Histoire de Marguerite, fille de Suzon/2

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Imprimerie du Louvre (p. 61-96).

DIALOGUE

de Marguerite et le successeur de Dubois.



Premier entretien

Marguerite.

Bonjour, mon cher confrere, ſoyez le bien venu. Il vient de m’arriver une aventure des plus ſingulieres. Tu ſais qu’il y a environ un an que milord de Clermont m’entretient ; c’eſt-à-dire, que depuis ce tems je l’ai préféré pardeſſus tout autre, plutôt par rapport à ſes guinées que par l’envie de f..... Je crois ne t’avoir jamais raconté comme il a tombé dans mes filets.

Le ſucceſſeur. Non, ma chere Marguerite : tu m’as toujours caché ce myſtere ; j’eſpere que je vais être aſſez heureux pour en entendre ſortir de ta belle bouche un détail fidele.

Marguerite. Oui, mais avec douleur : hélas ! je l’ai perdu par des raiſons que tu ne dois pas ignorer. Mais revenons à ſa conquête. Milord m’envoya une lettre, dans laquelle il me marquoit qu’il alloit me rendre viſite : je donnai ordre à ma fille-de-chambre de lui dire quand il arriveroit, que je me promenois en l’attendant dans le jardin, où j’avois fait apporter les plus beaux linges dans un boſquet, ſort commode à une entrevue ſecrete. Je me déshabillai enſuite toute nue, & je me couchai dans la poſture la plus voluptueuſe ſur ces linges, en deſirant avec impatience ſon apparition. Milord arrive, me cherche avec la plus grande vîteſſe dans tout le jardin, & me trouve à la fin dans une poſition qui certainement ne lui déplaiſoit point. Je feignis de dormir profondément ; il s’approcha à petits pas, & ſe mit ſans difficulté dans la même nudité dans laquelle il me voyoit. Ses careſſes vives & tendres me firent faire un tréſailliſſement, qui le perſuadoit que je ſortois d’un profond ſommeil. Quel fut mon étonnement en voyant un des plus gros & des plus longs v.. qui jamais s’étoit préſenté à mes yeux ! Cette machine nerveuſe ſembloit me menacer d’une inondation de f..... Je redoutois les ſuites, en examinant cet inſtrument furieux qui levoit une tête audacieuſe & entreprenante… Mais laiſſons là ces obſervations ſuperflues, & parlons de la maniere gracieuſe dont il s’exprima pour me faire ſentir ſes paſſions. Ah ! chere Marguerite, me dit-il d’un ton noble & engageant, je n’ai point été trompé du rapport qu’on m’avoit fait de votre aimable perſonne, de vos graces, de vos appas & de vos charmes. O dieux, s’écria-t-il, quels plaiſirs vous me préparez, ma belle enfant ! Vous m’enivrez de voluptés ; votre ſein & vos belles feſſes ſurpaſſent ceux de Vénus ; & ce petit tabernacle de l’amour, entouré d’un poil noir friſé, eſt fait pour être adoré des dieux… Que je ſois l’heureux mortel qui puiſſe en jouir ! Ah, laiſſez-moi admirer cette blancheur, cette fermeté des deux petites pommes qui ornent la plus belle gorge du monde. Quelle fraîcheur, quelle beauté ! Vous êtes la reine de mon cœur ; vous êtes plus parfaite que l’amour même. Cette bouche vermeille ; ces dents plus blanches que l’ivoire, ce ſourire enfin me mettent au comble de mes eſpérances & de mon bonheur. Je brûle d’un feu que perſonne ne ſauroit ralentir que vous, charmant bijou : laiſſez éteindre une flamme amoureuſe dans ce réduit aimable que tous les mortels m’envient. Oui, permettez que je recueille cette fleur printaniere où Cupidon prit naiſſance. Je ne doute point que vous n’ayez voulu exciter ma paſſion, en m’étalant d’avance vos faveurs par le plus beau c.. du monde, & pour vous prouver ma ſincérité, déeſſe de mon cœur, acceptez cette bourſe de mille guinées pour le premier mois payé d’avance, à compte ſur les amuſemens que votre jolie perſonne me donnera pendant les quatre quartiers de la lune. J’acceptai la bourſe, & le marché fut conclu.

Le ſucceſſeur. Eh bien, ma chere, on ne peut mieux jouer ſon rôle. Non, je t’avoue qu’il ne lui étoit guere poſſible qu’il échappât à tant de charmes. Dis-moi, tu lui accorda ſans doute ?…

Marguerite. Oui, il tomba ſur moi avec une avidité ſans pareille ; il mit son gros membre tout brûlant dans la fente qu’il avoit tant admiré, & il donna un ſi gros coup de cul, qu’il me cauſa de très-vives douleurs. Arrête, milord, lui dis-je, je ſuis briſée. Au lieu d’arrêter, il redoubla ſes efforts : au troiſieme coup il entra en m’arrachant un cri perçant, mais bientôt après, je ſentis un plaiſir inexprimable, je le ſerrai dans mes bras de toutes mes forces, en lui diſant d’une voix entre-coupée : courage, mon cher milord, allons doucement. Ah ! ah ! mon petit roi, vîte, vîte, vi-î-î-îte, ah, je meurs ! À l’inſtant je me ſentis inondée du fou... de mon milord qui fit une ſi ample déchar.. que je crus que la potion des douze meilleurs étalons de Normandie raſſemblés, n’auroit été qu’une foible idée en comparaiſon du volume prodigieux de liqueur qu’il venoit de répandre. Nous en tombâmes enfin évanouis reſtant dans une extaſe délicieuſe l’eſpace d’un bon quart-d’heure, pendant lequel mon Adonis fit encore quatre amples décharges, après quoi nous nous repoſâmes.

Le ſucceſſeur. Tu as dû ſouffrir, ma chere, un cruel aſſaut ; mais il eſt vrai que le plaiſir fait oublier les maux ; & ſûrement qu’en bien des poſtures, tu auras éprouvé pareille aventure !


Marguerite. Seconde façon à l’Angloise.

Il m’en a ſait eſſayer de quarante-deux manieres ; en voici quelques-unes. Tous les jours c’étoit du nouveau. Milord ne manqua pas de me rendre viſite le lendemain de notre premiere entrevue ; j’avois lieu de l’attendre de ſa politeſſe. Voici comment il arriva au logis : il s’habilla en huſſard, amena un laquais Anglois, avec un petit chien épagneul, dreſſé par milady, qui l’avoit tellement bien inſtruit, qu’il faiſoit avec ſa langue un branle des plus complet. Après les premiers complimens il me fit paſſer dans le jardin où ſon valet nous attendoit & qui reſtoit derriere le gazon. Ah ça, ma chere, me dit milord, il te faut mettre dans la même nudité que tu étois hier quand je te trouvai, à l’exception de ta caleche : ce que je fis à l’inſtant. Il prit enſuite ſon mouchoir & me le lia ſur le nombril ; il m’ordonna de prendre de la main droite le talon droit, & de la gauche le milieu de la jambe gauche : ce qui fut cauſe que je me trouvois dans une poſture aſſez riſible. Mon cher milord tenoit de ſa main droite un fouet, & de ſa gauche, il déboutonna ſa culotte de laquelle il ſortit un v.. qui ſûrement n’étoit pas encore remis des fatigues de la veille, parce qu’il étoit rabougri, ou n’étoit qu’à demi-bandant. Le petit épagneul monta ſur le gazon, en regardant mon c.. d’un œil attentif Milord me dit qu’il attendoit que je lui commandai de faire ſa beſogne ; d’un autre côté il me dit de jeter les yeux ſur ſon valet qui ſe branloit la pine à tours de bras.

Le ſucceſſeur. Il me paroît, ma chere, que cette attitude devoit être bien-fatigante ; t’a-t-il fait beaucoup attendre ! Tire-moi d’inquiétude, je t’en ſupplie.

Marguerite. Non, ce ſpectacle amuſant échauffa ſon imagination, & j’apperçus ſon gros v.. bandant. Il s’approche, ſe jette à corps perdu ſur moi, & ſur-le-champ il ſacrifioit à Vénus avec une ardeur incroyable. Nous ne tardions pas long-tems à goûter ce bonheur inexprimable, & j’étois encore en extaſe, lorſque milord ordonna à l’épagneul de faire ſa beſogne : ce qu’il fit avec tant d’exactitude qu’il ne reſta pas la moindre trace de la liqueur répandue de part & d’autre.

Le ſucceſſeur. Pour un chien, la beſogne eſt particuliere. Milord a de ſort jolies inventions ; je voudrois qu’il t’offrit encore pareille ſtation.


Troisième façon et entretien.

Marguerite. Je paſſai des jours heureux entre les bras de mon cher milord ; il ne s’occupoit qu’à diverſifier nos plaiſirs par des poſtures nouvelles, & dont il s’y prêtoit de tout ſon cœur. Quoiqu’il aimât paſſablement le champagne, il préféroit l’amour à tous les autres amuſemens… Un jour, après s’être échauffé du nectar le plus délicieux, il ordonna à ma fille & à ſon valet de nous ſuivre. Il étoit cinq heures du ſoir lorſque ſon brillant équipage vint s’arrêter à notre porte. Nous montâmes dans le carroſſe, moi, ma fille & milord ; il ordonna à ſon cocher de nous conduire au Prés-Saint-Gervais, où, après nous avoir rafraîchis, nous nous enfonçâmes dans ledit prés. Milord connoiſſoit parfaitement tous les tours & détours ; il nous mena ſous un tilleul & à l’ombre d’une haie vive. À peine fûmes-nous arrivés, qu’il dit à ma fille & à ſon valet de ſe déshabiller ; milord & moi nous fîmes la même choſe : il vouloit ſatisfaire ſes plaiſirs ; tous mes appâts étoient incapables de le tirer d’une eſpece de léthargie où il ſe trouvoit : le ſpectacle de ma fille & de ſon valet ne pouvoit rien ſur ſon eſprit dans ce moment ; il étoit comme du marbre : mes careſſes réitérées ne purent parvenir à le faire b..... j’employois tous les moyens poſſibles, mais infructueuſement, & nous nous vîmes obligés de quitter le jeu comme nous l’avions commencé.

Le ſucceſſeur. Pauvre Margot, tu devois mourir de langueur ! Chere Virago, ton c.. ſouffroit douleur ! Oh quel outrage il faiſoit à ton ſexe charmant ! Si j’avois été cavalier fendu, en ta place Je crois que j’aurois fait quelque ſottiſe au vit-bande-à-l’angloiſe de Milord.

Marguerite. Je l’entends, j’avois ce deſſein, lorſque tout-à-coup j’ai penſé à ſes guinées. On ne trouve pas toujours un pareil pigeon ; c’eſt pourquoi quand on en a un bon, il faut le plumer & non l’égratigner. Je parierois, mon cher, que ta Montigny & tes autres éleves n’auroient pas eu ma patience ; mais enfin j’ai agi prudemment, afin de tirer l’épingle du jeu, & je m’en ſuis bien trouvée par la ſuite. Pour en revenir au manege qui s’en eſt ſuivi, milord m’appuya contre la haye dont je t’ai parlé ci-devant, entrelaça ſes jambes dans les miennes & en exécutant ces vers de Bocace :

Rendons ſervice à ce réduit divin :
Quand notre v.. eſt déſobéiſſant,
Servons-nous de god..... ou des doigts de la main :
Appercevant cela, il ſera répentant,

Le ſucceſſeur. C’eſt-à-dire, qu’il a patiné ce c.. aimable qui mérite tout autre traitement. O dieux, quel affront !…

Marguerite. Bien : un jour ſe paſſa, il y avoit gros à parier que Bacchus combattoit contre Vénus : ſi Bacchus a eu le deſſus, tampis pour milord : pour moi, il m’a ſatisfaite, il s’eſt acquitté de ſon entrepriſe avec une adreſſe & une habileté ſurprenante ; j’ai goûté autant de plaiſir, que s’il avoit fait la beſogne entiere, ma fille & ſon valet étoient en beſogne ou en ouvrage ; leur poſture étoit bien différente de la nôtre ; je les contemplai, en faiſant une ample décharge qui tomba ſur la cuiſſe de mon milord. Ma fille avoit beau nous montrer pour tâcher que le valet la ſatisfit ; il n’en voulut rien faire ; ce procédé ou ſon obſtination devenoit affligeant pour ma fille dans la circonſtance preſſante où elle étoit. Milord ſe leva tout en colere, coupa un ſcion & le ſcionna d’importance, cela fini, nous nous habillâmes, & milord fouilla dans ſa pochette, en tira une bourſe toute remplie d’or, capable d’éblouir les yeux par ſon éclat brillant, me conta cent guinées qu’il me donna en me diſant : tiens, ma putain, voilà pour tes épingles, pardonne à ton maquereau l’affront que tu viens d’éprouver.

Le ſucceſſeur. Ma chere, milord n’a pas raiſon ; cela méritoit au moins deux cents guinées. Comment, après un tel affront il ne pouvoit trop t’en donner.


Quatrième façon.

Marguerite. Rien de plus commun que les variations de milord, aimant toujours la nudité. Il me propoſa un jour d’aller au bois de Vincennes avec ma fille, ce que j’acceptai avec plaiſir. Nous partîmes à neuf heures du matin ; c’étoit en été, & nous y arrivâmes à dix. Il fut queſtion de nous enfoncer dans le bois ; ma fille & ſon valet nous ſuivoient ; mon amant connoiſſant les tours & détours de cette forêt, nous mena dans un lieu écarté & fort épais, à l’ombre de fort gros chênes ; il ordonna à ſon valet de mettre habit bas, ainſi que ma fille : nous avions déjà preſque ôté les nôtres. Tambourin (c’étoit le nom du valet,) prit bien garde de jouer le jeu qu’il avoit joué la veille au Prés-Saint-Gervais ; il prit Sandrine à braſſe corps, ſans ſe ployer, & l’enfila ſupérieurement bien. Tiens, dis milord, vois-tu, ma mie, comme ce boug.. va à merveille. Il me prit une envie de rire dont je ne pus m’empêcher, en voyant démener ces deux vaillans champions. Pendant ce tems, milord me montra son v... Vois-tu, me dit-il, cet inſtrument ; il brûle d’envie de rétablir en quelque ſorte l’affront que tu as ſupporté patiemment ces jours derniers.

À l’inſtant il me fit tomber ſur la fougere, & d’une ardeur ſans pareille il le pouſſa dans mon c... Nous ne fûmes pas un long eſpace de tems ſans goûter le doux plaiſir que l’amour nous préparoit ; nous nous diſſipâmes un peu par un petit tour de promenade, pour reprendre la licence à laquelle nous nous étions livrés précédemment : nous la continuâmes juſqu’à ſept ſois en deux heures de tems ; je crois que milord avoit mangé des paquets d’échalottes, qui ſelon l’opinion du vulgaire, augmentent la ſemence de la progéniture. J’étois inondée de cette liqueur par dedans & par dehors. Les délices qu’elle me procura me ravirent l’ame. Je tombai dans une rêverie qui m’enchanta. Je me croyois élevée ſur un trône d’yvoire, il me ſembloit que chacun s’empreſſoit de me faire ſa cour à l’envi l’un de l’autre ; je diſtribuoit des graces ; & la magnificence de mon palais répondoit à la qualité de reine dont je me croyois honorée.

Enfin, pour finir cette journée, je te dirai qu’elle me plongea dans des ſenſations ſi agréables, que je voudrois y être encore. Ah que le fou... eſt bon !

Le ſucceſſeur. Si tu as tant déchar.., il n’eſt pas étonnant que quatorze portions font un gros volume dans un c.. aimable : voyons, ma chere, ſi je pourrai t’en faire autant ; je ſuis bon compere, ou ſi tu veux, bon fout..., mais je crains de reſter en relais.

Marguerite. J’accepte ta propoſition ; mais auparavant je veux te conter une aventure ; je ſens des douleurs aigues : mon pauvre c.. me fait cruellement ſouffrir ! en outre, j’ai un écoulement conſidérable, c’eſt ſûrement une chaude-p.... Je croyois m’être échauffée à Vincennes, mais non ; c’eſt ſûrement ce chevalier de N*** qui m’a fait ce cadeau ; il voit la premiere venue ; ſi cela eſt, je me vengerai, devrois-je lui arracher le v.., mais voyons, comme je crois que tu en as autant, le mal ne ſera pas pire, prenons quelques momens de plaiſirs.

Le Succeſſeur. Non, non, laiſſe-moi tranquille, je t’en prie. C’eſt un mal qui ſe ſuit de fil en aiguille ; & dans ta malheureuſe & triſte poſition, donne du relais & du repos à ton pauvre c..


Cinquième façon et entretien.

Marguerite. Bonjour, mon compagnon ; hélas ! je n’en puis plus, mon mal augmente, je change à vue d’œil, n’eſt-il pas vrai ? Ah ! ſi je m’étois tenue à mon cher milord, je ne ſerois pas aujourd’hui dans un ſi triſte état ; mais enfin prenons patience, avec ſes guinées je vais faire enſorte de me tirer de ce mauvais pas ; mais que me dira-t-il ! Hélas ! je crains ſon reſſentiment, je tremble, il commence à me battre froid ; s’en ſeroit-il apperçu ! Il va ſûrement m’ôter mon équipage. — Courage, ma chere, prends courage, tu as des bijoux & de l’argent ; c’eſt un malheur, il n’en ſaut ni rire ni pleurer. Avec ton c.. tu trouvera toujours des milords quand tu le voudras. Pour un homme perdu avant-hier, dix retrouvés après demain. — Tu as raiſon, mon cher, je vais prendre le deſſus, en arrive ce qui pourra. Tiens, je veux te faire un détail fort court de la façon dont je paſſe mon tems aux jeux d’amours. Je met Sandrine ſur mon lit ; tantôt nous nous collons l’un contre l’autre, ventre contre ventre, bouche contre bouche, & tantôt je la br..... & elle auſſi ; tantôt je monte à cheval ſur ſa cuiſſe, je porte ma main à ſon réduit, je lui chatouille avec le doigt ſa languette, me trémouſſant avec précipitation ſur ſa cuiſſe, & dans toutes ces poſitions, nous nous ſoulageons à merveille.

Le ſucceſſeur, Bon, ma chere, c’eſt ſort bien inventé. Au beſoin, il n’eſt pas défendu de ſe ſoulager. Enfin, prends patience, il y a du remede à ton mal ; à Bicêtre faut y aller, on y donne une médecine radicale.


Sixième façon.

Marguerite. Milord ayant été obligé de partir pour l’Angleterre, il y fit un ſéjour d’environ cinq mois. À ſon retour à Paris, il vint me rendre viſite. Si tu l’avois vu dans l’état où il étoit ! O Dieu ! j’ai frémis à ſon approche ! La force du mal lui avoit dépouillé la tête, ſes cheveux ne commençoient qu’à repouſſer ; il avoit le viſage maigre & pâle, les yeux renfoncés, ſa barbe négligée ; enfin, il ſembloit que ce fut un Ecce Homo. Au premier abord, il me : fit de vifs reproches ; de mon côté, ce furent des pleurs & des excuſes. Il s’appaiſa à la fin, & prenant un air gai, allons, dit-il, morbleu, il nous faut faire une partie. Il fit deſcendre Sandrine, ma gouvernante ; & nous montâmes dans l’équipage de milord, ſans ſavoir où il nous menoit. Il nous fit conduire à Châtillon, où nous deſcendîmes pour entrer dans le bois. J’étois partie de chez moi tout en déſordre, ſans ajuſtement, n’ayant pour tout habillement qu’une petite polonoiſe & une coëffe de nuit : en un mot, j’étois ſinguliérement arrangée. Étant arrivés en un lieu écarté, il fit mettre ſon valet dans une poſture à faire rire. Sandrine, à côté du valet, étoit obligée de lui châtouiller les couil... Milord cherchoit à me procurer du plaiſir ; il tiroit ſon v.. qui étoit dans un état pitoyable, de ſes culottes, mit un genoux par terre, & me trouſſant juſqu’à la ceinture, m’ordonna de tomber d’à-plomb ſur lui. Quoique ce jeu paroiſſoit aſſez pénible, je l’exécutai avec tant d’habileté, que nous fûmes amplement dédommagés par une décharge abondante & délicieuse. Pendant notre amuſement, un âne qui pâturoit dans le voiſinage, s’approcha de nous en brairant de toutes ſes forces, ce qui nous fit ceſſer ſur-le-champ, & nous nous rendîmes enſuite au logis.

Le ſucceſſeur. Pauvre amie, tu peux dire en être quitte à bon marché ; en cent occaſions, bien d’autres que milord t’auroient fait rendre chevaux, carroſſes & tout ton or.

Marguerite. Il reſta quelques ſemaines où nous étions ; & depuis Châtillon, il m’a abandonné & s’eſt retiré à Londres dans l’eſpérance de ſe faire guérir. Quant à moi, je vais prendre les moyens d’y parvenir.

Voilà, mon cher, la vie voluptueuſe que j’ai paſſée entre les bras de milord de Clermont.

Voici les vers qu’il me fit parvenir avant ſon départ, ſur leſquels je répondis avec auſſi peu de ménagement qu’ils méritoient.

Foutre des culs & foutre des cons,
Je me branle le vit & n’ai peur des bubons :
C’eſt le moyen de conſerver ſes couillons :
Fouteur, fait de même, tu ſeras toujours des bons.

Foutre de toi & de tes couillons,
Ta foutue vilaine & injuſte raiſon
Fera qu’à d’autres je prodiguerai mon mignon ;
Jean foutre ne craint plus les bubons.


Prodigue tant que tu voudras ton lapin,
De mon vit ne t’en inquiete point ;
Il eſt heureux, garde ton réduit malin.
Qui vraiment m’a infecté de ſon vilain venin.


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