Histoire des églises et chapelles de Lyon/Grand-Augustins

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H. Lardanchet (tome Ip. 186-196).

GRANDS-AUGUSTINS ET NOTRE-DAME-SAINT-LOUIS-SAINT-VINCENT

Une rue de la rive gauche de la Saône conserve, à Lyon, le nom des Grands-Augustins ; on voit encore, enchâssés dans une masse de maisons modernes, le cloître et l’église de ces religieux. Quand les Augustins s’y établirent, Lyon n’avait point encore porté ses remparts jusqu’au sommet de la colline Saint-Sébastien. La cité proprement dite s’arrêtait au bord d’un canal qui liait le Rhône et la Saône, ce canal partait du point où se trouve à présent le pont Morand, traversait l’emplacement du théâtre, de l’Hôtel de Ville, de la place des Terreaux, et se terminait au port de la Feuillée. Ses deux extrémités étaient voisines, l’une de la porte dite du Rhône, l’autre de la porte de Chenevière, ou de la Seyne, en face de laquelle s’étendait le faubourg du même nom. Les champs, qui longeaient la Saône et le canal, étaient plantés de chanvre, d’où le nom de Chenevrière — par corruption Chenevière — qui désignait tout le territoire. Des vignes couvraient la colline Saint-Sébastien. Au-bas de ces vignes et non loin du faubourg de Chenevière, s’élevait un oratoire dédié à saint Michel. Tel est le lieu que choisirent les fondateurs des Augustins de Lyon.

Les Grands-Augustins en 1550.

Quelques historiens les font arriver d’abord à Villeurbanne, d’où ils seraient venus se fixer à la Guillotière. Les Augustins firent, à la vérité, quelques acquisitions en terres et en prés sur ces deux communes, mais seulement au commencement du xve siècle, longtemps après qu’ils se furent établis dans notre ville. Certains écrivains lyonnais ont fixé à l’an mil, sous le pontificat de Burchard, l’origine du monastère des Augustins de Lyon. Cela ne se peut, par la simple raison que l’ordre des Augustins n’était pas encore constitué à cette époque. Sans doute, la légende en fait remonter l’origine à saint Augustin, mais celui-ci ne traça pas de règles monastiques. Il est certain qu’on vit en Europe, dès le haut moyen âge, quantité d’ermites qui se flattaient de suivre la règle de saint Augustin, qu’ils appelaient la règle d’or, en se reportant à un texte apocryphe plus ou moins puisé aux conseils donnés par l’évêque d’Hippone à quelques religieuses de cette ville, ou s’en remettant tout simplement à leur pieuse imagination. Mais encore menaient-ils entre eux, ne fût-ce qu’à certains temps de l’année ecclésiastique, une vie sinon cénobitique tout au moins monastique par l’uniformité ? Il est prouvé que non.

Coupe de Saint-Vincent, d’après une ancienne gravure.

Ils vécurent isolés jusqu’au xiiie siècle, où ils commencèrent à former des congrégations assez considérables : les plus connues étaient celle des Jean-Bonites, instituée par Jean le Bon de Mantoue en 1168, et celle des Brittiniens, fondée à Brittini dans la Marche d’Ancône. La plupart n’avaient rien de commun, ni pour le régime, ni pour les coutumes, ni pour l’habit : le peuple les confondait souvent avec les frères Mineurs. Enfin, en 1236, pour trancher les contestations relatives à leur existence irrégulière et confuse, le pape Alexandre IV rassembla les congrégations en une seule, sous le nom d’Ermites de Saint-Augustin, et leur donna pour général le Milanais Lanfraric Septala. Le même pape leur imposa pour costume une robe et un scapulaire blancs, avec des manches larges, semblables à celles des moines. Dans le chœur ou lorsqu’ils voyageaient, ils mettaient une sorte de coule noire et pardessus un grand capuce, qui se terminait en rond par devant, et en pointe par derrière jusqu’à la ceinture qui était de cuir noir et très large. De plus, il leur était ordonné de porter de longs bâtons dans leurs pèlerinages, et « que leurs habits ne fussent pas si longs qu’on ne pût voir leurs souliers ». Les constitutions de l’ordre furent dressées en 1287, dans un chapitre général tenu à Florence. Elles furent plusieurs fois modifiées dans les siècles suivants. La première réforme importante, au xive siècle, produisit des congrégations différentes ; au xvie siècle et au commencement du xviie, ce furent de nouvelles réformes dont l’une se répandit promptement en France, sous le nom de Petits-Augustins, dit Petits-Pères, en quelques villes et notamment à Paris, et dont les prétendus observants primitifs se distinguaient soigneusement en s’appelant les Grands-Augustins. Pie V mit les Augustins au nombre des quatre ordres mendiants, encore qu’ils possédassent des rentes et des biens fonds. À la Révolution, ils avaient quarante-deux provinces de toutes réformes, sans parler de la vicairie des Indes et de quelques congrégations récentes. La France à elle seule comptait six provinces : celles de Bourges, de France ou Île-de-France, de Toulouse, de Provence, de Bourgogne et de Narbonne, auxquelles s’ajouta, après la conquête de la Flandre, celle de la Flandre française. Les Augustins de Lyon faisaient partie de la province de Bourgogne et Narbonne qui comprenait 23 couvents, soit 13 pour la Bourgogne et 10 pour Narbonne. Parmi les couvents de Bourgogne se trouvaient Lyon. Montluel, Morestel, Saint-Amour en Franche-Comté, Montrevel en Bresse, tous dépendants du diocèse de Lyon. Depuis la réforme il y avait, de plus, deux couvents in partibus infidelium, Genève et Thonon, dont les religieux de Bourgogne nommaient les prieurs, pour n’y point perdre leurs droits.

Calvaire
Église des Grands-Augustins.

Mais revenons à Lyon. Les historiens ont longuement discuté la date de l’établissement des Augustins proprement dits dans notre ville. L’acte que les Augustins passèrent, le 12 mai 1319, avec le chapitre de Saint-Jean, mentionne le nom de P. de Savoie, et la donation qu’il avait faite de leur maison, de leur église et du cimetière. Ce nom signifiait-il Philippe ou Pierre de Savoie, tous deux archevêques de Lyon, mais qui siégèrent à un demi-siècle de distance, Philip])e en 1246, et Pierre en 1308. Une pièce récemment trouvée dans la bibliothèque de Lyon (fonds Coste, manuscrit 262, ancien 2585) ne laisse plus de doute ; on lit dans cet état du couvent des Grands-Augustins de Lyon, dressé en septembre 1766 : « le couvent des Grands-Augustins de Lyon doit son établissement à Philippe de Savoie, archevêque de cette même ville, lequel en occupa le siège depuis 1246 jusqu’en 1268, qu’il le quitta pour aller prendre possession du throsne de Savoie, vacant par la mort de son frère Pierre, comte de Savoye, décédé sans enfant. Cet archevêque leur accorda une maison, une chapelle, un cimetière ».

Les Augustins ne se fixèrent point sans contestations sur le terrain qu’ils tenaient de la libéralité de l’archevêque, et des sires de Beaujeu. Les Carmes qui habitaient Chenevière cédèrent à la jalousie et affirmèrent qu’on ne pouvait bâtir qu’à cent quarante cannes de leur monastère. Le différend ne se termina qu’en 1345, par une transaction passée à Avignon : les Augustins se soumirent à payer aux Carmes 300 florins d’or de bon poids, moyennant quoi, il leur fut accordé de continuer le bâtiment qu’ils avaient commencé, et même de l’agrandir, pourvu que ce ne fût pas du côté des Carmes. Ils achetèrent pour cela la vigne de Saint-Hippolyte, dont ils vendirent, depuis, un morceau à des particuliers pour y construire des maisons. Ils furent promptement aimés : le registre des actes consulaires mentionne plusieurs donations à leur couvent, et toutes comme salaire de leurs œuvres. Les formules comme celle-ci sont des plus fréquentes : « Le 10 février 1405, le consulat fit payer cent livres tournois à frère Pierre Robin, maître provincial des Augustins de Lyon, pour lui ayder à faire la feste de son magistrement, lequel fait, il viendra en la ville faire sa résidence, et la servir de la parole de Nostre-Seigneur ».

L’événement le plus considérable dont puissent se glorifier les annales des
Façade de Saint-Vincent.

Grands-Augustins de Lyon est le prétendu concile national qui se tint dans leur couvent en 1512, sous la présidence du cardinal de Sainte-Croix. Louis XII, irrité contre le pape Jules II, transporta à Lyon, malgré les remontrances du clergé et du consulat, l’assemblée des prélats qu’il avait convoquée à Milan. On croit que cette assemblée parfaitement abusive et illusoire, fut close aux derniers jours d’avril de l’année que nous avons indiquée. Les Augustins furent seuls à y gagner quelque chose : une somme pour prix de location, de dégâts et d’accommodation, somme avec laquelle ils réparèrent leur couvent et leur église. L’archevêque François de Rohan les y aida puissamment d’ailleurs de ses libéralités, auxquelles le chapitre de la cathédrale joignit les siennes, grâce à Guichard de Lessart, un Augustin lui-même, lyonnais de naissance et suffragant ou coadjuteur de l’archevêque de Lyon, sous le titre d’évêque d’Hiérapolis. Par gratitude pour François de Rohan, ils firent sculpter, sur la principale porte du monastère, celle qui regardait la Grande-Boucherie, les armes de ce noble prélat. Guichard de Lessart, par son testament fait en 1516, laissa partie de ses biens aux Augustins, et fut enterré dans leur église en la chapelle Saint-Jérôme.

Les Augustins contribuèrent aux premiers développements sinon à la naissance de l’imprimerie lyonnaise ; de même que la représentation de leurs mystères et leurs jeux sur la place des Terreaux, aux fossés de la porte de la Lanterne, suggéra l’idée première d’un théâtre proprement dramatique, dont le premier poète et metteur en scène fut Jean Neyron. Mais insistons davantage sur l’imprimerie. Barthélémy Buyer, d’une famille riche et fort honorée, créa la typographie dans notre cité. Il n’était, quoi qu’on en ait écrit, ni libraire, ni même imprimeur ; toutefois il avait établi dans sa maison Guillaume Le Roy, qui travailla sous sa conduite et à ses dépens, après avoir été à Paris l’élève d’Ulric Gering et de Martin Crantz, les véritables importateurs de l’imprimerie en France. Guillaume Le Roy se perfectionna sur les conseils des Augustins. Le second ouvrage qu’il édita, la plus ancienne exposition de la bible en langue vulgaire, est d’un de ces moines : le P. Julien Macho. Ce livre rarissime est un petit in-folio très net, à deux colonnes, à caractères gothiques, à menues gravures répandues çà et là. Julien Macho a laissé, en outre, une traduction du Miroir de la vie humaine, de Rodrigue, évêque de Zamora, imprimé aussi à Lyon, chez Barthélémy Buyer, en 1477 ; Les fables d’Ésope, translatées en français, Lyon, Mathieu Hus, 1484 ; La légende des saints nouveaux, Lyon. Buyer, 1477.

Un autre moine Augustin, Jean de Hersin, prieur de l’ordre, publia en 1489 une traduction du Saint voyage de Jérusalem par Breydenbach. On doit à Pierre Farget, du même couvent, une traduction du Propriétaire des choses, de Barthélémy de Glanville, et de l’ouvrage de Jacques de Théramo qui a pour titre : Le procès de Bélial à l’encontre de Jésus.

Du commencement du xvie siècle jusqu’au XVIIe, on trouve peu de trace des Augustins dans notre histoire ; à la fin de cette époque, ils demandèrent la division de la province de Bourgogne-Narbonne. À en croire leur curieuse requête à cet égard, les religieux du midi, afin d’exclure plus aisément les Bourguignons des dignités de leur ordre, et se les réserver à eux-mêmes, déportaient ces derniers en masse dans l’exil du sud, au grand dommage de leur estomac peu enclin aux huiles et de leur cerveau étourdi de chaleur, tandis qu’ils introduisaient les Narbonnais, ravis de l’échange, dans les délices du vin généreux et du climat tempéré de Bourgogne. Cette pétition, si fortement étayée de raisons, resta inefficace.

Les Augustins possédaient la plus belle collection de livres et de manuscrits qu’il y eut à Lyon après celle des Jésuites. On lisait sur la porte de leur bibliothèque cette sentence qui avait pour auteur le Père Pierre L’Abbé :

Hic homines vivunt supersiites sibi,
Hic lacent et adsunt,
Hic loquuntur et absunt.

« Ici les hommes se survivent à eux-mêmes, ils se taisent quoique présents ; ils parlent quoique absents. »

L’église, dont quelques inscriptions tumulaires ont été recueillies, renfermait la sépulture de plusieurs illustres familles italiennes établies à Lyon : celle de Jean Pillehotte, fils d’un imprimeur de la Ligue, qui devint seigneur de la Pape et fit construire le château de ce nom, et celle de César Gros, seigneur de Chanocet, cinq fois conseiller de ville, qui comptait dans sa famille le pape Clément IX. On y voyait peu d’objets d’art ou de reliques célèbres. Un inventaire de 1766 nous apprend qu’il n’y avait que sept tableaux dont l’un de Perrier représentant sainte Marguerite. Au moyen âge, beaucoup de confréries d’arts et métiers célébraient leurs fêtes dans les chapelles : c’étaient les marchands de blés et les poissonniers sous l’invocation de saint Nicolas, les cartiers sous celle de saint Jérôme, les pelletiers sous celle de saint Jean-Baptiste, les orfèvres qui avaient fait bâtir la chapelle Notre-Dame de Consolance ; les maréchaux, les pêcheurs, les mesureurs et crocheteurs qui avaient relevé la chapelle Saint-Christophe, les épingliers, les gantiers, les parfumeurs, les serruriers, les tonneliers et enfin la confrérie des Trinitaires.

La coopération de Marie à la Rédemption, cartons de Lameire, vitrail de Bégule, à Saint-Vincent.

La vénérable église des Augustins tombait de vétusté en 1733 ; elle fut démolie en même temps que celle de Saint-Vincent. Le chapitre de Saint-Paul avait fait construire cette dernière, mais comme elle était située dans un quartier extrêmement malpropre, on la rasa ; l’on en vendit l’emplacement et l’on employa le prix de cette vente à l’édification d’un nouveau temple dédié à saint Louis, dont la première pierre fut posée au nom du Dauphin, fils de Louis XV, le 6 septembre 1759, par M. de Montjouvent, doyen du chapitre de la Primatiale. Dans l’intérieur de cette pierre, on mit une plaque de cuivre ornée des armes du Dauphin et d’une longue inscription latine.

Cette nouvelle église fut élevée sur les dessins de l’architecte Léonard Roux, mais il n’en dirigea pas l’exécution jusqu’à la fin ; ce fut l’un des religieux, le Père Joseph Janin, qui l’acheva, seulement en 1789. La même année, Mgr de Sarept, évêque suffragant de Lyon, la consacra. Les Augustins n’en jouirent pas longtemps ; à peine était-elle livrée au culte que la Révolution s’en emparait. Pendant le siège de Lyon en 1793, elle servit de succursale à l’hôpital général pour les blessés, et fut ensuite convertie en entrepôt et en magasin jusqu’à la restauration des autels. Elle devint alors paroisse sous le nom de Notre-Dame-Saint-Louis-Saint-Vincent, adoptant ainsi, à la fois, le vocable Saint-Louis de la chapelle des Augustins, et celui Saint-Vincent de l’ancienne église de ce nom, démolie au xviiie siècle et non reconstruite.

Saint-Vincent au xvie siècle.
Saint-Vincent au xvie siècle.

Le style de Notre-Dame-Saint-Louis est peu religieux, il est plus grec qu’adapté au culte catholique. Le portail lourd est formé d’un fronton triangulaire supporté par deux colonnes doriques. Le dôme, qui surmonte le sanctuaire, est défiguré par d’immenses croisées coupées à quatre angles droits. La nef principale voûtée en plein cintre est accompagnée de deux étroites nefs surmontées d’un plafond à encadrements. Le tout est supporté par des colonnes massives et irrégulièrement espacées. On a encore ajouté à ce défaut par des restaurations plus récentes. On a élevé au-dessus de la porte deux tribunes qui coupent la colonnade du fond et qui choquent le regard par leur désaccord avec le reste de l’édifice. Dans le dôme, on a peint l’Ascension d’après un tableau de Mignard.

Quant à ce qui reste du cloître reconstruit et qui sert maintenant de cour à l’école achetée des deniers du général Martin et dite pour cela La Martinière, c’est encore du moderne et non du meilleur. Ce cloître vient d’ailleurs d’être tout récemment démoli. La Martinière occupe aussi une partie de l’ancien monastère et du jardin. Ce fut dans ce jardin que, le 9 mars 1793, des citoyens lyonnais, réunis au nombre de huit cents, signèrent une pétition aux commissaires de la Convention, Legendre, Rafin et Rovère, pour protester contre les vexations de la municipalité et de Chalier. Legendre, qui était complice de ces vexations, qu’il avait mission apparente de réprimer, s’écria furieux en arrachant le papier des mains de Rovère qui allait le rendre à ceux qui l’avaient apporté : « Je garde vos signatures, malheur à vous ! »

Nous avons nommé le Père Joseph Janin ; il périt sur l’échafaud un peu plus d’un an après. On le jugerait mal par Saint-Louis tout seul. Né à Lyon en 1715, vicaire provincial de son ordre, il était savant et habile architecte, et tout ensemble historien très versé en antiquités et dans les annales de notre ville. L’archéologie et la numismatique lui étaient une passion dont il mourut ; il s’était réfugié chez un ouvrier en soie de la place des Minimes, au mois de décembre 1793, lorsqu’il apprit qu’un paysan avait découvert près de Fourvière un certain nombre de médailles d’une très belle conservation ; il ne résista point au désir de les étudier. Il voulut se rendre chez l’heureux propriétaire, mais chemin faisant, il fut reconnu, arrêté et jeté en prison ; il y trouva Delandine qui, dans son tableau des prisons de Lyon, a rappelé, avec admiration, son savoir, son courage et sa gaieté.

Pour terminer, extrayons de l’état déjà cité du couvent des Grands-Augustins de Lyon, dressé en septembre 1766, ce memento des faveurs ou des privilèges que ces moines obtinrent des souverains.

Le Sacré-Cœur, par Dufraisne
(Église Saint-Vincent).
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Le roi Louis XI leur donna, en 1478, des lettres d’amortissement de leur terrain et possession, lesquelles furent enregistrées, en la Chambre des Comptes, le 26 février 1481. François Ier leur accorda, le 27 juillet 1525, des lettres patentes confirmatives de leurs droits et privilèges. Henri III leur donna, par lettres patentes du 4 mai 1584, la somme de 40 livres chaque année pour leurs entrées de vin. Henri IV les honora de pareil privilège le 4 octobre 1595. Le même leur accorda, par lettres patentes du 18 janvier 1601, le franc salé pour deux minots.

Le roi Louis XIII, par lettres patentes du mois de février 1630, leur confirma le franc salé de deux minots ainsi que les 40 livres pour leurs entrées de vin. Louis XIV, en janvier 1659, outre les deux minots de sel ci-dessus, leur donna deux autres minots. Louis XV, par ses lettres patentes données au mois d’août 1716, en réduisant ces quatre minots à la quantité seulement de deux, leur a confirmé le don des rois, ses prédécesseurs.

L’église Saint-Vincent n’est malheureusement point dégagée des maisons qui l’enserrent. Le porche lui-même est comme écrasé par deux constructions récentes, avec lesquelles son axe n’est même pas parallèle. La façade perd ainsi tout caractère architectural. On a pourtant essayé de l’embellir. Le sculpteur Dufraisne y a mis tout son art. Sur le haut de la façade, il a sculpté une belle statue de la Merge portant sur ses genoux l’enfant Jésus debout. La mère et l’enfant sont entourés d’anges qui jouent et chantent. Par côté, les statues, par Dufraisne, de saint Vincent, diacre, et de saint Louis, roi de France, tous deux patrons de l’église, complètent cet ensemble gracieux. Dans le porche, au-dessus de la porte d’entrée, deux anges adorent le Sacré-Cœur, tandis qu’à la voûte des chérubins émaillés se jouent sur un fond bleu au milieu de rosaces de diverses couleurs.

Vierge-Mère, par Dufraisne
(Église Saint-Vincent).

Pénétrons dans l’église, jusqu’au chœur. L’autel est de marbre blanc sans sculptures. Dans le fond, l’orgue se dresse, rompant la perspective. Des deux chapelles latérales, celle du Sacré-Cœur, par Dufraisne, d’architecture ionique, est formée de deux colonnes supportant une architrave avec inscription surmontée elle-même, dans une gloire, d’un cœur entouré d’épines. L’autel est de marbre blanc, avec le tabernacle orné d’un cœur en cuivre sur fond émaillé rose, bleu, blanc et or ; au retable l’artiste a sculpté des arabesques et des colombes, et sur le devant de l’autel un cœur blessé qui emplit une coupe vers laquelle s’élancent deux animaux ailés. Par côté de la chapelle s’élèvent deux autres autels plus petits, de marbre jaune, décorés des initiales enlacées de saint Vincent et de saint Louis. Au-dessus de chaque autel se voient des bas-reliefs de marbre blanc représentant la mort de ces deux saints, et plus haut se dressent leurs statues.

Vis-à-vis la chapelle du Sacré-Cœur se trouve celle de la Sainte-Vierge, par Fabisch, presque de même style ; l’autel de marbre est décoré, en bas-relief, du couronnement de la Mère de Dieu. À gauche et à droite, deux autels sont dédiés à saint Jean l’Évangéliste et à saint Joseph. Au fond de la grande nef se trouve, à gauche, le baptistère avec autel surmonté d’un groupe sculpté représentant le baptême du Christ, de grandeur naturelle. À droite, un autel semblable est dédié à Notre-Dame de Compassion.

L’église Saint-Vincent est surtout remarquable par les nombreux tableaux dont elle est ornée et dont plusieurs ne sont pas sans valeur ; en voici l’exacte description en commençant par le chœur. À droite, une descente de croix, d’après Jean Jouvenet ; à gauche, la vocation de saint Pierre par Jean Hestout, 1735. Dans la nef de gauche : 1° Jésus après sa résurrection donne les clés à saint Pierre ; 2° la Transfiguration, copie du tableau de Raphaël ; 3° Jésus pardonnant à la femme adultère ; 4° la Vierge présentant l’Enfant Jésus à l’adoration des pèlerins ; 5° Madeleine aux pieds de Jésus chez Simon le Pharisien ; 6° une Pietà ; 7° saint Louis dépose la couronne d’épines à la Sainte-Chapelle, toile du xixe siècle ; 8° le Mariage de la Vierge. À droite : 1° Descente de croix, copie d’un tableau de Van Djck ; 2° saint Paul terrassé sur le chemin de Damas, peinture du xviie siècle ; 3° Jésus et la Samaritaine ; 4° l’Adoration des Mages, xviie siècle ; 5° l’Adoration des bergers ; 6° la Sainte Famille, copie de l’original de Raphaël ; 7° Notre-Dame de Lorette, bonne peinture moderne ; 8° la Visitation ; 9° le Christ et la femme adultère, magnifique tableau de l’école du Poussin.

Il existe à Saint-Vincent de beaux vitraux qu’il importe de signaler. Dans les transepts, au-dessus des chapelles, l’Adoration des mages et les Disciples d’Emmaüs. Au fond de la grande nef, au-dessus de la porte d’entrée, une belle verrière, dessin de Lameire, exécution de L. Bégule : la Coopération de Marie à la rédemption. Dans la grande nef, des vitraux représentent des anges portant des inscriptions tirées des litanies.

À gauche, dans la petite nef, une importante inscription latine rappelle la pose de la première pierre ; en voici la traduction : « Louis, dauphin de France, fils du roi Louis XV, excellent prince, désirant favoriser le trône et l’autel, a posé la première pierre de l’église des Grands-Augustins, par la main de Marie-Eugène de Montjouvent, doyen des comtes de Lyon, en 1759. J.-B. Flachat, chevalier, était prévôt des marchands ; Pierre-Thomas Gonin de Lurieu, Camille Dareste, François-Louis Clapasson, Jacques Daudé échevins de Lyon ; Léonard Roux a été l’architecte de celle église. » Vis-à-vis, dans l’autre nef, une inscription l’appelle les restaurations de l’église ; en voici la traduction : « Sous le pape Léon XIII, et le cardinal Caverot, archevêque de Lyon, cette église des Augustins, consacrée, en 1789, par Jean Dion de Vienne, évêque de Sarept et suffragant de Lyon, a été augmentée du tiers et restaurée de fond en comble par la munificence des fidèles de cette paroisse, et de A. Coudour, curé, R. Demoustier, P. Mulsant, E. Rimaud, I. Ricard, Caillot, J. Rambaud, C. Guigou, L. Girerd, I. Finet, Et. Ravinet, fabriciens, enfin de Charles Franchet, architecte, 1882. »