avec succès la résection de la portion excédante de cet organe.

Adhérence de la langue. Cet état de la langue empêche ses mouvements, et, suivant son degré d’étendue et l’âge de l’individu, nuit à l’action de teter, à la déglutition et à l’articulation des sons. Les adhérences de la langue sont congénitales ou accidentelles. Dans le premier cas, cet organe peut être collé en totalité ou en partie au plancher buccal, ou, ce qui est plus rare, a. la voûte palatine ; d’autres fois, l’union anomale consiste dans un excès de longueur du frein ou filet, qui se prolonge plus ou moins près do la pointe de la langue, ou dans une trop grande brièveté de ce repli fibro- muqueux. Les adhérences accidentelles résultent de plaies, de brûlures, de gangrène ; et alors il existe souvent des déviations, des pertes de substance delatoi^ue, qui rendent presque toujours

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infructueuses les opérations destinées à rendrela liberté a cet organe. L’instrument tranchant est le seul moyen à opposer à ces deux espèces d’adhérences. Lorsque la langue est simplement collée, soit a la voûte palatine, soit au plancher buccal, comme cela a lieu quelquefois chez les nouveau-nés, le doigt, le manche d’un scalpel ou une spatule suffisent pour détruire cette agglutination. Mais s’il -existe des brides sur les côtés du frein ou entre les joues et les bords de la langite, il faut les diviser avec des ciseaux. Enfin, lorsque les adhérences sont intimes, il faut procéder à la dissection avec beaucoup de soin et de ménagement. Lorsque le filet a trop de longueur chez le nouveau-né et qu’il l’empêche de teter ou de boire, on opère sa section de la manière suivante : la tète de l’enfant étant renversée, on lui ouvre la bouche, et l’opérateur introduit sous la tangue la plaque d’une sonde cannelée, dans la fente de laquelle il fait entrer le filet, qu’il coupe avec des ciseaux mousses.

Plaies de la langue. On peut observer sur la langue toutes les variétés de plaies. Elles sont produites par des instruments tranchants, piquants, par des projectiles lancés par des armes à feu, par le rapprochement subit et violent des mâchoires, copnme cela a lieu dans les contractions énergiques des muscles élévateurs de la mâchoire inférieure pendant une mastication précipitée ou dans des convulsions épileptiques. Si ces plaies ne comprennent pas toute l’épaisseur de l’organe, elles guérissent d’elles - mêmes ; le repos de l’organe, le silence et la diète suffisent. Mais lorsque là langue a été divisée dans toute son épaisseur, qu’il y a eu formation de lambeau, il faut avoir recours à la suture, et employer la cautérisation, s’il y a crainte d’hémorragie, par suite do division de vaisseaux.

Ulcérations de la tangue. Ces ulcérations sont dues à la pression exercée par une dent, à un vice scorbutique, et, plus souvent, à une affection vénérienne ; elles peuvent encore dépendre de l’emploi exagéré ou prolongé d un traitement mercuriel. On y remédiera en faisant l’avulsion de ia dent ou en sciant sa portion saillante, dans le premier cas ; dans les autres, en appliquant le traitement spécifique des vices scorbutique ou vénérien, ou, enfin, en suspendant le traitement mercuriel.

Tumeurs de la langue. Ces tumeurs sont syphilitiques ou cancéreuses. Les tumeurs syphilitiques sont dures, bosselées ; elles ne versent à leur surface aucune humeur, et elles sont peu douloureuses. Elles cèdent à un traitement spécifique. Le3 tumeurs cancéreuses, occupent d’abord la pointe et les bords de la langue ; elles débutent sotis la forme d’un petit tubercule dont le volume s’est accru graduellement et avec lenteur. Longtemps indolent, il finit par devenir le siège do douleurs vives, lancinantes, survenant par accès rares d’abord, et ensuite de plus en plus fréquents ; sa surface s’ulcère, prend une couleur livide, saigne au moindre contact, et fournit une sanie dont l’odeur est repoussante. Le traitement de cette grave affection consiste à enlever les parties malades à l’aide de l’instrument tranchant et à cautériser ensuite la plaie avec le fer rouge. Mais, malgré tout le soin qu’on peut apporter dans cette opération pour détruire toute trace du mal, il est encore assez sujet à récidiver.

Paralysie de la langue. On reconnaît cette affection il ce que la parole est lente, embarrassée ou impossible ; la langue a conservé sa forme et ses dimensions ordinaires, mais elle est immobile ou n’a plus que des mouvements difficiles ou insuffisants pour le libre exercice do ses fonctions. Cet état coïncide avec quelques autres symptômes de maladies de l’encéphale, et réclame par conséquent le traitement de ce genre d’affections.

— Sôméiotique. L’état de la langue a, de tout temps, été considéré comme d’une grande importance dans le cours des maladies. Elle fournit, en effet, au pronostic, au diagnostic et au traitement des maladies, des indications intéressantes qui ne doivent pas être négligés.

Dans 1 état de santé, la langue offre une couleur rosée, une surface unie, légèrement humide ; elle est libre dans tous ses mouve- ’ mems. Dans l’état de maladie, elle offre un nombre presque infini de modifications, relativement à son volume, à sa forme, à ses mouvements, à sa couleur, à son humidité, aux enduits et aux éruptions qui s’y montrent quelquefois. Le volume de la langue augmente dans l’angine grave, dans le cours d’un traitement mercuriel. Elle se rapetisse dans le typhus et les fièvres de mauvais caractère ; c’est un signe toujours grave. La forme de la langue ne présente rien de précis, quoiqu’on ait dit qu elle devenait pointue dans l’inflammation de l’estomac. La difficulté de ses mouvements est un signe gravo dans les maladies fébriles. La couleur de la tangue est pâle après les pertes de sang ; elle est livide dans les affections du cœur, et noire dans les affections typhoïdes graves. Les enduits qui se forment sur la langue offrent des nuances très-variées : blancs ou jaunes, ils n’indiquent pas que la maladie soit grave ; fuligineux ou noirs, ils sont un signe d’une affection sérieuse. Lorsque l’enduit a une grande épaisseur et qu’il est difficile à.

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détacher, on peut en conclure que la terminaison de la maladie est incertaine et presque toujours éloignée. C’est, au contraire, un signe favorable que cet enduit s’humecte et se détache. La formation de plaques, ou de grains blancs ou jaunâtres, qui occupent, non-seulement la langue, mais la face interne des joues, le voile du palais et ses piliers, est un signe des plus graves, qui indique une terminaison proinptement funeste. Lorsque la langue devient sèche dans le cours des maladies, et surtout des maladies aiguës, c’est un indice de nature a donner des inquiétudes sur la manière dont la maladie se terminera. Cette sécheresse n’offre aucune gravité lorsqu’elle est due, comme cela arrive assez souvent, à ce que les malades dorment la bouche ouverte. La température de la tangue est souvent très-froide dans la dernière période de quelques maladies aiguës ou chroniques. Dans le choléra, ce phénomène est presque constant.

Toutes les fois que la langue est couverte d’un enduit blanc ou jaune, d’une certaine épaisseur, et, a plus forte raison, lorsque sa surface est noire ou sèche, il est a peu près constant qu’il existe un état morbide quelconque. L état de la langue a été pendant longtemps considéré comme le miroir fidèle de l’état de l’estomac. Bien q^uo cette manière d’envisager les faits soit exagérée, il faut cependant reconnaître qu’un vomitif fera rendre de la bile chez les sujets dont la langue offre un enduit jaunâtre ou verdâtre, et 1 on voit ceux dont la langue est blanche vomir du mucus en abondance. Quant à la rougeur de cet organe, elle n’est pas, comme on lavait prétendu, un signe certain de l’inflammation de l’estomac. La paralysie de la langue est un signe d’une grande valeur dans les affections du cerveau ; elle sert en effet â diagnostiquer dans quel hémisphère siège la lésion cérébrale : cet hémisphère est toujours opposé au côté de la langue atteint de paralysie.

La couleur rouge de la langue indique l’emploi des moyens antiphlogistiques ; la couleur jaune ou verte, celui des vomitifs et des purf’ atifs, et la couleur noire justifie l’indication es toniques et des antiseptiques. Ce seul signe n’aurait qu’une importance secondaire, si les autres symptômes de la maladie ne venaient pas donner au médecin des indications plus précises. La plupart dos praticiens pensent que les vomitifs, les purgatifs, et même les toniques, tels que le quinquina, ne doivent pas être prescrits aux malades dont la langue est sèche, quelle quo soit d’ailleurs l’espèce d affection dont ils sont atteints.

— Art vétér. La forme de la langue est importante à étudier chez le cheval. La langue mince soutient très-pou le mors et rend les barres plus sensibles. Souvent l’animal la replie en dessous du mors et diminue ainsi l’action du canon de ce dernier. La langue grosse, au contraire, donne au canon un point d’appui plus volumineux, qui diminue son action sur les barres.

Certains chevaux ont l’habitude, pendant le travail, de sortir et de rentrer à chaque instant leur langue ; ce défaut est désigné sous le nom de langue serpentine. D’autres ont la langue toujours pendante, ce qui occasionne des pertes de salive assez considérables. Les chevaux à langue pendante sont généralement peu estimés, et avec raison, car ils sont rarement énergiques.

La langue du bceuf, plus rude et plus longue que celle du cheval, lui sort à saisir l’herbe des pâturages ou le fourrage au râtelier. Sa face supérieure est recouverte de longues papilles dures, dont la pointe, dirigée en arrière, favorise la préhension des aliments.

Le chien a la langue douce et longue, et il s’en sort pour boire, par l’action Je laper. Elle porte souvent à, sa surface de nombreuses verrues, parfois très-difficiles h guérir. Enfin, la langue du chut est recouverte do papilles extrêmement rudes et dont la pointe est dirigée en arrière.

— Art culin. Nous sommes loin du temps où l’on servait sur les tables de riches gourmets des plats de langues de rossignol ; aujourd’hui, on ne soumet plus guère il des préparations spéciales que des langues de quadrupèdes dont la taille no descend pas au-dessous de celle du chevreau.

Les langues de cochon se mangent presque toujours fumées et fourrées.

La langue de bœuf se sale et se fume parfois comme celle de porc ; mais on peut aussi l’apprêter à la sauce ou au gratin. Pour cela, on la débarrasse d’abord des cartilages et des parties dures qui se trouvent it sa base, puis on la ratisse après l’avoir fait dégorger pendant vingt-quatre heures à l’eau fraîche, renouvelée plusieurs fois, él l’avoir plongée dans de l’eau bouillante. La sauce la plus communément employée est la sauce braisée. On peut la servir aussi sur une sauce blondo n aux câpres ou sur une sauce aux tomates, mais toujours après l’avoir braisée. La langue de bœuf au gratin est de même une langue braisée que 1 on coupe en tranches très-mincoset que l’on arrange entre deux couches d’un hachis de cornichons, de persil, do ciboules, d’échalotes et de cerfeuil, avec un peu do bouillon et un filet de vinaigre, lo tout enveloppé de chapelure. Ce gratin doit être soumis à un feu doux. Les langues de veau s’accommodent comme celles du bœuf. Les unes et les autres peuvent, en outre, coupées par tranches, après avoir été braisées ou rôties, se servir à la Sainte-Menehould, ou en papillotes, ou en matelote, ou en hochepot, et sur toutes sortes de ragoûts ou de purées. Il en est, de même des langues de mouton, d’agneau et de chevreau.

— Linguist. Les partisans d’une langue mère unique se sont vivement préoccupés de Savoir quelle fut cette première langue parlée par les hommes. Hérodote (liv. II, ch. n) rapporte que Psamméticus, rbi d’Égypte, voulant résoudre cette grave question, confia à la surveillance d’un gardien deux enfants nouveau-nés, lui enjoignant de les tenir éloignés de tout contact avec les hommes et de ne leur jamais adresser la parole, lui recommandant expressément de bien remarquer et de retenir le premier mot qui sortirait de la bouche de ces enfants. Lorsqu’ils eurent atteint l’âge de la parole, le berger les entendit un jour proférer le mot de beccos. Le roi, averti du fait et les ayant entendus lui-même produire cette articulation, s’informa du sens qu’il fallait y attacher ; on lui dit que les Phrygiens désignaient le pain par le mot beccos ; il en conclut que la tangue phrygienne était la langue originelle. On voit que ce Pharaon était un partisan outré du langage naturel. Le père de l’histoire ajoute d’ailleurs qu’on a renouvelé depuis l’expérience de Psamméticus, et que les enfants sont restés muets.

La recherche de la langue primitive n’a été sérieusement discutée que par les commentateurs de la Bible. Naturellement, ils accordèrent le droit d’aînesse à l’hébreu, langue qu’Adam aurait parlée dans le paradis terrestre. Des esprits d’une haute valeur, parmi lesquels on compte Juste-Lipse, Vossius et dom Calmet, s’attachèrent à démontrer cette assertion. Mais, d’autre part, la priorité d’origine fut revendiquée en faveur de l’abyssinien, du syriaque, du chaldéen, de l’arménien et de l’éthiopien, par Théodoret, Amira, Myricœus, etc. Les Égyptiens et les Chinois ont prétendu que leur langue nationale ne devait le céder a aucune autre en ancienneté. Enfin, divers savants se sont efforcés de prouver l’antiquité de leur idiome de prédilection : les uns se firent tes champions du bas breton, d’autres ont plaidé pour le basque, n’autres se sont déclarés pour le flamand, d’autres pour le celtique. Pour donner un corps à leurs systèmes, ils ont écrit des ouvrages volumineux. Mais tout cet échafaudage, auquel manquait une base scientifique, dut s’écrouler le jour où la philologie entra dans la voie qui venait de s’ouvrir aux sciences positives, et qu’elle adopta, comme la physique et la chimie, l’observation des faits comme principe et comme guide de ses expériences.

Leibnit2 contribua à imprimer à la linguistique ce nouvel essor. Des spécimens de toutes les langues de l’Europe, et même de tout le monde connu, furent colligés et facilitèrent l’étude des langues ; on compara cellesci entre elles, on les groupa par familles et l’on eut des motifs de croire à leur parenté, bien qu’on ignorât encore comment elle avait pu s’établir. Une circonstance politique vint, dans les entrefaites, apporter à la linguistique un puissant secours. Les Anglais s’étant rendus maîtres des Indes, le sanscrit, l’ancienne langue sacrée des Indous, attira l’attention des savants de la Grande-Bretagne.

« Cette langue, dit M. Le Brocquy, dont les premiers monuments remontent à trente-trois siècles, a eu une destinée semblable à celle d’une de ses filles, la langue de l’ancienne Rome. Comme le latin, le sanscrit est depuis longtemps une langue morte, et, comme lui, il n’a pas cessé de servir de langue sacrée à des populations nombreuses ; comme lui encore, et bien plus que lui, il a donné le jour à beaucoup d’autres idiomes ; e/.lin, toujours comme la langue du Latium, il a laissé une foule de documents d’une grande valeur littéraire, et qui permettent de les soumettre à une étude philologique approfondie... Le sanscrit est bien supérieur au latin, et plus parfait encore que le grec. Do toutes les langues connues, c’est la plus flexible, la plus composée et la plus complète. Elle se prête à une analyse pour ainsi dire microscopique ; tous ses mots dérivés se ramènent facilement à leurs racines premières, qui existent dans la langue elle-même. Or, pour les premiers linguistes à qui fut révélée l’existence du merveilleux idiome, ce ne fut pas un médiocre sujet de surprise et de joie de découvrir que le sanscrit était l’origine, non-seulement des idiomes modernes de l’Inde et de l’ancien persan, mais aiRsi qu’il était la souche d’où s’étaient formées toutes les grandes branches du langage européen, le grec, le latin et le teutonique, avec toutes leurs ramifications, ainsi que le celtique et le slave, avec leurs affiliations diverses. Dés lors, la révolution linguistique fut consommée, et la science s’est, depuis, trouvée portée sur un terrain solide, voie large et féconde par laquelle bientôt elle a marché à de grandes et magnifiques conquêtes.

Des savants de presque toutes les parties de l’Europe, et particulièrement de l’Allemagne, s’associèrent, pour l’étude comparée du sanscrit, aux travaux de la Société asia LANG

tique de Calcutta et d’autres linguistes anglais. L’unité originaire de toutes les langues de l’Europe fut établie avec une entière évidence, sauf deux idiomes d’un domaine géographique peu étendu, le finnois et le basque, qui ont été reconnus ne point se rattacher à la langue de l’Inde... L’hypothèse de la descendance collatérale des langues, dont auparavant on ne faisait que soupçonner la réalité, ayant été ainsi heureusement vérifiée, à l’aide du sanscrit, sur l’ensemble des groupes européens, on se trouva puissamment encouragé à en poursuivre le développement dans le classement de toutes les autres langues connues... Voici, très-succinctement résumé, le résultat auquel aboutirent ces immenses recherches du savoir et de la patience... Le nombre des langues mères ou indépendantes, qu’autrefois et naguère encore on avait singulièrement exagéré (on en avait compté plus de soixante-dix), fut excessivement réduit. On prouva que toutes les langues du globe se ramenaient à cinq ou six classes, premières et grandes divisions sous lesquelles venait se ranger, par genres ou par espèces, la totalité des autres idiomes. Le nombre des races’crues d’abord primitives ou aborigènes l’ut restreint dans la même

Proportion, et, guidé par le fil conducteur de affinité du langage, ont constata que des vivants aujourd’hui dispersés sous les latitudes les plus diverses, et devenus étrangers les uns aux autres par les mœurs, la religion et les institutions politiques, appartenaient pourtant, originairement, à l’une des grandes races conquérantes ou émigrantes qui, au nombre de quatre ou cinq, avaient, dans des temps reculés, subjugué ou peuplé paisiblement toutes les contrées de la terre...

Les caractères de ces quelques grandes familles du langage humain, ajoute M. Le Brocquy, ont été oien définis, et les limites qui les séparent sont aujourd’hui nettement tracées. Il en résulte qu’il paraît difficile d’y découvrir encore des points de contact suffisants qui, comme un lien commun, puissent unir entre elles les classes que la science présente comme distinctes et isolées. »

Quelle que puisse être l’origine unique ou multiple des langues, on reconnaît généralement aujourd’hui que le mécanisme des langues repose partout sur les mêmes principes, parce que, suivant la remarque de M. Alfred Maury, il procède de la nature de notre esprit, et cette nature étant la même pour tous les hommes, il s’ensuit que le type dont les langues sont sorties doit être un, comme l’esprit humain est un, comme la nature humaine est une.

« C’est en parcourant, dit M. Jehan, la chaîne entière des langues, en jetant un coup d’œil sur ce tableau mobile soumis à udo rotation continuelle, dans laquelle la parole humaine se reflète sous mille nuances diverses, que l’on reconnaît avec admiration l’unité et la variété de la nature : unité dans l’essence même du langage, dans l’expression concise des idées simples, dans l’échelle limitée des sons fondamentaux, qui ne sont guère qu’au nombre de cinquante : variété dans leurs combinaisons infinies, dans l’abstraction et l’assimilation des idées mixtes, dans les formes de chaque idiome spécial, qui caractérisent les progrès de chaque peuple, et qui des cris du sauvage s’élèvent jusqu’à 1 inspiration du poète et ù la dialectique de l’orateur. Combien d’idiomes plus ou moins élaborés ont déjà disparu de la surface du globe ! Combien d’autres se sont confondus, transformés par des révolutions violentes, ou modifiés et altérés par la marche progressive des siècles, comme ils se modifient encore tous les jours, sans que les efforts de la science ni les chefs-d’œuvre de la littérature puissent arrêter ce mouvement irrésistible imprimé à toutes les choses terrestres ! »

Les réflexions qui précèdent nous conduisent naturellement a nous demander ce que c’est que le génie d’une langue. Suivant Hivarol, il est difficile de le dire. « Ce mot, fait-il remarquer, tient à des idées très-composées ; il a l’inconvénient des idées abstraites et générales ; on craint, en le définissant, de le généraliser encore... On peut dire néanmoins que la douceur ou l’âpreté des articulations, l’abondance ou la rareté des voyelles, la prosodie ou l’étendue des mots, leurs filiations, et enfin le nombre et la force des tournures et des constructions qu’ils prennent entre eux, sont les causes les plus évidentes du génie d’une langue ; et ces causes se lient au climat et au caractère de chaque peuple en particulier. Ainsi, quoiqu’on trouve les mêmes articulations radicales chez des peuples différents, les langues n’en ont pas moins varié comme la scène du monde ; chantantes et voluptueuses dans les beaux climats, âpres et sourdes sous un ciel triste, elles ont constamment suivi la répétition et la fréquence des mêmes sensations. »

Rien de plus facile, assurément, que de constater les profondes différences qui divisent les langues ; mais rien de plus laborieux que le classement des divers idiomes du globe d’après leurs caractères communs et leurs différences spécifiques. La découverte du sanscrit ayant fait abandonner les anciens errements des philologues, on a dû rattacher à l’idiome sacré des Indous la plupart des langues de l’Europe, et reconnaître à la famille des langues indo-européennes une existence distincte de la famille des langues se LANG

mitiques, à laquelle l’hébreu appartient. La science linguistique actuelle a rejeté jusqu’à un certain point la classification ethnographique des longues, pour adopter la classification morphologique, conjointement à la classification généalogique.

La classification ethnographique, suivie par Lorenzo Hervas, dans son Catalogo, par Adelung et Vater, dans le Mithridales, fut consacrée par Adrien Balbi, dans son Atlas ethnographique du globe ; mais, depuis la publication de ce dernier ouvrage, en 1S26, l’étude comparative des langues a été poursuivie avec succès, et les découvertes qui en sont résultées ont fait renoncer à ce système de classification.

Selon M. Max Millier, la classification morphologique est fondée entièrement sur la forme des mots, c’est-à-dire sur la manière dont se combinent les racines, sur le procédé par lequel elles se groupent et s’assemblent pour exprimer et coordonner les idées qu’elles représentent. D’après ce principe, on divise toutes les langues parlées sur notre globe en trois grandes classes : 1° celle des langues monosyllabiques ou isolantes, ainsi nommées parce que les racinesy sont employées comme des mots indépendants ; 2° celle des langues agglutinantes, dont le nom vient de gluten, glu, parce que, dans cette classe de langues, deux ou plusieurs raccines s’agglutinent pour former un mot, l’une de ces racines conservant son indépendance radicale, et l’autre ou les autres se réduisant au rôle d’affixes ; 3° celle des langues à flexion, dans laquelle les racines se fondent de telle sorte qu’aucune d’elles ne conserve son indépendance.

La première classe comprend le chinois, le siamois, le thibétain et les langues hinialayennes, en Asie ; l’othomi et le mazahua, dans l’Anahuac (Amérique centrale). Dans la seconde classe, on distingue trois groupes : le premier est celui des idiomes africains, qui ont abandonné la fixité chinoise, et se rapprochent, par leur structure, des langues sémitiques ; on les nomme quelquefois idiomes atomiques. Le second groupe des langues agglutinantes est celui des idiomes touraniens, dénomination tirée du nom de Touran, qui fut appliqué par les Iraniens à l’Asie centrale. Ce groupe, dans lequel M. Max Mùller fait entrer les langues de la Malaisie et de la Polynésie, se divise en plusieurs branches très-importantes. Enfin, le troisième groupe embrasse les idiomes holophrastiques ou polysynthétiques, dans lesquels le système agglutinatif est poussé à l’extrême. Ces idiomes sont surtout parlés dans l’Amérique du Nord et dans l’Amérique du Sud ; mais on en rencontre aussi sur quelques autres points du globe. La troisième classe de langues comprend deux grandes familles : la famille indoeuropéenne et la famille sémitique.

Les distinctions qui précèdent une fois établies, on peut, sans risque de confusion, suivre l’ordre généalogique dans chaque classe et dans chaque groupe de tangues ; c’est ce que nous allons faire, autant du moins que les connaissances acquises touchant la filiation des langues nous le permettront. Dans la nomenclature qui va suivre, les mots en italique représentent des langues mortes,

Classification morphologique et généalogique des langoes.— ire classe. Langues monosyllabiques. Chinois, kouwen, kouanhoa, dialectes du Fô-Kien et de Canton ; siamois ou thaï ; thibétain ; idiomes hiraalayens ; othomi, mazahua.

— 2« classe. Langues agglutinantes.io Groupe africain. Langues atlantiques ou du nord-ouest de l’Afrique  : Foutoup ou floupe, filham ou filhôl ; bola, sarar, pépel ; biafada ou dchola, pas dehade ; bulom, bâga, timné, mampa ou scherbro, kisi.

Famille des langues mandingues ou malinkés : Mandingue ou mandé, kaboungu, avec les dialectes toronka, dchalunka et kakanka ; bambara ; kono ; vei ou vehi ; soso ; téné ; gbandi ; landoro ; mendé ; gbèse ; toma ou bouse ; mano ou mana ; gio.

Famille des langues de la haute Guinée ; Krou, denoi, bassa, krêbo ou grêbo, gbé ou gbei ; dahomé ou popo, adainpé, anfué, mahi, hwida ; akou, igala ou igara, yorouba.

Langues du nord-est du haut Soudan ; Guren ; legba, kauré, kiamba ou dsamba ; koama, bagbalau ; kasin.

Langues du delta du Niger : Ibo ou yebou ; egbél’é ; okouloma, outso.

Langues de la famille nupé : Nupé ou tagba, goali ou gbali.

Langues de l’Afrique centrale  : Kanouri ou langue du Bornou ; pika ou fika ; dialectes bodé ; massa, musgou, mendara, logonais ; foula ou peule.

Famille violof ; Wolof, bidschogo ou bidschoro, gadschaga, goura.

Langues du bassin de la Gambie : Landoma, nabou.

Langues de l’Afrique méridionale : Congo, mbanba ou babamba, bahuma ou mobuma, boumbeté ; n’gola ; atam, udom, moko, nipongwé ou pongo.

Langues du sud-est de l’Afrique : Kihiau, ngindo, matumbi, makundé, uyamban, méto.

Langues zimbiennes ou zingiennes : Souhahili ; zoulou ou cafre, temiieb, sechuana, bussouto, dainara, kinika ; makossi-touga, manika, barué, tsiambo, tipui, niungué.

Langues de la région du Nil : Langues nilotique3 occidentales, comprenant les langues

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nubiennes : tumali, kodalgi, kensy, nouba, dongolawi. Langues nilotiques orientales : galla, chillouk, dinka, yambo, fazoglo, changalla, dawroa, gonga, saho, masai, gozainba, agau, danakil, somaligalla. Famille égyptoberbére : égyptien, copfite ; kabyle-algérien, mozabi, chaouia, chelouh, zénatya, touareg ou touarik.

Langue intermédiaire parmi les idiomes africains : Haoussa.

Langues hottentotes ou langues à Icliks : Hottentot, boschiman, namaqua, corana, bayéyé, ovahéréro.

Langues touraniennes. Division septentrionale. Famille hongro-lartare ou altaïque. Branche tongouse. Rameau occidental : Chapogire, orotong. Rameau oriental : Lamute, mandchou. Branche japonaise : Japonais, coréen.

Famille mongole. Branche orientale : Mongol-sharra, khalkas, sharaigol. Branche occidentale : Olote ou kalmouk, khochot, dzoungar, torgout, durbet, aimak. Branche septentrionale : Sokpas.

Famille turque. Branche du Djagathaï : Buriate, ouigour, koman, djagatéen, uzbek, turcoman, cassan. Branche septentrionale : Kirghise, baskir, nogaîs, koumien, karatchaï, karakalpak, meschervak, yakut et des tribus sibériennes. Branche occidentale : Ottoman, idiomes du Dourbend, de l’Aderbaïdjan, de la Crimée, de l’Anatolie et de la Roumélie.

Famille samoyède. Branche septentrionale : Youraze, taugi, yenisei. Branche orientale : Ostiako-samoyède, kaimas.

Famille hoïigro-finnoise ou famille ouralienne. Branche hongrienne : Hongrois, vogoul, hongro-ostiak. Branche bulgare : Tchérémisse et mordvinien. Branche permienne : Permien, siriaine, votiaike. Branche finnoise ou tchoude : Lapon, finnois, finlandais, esthonien.

Division méridionale. Famille taïenne : Siamois, ahom, laos, khamti.

Famille malayo-polynêsienne. La branche malaise comprend un ensemble d’idiomes parlés depuis l’île de Madagascar jusqu’aux îles Philippines’ ; les plus riches sont : le malais de Sumatra, le bougui et l’idiome de Nieobar. La branche polynésienne comprend les idiomes des îles Marquises, de la Nouvelle-Zélande, de Taïti, des îles de la Société, Sandwich, Wallis, Tonga, etc. À cette branche se lie le groupe tagale, composé des idiomes tagalog, bisaya et formosan.

Famille gangétique. Branche transhimalayenne : Thibétain, horpa, thotchou-sifan, gyaroung-sifan, manyak-sifan, takpa. Branche subhimalayenne : Kenaveri, sarpa, sounwar, gouroung, magar, neouar, mourmi, limbou, kiranti, lepcha, boutanais, tchepang.

Famile lohitienne ; Birman, aracan, dhimal, katchari-bodo, garo, tchanglo, mikir, dophla, miri, abor, sibsagor, singpho, naga, kouki, khyeng, kami, khoumi, chendous, mrou, sak, tounglhou.

Famille mounda : Ho, sinhbhoum-kole, sontal, bhoumidj, moundala.

Famille tamoule : Canara, tamoul, telinga, malayalam gond, brahvi, toulouva, todava, uraon-kole.

Langues holophrastiques. En tête de ce groupe, il faut signaler deux langues ibériennes isolées, l’une dans le Caucase, l’autre dans les Pyrénées, dont la forte tendance agglutinative les a fait classer parmi les langues polysynthétiques ; ce sont le géorgien et le basque ou euskarien.

Pour retrouver les autres langues holophrastiques, il faut aller sur le continent américain. M. Albert Galatin répartit les tangues (de l’Amérique du Nord en trente-sept familles, comprenant plus de cent dialectes, nombre bien inférieur à celui des idiomes parlés dans cette partie du monde. Les principales familles sont celles des idiomes esquimaux, des idiomes athapaskas, des idiomes’ algonquins, des idiomes iroquois, des idiomes cheroki, des idiomes choctaw, des idiomes natchez, des langues sioux, des langues pawnies, des idiomes de l’Orégon, des langues californiennes (le cochimi, le periai, le loretto), des idiomes goloutches.

Les langues de 1 Amérique centrale peuvent se rapporter à trois familles : 1» celle des idiomes primitifs de l’Amérique centrale ou quicho-mayas ; 2<> la famille othomi, dont la simplicité rappelle le chinois (elle a été mentionnée dans la ire classe) ; 3" la famille aztèque, qui a pour type le nahuatl ou mexicain proprement dit.

Les idiomes moxos sont les représentants les plus barbares des langues de l’Amérique du Sud. Les langues guaranies ou brésiliennes se rattachent aux idiomes moxos. Un dialecte du guarani a reçu des Portugais le nom de lingoa gérai. La langue chilienne est un rameau des langues guaranies. Au nord des langues guaranies se rencontrent les langues caraïbes.

On ne sait presque rien des idiomes des peuplades des pampas et de la Patagonie ; mais presque toutes les langues américaines, dont nous avons indiqué les familles principales, ont une structure établie d’après le principe de l’agglutination excessive.

— 3* classe. Langues à flexion.Famille sémitique. Branche arabique ou méridionale : Dialectes de l’arabe ; éthiopien, araharique ; himyarite.

Branche hébraïque ou centrale : Dialectes chananéens, hébreu classique ; samaritain (Pentateuque) ; phénicien, punique.

Branche aramaïque ou septentrionale : Araméen ; chaldéen biblique, chaldéen targumique, chaldéen babylonien, chaldéen rabbinique ; dialectes juifs ; syriaque, syriaque occidental, langue et littérature de Palmyre (ère chrétienne) ; peschito (IIe siècle après J.-C) ; littérature syriaque chrétienne (au IVe siècle) ; néo-syriaque, maronite et jacobite assyrien, chaldéen oriental (inscriptions cunéiformes de Babylone et de Ninive) ; nabatéen, nestorien.

Famille indo-européenne. Division méridionale. Branche indienne : Idiome védique, sanscrit, pali, prâcrit, magadhi, indi, indoustani ou ourdou, bridj bacha, rangri bacha, pendjabi, moultani, djataki, sindhi, marwadi, cachemirien, gouzzerati, mahratti, kanodji, gaur ou bengali, maithila ou tirhouti, orissa ou ourya, tzigane.

Branche iranienne : Zend, vieux perse, inscriptions cunéiformes, pehlvi, parsi, persan, afghan, pouschtou, beloutche, kourde, ancien arménien, arménien, ossète.

Branche celtique. Rameau gaélique : Haut écossais, irlandais, manx. Rameau kymrique : gallois, cornique, bas breton.

Branche pélasgique ou gréco-latine. Rameau hellénique : Grec (dialectes éolien, dorien, ionien, attique), grec moderne. Rameau italique : latin (dialectes sabin, étrusque, osque, ombrien), daco-romain, provençal, italien, espagnol, portugais, français.

Rameau scandinave : Ancien nordique, islandais, norvégien, suédois, danois.

Branche illyrienne : Albanais.

Branche slave. Rameau lettique ou lithuanien : Lithuanien, borussien ou ancien prussien, lette ou livonien.

Rameau slave (division sud-est) : Slavon ecclésiastique, bulgare, russe, illyrien (slovène, croate, serbe).

Rameau slave (division ouest) : Polonais ou lékhique ; ancien bohémien, tchèque ou bohème : polabe, sorabe ou vinde.

Branche germanique. Rameau haut aliemand : Ancien haut allemand, moyen haut allemand, allemand, souabe, bavaro-autrichien, franconien.

Rameau gothique ou bas allemand : Gothique ; anglo-saxon, anglais ; ancien hollandais, hollandais ou néerlandais, flamand ; ancien frison, frison ; ancien saxon, dialectes de l’Allemagne septentrionale. V. langage et linguistique.

Langue d’oc. V. oc (langue d’).

Langue d’oïl. V. oïl (langue d’).

Langues liturgiques. En quelles langues la liturgie fut-elle célébrée, dans les premiers temps de l’Église et aux siècles suivants ? Ce fut assurément dans les langues qui étaient vulgaires, à cette époque, chez chacun des peuples auxquels l’Évangile fut annoncé. Ainsi, on pense que les premiers successeurs des apôtres célébrèrent en langue chaldaïque ou syriaque, à Jérusalem et en plusieurs autres lieux ; en grec, à Antioche, à Alexandrie ; en latin, dans les contrées de l’Occident où la langue latine était vulgaire. Qu’il en ait été de même pour les langues des autres pays, c’est ce qu’établit avec évidence ce passage d’Origène contre Celse : « Les Grecs se servent de mots grecs ; les Romains, de mots romains ; et tous les autres peuples prient et louent Dieu chacun dans sa langue… Dieu, étant le maître de toutes les langues, exauce ceux qui le prient en tant de langues diverses comme s’ils priaient en une seule et même langue ; car il n’est pas comme les hommes, qui, sachant une langue ou barbare ou grecque, ignorent les autres, et ne se mettent pas en peine de ceux qui parlent une langue différente de la leur. » Il est évident qu’Origène constate ici la pratique liturgique telle qu’elle existait de son temps.

Outre cette preuve générale, nous pouvons en donner de spéciales pour chaque langue.

1o Langue égyptienne ou copte. Saint Antoine ne savait pas le grec, car il ne put entendre que par le moyen d’un interprète les philosophes grecs qui vinrent pour conférer avec lui. Or, saint Antoine entendait la liturgie, il était très-attentif à tout ce qui se lisait à l’église et en conservait le fruit dans son cœur, et on sait que sa vocation fut déterminée par une parole de l’Évangile.

Nous savons néanmoins, par saint Jérôme, que la version grecque des Septante se répandit beaucoup dans toute la région qui s’étend de Constantinople à Antioche, ainsi que dans toute la Palestine, et qu’elle y était d’un usage universel. Les copies qui circulaient dans ces contrées étaient celles qui avaient été écrites par les soins d’Origène, et qu’y avaient répandues Eusèbe et le martyr saint Pamphyle. Paul Diacre nous apprend aussi que la liturgie grecque de saint Basile devint plus tard très-commune chez ces peuples. Or, il n’est pas moins avéré que la plupart des Orientaux, notamment ceux de certaines parties de l’Égypte, les Cappadociens, les Lycaoniens, les Galates, les Syriens, usaient de dialectes particuliers.

2o Langue arménienne. Saint Sabas, ayant vu un certain nombre d’Arméniens se ranger sous sa discipline, leur céda une église, où ils lisaient l’Évangile et faisaient toute la liturgie en leur langue. Ces Arméniens étaient probablement catholiques, car, autrement, Sabas ne les eût pas reçus dans sa communion. Personne n’ignore que la liturgie arménienne est encore aujourd’hui en vigueur.

3o Langue besse. Saint Théodore, contemporain et voisin de saint Sabas, avait trois monastères : un de Grecs, un d’Arméniens et un troisième de Besses. On ne sait d’où venaient ces derniers ni quelle était leur langue. Bolland suppose, sans fondement, que cette langue n’était autre que l’esclavon ; mais, ce qui est certain, c’est que les religieux de ce nom faisaient l’office en leur propre langue, aussi bien que les Grecs et les Arméniens ; leur séparation en trois maisons distinctes n’avait pas d’autre motif.

4o Langue éthiopienne. Les Éthiopiens, convertis par saint Frumence, que saint Athanase leur avait donné pour évêque, et les Scythes, convertis à la foi chrétienne du temps de Jean Chrysostome, durent aussi avoir leur liturgie en langue vulgaire ; car il n’y a nulle apparence qu’ils entendissent le grec, et, moins encore, que, contrairement à la discipline jusque-là universellement observée, comme nous l’avons vu par le témoignage d’Origène, on leur eût donné une liturgie en langue inconnue.

Quant aux Églises occidentales, il n’y a pas de raison pour supposer que la liturgie y ait été célébrée dans une autre langue que la langue latine. La conquête romaine, comme le remarque saint Augustin, avait imposé la langue latine comme une nécessité à toutes les nattons conquises. « Les peuples d’Afrique, dit Juste Lipse, comme ceux d’Espagne, de Pannonie, d’Angleterre, adoptèrent avec joie cette langue, au point d’oublier à peu près complètement la leur. » — « Apulée, ajoute ce savant dans ses Florides, le témoigne par rapport à l’Afrique, et les sermons de saint Cyprien, de saint Augustin et d’autres Pères en font foi. Pour les Gaulois, Strabon, dès le temps d’Auguste, dit qu’on ne les devait point appeler barbares, ayant pris les coutumes des Romains aussi bien que leur idiome. Il affirme la même chose des Espagnols, et Velléius en dit autant de ceux de Pannonie. Il paraît, par Tacite, qu’Agricola inspira aux Anglais le désir d’être éloquents dans la langue latine, bien que, auparavant, ils eussent dédaigné de s’en servir. »

Langue verte. On a donné, de nos jours, le nom de langue verte à un ensemble de locutions imagées, tirées du vocabulaire des halles, des faubourgs et des ateliers ; ce n’est pas l’argot, c’est quelque chose de bien plus conventionnel et de bien plus flottant. L’argot est à peu près immuable ; c’est une langue fixée, on pourrait dire une langue morte, puisqu’on en a pu faire le dictionnaire ; la langue verte s’accroît chaque jour de mots et de métaphores imprévues, et son dictionnaire, tenté par Alfred Delvau, n’est ni fait ni à faire.

Ce vocabulaire n’est cependant pas indigne d’attention ; il a du nerf et de la couleur. Il n’est pas un seul écrivain viril de notre époque qui n’en ait fait usage à son heure, et un grand nombre des locutions hasardées dont se compose la langue verte fera partie, dans un temps plus ou moins reculé, de la véritable langue. Nous n’en voulons pour preuve que la grande quantité de mots, qualifiés de bas dans les anciens dictionnaires, et même dans le Dictionnaire de l’Académie, et qui maintenant ont leurs entrées dans le plus haut style. C’était la langue verte de nos pères ; Montaigne, Amyot, Rabelais, Saint-Amant, La Fontaine fourmillent de ces mots-là, que la pruderie du XVIIe et du XVIIIe siècle a écartés, mais qui sont si bons, que nous avons dû les reprendre.

La langue verte se compose principalement de locutions triviales, mais énergiques, de mots forgés avec à-propos, de métaphores originales et pittoresques, trouvées par le peuple, et que, le plus souvent, un littérateur serait inhabile à imaginer. Rabelais remarquait déjà qu’il y avait, de son temps, un certain nombre de mots, qu’il appelait des « espaves » venues on ne sait d’où, et lui, qui a tant fait pour la langue verte, il avertissait pourtant de se garder de ces mots-là. Malherbe disait qu’il apprenait son français des gens du port, et Du Marsais allait chercher aux halles des provisions de tropes. Ainsi, l’existence et même l’excellence de cette langue a été reconnue de tout temps. On sait que les Anglais appellent cant l’argot des voleurs, et slang l’argot en général, la langue imagée et bizarre du peuple, des matelots, des ouvriers. On peut connaître le cant sans être un voleur, par amour de l’art, mais il faut une étude spéciale ; quant au slang, tout le monde le parle ou le comprend. Ce n’est pas une langue spéciale, c’est une langue à côté de la véritable. Le slang anglais correspond exactement à notre langue verte. « J’en conviens sans effort, dit à ce propos Alfred Delvau, c’est une langue sanglante et impie, le cant, l’argot des voleurs et des assassins ; une langue triviale et cynique, brutale et impitoyable, athée aussi, féroce aussi, le slang,' l’argot des faubouriens et des filles, des voyous et des soldats, des artistes et des ouvriers. Toutes deux, je le sais, renferment une ménagerie de tropes audacieux, ricaneurs et blasphémateurs, une cohue de mots sans racines dans n’importe quelle autre langue, sans aucune étymologie, même lointaine, qui semblent crachés par quelque bouche impure en veine de néologisme, et recueillis par des oreilles badaudes ; mais toutes deux aussi, quoi qu’on fasse et dise, sont pleines d’expressions pittoresques, de métaphores heureuses, d’images justes, de mots bien bâtis et bien portants, qui entreront un jour, de droit, dans le dictionnaire de l’Académie, comme ils sont entrés, de fait, dans la circulation et même dans la littérature. »

Avant A. Delvau, quelques érudits avaient essayé de faire la nomenclature et le classement de toutes ces richesses. M. Francisque Michel a fait sur l’argot un gros volume étymologique ; M. Lorédan Larchey a publié ses Excentricités du langage, qui contenaient si bien le germe et le développement du Dictionnaire de la langue verte, qu’il a pu faire à Alfred Delvau un procès en contrefaçon et le gagner. Mais un Français réfugié à Amsterdam, P.-J. Le Roux, avait publié, en 1718, dans cette ville, un Dictionnaire comique, satirique, critique, burlesque, libre et proverbial (in-8o), souvent réimprimé, qui peut être considéré comme l’ancêtre de toutes ces publications. Le Roux y expliquait, sous une forme naïvement crue parfois, mais fidèle, « toutes les manières de parler burlesques, comiques, libres, satiriques, critiques et proverbiales, » qui pouvaient se rencontrer dans les auteurs anciens et modernes. Ses continuateurs paraissent avoir eu, en général, l’intention de donner un dictionnaire, non plus du vieux langage, mais du langage des rues et des mauvais lieux, ce qui est souvent bien différent. Nous citerons, par exemple, le Dictionnaire du bas langage ou des manières de parler usitées parmi le peuple (1808, 2 parties, in-8o), œuvre d’un anonyme. La comparaison des locutions recueillies dans cet ouvrage, déjà ancien, car rien ne vieillit comme une langue conventionnelle, avec celles qui forment la langue verte actuelle est curieuse ; on y suit le progrès des temps. Combien notre langue verte est plus cynique et plus brutale que celle de nos pères ! Qu’on en juge. Ils croyaient être excentriques en disant : « Faire grincer l’archet, » nous disons : « Racler le boyau. » Ils classaient dans la langue populaire : « J’ai un appétit de femme grosse ; » où mettraient-ils : « J’ai un requin dans le nombril ? » Pour mourir, ils disaient plaisamment : « Tourner de l’œil ; » nous disons : « Casser sa pipe, dévisser son billard, éteindre son lustre. » De leur temps, un voleur facétieux criait à sa victime : « Fais sonner tes sonnettes ; » de nos jours, il dit : « Aboule ta braise. » Siroter, lever le coude, boire à tire-larigot semblaient alors le nec plus ultra du style grivois ; nous avons : « Laver la dalle, jeter dans le plomb, se rincer le fusil, s’en fourrer dans le gilet, s’en faire péter le cylindre, » ce qui est bien plus drôle. Et « se sculpter une gueule de bois » au lieu de « se soûler ! »

Mais où notre supériorité se manifeste encore davantage, c’est dans les appellations variées dont notre langue verte désigne les filles et femmes galantes. Nos pères n’avaient à leur disposition qu’une demi-douzaine de termes. Ils disaient : une impure, voire même une cocotte (le mot se trouve dans le Dictionnaire du bas langage de 1808) ; nous avons : chahuteuse, baladeuse, noceuse, bastringueuse, cascadeuse, belle de nuit, camellia ; voulaient-ils descendre jusqu’à l’injure, ils possédaient : catin, donzelle, drôlesse, coureuse, gueuse, gourgandine, carogne. Comme notre langue verte est bien plus riche : allumeuse, grenouille, gouge, grue, gadoue, blanchisseuse de tuyaux de pipe, chameau, chausson, crevette, éponge, toupie, gouine, marmite, morue, omnibus, paillasse, pierreuse, punaise, rouchie, rouleuse, taupe, traînée, sangsue, tireuse de vinaigre, tocandine ( ?), rutière ( ?), vadrouille ( ?), vessie !!!

Cette langue ignoble est pourtant spirituelle, par éclairs. Ainsi, elle appelle un concierge, cloporte (clôt-portes) ; une repasseuse, grilleuse de blanc ; un cadenas, crapaud ; un pompier, lance-l’eau ; la pièce de 5 francs, une roue de derrière ; elle dit qu’il lansquine, quand il pleut, par souvenir des hachures produites à l’horizon par une troupe de lansquenets ; elle dit d’un homme qui vous crache à la figure en parlant : son fusil écarte, etc. ; elle emprunte à tous les métiers, à tous les jeux, à tous les hasards de la vie, des métaphores typiques et pittoresques. N’importe ; son côté caractéristique est précisément le plus ignoble ; ses meilleurs mots sont ceux qui ne s’écrivent pas. Aussi, tout en annonçant qu’il en donnait le dictionnaire, A. Delvau a-t-il été forcé de laisser à la porte de son livre presque tous ceux qu’on serait tenté d’y chercher.

— Bibliogr. Bien que la philologie soit une science toute nouvelle, le nombre de travaux auxquels elle adonné lieu est immense ; nous en donnerons une idée au mot linguistique,

— Allus. hist. Langues d’Ésope, Mots qui rappellent un trait de la vie du fabuliste grec. Suivant la tradition, Ésope, esclave du philosophe Xanthus, reçut un jour de son maître, qui avait invité plusieurs de ses amis à dîner, l’ordre d’acheter au marché ce qu’il y aurait de meilleur, et rien autre chose. « Je t’apprendrai, dit en lui-même le Phrygien, à spécifier ce que tu souhaites, sans t’en remettre à la discrétion d’un esclave. » Il n’acheta donc que des langues, qu’il fit accommoder à toutes les sauces : l’entrée, le second service, l’entremets, tout ne fut que langues. Les conviés louèrent d’abord le choix d’Ésope ; à la fin, ils s’en dégoûtèrent. « Ne t’avais-je pas ordonné, dit Xanthus, d’acheter ce qu’il y avait de meilleur ? — Hé ! qu’y a-t-il de meilleur que la langue ? répondit Ésope. C’est le lien de la vie civile, la clef des sciences, l’organe de la vérité et de la raison ; par elle, on bâtit les villes et on les police ; on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées ; on s’acquitte du premier de tous les devoirs, qui est de louer les dieux. — Eh bien, reprit Xanthus, qui prétendait l’embarrasser, achète-moi demain ce qu’il y a de pire : ces mêmes personnes viendront chez moi, et je veux diversifier. »

Le lendemain, Ésope ne fit encore servir que des langues, disant que la langue est la pire chose qui soit au monde : « C’est la mère de tous les débats, la nourrice de tous les procès, la source des divisions et des guerres. Si elle est l’organe de la vérité, elle est aussi celui de l’erreur, et, qui pis est, de la calomnie. Par elle, on détruit les villes ; si d’un côté, elle loue les dieux, de l’autre, elle est l’organe du blasphème et de l’impiété. »

Les langues d’Ésope sont restées célèbres pour désigner ce qui, pouvant être envisagé sous deux aspects opposés, donne prise également à la louange ou à la critique.

« On peut dire des impôts ce qu’Ésope disait de la langue : il n’y a rien de si excellent ou de si détestable ; c’est l’emploi qui en décide. »
                           Pierre Leroux.

« Le cœur d’une femme, répliqua le chevalier,
le cœur d’une femme ! tenez, cela ressemble
à un petit oiseau qui vole de branche
en branche, de fleur eu fleur…, qui chante sur
le gazon, qui gazouille sur la haie…, dont les
pleurs sont des ris, dont les ris sont des
pleurs… Ma foi, messieurs, le cœur d’une
femme, c’est la pire ou la meilleure des choses ;
c’est le plat du bossu. »
                    (Revue des Deux-Mondes.)