Histoire de Jonvelle/Bougey

La bibliothèque libre.


BOUGEY


La seigneurie de Bougey appartenait jadis à la maison de Pesmes, d’où sortirent les branches de Valay, de la Résie et de Rupt. Tous ces nobles se qualifiaient de ce fief. La branche de Rupt produisit le rameau des seigneurs de Bougey proprement dits, qui relevaient de Rupt et de Pesmes, comme cadets de ces maisons. L’abbaye de Cherlieu, située sur leur territoire[1], fut enrichie par ces quatre familles : trente-six chartes de son cartulaire conservent le souvenir de leurs donations, en sauvant de l’oubli les noms de ces généreux bienfaiteurs[2]. Le premier qu’elles citent est Guillaume II de Pesmes, sire de Rupt, Bougey, Oigney, etc. Il assista aux plaids de Faverney (1132 et 1140)[3]. Le monastère obtint de son fils, Guy Ier, la terre et le moulin d’Agnaucourt, avec l’ autorisation de recevoir ses sujets comme religieux (1157)[4]. Le moulin de la Perrière lui fut donné par Guillaume III, fils du précédent (1236). Guy II, frère puîné de Guillaume, fut la tige de la maison de Rupt et figura honorablement dans la quatrième croisade, avec Aimon, son frère, les sires de Dampierre et les sires de Vergy (1201-1204). Hugues, son petit-fils, fut chef de la maison de Bougey (vers 1250).

Les sires de Pesmes avaient le patronage et les revenus des cures et des églises de Bougey et d’Oigney ; et ces droits étaient partagés entre tous les membres de cette famille, même avec le curé et le prévôt de Bougey. Les possesseurs finirent par les abandonner à l’abbé de Cherlieu (1284 à 1326). Les deux églises furent réunies par l’Ordinaire vers l’an 1308.

Etienne de Bougey, dit Bougeroz, écuyer, avait contracté un emprunt auprès du juif Antoine le Lombard, de Traves, sous la caution de Jacques de Rupt, son cousin, qui fut obligé de payer pour lui (1311). Il ne put se libérer que quarante ans après, en cédant une partie de son château à Gauthier de Rupt, fils de son créancier.

Jean de Bougey, frère d’Etienne, fut abbé de Faverney. Il fonda son anniversaire à Cherlieu, en donnant à ce monastère ses dîmes et son four de Purgerot (1235).

Au seizième siècle, la seigneurie de Bougey passa dans la maison de Ray. Dans le siècle suivant, Marie-Célestine, fille unique de Claude-François de Ray, seigneur de Bougey, Conflandey, {{noir|[[w: Vezet |Vezet]]}}, Charriez, Mailley, etc., avait émigré en Suisse, pour fuir la guerre et la peste qui désolaient alors nos pays. Retirée à Fribourg, elle y épousa Albert de Mérode, marquis de Trelon, grand-veneur de Flandres, capitaine des archers dans la garde de don Juan d’Autriche (28 juillet 1636). Mais le nouveau baron de Ray ne garda pas longtemps la terre de Bougey ; les malheurs des temps l’obligèrent de l’engager, puis de la céder aux Maréchal, noble famille de Besançon, depuis longtemps enrichie par le commerce et la banque[5]. Dévoués à la dynastie espagnole et ardents entre tous pour la défense de la province contre les armes françaises, les Maréchal payèrent leur patriotisme par la confiscation de plusieurs domaines ; entre autres, le fief de Bougey fut vendu par décret (8 février 1687), pour 41,000 livres, à Etienne de Camelin, originaire de Fréjus, commissaire provincial, lieutenant-colonel d’infanterie, capitaine général des mineurs de France, chevalier de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem. Marié en secondes noces à Reine de Quentéal, de Langres, Etienne de Camelin mourut le 17 décembre 1694, à Bougey, où il fut inhumé dans la chapelle seigneuriale de l’église. Il ne laissait qu’une fille, Louise-Pierrette, pendant la minorité de laquelle sa mère vendit la terre de Bougey à Victor-Amédée de Choiseul, marquis de Laucques (20 décembre 1704). Mais, quatorze ans après, le bailliage de Chaumont cassa la vente, à cause de l’âge de la pupille : la sentence fut rendue à la requête de Jean-Marie de Serrey, subdélégué de l’intendance de Champagne, devenu l’époux de la jeune dame de Bougey. Reine-Catherine, leur unique héritière, épousa le capitaine Joseph d’Hémery. Demeurée veuve et sans enfants, elle céda la terre de Bougey à son cousin Jean-Baptiste de Serrey de Châtoillenot, pour 98,000 livres. Elle mourut le 16 mai 1807, laissant un nom vénéré, pour ses vertus et ses bonnes œuvres en tout genre[6]. M. Guyot de Saint-Miche, propriétaire actuel du château de Bougey et de ses dépendances, est l’arrière-petit-fils de Jean-Baptiste de Serrey.

Ce château était flanqué de quatre tours : il en reste encore une, portant le millésime de 1585 ; ce qui indiquerait une restauration faite après les désastres de 1569 ou des années suivantes.

L’ancienne église, démolie en 1850, était placée sous les murs et la protection du château. Elle renfermait à droite la chapelle seigneuriale. Devant le maître-autel, on lisait sur une tombe :

« Illustrissime et révérendissime Pierre Pardaillant, évêque et duc de Langres, pair de France, mort au château de Bougey le 2 novembre 1733. Son cœur et ses entrailles ont été inhumés le lendemain dans cette église. »

La paroisse avait sa confrérie de la Conception, autorisée par l’Ordinaire en 1624, pour les deux églises. Celle de Bougey est dédiée à saint Pierre. Ce village comptait, en 1614, 62 ménages ; en 1636, avant la guerre et la peste, 69 feux et 363 habitants, en moyenne cinq par ménage ; en 1855, 410 feux et 442 habitants.

Outre les châtelains, deux familles importantes, les le Joyant et les de Mandre, ont illustré Bougey dans ces derniers siècles. Nous consacrerons une notice particulière à chacune d’elles, vu surtout que plusieurs de leurs membres figurent avec honneur dans l’histoire que nous venons d’écrire.

  1. Le ruisseau de Cherlieu séparait alors les territoires de Bougey et de Montigny.
  2. Voir Cartulaire de Cherlieu, à la bibliothèque impériale ; Histoire des sires de Salins, tome I, notes sur les maisons de Pesmes, de Rupt et de Ray ; Pouillé du diocèse, aux archives du Doubs.
  3. V. page 61
  4. Aux Preuves
  5. Mémoires et Documents inédits de l’Académie de Besançon, III, 114.
  6. Archives du château de Bougey