Histoire de Jonvelle/De Mandre

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DE MANDRE


La maison de Mandre, aliàs de Mandres, tire son nom du château de Mandres-sous-Châtillon, situé dans la prévôté d’Etain (Barrois). Ses armes sont d’azur à une bande d’or, accompagnée de sept billettes du même, posées quatre en chef et trois en pointe ; couronne de comte, avec deux sauvages pour supports ; devise : Aliquid in minimo. Elle a fourni les preuves de sa noblesse de race et d’ancienne chevalerie, pour la réception de plusieurs de ses membres dans la confrérie de Saint-Georges et dans l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Les de Mandre sont mentionnés dès les années 1111 et 1115. Ils sont souvent qualifiés hauts et puissants seigneurs, dans les titres anciens et dans les épitaphes, comme on peut le voir sur leurs tombes de Montureux-lez-Gray. Leur domaine féodal était considérable : ils ont possédé, entre autres seigneuries, celles de Mandres, de Montureux-lez-Gray, de Véreux, de Prantigny, de Chauvirey, d’Autel, de Montarlot, de la Tour-du-Bois et de l’Aigle. Leurs principales alliances, dans notre province et dans les alentours, sont de Bauffremont, de Senailly, Martin, d’Orsans, de Montureux-en-Ferrette, d’Arguel, d’Aroz, de Citey, d’Arlay, de Blans, de Cléron, de Poligny, de Trestondans, d’Andelot, de Cicon, de Maillard, de Brunickhoffen, de Laubespin, de Thomassin, Fouchier de Savoyeux, de Chauvirey, de Harlay, de Précipiano, de Salives, Barberot, de Malarmey, de Franchet, d’Aynstelle, de Rye, de Montjustin, d’Etrabonne, de Riancourt, de Lavier, Massey, Bourrelier, le Joyant, de Bains, Dard, Henri de Marcilly, Petit-Huguenin, etc.

La famille de Mandre est éteinte en Lorraine, et ne subsiste plus que par la branche de Montureux-lez-Gray. Le premier de cette maison que mentionne l’histoire de Franche-Comté, est Jean de Mandres, écuyer, qui, soutenu par Guyot d’Aurain, fit la guerre à Jean de Chauvirey, vers 1356. C’était dans ces années d’anarchie où le pays était déchiré par les sanglants démêlés des seigneurs entre eux. Huart de Mandres, que nous avons déjà mentionné[1], guerroyeur célèbre, fils ou frère de Jean, fut arbitre d’une de ces déplorables querelles entre Jean de Vergy et Renaud d’Aigrement. C’est à ces deux de Mandres que Duvernoy attribue le premier établissement de leur famille en Comté, dans les seigneuries de Montureux et de Véreux, qui venaient des Vergy.

Un autre Jean de Mandres était prévôt de Langres en 1402 ; c’est à ce titre qu’il délivra aux échevins de Jonvelle une copie de leurs franchises[2]. Un troisième Jean de Mandres s’allia par mariage aux Malarmey de Roussillon, vers 1440.

En 1476, Claude de Mandres, époux de Jeanne de Rye, accompagna Charles le Téméraire dans sa malheureuse campagne contre les Suisses. Guillaume, son fils, chevalier d’armes de la main de l’empereur Charles-Quint, assistait à son couronnement à Bologne (1511) et le suivit dans plusieurs de ses campagnes. Il fît restaurer le château de Montureux en 1560, et y mourut neuf ans après.

Humbert Ier, reçu chevalier de Saint-Georges en 1569, et marié à noble damoiselle Marie Martin, de Gray, fut gouverneur ou capitaine de la garnison de Besançon, comme lieutenant de François de Vergy, gouverneur de la province. Il mourut en 1585.

Guillaume, reçu chevalier de Saint-Georges en 1577, fut ensuite élu abbé de Theuley en 1591, ayant pour coadjuteur François, son frère. Il mourut en 1602.

Humbert II, cadet de sa maison, marié à Marguerite Martin, fut aussi gouverneur de Besançon, et de plus commissaire ou inspecteur général de la cavalerie. On l’appelait le capitaine de Mandre l’aîné. Pendant le siège de Dole, entre autres faits d’armes, il conduisit trois cents chevaux contre le château de Beaumont-sur-Vingeanne, qui fut emporté ; puis il ramena ses compagnies devant la forteresse de Rigny, qui fut enlevée aux Français et rasée de fond en comble (juin et juillet 1636) [3].

Claude-Léonel, fils d’Humbert II, Ermenfroid ou Herman-François et Léonard, ses petits-cousins, exercèrent la même charge après lui. Léonel, seigneur de Savoyeux, Véreux, Autet, etc., ne laissa qu’une fille, la belle Oudette-Bénigne, qui épousa, en 1665, Maurice de Malarmey, comte de Roussillon, premier gentilhomme comtois admis au service de la France.

Herman-François, connu dans l’histoire sous le nom de capitaine de Mandre le jeune[4], était fils d’Antoine de Mandre et de N. de Cicon. Il épousa (1622) Hélène de Trestondans, fille de Gabriel de Trestondans, seigneur de Suaucourt, Genevrières, etc., et de Françoise de la Baume. Il affranchit le village de Montureux, en 1628. Capitaine de deux compagnies montées, celle du marquis de Conflans et la sienne, commissaire général de la cavalerie, gouverneur de la garnison de Besançon après de Mandre l’aîné, nous avons vu quel rôle brillant il remplit dans les premières guerres du dix-septième siècle. Hélène, son unique héritière, ne laissa pas d’enfants, et ses biens allèrent à Oudette, sa cousine, sauf la seigneurie de Montureux, qui était restée en douaire à sa mère. Celle-ci appartenait, comme son mari, à une famille dévouée à l’Espagne et ennemie jurée de la France. Les soldats de du Hallier avaient failli être empoisonnés à Suaucourt dans le château de son père[5]. Le sieur de Suaucourt, neveu de la veuve de Mandre, avait figuré noblement à la défense de Gray contre Louis XIV, en 1668[6]. Avec une telle conduite et de pareils sentiments, il fallait s’attendre à une vengeance politique : en effet, le châtiment fut infligé aux coupables, lorsque l’avocat Antoine Jobelot, de Gray qui avait bien mérité de la France, trop bien pour son patriotisme, pendant le siège de cette ville[7], se fit adjuger la seigneurie de Montureux, confisquée par décret du parlement (3 mai 1681), comme celle de Bougey sept ans plus tard.

Léonard, fils d’un autre Antoine de Mandre et de Jeanne-Baptiste de Cicon, qualifié seigneur de Chauvirey, sans doute parce qu’il s’était allié à cette maison, commanda aussi la garnison de Besançon vers 1658[8]. Il n’a point laissé de lignée. Mais sa maison ne s’est point éteinte, comme Dunod l’a dit, dans celle de Malarmey-Roussillon, aujourd’hui représentée par la famille d’Autet ; le nom de de Mandre s’est conservé dans la postérité de Claude, frère aîné de Léonard. Son fils, de même nom que lui, épousa Catherine Vaucaire (1650), qui sortait peut-être de la famille de Frasne-le-Vaucaire, ou Velleclaire ; c’est ainsi que se nommait Frasne-le-Château au quatorzième siècle[9]. En 1406, vivait à Besançon un Vaucaire, co-gouverneur de cette ville ; du reste, une famille de ce nom, originaire d’Italie, s’était fixée en Franche-Comté, dès les temps les plus reculés. Quoi Quoi qu’il en soit de ces conjectures, Claude de Mandre, brouillé avec sa parenté et ruiné par la guerre, se réfugia au bourg d’Amance, vers 1658. La paix venue, il redemanda la fortune aux travaux de l’industrie, et amodia des du Châtelet la terre de Beauregard, au territoire de Baulay (1682). Ses descendants la tinrent jusqu’au moment où ce domaine fut confisqué comme bien d’émigrés. Il reste à Baulay trois branches de cette famille.

A leur tour, Jean-Baptiste et, Jean-François, petits-fils de Claude de Mandre, s’établirent dans le voisinage de leur aïeul et s’enrichirent comme lui, l’un à Saint-Loup, l’autre à Bougey. Le premier, après avoir épousé Claude-Françoise Massey, prit à ferme toute la baronnie de Saint-Loup (1720), qui appartenait aux Saladin d’Anglure, marquis de Conflans. Dans cette terre se trouvaient plusieurs forges, dont la prospérité a fait la belle fortune que possèdent aujourd’hui ses descendants, MM. de Mandre de Saint-Loup, de Briaucourt et de la Chaudeau. Le chef de cette maison est M. Charles de Mandre, maître de forges, membre du conseil général de la Haute-Saône, chevalier de Malte et de la légion d’honneur.

Deux membres de cette famille ont appartenu à l’Église.

1° Claude-Simon, d’Amance, né le 15 mars 1727, d’abord bénédictin en Lorraine, devint aumônier des pages du roi Stanislas, qui lui donna la cure et la seigneurie de Donneley. Il transmit cette seigneurie à Joseph, son neveu, qui la perdit en 1793. Il composa un Traité de mécanique enrichi de planches, qui, sur la demande de Bureau de Pusy, devait être imprimé aux frais de la nation. Il mourut à Paris, le 3 décembre 1803.

2° Jean-Baptiste de Mandre, né à Saint-Loup, le 28 octobre 1739, fut préfet des études au collège de Besançon après l’expulsion des jésuites, ensuite curé de la paroisse Saint-Pierre, député du clergé aux états généraux, évêque constitutionnel du Doubs, et vicaire général de Claude Lecoz. Il est mort en 1823, curé de Sainte-Madeleine.

Pour Jean-François, autre petit-fils de Claude de Mandre, de Beauregard, marié à Catherine le Joyant, de Bougey (1720), il obtint en partage le castel des le Joyant et fut amodiataire du domaine seigneurial. De lui sont nés cinq enfants, entre autres Claude-François, curé de Lambrey, dont la conduite orthodoxe, pendant le schisme révolutionnaire, consola sa famille et son pays des égarements de son cousin Jean-Baptiste de Mandre. Confesseur de la foi et émigré en 1793, il fut néanmoins rayé des listes de proscription, par l’influence de son parent, Claude-François le Joyant, l’un des défenseurs de Louis XVI. C’est de cette lignée que sortent les de Mandre de Bougey et de Rigney.

  1. Voyez page 103, note
  2. Voyez page 114, note
  3. Lettres de Pétrey de Champvans, p. 34 à 44.
  4. BOYVIN, Siège de Dole ; Lettres de Pétrey ; GIRARDOT, Guerre de dis ans.
  5. V.page 300
  6. MM. GATIN et BESSON, Histoire de Gray, p. 230, 235
  7. Ibidem, p. 231
  8. Archives du bailliage de Vesoul
  9. Le Vaucaire est le surnom porte par Richard de Neufchâtel, connétable de Bourgogne. Il l’avait pris du hameau de Velleclaire, dépendant de la seigneurie de Frasne-le-Château. Il eut pour fils Thibaut le Vaucaire, célèbre chef de routiers, qui fut longtemps la terreur des rives de la Saône, avec Jean de Sauvigney et les Champenois Arnaud de Cervole Jean de Corgirnon, Thibaut et Jean de Chauffour, « tous capitaines outrageux, apperts à bien adviser bataille, assaillir et escheller villes et chasteaulx, à robber homes et choses. » (Vers 1360.)