Histoire de l'expédition chrestienne/Livre I/chapitre V

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Des arts & sciences libérales entre les Chinois,
& des degrez des hommes de lettres.


CHAPITRE V.


AVant que nous venions à l’administration de cet Empire, il est du tout necessaire de dire quelque chose des lettres, sciences, & degrez d’icelles entre ce peuple, en quoy pour la plus part consiste la maniere de gouverner de cete Republique, qui en ceci est fort différente de toutes les autres nations du monde, quelque part que ce soit. Et encor qu’en ce Royaume les Philosophes ne commandent pas, on peut neantmoins dire que les Roys mesmes sont gouvernez par les Philosophes. Leur façon d’escrire & composer, qui est semblable à ces figures hieroglyphiques des Egyptiens, n'est pas beaucoup différente de la façon de parler. Car aucun livre pour tout n'est escrit en langage vulgaire. Et si d'adventure quelqu’un approche de plus pres la façon de parler ordinaire, icelui ny de sujet, ny d'estime, ne s'esleve au dessus du commun. Et toutefois quasi tous les mots de l'un & l'autre langage sont communs és devis familiers & plus graves escritures : mais toute la diversité consiste en la seule composition des mots.

Or tous les mots de quelque langage des Chinois que ce soit, jusques à un, sont d'une syllabe : & ne s'en trouve pas un seul de deux ou plusieurs : encor qu’il n'y ait pas peu de diphthongues de deux, & souvent de trois voyelles, unies en une syllabe. Je les appelle diphthongues selon nostre maniere de parler car entre les Chinois on ne fait aucune mention de voyelles, ny de consonnantes ; mais ilz ont leur charactere hieroglyphique de chaque mot, comme de chaque chose, & n'y a pas moins de lettres que de mots : si que parmi eux diction, syllabe, element, est une mesme chose. Si toutefois en cet œuvre vous lisez des mots Chinois de plusieurs syllabes, sçachez qu’en Chinois chasque syllabe fait autant de mots ; mais pour autant qu’elles sont instituées pour signifier une seule chose, nous les avons à la façon Latine assemblees en un mot, & encor que le nombre des characteres soit selon la multitude des choses, ilz les composent neantmoins tellement, qu'ilz n'excèdent pas septante ou quatre vingt mille. Et qui en cognoist dix mille d'iceux, il a la cognoissance des lettres qui sont quasi necessaires pour escrire, car il n'est pas du tout besoin de les cognoistre toutes ; & n'y a peut estre en tout le Royaume aucun qui les cognoisse. La plus part de ces lettres sont d'un meme son, non mesme figure, voire aussi non d'une signification. D'où provient qu’on ne trouve aucun autre langage tant equivoque, & ne se peut aucune chose proferée de la bouche d'un autre mettre par escrit, ny leurs sentences par les auditeurs, quand on les lit, s'ilz n'ont le mesme livre devant les yeux, à fin qu’ilz recognoissant avec les yeux les figures, & les accents equivoques des mots, dont ilz ne peuvent faire distinction par le jugement des oreilles. D'où arrive souvent qu’en parlant l'un n'entend pas bien la conception de l'autre, bien qu’il parle elegamment, & prononce fort exactement les paroles, & qu’iceluy est non seulement contraint de redire le mesme, mais encor de l'escrire. Et s'ilz n'ont en main l'appareil pour escrire ilz forment les characteres sur la table avec de l'eau, ou du doigt en l'air, ou en la main de l'auditeur. Et cela principalement arrive entre les gens de lettres, & les personnages quant au reste eloquent, tant plus ilz s'entreparlent nettement, & elegamment, & approchent de pres à la maniere d'escrire des livres. Ilz ostent aucunement ceste equivocation avec cinq accens ou tons, lesquelz, tant ilz sont subtilz, on ne peut pas discerner si aisement. Ilz remedient aucunement à ce peu de leurs accens  : car d’une syllabe ilz en font souvent cinq toutes entièrement différentes de signification, par la varieté de ces tons, & n’y a aucune diction qui ne soit prononcée avec un de ces accens. D’où la difficulté de parler, & entendre s’augmente de sorte qu’aucune langue du monde ne semble estre si difficile à apprendre aux estrangers. Toutefois ceste difficulté, par la faveur divine & travail assidu est surmontée par ceux qui se sont entierement dediez au salut de ce peuple, lesquelz jusqu’à present autant qu’il y en a icy de nostre Compagnie ont appris non seulement à parler, mais encor à lire & escrire.

J’estime certes que la cause de cecy est, que cete nation de tout temps a plus tasché de polir son escriture, que son langage  : pource que toute son eloquence jusqu’au jourd’hui consiste en la seule escriture, non en la prononciation ; telle que lisons qu’estoit celle de Socrates entre les Grecs. Cela est cause que les messagers domestiques s’envoyent mesme dans la ville non avec commission de bouche, ains quasi tousjours avec escrit.

Or cete maniere d’escrire, par laquelle nous donnons à chasque chose son charactere, encor qu’elle soit fort fascheuse à la memoire, neantmoins, au reste apporte quant & soy une certaine grande commodité aux nostres inouyes, d’autant que des nations tres differentes en langage, usant de characteres communs, en escrivant se communique ensemble par le moyen des livres, & des lettres, encor que l’une n’entende pas l’autre en parlant ensemble. Ainsi les Japons, Corains, Caucincinois, Levhiens, ont des livres communs ; encor qu’en les prononçant ilz sont si différents entre eux. que l’un n’entend pas seulement un mot de l’autre. Ilz entendent neantmoins tout le mesme sens des livres, encor qu’ilz n’ayent cognoissance d’aucune autre langue que de la leur propre. En ce mesme Royaume aussi de la Chine chasque Province est si différente au parler, qu’ilz n’ont du tout rien de commun, & toutefois ilz ont tous un mesme traffic, & usage de livres & de lettres.

Toutefois outre ce langage naturel de chasque Province, il y en a un autre commun à tout le Royaume, qu’iceux appellent Quonhoa  : qui veut dire langage de Cour, ou de plaid. Cecy provient de ce que tous les Magistrats, comme je diray cy apres, en la Province ou ilz exercent leurs charges publiques sont estrangers ; & afin qu’ilz ne fussent contraints d’apprendre un langage estranger, il y a un langage de Cour par tout le Royaume, avec lequel non seulement les affaires du Palais se vuident, mais encor tous les mieux disans, ou les estrangers avec ceux du pays s'entreparlent en quelque Province que ce soit ; & les nostres apprennent ce seul langage. Car le langage de chasque Province n'est en aucun lieu necessaire, & aussi n'est-il pas civil, & n'est pas mis en usage par les plus honnestes, si ce n'est d'aventure familierement par ceux d'un mesme lignage, en la maison, ou dehors pour mémoire du pays ; & tous les enfans mesme, & les femmes sçavent ce langage, la frequentation surmontant la difficulté.

J'entens qu’au Japon, outre les characteres, qui de la Chine sont là parvenus, se retrouve l'usage de l'Alphabet & de quelques lettres à nostre façon, avec lequel ilz peuvent escrire leur langage sans cet embarras infini de characteres Chinois. Peut estre les peuples voisins, dont j’ay parlé cy dessus s'en servent aussi ; mais entre les Chinois il n'y a aucun usage de telles lettres, ny mesme aucun vestige. Et pour cela tous ceux qui font profession des lettres, apprennent leurs characteres, & figures dez leur premiere enfance, quasi jusqu’à l'extreme vieillesse, encor que cela sans doute desrobe beaucoup de temps aux meilleures sciences. Le mesme neantmoins n'occupe pas du tout inutilement leurs esprits, & les retire de la liberté de la jeunesse, à laquelle certes nous panchons tous, mais principalement estans oisifz. De cete maniere aussi de peindre les characteres pour lettres, provient une belle façon d'escrire entre les Chinois, par laquelle ilz disent non seulement en peu de mots, mais en peu de syllabes, ce que peut estre nous dirons moins intelligiblement avec des longs discours pleins d'ambiguité.

Mais d'autant que nous traitons de la façon de peindre les characteres, il ne faut pas aussi oublier que la position de l'escriture Chinoise est diametralement contraire à la nostre. Car ilz meinent la main à droicte du haut en bas, & nous, nous poursuyvons de la gauche à droicte, en largeur ou en travers.

De la varieté des sciences plus nobles, ilz n'ont quasi cognoissance que de la seule Philosophie morale. Car ilz ont plustost obscurcie la naturelle de divers erreurs, qu’ilz ne l'ont esclaircie. Or d'autant qu’ilz n'ont rien appris de la Dialectique, ilz traictent ces preceptes Ethiques ou moraux sans aucun ordre de doctrine  : mais la pluspart avec sentences & ratiocinations confuses, autant qu’ilz peuvent estre guidez de la lumière infuse de nature. Le plus grand Philosophe de tous les Chinois s'appelle Confutius, que je trouve estre venu en ce monde cinq cent cinquante & un an devant l'advenement de nostre Sauveur Jesus Christ en terre, & avoir vescu plus de septante ans. De telle sorte qu’il excitoit un chacun à l'estude de la vertu non moins par exemple, que par escris & conferences : par laquelle façon de vivre il a acquis telle reputation entre les Chinois, qu’on croit qu'il a surpassé en saincteté de vie tous les mortelz autant qu’il y en a eu d'excellens en vertu, en quelque lieu du monde que ce soit. Et certes si on a esgard aux paroles & actions qu’on lit de lui, nous confesserons qu’il cede à peu de Philosophes Ethniques, & qu’aussi il en devance beaucoup. Pour cete cause l'estime qu’on fait de ce personnage est si grande, qu’aujourd'hui mesme les hommes de lettres Chinois ne revoquent en doute chose aucune qu’il a dite, ains ilz le croyent tous également comme leur commun maistre ; & non seulement les hommes lettrez, mais aussi les Roys mesmes, apres tant de siecles passez le reverent ; mais toutefois à la façon des mortelz, & non comme ilz adorent quelque Deité. Et font bien paraistre qu'ilz ne sont pas ingrats, monstrans combien ilz lui sont redevables pour la doctrine, qu’il leur a enseignée. Car depuis tant de temps sa posterité est fort honnorée de tous. Et les Roys ont donné au chef de la famille par droit héréditaire un tiltre d'honneur non petit, qui est suyvi de tres grands revenuz, immunitez & privileges.

Ilz ont non seulement acquis assez bonne cognoissance de la Philosophie morale, mais encor de l'Astrologie, & de plusieurs disciplines Mathemathiques. Toutefois ilz ont autrefois esté plus entendus en l'Arithmetique, & Geometrie ; mais aussi ilz ont acquis, ou traicté tout ceci confusement. Ilz partissent les constellations autrement que nous. Et au nombre des estoilles, outre celles dont noz Astrologues font mention, ilz en ont adjousté cinq cens  : car ilz mettent en ce nombre quelques autres plus petites qui n'apparoissent pas tousjours. Mais ces Astrologues ne se soucient pas beaucoup de réduire à la regle de la raison les constellations celestes. Ilz sont la plus part occupez à predire le moment des Eclipses. & la grandeur des planettes & des estoilles  : mais tout ceci est plein de mille erreurs. Finalement ilz rapportent quasi toute leur science de la cognoissance des astres à celle que les nostres appellent judiciaire ; croyants que tout ce qui se fait en ce bas-monde dépend des astres. Ilz ont toutefois appris quelque chose en ces disciplines Mathematiques des Sarazins, qui sont venus de l'Occident  : mais ceux-là ne confirment rien par l'autorité des demonstrations ; ains seulement ont laissé quelques tables, à la regle desquelles ilz reduisent leurs Kalendriers, l'Ecclipse du Soleil & de la Lune, & les mouvements de toutes les planettes.

Le premier de cete famille qui règne aujourd'hui a defendu qu’aucun n'apprenne ces préceptes d'Astrologie judiciaire, sinon ceux qui sont de droit hereditaire destinez à cela. Craignant que de cete cognoissance des astres, celui qui l'auroit acquise, ne prist occasion, & pouvoir de tramer des nouveautez au Royaume. Celui toutefois qui regne aujourd'huy entretient avec grande despense plusieurs Mathematiciens, & iceux sont ou Eunuques dans l'enclos du Palais, ou au dehors, des officiers Royaux, desquelz il y a auiourd'huy deux sieges en la Cour Royale de Pequin  : l'un de Chinois, qui font profession de renger les Kalendriers & Ecclipses selon la manière qu’ilz ont apprise de leurs ancestres. L'autre de Sarazins qui supputent le mesme selon la discipline apportée d'Occident. Et en apres se communiquent l'opinion des deux Presidiaux, s'aidant l'un l'autre. Tous les deux aussi ont une place sur une petite colline pour contempler les astres, en laquelle ilz ont eslevé des machines de fonte de grandeur extraordinaire, qui ont quelque ressemblance d'antiquité. En ceste colline il y a tousjours un de leurs collègues qui fait la sentinelle de nuict, pour voir si d'aventure le ciel par quelque nouveauté extraordinaire des astres, ou des planettes presage quelque chose ; ce qu’estant arrivé, le lendemain envoyant un livret au Roy, ilz luy en donnent advis ; & ensemble declarent ce qu’il leur semble que cela presage de bon ou de mauvais. La place des Mathematiciens de Nanquin paroist sur une colline eslevée dans la ville, & la grandeur des instrumens de Mathematique passe l'elegance de ceux de Pequin, pour ce qu’en ce temps-là les Roys residoyent en cete ville.

Le devoir des Astrologues de Pequin est de predire par tout le Royaume les défauts du Soleil & de la Lune, & l'ordonnance estant publiée, les Magistrats & ministres des Idoles sont commandez de s'assembler en certain lieu, estans revestus des ornemens de leurs offices, & secourir la planete malade. Ce qu’ilz pensent faire avec des cymbales de cuyvre touchées à cadence, & flechissans souvent les genoux pendant tout le temps que ces planetes defaillants sont malades. J'entends qu’ilz craingnent pendant ce temps d'estre devorez de je ne scay quel serpent.

Les preceptes de la médecine ne font pas peu differens des nostres ; mais ilz ne tastent pas autrement le pouls ou battement de veines que les nostres. Et certes ilz sont assez heureux en la Medecine. Ilz usent de medicamens, simples, herbes, racines, & autres semblables. Parquoy toute la médecine Chinoise est comprise aux préceptes de nostre Botanique. Il n'y a aucun College public de cest art, mais chacun est particulièrement enseigné par quelque maistre qui luy plaist. En l'une & l'autre Cour apres l'examen on accorde à l'art de Medecine des degrez, mais ainsi comme en passant, & sans aucun esgard ; de sorte que celui qui est honnoré de ce degré, n'en acquiert pas plus d'autorité, ou de réputation, que celui qui ne l'a pas, parce qu’il n'est defendu à personne de penser les malades, soit qu'il se trouve sçavant ou ignorant en Médecine. Finalement cela est cognu à tous, qu’aucun n'estudie aux Mathématiques, ou en médecine, qui croit pouvoir exceller en la Philosophie morale, & ainsi personne quasi ne s'addonne à ces sciences, sinon celui lequel ou par la pauvreté, ou par le defaut d'esprit est destourne des disciplines plus relevées. D'où procède qu’à peine sont ilz en aucune estime, car l'honneur entretient les arts, & tous sont encouragez aux estudes par la gloire, ou par l'espoir des recompenses.

On peut voir le contraire en la science Ethique, au supreme degré de laquelle quiconque est eslevé, encor ne semble-il pas avoir attaint le sommet de la felicité Chinoise. Il me semble que je dois un peu plus au long traicter de ceci ; car je croys que cela ne sera pas moins agreable au lecteur, que nouveau. Ce Confutius, que j'ay dit Prince des Philosophes Chinois, a r'assemblé quatre volumes des escris des anciens Philosophes, & a escrit le cinquiesme de sa propre industrie. Il a appelle ces livres, Les cinq doctrines. En iceux sont contenus les preceptes moraux de bien vivre, & gouverner la Republique, les exemples des anciens, coustumes, sacrifices, comme aussi plusieurs poëmes des anciens, & autres semblables. Outre ces cinq volumes, on a réduit en un volume, sans aucun ordre, des preceptes divers tirez de deux ou trois Philosophes, sçavoir de Confutius & ses disciples, des apophthegmes & sentences touchant l'institution des mœurs selon la droicte raison, voire le moyen de se duire premièrement soy-mesme, puis sa famille, & finalement le Royaume à la vertu. Ilz ont appelle ce volume (d'autant qu’il est compris en quatre livres) Tetrabiblion qui veut dire quatre livres. Ces volumes sont les plus anciens des Bibliothèques Chinoises, & desquelz quasi tous les autres sont provenus. Ilz contiennent aussi la plus part des characteres hiéroglyphiques. Et certes ilz prescrivent des preceptes de la Philosophie morale, qui ne proufitent pas peu à la République. Parquoy les plus anciens Rois on faict une loy, confirmée par l'usage de plusieurs siecles, que quiconque veut estre & avoir la reputation d'homme lettré, il est necessaire qu’il ait les fondemens de sa doctrine de ces livres ; ausquelz ce n'est pas assez de comprendre le vray sens du texte ; mais encor, ce qui est plus difficile, il faut qu’ilz sçachent promptement & pertinemment escrire chasque sentence ; & pource faut il (à fin qu’ilz s'en puissent bien acquiter) que chacun d'eux apprenne ce Tetrabiblion, duquel nous avons parlé ci-dessus.

Or il n'y a aucune escole, ou Académie publique (ce que quelques uns de noz escrivains ont asseuré) desquelles les maistres ayent entrepris d'interpreter ces livres. Mais chacun faict eslection d'un precepteur à sa volonté, par lequel il soit à ses propres despens instruict en sa maison. Il y a grand nombre de ces maistres domestiques, tant à cause de la difficulté des characteres Chinois, esquelz à grande peine plusieurs peuvent estre instruictz par un seul, que pource que c'est la coustume (comme j’ay dit) que chacun en sa propre maison tient escole ouverte pour l’instruction de ses enfans, encor qu’il n'y en ait qu’un ou deux ; & ce comme je croy, à fin qu’ilz ne soient destournez de leurs estudes par la fréquentation des autres.

En cete science on donne trois degrez de lettres à ceux de ce nombre qui se presentent pour estre examinez, & qui en sont jugez capables ; Et c'est examen consiste presque en la seule escriture. Le premier degré des gens de lettres se donne en chasque ville au lieu qu’ilz appellent Escole. Quelque homme fort docte, denommé du Roy mesme à cet effect, en faict la collation. Icelui du nom de son office est appelle Tihio, & le degré Scieucai, & ressemble à nostre Baccalauréat. Le Tihio donc marche par toutes les villes de la province, pour apres avoir premis trois examens donner ce degré. Si tost que ce Chancelier (à fin que je parle selon nostre coustume) est arrivé, tous ceux de la ville ou des lieux voisins qui prétendent à ce degré, accourent incontinent ensemble, & se sousmettent à l'examen. Le premier se fait par ces maistres d'escole, qui ayans obtenu ce degré president aux autres Bacheliers, attendant qu’ilz en acquièrent un autre plus haut. Chacun est receu à cet examen, & arrivé souvent qu’il y en a quatre ou cinq mille d'une seule ville. Ces maistres d'escole sont pour ce sujet gagez du Roy. Ceux-cy en après sont par iceux renvoyez aux quatre Prevostz de la ville, qui sont tous gens de lettres (car aucun autre ne parvient au gouvernement de la République) lesquelz presentent encor ceux qui ont esté examinez au Chancelier : mais deux cens seulement de tout ce nombre qu’ilz ont jugez les plus capables par la meilleure escriture. Le troisiesme examen est faict par le Chancelier, qui est en tout & partout plus rigoureux que les autres, car de deux cens il n'en dénomme pas plus de vingt ou trente Bacheliers (selon la grandeur du pays) lesquelz par ce mesme examen il aura trouve les plus dignes, & les adjouste au nombre des Bacheliers des années précédentes, qui tous à cause de leur dignité ne sont pas des moindres de la ville. Car ilz sont honorez de tous pour le respect de l'autorité à laquelle ilz s'avancent ; ilz prennent la robbe longue, le bonnet, & les brodequins, marque particulière de leur qualité ; & n'est pas permis à aucun autre qu’au Bachelier de marcher de cete sorte. Ilz tiennent rang plus honnorables aux assemblees des Magistratz, & leur rendent des complimens plus graves de civilité, qui ne sont pas permis au vulgaire. Ilz jouyssent aussi de beaucoup de privileges, & ne sont presque sujectz à aucun, si ce n'est au Chancelier, & à ces quatre maistres ; les autres Magistrats aussi ne jugent pas facilement de leurs causes ou délicts.

Le pouvoir du Chancelier s'estend non seulement sur les nouveaux Bacheliers, mais encor il remet à l'essay les autres des anneez precedentes, qui ont esté admis à ce degré, & fait une enqueste severe de ce qu’ilz ont appris, ou oublié. Il les disposé donc en cinq ordres selon la bonté de l'escriture. A ceux du premier rang il permet, pour prix, de pouvoir devant qu’avoir attaint le plus haut degré, exercer quelques charges publiques ; mais non des plus grandes. Il donne aussi un prix aux seconds, mais moindre. Il déclare les troisiesmes indignes de prix, mais aussi de punition. Les quatriesmes sont fouettez publiquement pour peine de leur paresse. Les derniers sont despouillez des ornemens de Bacheliers, & rejettez parmi le commun. Ilz font cela, à fin qu’ilz ne s'engourdissent en oisiveté apres qu’ilz sont faitz Bacheliers, & oublient ce qu’ilz ont apris.

Mais l'autre degré des hommes lettrez de la Chine, s'appelle Kiugin, & est accomparé à l'ordre de noz Licentiez. Icelui ne se donne que tous les trois ans en la ville capitale de la Province, environ la huictiesme Lune & aussi avec plus de majesté ; mais encore ne se comfereil pas à tous ceux qui en sont jugez dignes, mais à quelque nombre de ceux qui entre ceux-là sont les plus suffisans, plus ou moins, selon la dignité, ou grandeur des Provinces. Car on denomme en chasque Cour Royale (à sçavoir de Pequin, & Nanquin,) de tout le nombre des Bacheliers cent cinquante Licentiez, en celle de Cequian, Qiam Chinoise, & Fuquian nonante cinq, aux autres un peu moins, selon le nombre des doctes, & le merite de la Province.

A cet examen sont seulement admis les Bacheliers, & non toutefois tous ; mais le Chancelier choisit de tout le nombre de chasque ville ou escole de la Province (comme j’ay jà dit) au moins trente, au plus quarante Bacheliers esprouvez par l'escriture. Et toutefois faisant ainsi, ez Provinces plus habitées le nombre de ceux qui aspirent à l'ordre des Licentiez monte souvent à quatre mille. En icelle année donc, qui est tousjours la troisiesme pour la creation des Licentiez (comme pour exemple a esté l'an 1609. & reviendra l’an 1612. suyvant) peu de jours devant la huictiesme Lune, qui eschet souvent au mois de Septembre, les Magistrats de Pequin offrent au Roy en un livret cent Philosophes des plus choisis de tout le Royaume, à fin que d'iceux il en nomme trente, sçavoir deux pour chasque Province, qui president à ceste election de Licentiez. Or il faut que l'un d'iceux soit du Collège Royal qu’ilz appellent Hanlinyuen duquel les Officiers sont estimez les plus renommez du Royaume.

Or le Roy ne les nomme jamais, qu’au mesme temps qu’ilz pourront, avec la plus grande diligence qui se peut, arriver en la Province designée : commettant aussi plusieurs gardes, à fin d'empescher que pour quelque cause que ce soit, ilz ne parlent à personne de la Province, devant que les Licentiez soient denommez. Le Magistrat aussi appelle des Philosophes les plus fameux de la mesme Province, par lesquelz ces deux Examinateurs Royaux sont fidellement aydez & assistez en cet examen, & première espreuve d'escriture.

Or en chasque ville Metropolitaine se void un grand palais edifié seulement pour cet examen, ceint de tres-hautes murailles. En icelui il y a plusieurs chambrettes separées de tout bruit, dans lesquelles se retirent ces examinateurs que j’ay dit, pendant qu’ilz examinent les escritures. Outre cela, il y a plus de quatre mille cellules au milieu du palais, qui ne peuvent rien contenir qu'une petite table, un escabeau, & un homme. De ces cellules aucun ne peut parler avec son voisin, ny mesme voir personne.

Si tost que les examinateurs Royaux des villes susnommez, sont arrivez en la principale ville, ilz sont enfermez en ce palais chacun en sa chambrette avant qu’ilz puissent parler avec personne. Mesme il ne leur est pas permis de deviser ensemble pendant tout le temps qu’on travaille à l'espreuve des escris, voire aussi pendant ce temps jour & nuict il y a des gardes de nombre de soldatz & Magistratz, qui espient & empeschent tout, pour parler entre ceux qui demeurent dans le palais, & ceux de dehors.

Or on ordonne trois jours pour cet examen, & les mesmes par tout le Royaume, sçavoir le 9, 12, & 15. de la huictiesme Lune. Et depuis le poinct du jour jusqu’à la nuict, le temps est employé à escrire, les portes estans curieusement fermées, & l'on donne aux escrivains un leger repas, apresté dez le jour precedent aux despens du public. Quand les Bacheliers sont admis dans le palais, on prend tres-soigneusement garde s'ilz portent quelque livre ou escrit avec eux, ou non. On leur permet seulement de porter quelques pinceaux, desquelz ilz se servent pour escrire ; & une table à escrire dont nous avons faict mention, de l’encre & du papier. On regarde aussi leurs habits, pinceaux, tablettes, craignant qu’il n’y ait quelque tromperie. Si on descouvre quelque fraude, non seulement ilz font mis dehors, mais encor severement punis.

Apres que les Bacheliers sont entrez au palais, & les portes fermées & cachetées des sceaux publics, ces deux Presidents Royaux de l’examen proposent publiquement trois sentences de ces quatre livres, choisies à leur volonté, que chascun prend pour sujet d’autant d’autres escritures. Ilz proposent aussi quatre sentences de celles qu’il leur plaist de ces cinq doctrines, pour argument d’autant d’escritz, & chascun se choisit celles qui sont tirées de la doctrine dont il faict profession. Il faut que ces sept escrits soient non seulement graves par l’elegance des paroles, mais encor par le poids des sentences ; observant exactement les preceptes de l’eloquence Chinoise. Et ne faut pas qu’aucune escriture passé le nombre de cinq cens characteres, chacun desquelz esgale une de noz dictions.

Le jour suyvant les deux qu’on donne au repos de ceux qui doivent estre examinez, les ayant de mesme renfermez, on leur propose trois choses tirées des Annales des anciens, qui sont autrefois arrivées, ou quelques autres qui pourront à l’advenir arriver. Ilz disent chacun leur advis en trois escritz, ou par un livret advertissent le Roy de ce qui leur semble bon estre à faire en ce cas pour le bien du Royaume.

Le troisiesme jour semblablement on leur propose trois controverses, de celles qui en l’administration des charges de la Republique peuvent estre mises en question. Ilz déclarent de mesme chacun en trois escrits la sentence qu’ilz donneroient pour juger ce differend.

Ayant ainsi chasque jour à ce designé pris chacun son argument pour escrire, & l’ayant transcrit pour ne l’oublier, les Bacheliers entrent en la logette qui leur est ordonnée par ceux qui en ont la charge, pour là escrire » & chacun escrit par tout avec grande silence. Les escrits de chacun sont copiez en un livre preparé pour ce sujet, mettant à la fin de l’escrit leur nom, celui de leur pere, ayeul & bisayeul, & cachettent tellement le livret, qu’il ne peut estre ouvert que par les deputez. Chacun ayant ce fait à chasque livre, ilz les presentent aux Deputez. Iceux devant que venir ez mains des examinateurs sont copiez par les libraires qui sont là present tout prestz  : & afin qu’il n’y puisse avoir de tromperie, les copies sont peinctes de couleur rouge, mais les propres manuscripts sont escritz d’encre. Ces copies, & non les manuscriptz, sont baillées aux examinateurs sans le nom des autres, pour estre examinées. Et cependant on garde les manuscritz marquez de nombres correspondans aux copies. Cela se fait à fin que ceux qui examinent les escrits, ne cognoissent les noms des auteurs, ou la façon d’escrire.

Ces premiers examinateurs choisis des Magistrats des villes, espluchent diligemment toutes les escritures, & rejettent chasque mauvaise, de sorte qu’ilz donnent aux examinateurs Royaux le double du nombre auquel peuvent estre reduitz les Licentiez. Ainsi s’il en faut dénommer cent cinquante, on met à part trois cens escrits, qu’on envoye à la station des examinateurs Royaux pour estre mis à la dernière enqueste, desquelz ilz separent les meilleurs, tant qu’il suffise pour le nombre des Licentiez. De ce nombre en apres ilz eslisent les premiers, seconds, & troisiesmes, & les disposent soigneusement par ordre. Ceci estant faict, tous les examinateurs ensemble conferent les copies recognues par les nombres avec les manuscrits, & lisent le nom de l’auteur en son propre escrit. Ilz exposent ces noms en grosse lettre sur une grande table, quasi sur la fin de la huictiesme Lune, avec grande affluence de Magistrats & applaudissement de ceux qui sont ou parens, ou amis de ceux qu’on déclare Licentiez.

Or ce degré est beaucoup plus relevé, & estimé que le précèdent, & jouyt de privileges beaucoup plus honorables, & d’un ornement particulier de dignité, voire si ceux qui en sont ornez deposent l’ambition de parvenir au supreme degré, ilz sont en la republique capables de charges grandes.

Cete action estant ainsi achevée, les Presidens Royaux de l’examen mettent un livre en lumiere, par lequel le succez de tout l’examen, les noms des Licentiez, & les plus beaux escrits de chasque matiere proposée sont espars par tout le Royaume. Mais principalement on imprime les escrits de celui qui a esté nommé le premier entre les Licentiez. Icelui est appelle en langage Chinois Quiayuen. Ce livre est imprimé en beaux characteres, & se distribue par tout le Royaume. L’on en presente quelques Exemplaires au Roy, & aux autres Courtisans.

Les Bacheliers d’un autre province ne sont pas receus en cet examen. Seulement ez deux Cours Royales quelques uns apres avoir obtenu le Baccalauréat (ayants payé certaine somme d’escus à la chambre Royale) sont receuz par grace en ce College, d’autant qu’ilz ont esté admis en l’escole Royale, de laquelle ilz sont officiers.

Le troisiesme ordre d’hommes lettrez entre les Chinois s’appelle Cin fu, & est du tout semblable à nostre doctorat. Celui-ci aussi se confere tous les trois ans, mais seulement en la Cour de Pequin. Et l’an de la creation des docteurs, est tousjours celuy qui suit prochainement les actes des Licentiez  : mais il n’y en a que trois cens en tout le Royaume qui l’acquierent, encor que les Licentiez de chasque Province toutes les fois qu’il leur plaist tenter le hazard de l’examen soyent receuz de droict. Cete action est instituée la seconde Lune aux mesmes jours que j’ay notez ci dessus, & de mesme façon, sans aucune difference, si ce n’est que selon le degré & la dignité, la diligence de l’enqueste aussi est plus grande, de peur que d’aventure il ne survienne quelque fraude ou faveur. Les examinateurs aussi pris d’entre les premiers Magistrats du Royaume, qu’on appelle Colaos (desquelz nous parlerons cy dessous) sont appellez President de l’examen.

L’examen fini, & les Docteurs denommez en ce mesme palais, auquel aussi la coustume est de denommer les Licentiez, ilz composent tous ensemble dans le palais Royal un escrit sur l’argument qui leur est proposé, en presence des principaux Magistrats de toute la Cour, voire mesme anciennement le Roy y assistoit. Par le jugement de cete composition on déclare l’ordre des offices de Magistrature qu’ilz doivent avoir, lequel est parti en trois classes. L’estime de cet examen est grande qui consiste toute en un petit escrit. Quiconque a obtenu le premier lieu en l’examen des Docteurs, il est sans aucune difficulté le troisiesme en ce second, & qui en cet examen est le premier ou second, est durant toute sa vie orné d’une honorable dignité, outre ce aussi qu’il exerce les plus grandes charges en la Republique. Ceste dignité peut estre fort proprement accomparée à la qualité d’un Duc ou d’un Marquis parmi nous, si elle estoit de droit héréditaire transferée à la posterité.

Aussi tost ces Docteurs sont revestus de leur propre habit, bonnet, brodequins, & aussi de tous les autres ornemens des Magistrats, & sont avancez aux plus proufitables & honnorables offices publicz avec tel ordre que jamais les Docteurs ne sont devancez par les Licentiez  : aussi les tient ont au rang des principaux du Royaume. Et tout à coup sont tellement eslevez par dessus les autres Licentiez à qui la fortune n’a pas esté favorable, & qui estoient le jour de devant leurs compagnons, qu’à peine le pourroit-on croire ; car ilz leur cedent en tout lieu le principal & meilleur, et leur parlent avec des tiltres les plus honnorables.

Ces Licentiez neantmoins qui sont rejectez du nombre des Docteurs s’ilz quittent l’esperance d’acquerir à l’advenir le Doctorat, sont admis au gouvernement de la Republique. Et encor qu’ilz soient inferieurs aux Docteurs, toutefois ilz ne sont pas des moindres Magistrats, soit en la Cour, soit dehors. S'il leur plaist de tenter derechef la fortune, ilz s'en retournent en leur maison, & toutes les trois années suivantes s'exercent à bon escient à escrire & lire, jusques à ce que l'an de l'examen retournant, ilz rentrent en lice. Ilz peuvent faire cet essai toutes les fois qu’ilz veulent. Et arrive souvent qu’ilz tentent le hazard dix fois, lorsque la fortune leur est contraire : duquel espoir se repaissans, ilz passent bien souvent toute leur vie sans charge publique pendant qu’ilz veulent estre les plus grands, ou rien.

Le succez de cet ordre, tout ainsi que du precedent, est imprimé par les examinateurs en un livre particulier, adjoustant comme dessus les noms, & chasque meilleure escriture. Outre ce livre, on en imprime tous les ans un autre, auquel sont enregistrez les noms des Docteurs, leur pais, parens, offices, & en quel lieu ilz les administrent. Ainsi celui qui aura veu ce volume annuel sçaura quel office chacun aura eu depuis le premier an du Doctorat jusques à sa mort, où il l'aura exercé, à quel degré d'honneur il sera monté ou descendu, ce qui entre les Chinois est journalier selon le merite.

Une chose est digne d'admiration en l'acquest de ce degré, que les compagnons de mesme année jurent entr'eux une amitié indissoluble. Car tous les Licentiez, non moins que les Docteurs, que la fortune a favorisé la mesme année, s'aiment durant toute leur vie, comme freres, & s'entr'aident les uns les autres, comme font aussi les parens de leurs collègues en toutes choses, tousjours unis d'inseparable union de volontez. Ilz contractent aussi avec les examinateurs un lien plus estroit, tel qu’est celui du pere, & du filz, ou des disciples & des maistres, leur rendant tousjours l'honneur qui leur est deu, encor qu’il arrivé souvent que les disciples, de degré en degré, sont eslevez par dessus les maistres.

C'est aussi la coustume de conférer ces mesmes degrez d'honneur ez mesmes lieux & ans, & avec les mesmes prerogatives à ceux qui font profession de la milice, seulement la coustume est de différer le temps, jusqu’à la Lune suivante. Mais d'autant qu’en la Chine l'art militaire est mesprisé, on donne ces degrez avec beaucoup moindre appareil. Et y en a si peu qui les pretendent, que c'est chose du tout miserable. Cet examen militaire, est aussi de trois sortes. Au premier ilz descochent neuf fleches en courant à cheval. Au second ilz en tirent autant de pied ferme à la mesme butte. Et ceux qui au moins de quatre flesches à cheval, & de deux à pied, ont touché le blanc, font receus au troisiesme examen, auquel ayant proposé une question de guerre, on leur commande de respondre par escrit : Les Juges en après ayans conferé ensemble tous les trois examens, en chasque Province declarent la plus part cinquante Licentiez de tout le nombre. Et l’année que les Docteurs sont denommez à Pequin, apres trois examens on donne aussi le Doctorat à cent soldatz choisis d’entre tout le nombre des Licentiez de tout le Royaume.

Les Docteurs de ce College sont plus facilement avancez aux charges militaires que les Licentiez, non toutefois sans presens. Les uns & les autres estans denommez, soit du Senat Philosophique, soit du militaire, pour honorer leur famille escrivent en grosse lettre un titre sur l’entrée de leurs maisons, par lequel est déclaré quelle dignité chacun a acquise.

Ceci finalement ne doit pas estre oublié, que les juges & Presidents de tous les examens, soit que l’enqueste se façe des choses militaires, soit des Mathematiques, & de l’art de Medecine, & encor plus de la Philosophie morale, sont esleus de l’assemblée des Philosophes, sans qu’ilz ayent pour adjoint aucun Capitaine, Mathematicien, ou Médecin. Ce qui, peut estre ne semblera pas peu estrange à noz Européens, voire mesmes ridicule, & mal-seant. Car la réputation de ceux qui excellent en la Philosophie morale est si grande entre les Chinois, qu’ilz les estiment capables & suffisans de bien juger de toutes choses, encor qu’elles soient fort esloigneez de leur profession.