Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/montaniste s.

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 2p. 487).

MONTANISTE s.(mon-ta-ni-ste). Hist. relig. Partisan du montanisme.

— Adj. Qui appartient au montanisme ou aux montanistes : Doctrine montaniste. Secte montaniste.

— Encycl. Dans le milieu du IIe siècle, au moment où la tendance ascétique se manifestait dans le christianisme avec beaucoup de force, surgit la secte des montanistes. Leur chef, Montanus, né à Ardaban en Phrygie, mort en 212, n’était point un esprit philosophique ; mais il avait l’imagination ardente, mystique, et son enthousiasme l’entraînait souvent jusqu’à l’extase. Il ne changea rien aux articles du Symbole, et rien ne démontre qu’il se soit donné comme étant Dieu, ainsi que l’en ont accusé ses adversaires ; mais il parait définitivement établi qu’il a cru, ou du moins prétendu, qu’il recevait des révélations particulières du Saint-Esprit. Dans des extases que Tertullien a décrites dans son Traité sur l’âme, et qui offraient des analogies remarquables avec les phénomènes du somnambulisme, il croyait entendre la voix de Dieu et il affirmait que le Paraclet, promis par Jésus à ses disciples, au moment où il allait les quitter, s’était manifesté en lui pour conduire l’Église à sa perfection virile avant l’établissement du royaume millénaire. À la vue des fléaux qui désolaient l’empire et des persécutions qui frappaient continuellement l’Église, Montanus pensait que le grand jour du jugement était proche et que la fin du monde allait arriver. Il fallait donc que l’Église se préparât à recevoir le Seigneur et qu’elle pût se présenter sainte et irrépréhensible devant lui ; il fallait aussi que les chrétiens, pour se rendre dignes des délices du millénium, dont la capitale devait être, non à Jérusalem, comme on le prétendait, mais dans la ville phrygienne de Pipuza, il fallait que les chrétiens se sanctifiassent dans leurs corps et dans leurs âmes. Aussi les montanistes se faisaient-ils remarquer par l’austérité de leur ascétisme, la rigueur de leurs jeûnes et la sévérité de leurs pénitences. Ils se refusaient les plaisirs les plus innocents de la vie, s’interdisaient les secondes noces, attachaient un mérite extraordinaire au martyre et au célibat, excluaient à jamais de leur Église les incontinents, les meurtriers, les idolâtres, s’élevaient avec force contre l’indulgence qu’on témoignait à ceux qui avaient failli en face de la persécution, déclaraient souillée et déchue l’Église qui les recevait, et condamnaient avec la même énergie l’amour de la parure et des plaisirs et l’étude des sciences.

Les montanistes distinguaient trois âges et trois périodes dans l’éducation divine du genre humain : le premier âge, celui de l’enfance, répondant à la dureté du cœur, était celui de la loi et des prophètes ; le second âge, celui de la jeunesse, répondant à l’infirmité de la chair, était celui du Christ et des apôtres, et enfin la manifestation du Paraclet, qui devait achever d’instruire l’Église de la vérité et lui annoncer les choses à venir, âge viril, répondant à la sainteté spirituelle, période du vrai christianisme ouverte par Montanus et devant durer jusqu’à la fin du monde. Aussi les montanistes s’appelaient-ils volontiers chrétiens pneumatiques, tandis qu’ils qualifiaient ceux qui n’étaient pas leurs adhérents du titre de chrétiens psychiques. Cette doctrine rabaissait le christianisme du rang de révélation absolue et définitive à celui de religion transitoire. Elle eut partout beaucoup d’adeptes. Des femmes en grand nombre embrassèrent ce parti. Il y eut parmi elles des prophétesses et des visionnaires. Le peuple suivit avec empressement les nouveaux prophètes. De la Phrygie, où il était né, le montanisme se propagea avec rapidité dans les autres provinces de l’Asie Mineure ; puis il fut porté en Gaule, où il eut des adhérents parmi les martyrs de Lyon et de Vienne. À Carthage, Tertullien s’en fit le défenseur, et en Espagne le concile d’Elvire semble s’être inspiré de son esprit. À Alexandrie, au contraire, les doctrines montanistes furent combattues avec beaucoup de fermeté par Origène, surtout à cause de leurs rêves millénaires. Les évêques, dont Montanus ruinait le crédit, dont il décriait l’autorité, se hâtèrent d’intervenir et poursuivirent avec acharnement les montanistes. Des synodes, les premiers dont l’histoire fasse mention, se rassemblèrent pour les condamner. À la fin du IIe siècle, sur les sollicitations d’Irénée et de Pranéas, ils furent anathématisés par trois évêques de Rome. Cependant, en dépit des proscriptions, les montanistes, qui s’étaient constitués en Orient en communautés séparées, se maintinrent jusqu’au VIe siècle. En Occident, ils ne rompirent jamais avec l’Église et, grâce à l’influence de Tertullien, il y eut un moment où ils furent extrêmement nombreux. Leur esprit inspira le schisme de Novatien au milieu du IIIe siècle, et ces deux sectes fusionnées comptèrent des partisans dans l’Église d’Occident jusqu’au VIe ou au VIIe siècle. On donne quelquefois aux montanistes les noms de cataphrygiens et de pépuziens.