Histoire des églises et chapelles de Lyon/Chapelle militaire de la Part-Dieu

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H. Lardanchet (vol. IIp. 187-189).

CHAPELLE DES SOLDATS À LA PART-DIEU

Ce qu’on nomme aujourd’hui le quartier de la Part-Dieu fut presque désert jusqu’au xixe siècle, à peine y voyait-on quelques modestes constructions qui ne faisaient guère présager l’accroissement considérable qu’allait prendre, de nos jours, ce quartier. Lorsque sous l’Empire on construisit la caserne de cavalerie, il s’est bâti tout autour de modestes maisons, transformées parfois en de confortables édifices. Tout près de la caserne, s’élèvent la chapelle et les bâtiments du cercle militaire. M. l’abbé Clot fut le principal artisan de cette fondation.

Grâce à son zèle, une société civile se constitua : il fut résolu qu’on louerait aux hospices de Lyon un vaste terrain et qu’on y construirait des bâtiments appropriés à la destination projetée. Ce que voulaient les fondateurs de l’œuvre, ce n’était point de créer une association de soldats, ni un cercle militaire ; leur but essentiel était d’offrir aux soldats, à leur sortie des casernes, le moyen de passer sainement et moralement les moments de loisir que leur laisse le service, et, en même temps, de leur faciliter l’accomplissement de leurs devoirs religieux. La poursuite de ce double but nécessitait la création de salles de récréation, de lecture, la formation de bibliothèques et enfin l’adjonction à l’œuvre d’une chapelle, avec un service religieux spécialement réservé aux soldats. Au bout de peu de temps l’œuvre fut installée rue de la Part-Dieu à la satisfaction des soldats très sensibles aux multiples avantages qu’ils y rencontraient. Leur affluence toujours croissante récompensa le vaillant aumônier du dévouement dont il ne cessait d’entourer ses troupiers.

C’est pour se procurer les ressources nécessaires à une entreprise d’un entretien coûteux, que M. l’abbé Clot établit l’œuvre Notre-Dame-des-Soldats. Or, les ressources furent assez abondantes pour permettre à l’aumônier d’étendre son rayon d’action dans les diverses villes de garnison du diocèse. Les familles chrétiennes, par l’intermédiaire des curés, furent invitées à soutenir, par des souscriptions annuelles, les œuvres militaires établies ou à établir dans la région, et à sauvegarder ainsi les intérêts moraux et religieux de leurs enfants durant le temps du service.

Lorsque le titre et la fonction officielle d’aumônier militaire furent supprimés, M. Clot ne se découragea pas : on lui enlevait son traitement, mais on lui laissait ses œuvres. Le cardinal Caverot, désireux de voir se maintenir l’aumônerie militaire, ne craignit pas de s’imposer les plus lourds sacrifices pour subventionner les aumôniers.

C’est au travers de toutes ces difficultés administratives et financières, que M. Clot dut poursuivre sa noble et utile mission. Les obstacles qu’il rencontrait et que sa prudence contribuait à écarter ou à diminuer, ne semblaient véritablement servir qu’à stimuler son zèle. Il créa, dans son bel établissement de la rue de la Part-Dieu, des attractions nouvelles capables de retenir davantage encore le soldat dans sa maison, puis il acquit et développa considérablement la revue mensuelle L’Ami du Soldat, où il se plut à entretenir dans un style sobre et plein d à-propos, le bon esprit militaire, et à relater chaque semaine ce qui était de nature à intéresser les soldats.

En 1890, M. l’abbé Clot fut nommé, par le cardinal Foulon, chanoine honoraire de la Primatiale ; il était depuis longtemps chevalier de l’Ordre du Saint-Sépulcre ; à ces distinctions s’ajouta, en 1894, le prix Livet de 4.000 francs que lui décerna l’Académie de Lyon. En dehors de son œuvre militaire, l’aumônier de la Part-Dieu fut encore pendant de longues années le directeur des Prêtres adorateurs du Saint-Sacrement.

La Part-Dieu au xvie siècle. (D’après le plan scénographique de 1550).

Malgré tant de soucis et de fatigues, le chanoine Clot avait gardé longtemps la vigueur de la jeunesse ; mais, en 1904, brusquement, lorsqu’il vit fléchir, sous les coups de la persécution, l’œuvre qui lui avait coûté tant de peines, sa santé chancela, et, dès lors, il alla toujours en déclinant. Ayant remis entre les mains de son archevêque le fardeau de ses fonctions, il se retira dans la maison des Chartreux qu’il avait longtemps habité autrefois. C’est dans cette atmosphère sacerdotale qu’il se prépara à la mort ; trois jours avant ce redoutable moment, le 18 octobre 1907, il avait reçu, en pleine connaissance, les derniers sacrements. Ses funérailles eurent lieu le 24 octobre suivant au milieu d’un concours considérable de prêtres, d’amis et de militaires accourus pour donner ce dernier témoignage d’affection et d’estime au directeur de l’œuvre Notre-Dame-des-Soldats.

La chapelle, située rue de la Part-Dieu, 88, dépourvue de tout caractère architectural, n’est qu’une grande salle dont l’aménagement intérieur répond à sa destination : tentures rouges agrémentées de drapeaux entourant le chœur où s’élève l’autel principal surmonté d’une belle Pietà ; murailles et plafond décorés à la fresque, fenêtres à vitres peintes et représentant des motifs militaires ; autel latéral dédié au Sacré-Cœur ; en face, statue de Notre-Dame de Lourdes sur un socle ; harmonium auprès des chaises et prie-Dieu réservés à MM. les officiers ; enfin, faisant face à l’autel de la Pietà et tout au fond de la chapelle, près de l’entrée, deux superbes tableaux dus à la palette du peintre Chevalier, et représentant l’un, la confession d’un soldat blessé, étendu le long d’un talus sur la lisière des bois où se déploient des tirailleurs ; l’autre, l’ensevelissement après la bataille et la bénédiction donnée par un aumônier à la dépouille des soldats tombés au champ d’honneur. Dans son ensemble, cette chapelle qui tient tout le rez-de-chaussée de l’établissement et qui n’est soutenue, malgré son ampleur, par aucun pilier, produit un effet sobre, mais saisissant.