Histoire de la vie de Hiouen-Thsang et de ses voyages dans l’Inde/Livre 7

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慧立 Hui Li, 彦悰 Yan Cong
Traduction par Stanislas Julien.
(p. 308-320).
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LIVRE SEPTIÈME.


Ce livre commence à la sixième lune de la vingt-deuxième année de la période Tching-kouan (648), en été, lorsque le prince royal compose un mémoire intitulé Chou-ching-ki^^1 ; il finit au deuxième mois du printemps de la cinquième année de la période Yong’koei (654), lorsque le Maître de la loi adresse une réponse à Fa-tch’ang.
RÉSUMÉ.

Dans le sixième mois de la vingt-deuxième année de la période Tching-kouan (648), le prince royal, étant dans le palais du printemps, reçut et examina les textes sacrés nouvellement traduits. À cette occasion, il composa une introduction où il en loue le style élevé, et l’importance morale, et la termine par un éloge pompeux de Hiouen-thsang.

Le Maître de la loi lui adresse une lettre de remercîments, bientôt suivie d’une réponse dans laquelle le prince royal parle avec une modestie excessive de son inhabileté dans Fart d’écrire, et de son peu d’instruction et d’intelligence qui l’empêchent de bien comprendre et apprécier les textes sacrés. Il ajoute qu’il a été pénétré de confusion en voyant les compliments flatteurs que lui a adressés le Maître de la loi.

Lorsque les deux préfaces^^2 eurent été publiées, Youen-ting, supérieur du couvent Hong-fo-sse, et les religieux de la capitale prièrent l’empereur de les faire

1 Mémoire relatif à l’histoire du Bouddha.

2 La préface de l’empereur et celle du prince royal. graver sur des tables de métal et de pierre, et de les déposer dans le couvent.

L’empereur y consentit. Au jour Keng-chin, le prince royal, ayant perdu sa mère (l’impératrice Wen-te-ching-hoang-heou), fit construire en son honneur, au sud du palais impérial, im couvent vaste et magnifique, où l’on comptait dix cours et dix-huit cent quatre-vingt-dix cellules, poiu^ues de tous les meubles et ustensiles nécessaires.

L’empereur (Thien-wou-ching-hoang-ti), après avoir lu le Pou-sa-thsang-king (Bôdhisattva pitaka soûtra), en fit l’éloge, et ordonna que, dans le palais du printemps, on composât une préface pour cet ouvrage. Notre auteur (Yen-tsong) cite en entier cette préface, qui se compose de cinq cent soixante-dix-huit mots.

L’empereur donne à Hiouen-thsang un vêtement religieux et un instrument tranchant, pour couper les cheveux de ceux qui veident entrer en religion.

Le Maître de la loi lui adresse une lettre de remerciments.

L’empereur lui demande ce qu’il y a de plus avantageux pour acquérir des mérites.

Hiouen-thsang répond que c’est d’ordonner des religieux qui puissent propager l’enseignement de la Loi.

L’empereur reçoit cet avis avec joie, et, au jour I-mao de la neuvième lune, il rend un décret pour que, dans chaque couvent des divers arrondissements, on ordonne cinq religieux, et cinquante dans le Couvent du grand bonheur (Hong-fo-sse). Comme il y avait alors, dans tout l’empire, trois mille sept cent seize couvents, on ordonna environ dix-huit mille cinq cents^^1 religieux et religieuses. Avant cette époque, la plupart des couvents et des temples avaient été saccagés dans les dernières années de la dynastie des Souï, et les religieux avaient été presque tous exterminés. Cette immense ordination les rétablit sur un pied florissant.

L’empereur demande à Hiouen-thsang si le célèbre ouvrage Kin’kang-pan’jO’po-lo-mi-to-king, qu’on a traduit dans les siècles précédents, est complet ou non sous le double rapport du texte et du sens.

Il répond que si l’on examine l’ancienne traduction, on y remarque quelques omissions. En effet, le titre indien signifie : « Le livre de l’Intelligence transcendante, qui peut couper le diamant » (Neng’touan-kinrkanffa » ’jo-pO’lo-mi’tO’king — Vadjra tchhédika pradjnd pdramtà soàtra), tandis que l’ancienne édition porte : Kin-kangpan-jo etc. On a omis ainsi les deux premiers mots neng-toaan (qui peut couper). Dans le texte qui suit, sur trois questions, on en a omis une, ainsi qu’un gàthâ (vers) sur deux, et trois comparaisons (avadânas) sur neuf, etc. On remarque des fautes du même genre dans le nom de royaume Che-weï (au lieu de Chi-lo-fa-si-ti — Çrâvasti), transcrit par le Maître Chi (Koumâradjiva) ; le mot Po-kia-po (Bhagavat), lu par Lieou-tchi^^2 (Bâdhi-routchi), est un peu moins incorrect.

1 Le nombre exact serait dix-huit mille cinq cent quatre-vingts, et, en y comprenant les cinquante religieux du couvent Hong-fo-sse, dix-huit mille six cent trente.

2 Religieux de l’Inde du nord, qui vint en Chine dans la deuxième année de l’empereur Wou-ti des Liang (503 après J. C).

« Puisque vous possédez les textes indiens, lui dit l’empereur, il faut les soumettre à une nouvelle traduction, afin que les hommes qui les liront n’aient rien à désirer. Or dans les livres sacrés, on estime les principes qu’ils renferment ; mais il n’est pas nécessaire d’v ajouter des ornements qui pourraient en altérer le sens. »

L’empereur fut charmé d’apprendre, dans un rapport qui lui fut présenté, que le titre Neng-touan-kin-kangpan-jo-po-lo-mi-to-king (le livre sacré de l’Intelligence transcendante, qui peut couper le diamant), était conforme au texte indien (Vadjra tchhêdika pradjnâ pâramitd soûtra).

En hiver, à la dixième lune, l’empereur revient à la capitale avec le Maître de la loi.

Avant cette époque, l’empereur avait fait construire, à l’ouest de la salle Tse-weï-tien, du palais impérial, un bâtiment séparé qu’il avait appelé Hong-fa-youen (la cour de la Grande loi).

À son arrivée, Hiouen-thsang alla s’y établir. Pendant le jour, il restait près de l’empereur qui aimait à discourir avec lui ; le soir, il y retournait pour se livrer à la traduction des livres sacrés. Il retraduisit : 1° le Cheta-ching-lun (Mahâjâna samparigraha çâstra), en dix livres, expliqué par Wou-sing-pou-sa (Ahhâva bôdhisattva ?) ; 2° le Che-ta-ching-lun (Mahâyâna samparigraha çâstra), expliqué par Chi-thsin (Vasoubandhou), en dix livres ; 3° le Youen-khi-ching-tao-king (le livre sacré de l’origine de la sainte doctrine), en un livre ; 4° le Pe-fa-ming-men-lan (Çata dharma prabhâvati dvâra çdstra ?), en un livre.

Au jour Meou-chin, le prince royal publie un ordre par lequel il annonce que le couvent Ts’e-’en-sse (le couvent de la bienfaisance) est terminé depuis quelque temps avec toute la magnificence convenable, mais qu’il n*a pas encore de religieux. C’est pourquoi, en vertu d’un décret impérial, il prescrit d^ordonner trob cents religieux, et invite en outre cinquante personnages renommés par leur vertu, à accepter cette pieuse demeure, et à venir s y établir pour pratiquer la Loi. Il décide que ce nouveau couvent s’appellera Ta-ts’e-en-sse (le couvent de la grande bienfaisance). Il ordonne de construire un autre couvent orné de peintures, de pierres et de métaux précieux, destiné aux interprètes des livres sacrés, et prie le Maître de la loi d’aller s’y fixer pour y poursuivre ses traductions. Il lui donne le nom de Kang-weî-sse, et charge le Maître de la loi d’en prendre la direction.

Hiouen-thsang adresse au prince royal une lettre où, alléguant l’état de sa santé et l’insuffisance de son instruction, il le prie de le dispenser d’une charge aussi difficile.

À la douzième lune, au jour Meoa^hin^ l’empereur ordonne au maître de cérémonies Kiang-wang et à d’autres grands personnages, de réunir les différents corps de musiciens, de préparer des bannières et des tapis, et de se trouver tous le lendemain matin à la porte’An-fo-men (la porte du bonheur paisible), pour aller au-devant des religieux qui devaient entrer dans le couvent Ta-ts’e-’en-sse (le couvent de la grande bienfaisance). Tout le cortége se déploya en bon ordre dans les rues de la ville. On comptait quinze cents chars ornés de dais en brocart et de bannières où étaient peints des poissons et des dragons, et trois cents parasols d’étoffes précieuses. On avait tiré d’avance de l’intérieur (du palais) deux cents images du Bouddha brodées ou peintes sur soie, deux statues d’or et d’argent, et cinq cents bannières tissues de soie et de fils d’or, qui étaient conservées précédemment dans le couvent du Grand bonheur (Hong-fo-sse). Les livres sacrés, les statues, les reliques, etc. que le Maître de la loi avait apportés des royaumes de l’Ouest, avaient été également extraits du couvent Hong-fo-sse. On les avait placés sur des piédestaux que supportaient de nombreux chars qui marchaient au milieu du cortége. Des deux côtés des statues, on voyait s’avancer deux grands chars, sur chacun desquels on avait dressé un mât surmonté d’une riche bannière. Derrière ces bannières, flottait l’image du divin roi des lions (Çâkyasihha ?) qui ouvrait la marche de cette pompeuse procession. En outre, on avait orné d’une manière magnifique cinquante chars où étaient assis cinquante personnages d’une vertu éminente ; ensuite venaient tous les Çramanas de la capitale, portant des fleurs et chantant des hynmes religieux.

Après eux marchaient tous les magistrats civils et militaires, rangés en bon ordre. Enfin les neuf corps de la musique impériale, se tenant des deux côtés, fermaient la marche. On entendait les sons des clochettes et des tambours, et l’on vovait de riches étendards qui se déployaient dans les airs et dérobaient l’éclat du soleil. Tous les habitants de la ville, qui étaient accourus en foule, suivaient des yeux cette brillante procession, sans en pouvoir découvrir le commencement ni la fin. Mille soldats du palais orientai formaient une escorte imposante. L’empereur, avec le prince royal et toutes les femmes du harem, était monté au haut d’un pavillon qui dominait la porte’An-fo-men (la porte du bonheur paisible), et tenait une cassolette de parfums, suivant d’un œil ravi les mouvements majestueux de cette foule immense, où les hommes se comptaient par dizaines et centaines de mille.

Enfin les livres et les statues arrivèrent à la porte du couvent. On les y déposa au milieu d*un nuage de parfums et au son d’une musique harmonieuse. Enfin on célébra des jeux dans le vestibule du temiple, après quoi toute la multitude se retira en silence.

Au jour Ting-chin, on se disposa à ordonner des religieux.

Au jour Sin-weî, le prince royal sortit avec ses gardes (lu corps, et alla coucher dans son ancienne demeure. Il ordonna d’envoyer chercher le Maître de la loi et de le ramener dans le palais.

À la quatrième lune de la vingt-troisième année (de la période Tching-kouan — 649), en été, l’empereur visita le palais Souî-xveî-kong, en compagnie du prince royal et du Maître de la loi. Dès qu’il fut arrivé, chaque jour, après avoir vaqué à ses devoirs, il aimait à discourir avec Hiouen-thsang sur les principes les plus profonds de la doctrine, et à raisonner sur l’Intelligence (Bôdhi). Il l’interrogeait sur les causes (les actions) et les fruits (les peines et les récompenses), ainsi que sur les antiques monuments destinés à conserver la mémoire des saints hommes des royaumes de l’Ouest. Hiouen-thsang lui répondait en citant les textes sacrés. L’empereur l’écoutait avec confiance, et souvent faisait éclater son admiration pour lui.

À l’époque où l’empereur partit de la capitale, bien qu’il fût un peu indisposé, son esprit n’avait rien perdu de sa netteté et de sa vigueur habituelles. Mais au jour I-sse de la cinquième lune, il ressentit de légers maux de tête, et retint le Maître de la loi, en l’invitant à coucher dans le palais.

Au jour Keng-ou, l’empereur mourut dans le palais Han-fong-tien. D’abord cet événement fut tenu caché ; la cour revint à la capitale, et l’on s’occupa des préparatifs funèbres. Ce jour-là, le prince royal reçut le pouvoir suprême à côté du palais Sin-kong, et, à la fin de l’année, il donna à la première période de son règne le nom de Yong-hoeî (650 après J. C.). Tout le peuple pleura l’empereur comme un père.

Le Maître de la loi s’en revint au couvent Ta-ts’e-’en-sse (de la grande bienfaisance). Depuis ce moment, il s’appliqua uniquement à la traduction des livres sacrés, sans perdre jamais im seul instant. Chaque matin, il se donnait une nouvelle tâche ; et si, dans la journée, quelque affaire l’avait empêché de l’achever, il ne manquait jamais de la continuer la nuit. S’il rencontrait une difficulté, il quittait son pinceau et déposait le livre ; puis, après avoir adoré le Bouddha et accompli ses devoirs religieux jusqu’à la troisième veille, il se livrait quelque temps au repos, et, à la cinquième veille, il se relevait, lisait à haute voix le texte indien, et notait successivement, à l’encre rouge, les morceaux qu’il devait traduire au lever du soleil.

Chaque jour, au crépuscule du matin, après avoir pris un repas maigre, il expliquait pendant deux heures (quatre de nos heures) un nouveau livre sacré (Soûtra) ou un traité (Çâstra). Les religieux, qui étaient accourus des diverses provinces pour écouter ses leçons, venaient constamment le prier de leur expliquer le sens d*un passage et de dissiper leurs doutes. De plus, sachant qu il était chargé de la direction du couvent, ils venaient maintes fois l’interroger sur leurs devoirs particuliers.

Les disciples de l’intérieur du couvent, au nombre de plus de cent, qui venaient lui demander ses instructions, remplissaient les galeries et les salles voisines de sa chambre. Il répondait à tous avec clarté, sans jamais rien omettre. Malgré la multitude de ses occupations, son âme conservait constamment la même énergie, et rien ne pouvait le troubler ni l’arrêter. Ce n’est pas tout : il discourait encore avec les religieux sur les sages et les saints des royaumes de l’Ouest, sur les systèmes divers de toutes les écoles, et sur les voyages lointains de sa jeunesse et les conférences publiques auxquelles il avait pris part. Il discutait à haute voix et parlait avec chaleur, sans jamais laisser paraître de relâchement ni de fatigue, tant étaient grandes la force de son corps et la vigueur de son esprit. Souvent des princes et des ministres venaient lui rendre leurs devoirs. Après avoir écouté ses instructions, tous ouvraient leur cœur à la foi ; abjurant leur orgueil naturel, ils ne le quittaient point sans lui avoir donné des témoignages d’admiration et de respect.

La deuxième année (651), au jour Jin-chin de la première lune du printemps, Kia-tun-i, gouverneur d’Ing tcheou ; Li-tao-yo, gouverneur de Pou-tcheou ; Thou-tching-lan, gouverneur de Kou-tcheou, et Siaojouî, gouverneur de Heng-icheou, se trouvant à la capitale, où ils étaient venus assister à une réception solennelle, profitèrent un jour du loisir que leur laissaient quelquefois les affaires publiques, pour rendre visite au Maître de la loi. Ils le prièrent alors de leur enseigner les règles de conduite des Bôdhisattvas. Il le fit avec empressement, leur exposa en détail les devoirs des Bôdhisattvas, et les exhorta à servir loyalement le prince et à traiter le peuple avec une tendre affection. Ces illustres personnages furent ravis de joie. Après l’avoir quitté, ils rédigèrent ensemble une lettre où ils le remerciaient avec effusion des préceptes religieux qu’il avait bien voidu leur enseigner, et lui envoyèrent en même temps une partie de leurs richesses, qu’ils le prièrent d’agréer comme une faible marque de leur reconnaissance.

La troisième année (652), au troisième mois du printemps, le Maître de la loi voulut construire, au midi de la porte du couvent Hong-fo-sse, un Feou-thou (un Stoûpa) en pierre, pour y déposer les livres et les statues qu’il avait apportés des contrées occidentales. Il craignait, vu la fragilité des générations, que les livres ne vinssent à se disperser et à se perdre « ou ne fussent exposés aux ravages du feu.

Cette tour devait avoir trois cents pieds de hauteur, pour qu’elle fût digne de la majesté d’un grand royaume, et devînt un jour un des plus beaux monuments de la religion de Çâkyamouni. Avant d’en commencer la construction, il adressa un placet à l’empereur, qui lui envoya de suite une réponse favorable par Li-i-fou, l’un de ses secrétaires intimes.

L’empereur donna les ordres nécessaires pour que les pieuses intentions du Maître de la loi lussent remplies, sans qu’il éprouvât ni peine ni fatigue. Chaque face de la tour avait cent quarante pieds de large, et, dans sa construction, on avait imité fidèlement la forme adoptée dans l’Inde. Elle avait cinq escaliers et était surmontée d’une coupole ; sa hauteur totale était de cent quatre-vingts pieds. Au centre de chaque étage, il y avait des grains de che-li (çarîras) « reliques, » tantôt mille, tantôt deux mille ; environ dix mille en tout.

À l’étage le plus élevé, on avait construit une chambre en pierre qui, à la face méridionale, portait deux planches (en métal) où étaient gravées les deux préfaces composées par l’empereur et le prince royal. L’écriture de ces inscriptions était due au pinceau élégant de Tchou-souï-lang, ministre d’état et prince du Ho-nan.

Le jour où l’on jeta les fondements de cette tour, le Maître de la loi composa lui-même un écrit où il exposa les motifs de son voyage et les résultats qu’il en avait obtenus. Il le termina en exprimant sa reconnaissance pour les deux préfaces impériales, qui « grâce à la solidité de cette tour, pourront subsister pendant un nombre infini de kalpas : son vœu le plus ardent est qu’elle puisse être honorée des regards des mille Bouddhas futurs ; que les reliques qu’elle renferme soient éternellement entourées d’un nuage de parfums, et que leur durée mystérieuse égale celle du soleil et de la lune. »

En été, au jour I-mao de la cinquième lune, plusieurs religieux éminents du couvent Mo-ho-pou-ti-sse (Mahâbôdhi vihâra) de l’Inde centrale, savoir : Tchikouang (Djnânaprabha), Hoeï-thien (Pradjnâdêva), etc. envoyèrent une lettre au Maître de la loi. Kouang (Djnânaprabha) était profondément versé dans la doctrine du grand et du petit Véhicule, dans les livres exotériques, les quatre Weï-to (Védas), et les cinq Traités appelés Ou-ming-lun (Pahtcha vidyâ castra) ; c’était le plus célèbre disciple du maitre Kiaï-hien (Çilabhadra). Tous les religieux des cinq Indes avaient pour lui le plus grand respect.

Hoeï-thien (Pradjnâdéva) connaissait à fond les dixhuit écoles du petit Véhicule ; son savoir profond et sa vertu éminente lui avaient également concilié l’estime universelle. À l’époque où le Maître de la loi se trouvait dans l’Inde, il étudiait et discutait souvent avec ces religieux ; mais voyant qu’ils étaient obstinément attachés à des principes étroits et erronés, il les critiquait d’une manière sévère. Quand la Grande assemblée de la Loi eut lieu dans la ville Khio-niu-tch’ing (Kanyâkoubdja), il les réfuta vigoureusement et leur fit éprouver une honteuse défaite. Cependant, depuis le départ de Hiouen-thsang, ils avaient conservé pour lui une haute estime, et ne l’avaient pas oublié un seul instant. À l’époque où nous sommes, ils envoyèrent vers lui un Cha-men (Çramana) du même couvent, nommé Fa-tch’ang, pour loi offrir deux pièces de coton, et lui présenter une lettre pleine de sentiments affectueux et un écrit consacré à l’éloge du Bouddha.

À la deuxième lune de la cinquième année (654), Fa-tch’ang prend congé du Maître de la loi, et, avant de s’en retourner, lui demande une réponse que Hiouen-thsang accompagne de présents. Celui-ci adresse à Hoeï-thien (Pradjnâdeva) une lettre gracieuse où il le remercie, ainsi que son collègue, de leurs cadeaux et des compliments flatteurs qu ils lui ont prodigués. Il termine en disant qu il lui envoie la liste des livres sacrés qu’il a perdus autrefois en traversant le fleuve Sin-tou (Sindh — Indus), et le prie instamment de les lui procurer.