Histoire des églises et chapelles de Lyon/IV

La bibliothèque libre.
La place Bellecour et l’église de la Charité, avant la Révolution. — Au moment de la bénédiction, les passants se mettent à genoux.

CHAPITRE IV

LA CHARITÉ. CŒUR-AGONISANT, CHARLOTTES, TRINITAIRES, VISITATION


LA CHARITÉ


L yon, il est à peine besoin de le rappeler, a conservé une place d’élite parmi les villes qui tenaient à honneur d’hospitaliser largement les œuvres de bienfaisance, et l’histoire de l’église de la Charité moins connue que celle de l’hospice lui-même, mérite à cet égard une attention particulière, dans un travail comme celui-ci.

En 1531, la famine ravageait la province et faisait affluer à Lyon à un grand nombre de malheureux fuyant les campagnes environnantes qui ne pouvaient plus les nourrir. Les échevins, le clergé, les notables organisèrent des secours publics, réunirent assez de ressources pour posséder encore quelques centaines de livres, après avoir pourvu à tout, jusqu’à la cessation du fléau. Le souvenir des malheurs passés et la crainte de les revoir un jour, firent naître la pensée de créer un établissement permanent pour le soulagement des pauvres ; et le 18 janvier 1533, les organisateurs de l’œuvre de 1531, réunis au couvent des Cordeliers de Saint-Bonaventure, résolurent de consacrer à l’institution projetée les quelques fonds qui leur restaient en caisse. Ce fut le commencement de l’Aumône générale. Au début, l’œuvre se bornait à des distributions de secours à domicile ; elle recueillait les enfants légitimes abandonnés ou orphelins, plaçait les garçons au prieuré Saint-Martin de la Chana et les filles à l’hôpital Sainte-Catherine ; plus tard, elle se fit céder par les recteurs de l’Hôtel-Dieu, la jouissance de l’hôpital Saint-Laurent. Le bureau central de l’Aumône fut installé provisoirement dans des bâtiments voisins de 1 hôpital Sainte-Catherine qui devinrent l’hôtel du Parc.

À mesure que l’Aumône générale élargissait le champ de son action bienfaisante, les misères à soulager se multipliaient, et le zèle de ses recteurs, soutenu par la charité lyonnaise et le concours des autorités locales, entreprit la création d’un vaste hospice où l’œuvre pourrait établir son siège et grouper ses divers services. Des lettres patentes du roi Louis XIII, en date du H décembre 1614, autorisèrent l’Aumône générale à acquérir de vastes terrains, sur le bord du Rhône, dans le quartier de Bellecour. Un premier plan des bâtiments à élever fut présenté au bureau des recteurs, le 12 octobre 1616, par le père Martellange Jésuite, et remis par lui à l’un d’eux, Pierre Picquet, qui reçut mandat de l’accommoder et fut ensuite chargé de le mettre à exécution, en s’aidant des conseils de son premier auteur, après l’avoir soumis à messieurs les élus de l’Aumône générale, à l’archevêque, au gouverneur, aux chanoines comtes de Lyon et à messieurs du présidial. Le plan fut aussi exposé au Change, pour être vu du public ; il a été gravé par le sieur Roux, qui reçut pour ce travail 40 livres, et joint au règlement de 1628.

Les bâtiments projetés formaient un vaste quadrilatère avec des corps de logis limitant neuf cours dont une seule, celle du milieu, était entourée de constructions sur les quatre côtés ; les huit autres devaient présenter chacune un côté ouvert au soleil pour favoriser l’aération. Chaque corps de logis était longé sur une de ses faces, et à tous les étages, par un portique ouvert. L’église devait être édifiée à l’angle nord-ouest, orientée suivant l’usage. C’est bien, dans l’ensemble, la disposition actuelle des lieux, sauf que les quatre faces du périmètre ont été entourées de bâtiments qui forment une clôture continue autour des cours, dont un côté, suivant le plan primitif, devait rester ouvert. Quant au plan de l’église, il ne paraît pas résulter des procès-verbaux des séances du bureau, que le père Martellange y ait collaboré.

Le 3 décembre 1615, l’Aumône générale procédait, sur le terrain où devait être construit l’hôpital, à l’érection d’une grande croix bénie par l’archevêque Denis-Simon de Marquemont, et apportée processionnellement à travers la ville depuis l’hôpital Saint-Laurent, avec le concours des pauvres de cet établissement, des recteurs de l’Hôtel-Dieu et de l’Aumône, enfin d’une grande foule de peuple. Quelques jours après cette cérémonie, le 20 décembre 1615, eurent lieu l’inauguration et la bénédiction par l’archevêque, d’un oratoire ou chapelle provisoire élevée, sur ce même terrain, avant toutes autres constructions, sous le vocable de sainte Blandine et aux frais personnels des recteurs, sans aucune contribution des deniers de l’Aumône. À cette fin, M. de la Paye, chanoine comte de Lyon, donna la somme de 50 livres : le sieur Pinet, 18 livres ; le sieur Merin, 20 livres ; le sieur Bernico, 15 livres : le sieur Corsan, 30 livres ; le sieur du Coing, 15 livres ; le sieur Girinet, 10 livres et une aube garnie de pointes ; le sieur Picquet, 32 livres 10 sous ; le sieur Megret, 20 livres ; le sieur Greffet, 14 livres 10 sous ; le sieur Chapuys, 30 livres,
Plan ancien de la Charité.
deux nappes et deux serviettes pour l’autel ; le sieur de la Praye, 30 livres ; le président de Villars donna un tableau sur lequel était peinte une Charité ; le sieur Vanelle, une chasuble, des étoles, un manipule, un devant d’autel en velours vert ; le sieur Fradin, un calice et sa patène d’argent ; le sieur de Couleur, une cloche et ses accessoires. Un prêtre reçut la mission de desservir la chapelle Sainte-Blandine aux jours de dimanche et de fêtes solennelles, à raison de 30 livres par an, et commença son service le dimanche 17 janvier 1616.

De généreuses offrandes permirent de se mettre immédiatement à l’œuvre pour élever les bâtiments de l’hospice : divers bienfaiteurs prirent à leur charge, chacun la construction d’un corps de logis. Le 16 janvier 1617, M. Sève de Fromerite, conseiller du roi, président des trésoriers de France de la généralité de Lyon, procéda à la pose de la première pierre du bâtiment offert par lui « proche de la chapelle du cousté de bize ». Il y eut donc dès le début une chapelle provisoire, avant la construction de l’église actuelle fondée seulement le 8 décembre 1617. Les autres corps de logis, mis en travail successivement, furent offerts par le recteur Pierre Picquet, M. de Saint-André, trésorier de France, la corporation des marchands drapiers, Guillaume Charrier (6.000 livres) ; la colonie des Suisses et des Allemands résidant à Lyon (14.000 livres) ; les sieurs Pellot et Poculot ; l’imprimeur Horace Cardon ; le gouverneur de Neuville d Ilalincourt ; et un groupe de sept bourgeois lyonnais : André et Philippe Gueston, Jean-Baptiste Murard, André Ollier, Jean Dubois, Constance Murard et Jérôme Lentillon ; Jean Cléberg fut un des premiers et des plus généreux bienfaiteurs.

Deux dons, l’un de 5.000 livres de Mgr de Marquemont, archevêque, l’autre de 6.000 livres de MM. les chanoines comtes de Lyon furent affectés spécialement, suivant l’intention des donateurs, à l’érection de l’église, dont la première pierre fut posée le 8 décembre 1617, comme en fait foi le procès-verbal de la cérémonie rédigé en ces termes : « Le 8e jour du mois de décembre 1617, après midy, jour et fête Conception Notre-Dame, en conséquence des dons et charités qu’il a plu à monseigneur le révérendissime archevesque et messeigneurs les comtes chanoines et chapitre de l’église de Lyon faire pour l’édiffication de l’esglise, au bâtiment des pauvres enfermés, au lieu de Bellecour, après que les mesures ont été prinses et le priffaict passé aux massons pour la closture de ladicte esglise, convocation faite de monseigneur le gouverneur et de tous les corps de la ville, la première pierre des fondations de ladite esglise, a été mise par M. de Crémeaux, comte et précenteur de l’église de Lyon, et l’ung des sieurs recteurs de ladicte aulmosne ».

Mais si la première pierre de l’église de la Charité fut posée le 8 décembre 1617, en réalité la construction de l’édifice ne fut commencée qu’en 1620. On lit en effet dans le procès-verbal d’une des séances du bureau de l’Aumône de l’année 1620 qu’Antoine Picquet, ex-recteur, s’excuse pour ne pas s’être rendu au bureau, où il avait été mandé au sujet de la construction de l’église des pauvres enfermés « néanmoins a commencé et désire continuer ung nouveau desseing dudict basliment, qu’il fera voir dans peu de jours. » Le procès-verbal d’une séance suivante du bureau des recteurs mentionne la comparution d’Antoine Picquet « qui a rapporté un modèle et nouveau desseing pour l’esglise dudict bâtiment lequel a été présenté aux maistres maçons et charpentiers, à ces fins assemblés au bureau… et au surplus, ledict sieur Picquet a esté remercié par tout le corps de l’aulmosne et prié de continuer ».

Le 7 janvier 1621, les murs de l’église étant fondés, Antoine Picquet propose une modification au plan primitif, qui ne comportait d’abord qu’une seule nef de toute la largeur du bâtiment. Afin de n’avoir pas à construire une voûte d’une si grande portée, et aussi pour dissimuler l’irrégularité du plan du bâtiment qui est plus large du côté de l’autel que du côté de l’entrée (ce qu’il est facile de constater à la simple inspection des lieux), on décide que l’on construira des bas côtés, séparés de la grande nef par des arcades supportant galeries et tribunes. Le nouveau projet, avant d’être exécuté, est approuvé par l’archevêque et messieurs du chapitre Saint-Jean.

Mais les travaux commencés marchent lentement. Les ressources pour tant de dépenses sont insuffisantes. Le 6 mars 1622, les recteurs font une entente avec les entrepreneurs de la maçonnerie et de la pose des pierres de taille, leur payant un acompte de 800 livres et promettant d’en payer un autre semblable huit jours après Pâques, si, à cette époque le bâtiment est conduit jusqu’à la couverture. Vers le même temps une convention est passée avec Jacques Gentillâtre, maître architecte, pour l’exécution du plan du portail de l’église tel qu’il a été préparé par le sieur Picquet et approuvé par le bureau et les bienfaiteurs de l’œuvre, l’archevêque et messieurs du chapitre.

Au mois de juin 1622, le nouvel hospice est prêt à recevoir ses hôtes. Le lundi 20 juin, on procède au transport à l’hôpital Notre-Dame de la Charité, des pauvres de l’hôpital Saint-Laurent, construit par l’illustre famille de Gadagne, près du port Saint-Georges. On commence par les femmes, les filles et les petits enfants : beaucoup sont trop malades ou trop jeunes pour pouvoir marcher ; le transport se fait sur des bateaux qui descendent la Saône depuis la Quarantaine jusqu’au confluent et sont ensuite remorqués sur le Rhône pour atterrir en face du nouvel hôpital. On continue les jours suivants ; on déménage par la même voie le matériel hospitalier, et le vendredi 24 juin 1622, fête de saint Jean-Baptiste, le service divin est célébré, pour la première fois, dans l’église Notre-Dame de la Charité, par M. de Vennes, chanoine comte de Lyon. Les recteurs et les pauvres de l’hospice y font la communion, puis assistent à la bénédiction des divers corps de logis.

En 1627, le bureau des recteurs décide la construction de la sacristie avec une chambre au-dessus pour le logement du prêtre desservant la chapelle, de l’escalier qui met l’église en communication avec l’hospice, et d’un clocher provisoire « conforme et semblable à celui qui est en l’église du noviciat des Jésuites appelé Saint-Joseph », où l’on installe quatre cloches fournies par le fondeur Pierre Recordon. Le clocher actuel ne fut édifié que quarante ans plus tard en 1667 : cette année-là, il est payé à Alexandre Corbenslach, maître chaudronnier, la somme de 4.040 livres pour la croix de cuivre doré qu’il a faite pour le clocher de l’église de la Charité et à Nicolas Persin et Jean-Baptiste Tisseur, maîtres ferblantiers, 450 livres tournois pour l’œuvre de ferblanterie de la couverture du grand et du petit dôme du clocher, et 67 livres 4 sols pour fourniture de 192 feuilles de fer blanc employées pour la pose de la croix. D’après les comptes de 1666, le maître maçon Jacques Abraham dit la Liberté, construisit le clocher, dont le plan, au dire de Brossette, aurait été donné par le Bernin, de passage à Lyon, lors de son retour en Italie, d’où Louis XIV l’avait fait venir, en 1665, pour le consulter sur la restauration du Louvre.

Il est fait mention dans les comptes de l’hospice, en 1731, d’une somme de 1.000 livres payée à la veuve du statuaire Marc Chabry, à compte du prix des marbres fournis pour la balustrade du chœur de l’église et d’une somme de 450 livres payée au sculpteur Perrache pour dix vases de marbre blanc destinés à orner cette balustrade. D’autre part, en 1667, Bertrand Fargues, maître serrurier, reçoit la somme de 4.000 livres pour la confection des balustres et des portes de devant du grand autel et des chapelles latérales. Ce travail est qualifié « de grande importance ». S’agit-il des belles balustrades en marbre et des grilles en fer forgé qui séparent aujourd’hui le chœur et les chapelles latérales de la nef et des bas côtés ? Léon Charvet, dans son Histoire et description de l’hospice de la Charité, émet un doute à cet égard et pense que ces objets peuvent provenir, comme le maître-autel, semblable par le style et le marbre de couleur à la table de communion, de l’église des Carmes-Déchaussés de Lyon. On ne s’explique guère, en effet, comment les grilles en fer forgé du chœur et des chapelles latérales dateraient de 1667 et les marbres de la table de communion actuelle de 1731 seulement. Du reste, l’œuvre de serrurerie de Bertrand Fargues devait avoir une importance en rapport avec le prix de 4.000 livres qui lui fut payé : elle a sans doute disparu lors du pillage de l’église sous la révolution.

L’église de la Charité.

Au cours des travaux de construction de l’église de la Charité et après leur achèvement, de nombreuses libéralités affluèrent pour aider à en payer la dépense et pourvoir à la décoration intérieure du monument. Les premiers bienfaiteurs de l’église furent, comme il a été dit plus haut, le cardinal de Marquemont pour 6.000 livres, et les chanoines de Saint-Jean pour 6.000 livres ; en août 1622, les recteurs s’imposent volontairement d’une contribution individuelle de 300 livres pour hâter l’achèvement de l’œuvre ; en 1628, Louis Bouillet, trésorier des deniers de l’établissement, à sa sortie du rectorat, fait don de 3.000 livres tournois pour la décoration du maître-autel.

Le cardinal de Marquemont, archevêque de Lyon, mort à Rome le 16 septembre 1626, légua à l’église de la Charité une très riche chapelle contenant de nombreux objets du culte, des tableaux et autres objets d’art, dont le transport de Rome à Lyon coûta la somme de 332 livres, 18 sous et 6 deniers ; il légua également à la même église de précieuses reliques, notamment le corps de saint Jovain, qui furent transportées processionnellement de Saint-Jean à Notre-Dame de la Charité, le 14 novembre 1627. Dans le même temps, la dame Éléonore de Saint-Laurent, veuve de Jean-Baptiste Buisson, érigea un autel, à droite en entrant à l’église, avec ses ornements, donna un tableau sous le vocable de Notre-Dame des Vertus, et des balustres fermant la chapelle, dans laquelle ladite dame, décédée le 2 octobre 1629, fut ensevelie.

Comme la plupart des monuments religieux de la ville, l’église de la Charité a subi de graves dommages et fut pillée pendant la Révolution. Au commencement du siècle dernier, elle fut l’objet d’importantes restaurations : en tête de la liste des souscripteurs qui donnèrent de l’argent pour y pourvoir, figure Mme de La Barmondière pour 6.000 francs. Le bas-relief du tympan du portail, qui représente un pélican, symbole de la charité, date de 1838 ; un sujet semblable avait été sculpté à la même place en 1665 par un artiste lyonnais, Nicolas Lefebvre, qui reçut, pour ce travail, 50 livres. La chaire à prêcher en bois peint, en imitation de marbre, est du commencement du xixe siècle.

La Charité, bas-relief de Legendre-Héval. (Façade de la Charité.)

Parmi les cérémonies religieuses, célébrées en l’honneur des bienfaiteurs dans l’église de la Charité, la plus éclatante fut sans doute la pompe funèbre du maréchal duc de Villeroy, gouverneur de la province, bienfaiteur de l’hospice, qui eut lieu le 14 septembre 1730. La description en fut imprimée la même année, avec l’oraison funèbre prononcée par le père Renaud, Dominicain. Les frais du service s’élevèrent à la somme de 5.089 livres 8 sous.

L’église de la Charité n’offre rien à l’extérieur qui attire le regard, sauf le clocher assez pittoresque à l’angle de Bellecour ; la simplicité de l’édifice construit avec l’argent donné pour les pauvres convient à sa destination. À l’intérieur, on remarque surtout les bas-reliefs, les bustes et les inscriptions appliqués à ses parois, qui rappellent la mémoire de quelques-uns des généreux bienfaiteurs de l’hospice. Les monuments de ce genre qui, autrefois, ornaient en grand nombre nos églises, sont devenus rares depuis que la rage des démolisseurs s’est acharnée contre eux. Ceux de l’église de la Charité ont eu la bonne fortune d’y échapper. En voici l’énumération, en commençant à droite de l’entrée.

Le buste en marbre blanc de Jacques Moyron, dans un encadrement de marbre noir, appliqué au revers de la façade, rappelle le nom d’un Lyonnais, fils d’un pauvre tailleur de la paroisse Saint-Nizier, qui fut un avocat célèbre, devint possesseur de la seigneurie de Chavatrneux et de la baronnie de Saint-Trivier en Dombes, fut ensuite lieutenant général de la sénéchaussée, puis conseiller du roi ; il mourut sans postérité en juin 1656, âgé de 81 ans et choisit pour héritiers les pauvres de l’Aumône générale, aujourd’hui hospice de la Charité. Puis viennent les monuments de Marc Panissot, Jean-Baptiste Trimaud, Jean-Pierre Giraud, Mathieu Chabert, Françoise Reynon, décédés en 1737, 1750, 1762, 1763, 1775. L’épitaphe du cardinal Denis-Simon de Marquemont, archevêque de Lyon, mort en 1626, surmontée de ses armes, est la plus rapprochée de la chapelle de la Croix, où se trouve sa sépulture.

À l’entrée de la chapelle de la Sainte-Vierge se lit l’épitaphe du cardinal de Richelieu, archevêque de Lyon. Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, né à Paris en 1582, fils de François et de Suzanne de la Porte, frère du cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII. fut nommé évêque de Noyon, au décès de son oncle Jacques du Plessis, prit l’habit des Chartreux en 1602, fut nommé archevêque d’Aix en 1625, puis archevêque de Lyon en 1628 et grand aumônier de France en 1632. Il avait choisi sa sépulture dans l’église de la Charité par son testament du 20 mars 1653, en donnant pour cela six cents livres. Son épitaphe fut rédigée par l’abbé Gérente sauf la fin composée par lui-même où il dit quêtant né, ayant vécu et étant mort pauvre, il a voulu reposer auprès des pauvres. Le cardinal de Richelieu mourut en 1661 et fut enseveli sous les dalles de la chapelle de la Vierge. En 1891, on ouvrit le caveau et dans le cercueil de plomb presque intact on trouva la tête, les tibias des deux jambes et une pelletée ou deux de poussière.

Suivent les inscriptions de Claude de Chavaune, de l’abbé Antoine-Barthélémy de Lacroix de Laval, de Claudine Valette, de Simon Fornier, protestant converti, décédés en 1804, 1822, 1870, 1878. Enfin deux inscriptions placées dans la sacristie rappellent les noms de deux autres bienfaiteurs Antoine Dessartine et Claude Yon avec les dates de 1667 et 1686.

Il reste à signaler dans l’église de la Charité les superbes vitraux modernes sortis de l’atelier du maître verrier lyonnais, M. Lucien Bégule, qui décorent les baies des deux nefs latérales et la grande rosace de la façade. On y voit, peinte sur verre, l’histoire de la fondation et les développements successifs de l’hospice de la Charité. Voici la description de ces vitraux, en commençant par ceux du collatéral de droite.

I. — 19 mai 1531. — Plusieurs milliers de pauvres des provinces voisines à Lyon, sont nourris par la charité lyonnaise et abrités sous des cabanes dans le pré du monastère d’Ainay. « Ce qui fit que les provinces voisines pour se décharger d’une telle misère, remplirent quantité de bateaux de leurs pauvres affamés et les exposèrent à l’aventure sur les rivières du Rhosne et de la Saosne sans autre guide que la Providence divine, laquelle n’abandonna point cette misérable flotte el la fit aborder dans Lyon. À cette arrivée inopinée et à un si misérable spectacle, le peuple accourant sur les bords, on recogneut que c’étaient de pauvres affligés qui tendaient les mains, criant : nous mourons de faim, messieurs, secourez-nous. Les Lyonnais ayant pitié les receurent à bras ouverts ». — « On remarqua même que les petits enfants de la ville embrassaient les étrangers qui étaient de leurs âges, et, s’ils avaient du pain eu la main, ils leur donnaient comme si dès longtemps ils se fussent cogneus ; et les présentaient à leur père et mère et même les priaient de les recevoir à leur maison. »

II. — 23 janvier 1533. — Sur la proposition de Jean Broquin, l’Aumône générale est fondée à Lyon. Assemblée générale des corps de la ville et principaux notables au couvent des Cordeliers. Jean Broquin y propose de fonder, par des souscriptions volontaires, un établissement fixe pour le soulagement des pauvres, ce qui est accepté. Le reliquat ou solde en caisse, provenant des secours obtenus pour la famine de 1531 était de 396 l. 2 s. 7 d. Jean Cléberg fut le premier souscripteur.

III. — 3 décembre 1615. — Érection d’une grande croix sur l’emplacement de la Charité. Les recteurs de la Charité, autorisés par lettres royales du 11 décembre 1614, ayant acheté un emplacement sur le bord du Rhône, en prennent possession par l’érection solennelle d’une croix de bois qui est bénie par l’archevêque de Lyon, Denis-Simon de Marquemont.

La Sainte Trinité bénissant les bienfaiteurs. (D’après une miniature aux archives de la Charité).

IV. — 16 janvier 1617. — Pose de la première pierre des bâtiments de la Charité. Jean de Sève de Fromente, président des trésoriers de France à Lyon, offre, le premier, de bâtir, à ses frais, un corps de logis et en pose la première pierre portant cette inscription : Notre-Dame de la Charité. Dans le fond, on voit le pont du Rhône.

V. — 20 juin 1622. — Les pauvres sont transportés, par bateaux, de l’hôpital Saint-Laurent situé sur le bord de la Saône, à la Quarantaine, avec les meubles et les effets.

VI. — 25 avril 1639. — La Charité placée sous la protection de Notre-Dame de Fourvière. À partir de 1639, suivant délibération du bureau, l’Aumône générale se rendait chaque année, le mercredi après la quinzaine de Pâques, en procession à Fourvière « où étant arrivé on offrira sept cierges d’une livre pièce, à l’honneur des sept joyes de la très sainte Vierge ». Il y a vingt ans, on pouvait encore voir, dans les rues de la ville, le long défilé de cette procession à laquelle prenaient part les vieillards de l’hospice, les frères et les sœurs, les médecins et les chirurgiens de la Charité. Il se faisait aussi tous les ans, un dimanche, une autre procession, à laquelle tous les pauvres de la ville prenaient part, et dont le règlement de 1632 donne le détail et l’itinéraire.

VII. — 12 octobre 1651. — Messire Jacques Moyron, baron de Saint-Trivier en Dombes, fait son testament « écrit de sa main, en son domicile, à Lyon, avant midy » en faveur de l’Aumône générale.

VIII. — 26 mars 1699. — Le bureau de l’Aumône générale reçoit les sœurs Tenant, Simonde et Damour, cédées par l’Hôtel-Dieu, pour l’organisation des sœurs de la Charité.

IX. — 17 avril 1805. — Le pape Pie VII visite les pauvres de la Charité. On présenta une croix d’argent dans laquelle est enchâssé un morceau de la vraie croix, à Sa Sainteté, qui la baisa très respectueusement et accorda des indulgences plénières. Cette relique que la Charité possède encore avait été donnée par le Saint-Père, le 1er mai 1804, et apportée de Rome par M. Bonnevie, chanoine de la cathédrale.

X. — Fondation de l’hôpital maritime de Giens (Var). Les sœurs et les enfants malades de l’hospice de la Charité prennent possession de l’hôpital Renée Sabran.

XI. — Rosace centrale de la façade de la chapelle. — L’idée qui a inspiré la composition de cette verrière est de rappeler l’union constante, à travers les siècles, de l’Église et de la bourgeoisie de Lyon, dans le développement des œuvres d’assistance et de charité. Au centre, sur un trône, une figure allégorique, sous les traits d’une jeune femme, dans l’esprit de l’époque où la Charité fut construite, attire à elle un vieillard et un enfant qui représentent les pauvres spécialement secourus dans l’hospice. Sur un degré du trône, se lit l’inscription : « {{lang|la|texte=Caritas urget ». En avant repose le lion symbolique de la cité, et à côté un génie ailé déroule le plan général de l’hospice, dont le premier projet fut proposé au bureau des recteurs par le Jésuite Étienne Martellange.

À droite du groupe allégorique central, l’église de Lyon est représentée par trois figures dont deux très fidèlement historiques : celle du cardinal Alphonse de Richelieu, dont la sépulture est sous les dalles de la chapelle de la Sainte-Vierge, puis celle de l’archevêque Camille de Neuville : enfin un chanoine comte de Lyon, avec le camail de son ordre, complète les trois degrés supérieurs de la hiérarchie de l’église de Lyon et rappelle la générosité du chapitre de Saint-Jean, fondateur de la chapelle. À gauche du trône, un groupe de trois personnages symbolise le généreux concours de la bourgeoisie lyonnaise aux œuvres de l’hospice, depuis sa fondation jusqu’à nos jours : au premier plan, M. Joannès Fournet, ancien président du tribunal de commerce, dont la famille a été la donatrice principale du vitrail ; derrière Jean Cléberg, populaire par sa générosité et notamment par ses libéralités au profit de l’hospice de la Charité, qui s’élevèrent à huit mille quarante-cinq livres tournois, ou 70.000 francs de notre monnaie ; enfin le Consulat est représenté sur ce monument dédié à la charité lyonnaise, par un échevin revêtu du costume traditionnel.

Cette grande composition complète dignement la série de ces belles verrières peintes avec une merveilleuse connaissance des conditions et des ressources d’un art difficile, de façon à faire remarquer la correction du dessin, l’harmonie et l’éclat des couleurs, la sobriété d’un pinceau qui sait donner, avec peu de choses, l’impression de la réalité dans les scènes représentées et témoigne d’un souci scrupuleux de l’exactitude dans l’habillement des personnages, le style des accessoires et la reconstitution des vieux monuments lyonnais.

CŒUR AGONISANT

Il n’y a pas si loin que l’on croit communément des corps aux âmes incurables. Souvent en effet les infirmités physiques montrent l’abandon des cœurs et des esprits. Une collaboratrice, des meilleures sinon la meilleure, de Mme Garnier, une veuve elle aussi, et mère de dix enfants. Mme Trapadoux, avait eu longtemps devant les yeux l’horrible spectacle des douleurs éprouvées par les infirmes de l’œuvre du Calvaire ; elle s’était jetée dans cette œuvre de tout son zèle intelligent et compatissant. Peu à peu elle se prit à songer à cet autre calvaire du Christ qu’on peut appeler la mauvaise mort. Il meurt, se dit-elle, dans le monde entier environ cent mille personnes par jour ; chaque mois, trois millions ; chaque année, trente-six millions, c’est-à-dire la moyenne d’habitants du plus florissant pays. Et comment tout ce monde meurt-il ? Quelle suite toutes ces morts soudaines, mal préparées, parfois mauvaises, font-elles à l’agonie du Sauveur, qui, sans doute, voyait son sacrifice inutile à des légions de pécheurs, lorsqu’il murmura au jardin des Oliviers : « Mon Père, s’il vous plaît, que ce calice s’éloigne. »

Telle fut l’idée, simple, positive dans le domaine de la mysticité, qui inspira à cette sainte femme son sacrifice, voulu et courageux. Jeanne-Marie-Louise-Zoé Baudot naquit à Lyon, le 8 septembre 1803, d’une famille solidement chrétienne et riche de biens par un honnête commerce. La révolution régnait encore sur tous les dehors de la ville : l’enfant fut baptisé, faute d’église, dans la maison paternelle. Elle avait trois ans quand Pie VII, de passage dans notre ville, bénit « la seconde Rome » du haut de la colline de Fourvière ; elle fut offerte par son père aux mains étendues du débonnaire pontife qui la caressa ; puis sa mère, femme d’une vigoureuse piété, la mit sous la discipline d’une forte gouvernante destinée aux immolations de la Trappe, Mme Paraillon, qui lui donna, de bonne heure, le goût du sacrifice. La méthode de cette sage et d’ailleurs aimable institutrice était simple et efficace : elle prêchait d’exemple.

Zoé ainsi formée aux vertus de tous états n’avait pas dix-sept ans quand elle épousa M. Trapadoux, aussi distingué par son intelligence du négoce que par sa foi religieuse. En quatre ans, quatre enfants étaient nés de cette union, dont un qui ne survécut pas. Cependant M. Trapadoux avait accepté aux États-Unis ce que l’on appelle une belle position : elle l’accompagna dans cet exil, mais ne pouvant s’accommoder au climat, elle revint à Lyon. À vingt-sept ans, le ciel lui donnait son huitième enfant. Elle confia ses fils aux pères Jésuites dans leur collège du Passage en Biscaye espagnole, fit à Rome un voyage heureux, où elle reçut la bénédiction de Grégoire XVI et y rencontra sa grande amie Mme Jaricot, fondatrice de l’œuvre de la Propagation de la foi.

Le 8 décembre 1845, M. Trapadoux, qui avait connu des alternatives de prospérité et de médiocrité, mourait, lui laissant le soin de dix enfants, dont sept mineurs, et d’un négoce aussi difficile qu’étendu, car il se traitait jusqu’en Afrique et en Amérique. Dans cette circonstance elle fit preuve d’une singulière énergie pour liquider sa fortune ; elle recueillit dans son ample maison deux des familles issues de son fécond mariage faisant ainsi ses délices d’être mère et grand’mère. À cette époque elle se mêla aux infirmières qu’avait rassemblées, parmi les veuves catholiques, Mme Garnier, et elle ne tarda pas à être supérieure du Calvaire, où son éloquence et sa bonté guérissaient les consciences gâtées.

Mais son opulente nature spirituelle était guettée par la Providence pour mieux encore. « Peu de temps avant la mort du vénérable Vianney, raconte-t-elle dans son journal, je fis le pèlerinage d’Ars, non pas dans l’intention de consulter ce saint homme qui attirait les foules, mais par dévotion, pour m’édifier au spectacle de ses vertus. Lors même que j’aurais eu le désir de lui parler, la vue de la foule compacte des pèlerins m’en eût bien fait passer l’envie. Je me trouvais dans la chapelle de sainte Philomène, et je priais de tout mon cœur. On vint me frapper sur l’épaule en me disant : d Madame, monsieur le « curé vous demande. » Arrivée à son confessionnal je me mis à genoux, le cœur me battait fort. M. Vianney se mit à me parler, mais il avait la voix si faible qu’on avait peine à l’entendre et peut-être, par une permission de Dieu, il me fui impossible de saisir autre chose que ces paroles plus distinctes : « Vous aurez beaucoup à souffrir, mais un jour vous serez bien heureuse ». Désirant vivement savoir ce que je n’avais pu entendre, je le priais instamment d’avoir la bonté de me le répéter, mais il ne le voulut pas ; il me redit seulement ces mots : « Vous aurez beaucoup à souffrir, mais un jour vous serez bien heureuse ».

Le père Jean Lyonnard, Jésuite, se trouvait, la même année, au grand séminaire de Mende en qualité de père spirituel et de professeur d’éloquence. Dès 1847, tout entier à ses communications intimes avec le cœur de Jésus souffrant agonie pour ceux qui meurent sans préparation, il avait le dessein d’une confrérie, même d’une congrégation du Cœur agonisant de Jésus. Par une merveilleuse union instinctive à distance, le jour où le père Lyonnard composait une ardente prière pour les agonisants. Mme Trapadoux obtenait du cardinal de Bonald l’érection d’une chapelle dédiée à ce vocable, et entièrement construite par les soins de cette veuve chrétienne et par les quêtes heureuses qu’elle ne craignit pas de multiplier dans la ville. Le Père Lyonnard entra en commerce de lettres avec elle, discerna qu’elle était l’ouvrière de son œuvre, et en août 1839, lui fit faire à Vals une retraite où elle devint la servante du Cœur agonisant. Le 15 octobre de la même année, elle quittait Lyon avec trois compagnes.

Ses décisions n’accordaient rien aux obstacles ; elle voulait former un institut de victimes expiatrices, de religieuses cloîtrées dont la prière serait une constante oblation au Christ pour le salut des mourants : il lui paraissait qu’à la nécessité de bien vivre s’ajoutait un devoir, celui de savoir bien mourir. Mille signes intérieurs et extérieurs lui prouvèrent qu’elle avait été bien inspirée. Aussi arrangea-t-elle tant bien que mal comme couvent une maisonnette de Mende qu’elle accrut d’une chapelle ; maison et chapelle furent bénies, le 26 mars 1800, par Mgr Foulquier qui, trois jours après, donna l’habit aux quatre nouvelles religieuses.

Le Bethléem de la congrégation, comme l’appelèrent le prélat, le Père Lyonnard et Mme Trapadoux elle-même devenue mère Marie-Madeleine du Cœur agonisant de Jésus, ne suffit pas longtemps au nombre croissant des « Agonisantes ». Des conjonctures rappelèrent la fondatrice à Lyon où elle ne cherchait pas à revenir ; cet appel, d’ailleurs, n’alla pas sans un supplément d’épreuves dont elle s’accommoda comme d’une grâce nouvelle. Des courses et des difficultés sans nombre la menèrent enfin à l’extrémité du faubourg de la Guillotière, dans le quartier de Montplaisir.

Les commencements de cette seconde maison, inaugurée le 24 février 1865, furent comme avaient été les débuts de la première fondation. L’hiver de Lyon, cette année-là, ressembla singulièrement à l’hiver de la Lozère. Mère Madeleine pourvoyait à tout, souffrait pour toutes ses filles empressées de plus en plus à cette règle admirable en ce qu’elle comporte, avec la contemplation claustrale sans aucune altération, l’assistance aux pauvres et aux malades.

L’émeute de 1870 dispersa quelques-unes des religieuses du Cœur agonisant. Mais ce fut le vent semeur de bonne graine : la congrégation se développa, fleurit et fructifia. Mère Madeleine mourut le 2 mars 1883, à trois heures et demie du soir, par une suprême concordance de son holocauste avec celui du Sauveur. Elle ne devait pas voir la nouvelle tourmente qui a obligé ses filles spirituelles à se réfugier, depuis quatre ans, sur la terre étrangère, après avoir abandonné — momentanément — leur chapelle.

La chapelle des religieuses du Cœur agonisant est plus que modeste. Ce n’est point une construction élevée spécialement à cet effet ; mais en 1865, on installa dans les bâtiments une salle convenablement disposée, et qui depuis servit d’oratoire. La chapelle fui bénite, le 22 décembre 1865, par M. l’abbé Pagnon, délégué du cardinal de Bonald. Le 25 décembre, nuit de Noël, on y célébra, pour la première fois, la messe en faveur des agonisants du monde entier. Le père Lyonnard avait obtenu de Pie IX que cette chapelle devînt le second centre de l’archiconfrérie dont le centre principal est établi à Jérusalem, dans l’église patriarcale.

Le maître-autel dédié au Cœur agonisant de Jésus est surmonté d’un grand tableau représentant l’agonie de Notre Seigneur au Jardin des Oliviers. Une peinture : le Cœur compatissant de Marie, placé dans le sanctuaire et un autel dédié à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, rappellent le second vocable de l’Œuvre. Tout autour de cet autel, de nombreux ex-votos sont le témoignage des grâces importantes reçues par l’intermédiaire du cœur de Marie. À droite, dans la nef, se trouve un troisième autel, dédié à saint Joseph mourant ; au-dessus, se voit un tableau représentant ce patriarche expirant entre les bras de Jésus et de Marie.

CHARLOTTES

La mort de saint Joseph, diplôme des Charlottes.

Tel fut le nom familier d’une société charitable, fameuse naguère à Lyon, et qui depuis s’est fondue à moitié dans une congrégation ancienne, heureusement restaurée. Ce nom était le prénom de la fondatrice, Charlotte Dupin, qui, sortant des cachots où l’avait fait jeter, pendant la Terreur, son zèle pour la religion, conçut le dessein de soulager les misères qu’elle venait de partager. Ce qu’elle désirait était non des visites et des soins intermittents et vagues, mais l’assistance régulière des détenus et des malades. Les événements politiques la forcèrent de différer son beau projet. En 1795, aidée de sa sœur et de quelques personnes charitables, elle commença ses explorations. Les prisons étaient livrées à la plus affreuse misère ; des aumônes particulières et des quêtes lui fournirent d’abord les moyens de porter des soupes à la prison Saint-Joseph, puis elle vit s’ouvrir à son dévouement la prison militaire et la maison de réclusion de la Quarantaine. Il fallait nourrir, chauffer, vêtir un grand nombre de malheureux : elle n’avait rien, et pourtant elle trouva des auxiliaires zélées et jamais la Providence ne la priva de la nourriture du pauvre.

Au mois d’août 1803, la société, alors composée d’environ cinquante personnes, toutes de la classe peu fortunée, tint une sorte de grand conseil pour aviser aux moyens d’augmenter ses ressources et son nombre, et de distribuer le travail pour le rendre plus facile. Les unes furent chargées de faire des quêtes publiques autorisées par l’administration ; d’autres de préparer, porter et distribuer les soupes, d’autres encore de visiter les hôpitaux, d’y soulager, consoler, instruire et peigner les malades. Dès lors, l’œuvre prospéra ; riches et pauvres se firent un devoir d’envoyer aux Charlottes, chaque semaine ou chaque mois, du pain, du vin, du blé, du bois, du charbon, des légumes ; les quêtes se firent ouvertement dans les marchés et dans les boucheries ; différentes associations de charité donnèrent aussi leur appui. Peu après, tandis qu’elle se réjouissait des progrès de son apostolat, Charlotte Dupin, surnommée parla reconnaissance publique « la mère des prisonniers », succomba à la maladie que lui avaient causée les fatigues, les veilles et surtout les mauvais traitements éprouvés de ceux-là même qu’elle était venue secourir.

Après sa mort, Pierrette Dupin, sa sœur, prit le gouvernement de la confrérie, mais elle alla bientôt, elle aussi, recevoir sa récompense. L’œuvre ne devait pas périr pour cela : Jeanne-Louise Juliand, soutenue par les dames du bureau, sut, non seulement la conserver, mais encore lui donner une forme régulière et toute la stabilité possible. Elle réunit ses associées dans un local convenable et sous une règle précise, puis elle sollicita des supérieurs ecclésiastiques, pour les mieux lier entre elles et se les attacher plus fortement, l’approbation des statuts et l’érection de la communauté en congrégation. Monseigneur de Pins l’inclina plutôt à s’affilier aux sœurs de Saint-Joseph, ce à quoi elle consentit avec ses compagnes : elles revêtirent l’habit le 16 mai 1826.

Jeanne-Louise Juliand, en religion sœur Sainte-Anne, était une personne d’humeur spontanée et vive qui ne se rebutait jamais. Un jour qu’elle quêtait dans un café, un libertin osa la frapper. « Voilà qui est bon pour nous, dit-elle, mais cela ne fait pas le compte de nos prisonniers » ; le libertin, étonné, donna à l’instant son aumône, sans mot dire. Le règlement général de la société, tel qu’on le trouve imprimé en 1832, classe définitivement les Charlottes en distributrices, lectrices, peigneuses, bienfaitrices. Ces humbles bataillons, aux noms pittoresquement modestes, ont connu des fortunes diverses durant la seconde moitié du siècle passé.


TRINITAIRES

Cette œuvre fut fondée, le 15 janvier 1711, par Claude de Saint-Georges, archevêque de Lyon, à la montée Saint-Barthélémy, devant le monastère des Récollets. Son successeur François-Paul de Neuville de Villeroy la fit autoriser, sous le nom de maison ou hôpital de la Providence, par lettres patentes du roi, du 17 mars 1716, avec les privilèges ordinaires accordés aux hôpitaux. Des religieuses Trinitaires la dirigeaient tandis que le temporel en était confié à des administrateurs séculiers : par là elle resta unique en son genre à Lyon pendant plus d’un siècle. « Messieurs les prévôts des marchands et échevins en sont les principaux bienfaiteurs », dit l’almanach de 1744.

Une note trouvée dans les archives donne les précieux renseignements que voici : « Parmi tant d’établissements qui font un si grand honneur à la charité des citoyens de cette grande ville, celui-ci est un de ceux qui méritent le plus l’attention des âmes pieuses. Elle a été fondée pour élever de pauvres jeunes filles dont l’innocence court des dangers imminents au contact de parents dépravés. Aucune n’y est admise avant l’âge de sept ans ni au-dessus de celui de neuf ; l’éducation des enfants est confiée à des religieuses appelées de la Trinité, lesquelles se consacrent à leur apprendre les principes de la religion, à les former à la vertu et à les mettre à même de gagner leur vie au sortir de l’établissement. Tant qu’elles demeurent dans la maison, leur travail est une petite ressource pour leur entretien, mais il est bien loin de suffire au soutien d’un hospice qui n’a qu’un très petit revenu fixe et qui porte ainsi à juste titre le nom de maison de la Providence. »

Chapelle de Trinitaires.

La Providence subsista jusqu’à la Révolution, époque à laquelle les religieuses se dispersèrent ; au commencement du xixe siècle, quelques dames, distinguées par le rang et par la vertu, conçurent le dessein d’arracher à l’abandon ou aux mauvais exemples de leurs parents de pauvres jeunes filles. Encouragées par un zélé Jésuite, le ère Roger, et approuvées du cardinal Fesch, elles se réunirent, le 16 janvier 1804, et s’érigèrent en congrégation séculière sous le titre du Très saint Cœur de Marie : c’étaient Mmes Bruyzet de Sainte-Marie, Anginieur mère et fille, de la Barmondière, Vitet, Delphin, Gérondot, Félissent, Journaud, Gourd, Bouchardier, Prudent, Lecour, Razuret, Meynard, Mayet, Montanier, Terme, de Lupé, Rondol, Albert, Guérin, Charrein, Godinot, Burlat, Magnonin et Lacour. La présidente fut Mme Bruyzel de Sainte-Marie, l’assistante Mme Anginieur mère.

Les premières enfants avaient été vendues par leurs parents à des saltimbanques : elles coûtèrent à ces dames trente-quatre francs chacune : on avouera que ce n’était pas cher. Peu après Mme Anginieur en trouva trois autres de même misère qu’elle abrita avec leurs compagnes d’infortune, tantôt chez elle, tantôt chez des personnes amies. Un jour vint où comme Mme Bruyzet faisait confidence de son extrême dénuement, on lui répondit par une somme de 300 francs en demandant que l’établissement reprît le nom de Providence et qu’on rétablît l’œuvre que les Trinitaires avaient dirigée sous ce nom avant la Révolution.

Ce conseil amical ou cette sommation discrète ayant été acceptée, une maison fut louée rue Sala, no 40, le 9 août 1804 : deux dames Laplanche et une dame Morelle, toutes trois religieuses Trinitaires de l’ancienne Providence, y firent revivre les règlements de leur ordre. En 1806, le nouvel établissement comptait vingt-six enfants. Mme de la Barmondière prêta une maison quelle possédait à Fourvière. La nouvelle Providence n’y fit pas long séjour ; ses clients se multipliant, elle loua, pour trois ans, le couvent abandonné des Carmes déchaussés, à la fin de novembre 1809 ; enfin des difficultés s’étant mises à la traverse, elle regagna, le 16 décembre 1811, la rue Sala. Le 9 juin 1812, le cardinal Fesch visita celles qu’il nommait justement de vertueuses maîtresses de l’enfance digne de pitié, et leur promit l’habit religieux, mais les événements politiques empêchèrent la réalisation de cette promesse.

Intérieur de la chapelle des Trinitaires.

En 1814, la duchesse d’Angoulême, la duchesse d’Orléans, princesse royale de Naples, a douairière d’Orléans, sa belle-mère et la fille de celle-ci Mlle Adélaïde, sœur du futur Louis-Philippe, avec plusieurs dames de la plus haute qualité, s’unirent de plein cœur sur le registre des bienfaiteurs, et en 1817 des lettres patentes apportèrent l’autorisation royale. À partir de cette époque, les circonstances se rangèrent au mieux : les postulantes, d’âge déjà mûr, prirent l’habit de Trinitaires, le 29 février 1816, et choisirent pour supérieure Claudine Mathieu, en religion sœur Sainte-Thérèse. Dès lors l’œuvre recouvra son élan : la duchesse d’Angoulême ne laissa pas de lui garder aide, protection et même faveurs de plus d’une sorte. Mme Gaillard, née Baboin de La Barollière, digne continuatrice et imitatrice de Mme Bruyzet de Sainte-Marie, contribua pour la plus large part à la construction de la chapelle ; elle eut pour héritière en l’héritage des pauvres, la fille de Mme Bruyzet de Sainte-Marie elle-même. Mme de Nolhac, qui mourut le 28 janvier 1869 et à laquelle succéda Mme Auguste Gaillard d’Oullins, décédée le 14 avril 1877.

En 1852, les religieuses se réunirent à la communauté des Trinitaires de Valence, et ainsi on vit dans la maison, au blanc costume des anciennes religieuses Trinitaires d’avant la Révolution, succéder le costume noir des Trinitaires actuelles. L’habit a changé, l’esprit reste le même. La chapelle fut construite vers 1834 et bénie, ainsi que la cloche, le 17 juillet 1856. Ses dimensions sont bien proportionnées, elle mesure 30 mètres de long sur 8 mètres 60 de large. Elle est dédiée à l’Immaculée Conception.

Mme Gaillard, née Baboin de La Barollière, restauratrice de la maison des Trinitaires.

La chapelle des Trinitaires est de modeste apparence. Par une singularité, la façade s’ouvre non au bas, mais par côté de la chapelle. Elle est de style roman, à une seule nef, assez éclairée. L’autel est de marbre sans sculpture. À la naissance de la nef, se trouvent deux petits autels, dédiés à la sainte Vierge et à saint Joseph. Dans le chœur on voit trois tableaux : un Christ en croix de bonne apparence, un Sacré-Cœur et un saint Jean l’évangéliste, ce dernier, œuvre de madame Payre, artiste lyonnaise. Au fond de la chapelle s’élève une vaste tribune, ornée d’une fresque qui représente la sainte Vierge revêtue du costume des Trinitaires, avec la croix bleue et rouge sur la poitrine ; elle apparaît aux deux fondateurs de l’ordre : saint Jean de Matha et saint Félix de Valois. Au second plan, un vaisseau va partir pour racheter les chrétiens prisonniers des Sarrasins.

Au milieu de la chapelle, se trouve le tombeau de la restauratrice temporelle et celui d’une des dernières supérieures. La dalle funéraire porte l’inscription que voici : « Ici reposent, unies dans la vie, réunies dans la mort, Sophie-Adèle-Antoinette Baboin de La Barollière, veuve de Claude-Joseph-Sébastien Gaillard, fondatrice de cette maison, 22 juillet 1792-18 octobre 1861 ; mère Séraphia Hugon, supérieure de cette maison, 10 avril 1828-17 mars 1900. »


VISITATION

Le premier monastère de la Visitation Sainte-Marie de Lyon, second de l’ordre, fut fondé par décision de saint François de Sales, à la requête de monseigneur Denis Simon de Marquemont, archevêque de Lyon. Il n’y avait encore à cette époque dans notre ville que trois maisons religieuses de femmes. Jeanne de Chantal y arriva le 1er février 1615, et établit aussitôt ses filles rue du Griffon, aux Terreaux, près la chapelle Saint-Claude, sur la paroisse Saint-Pierre, dans un petit logis qu’avait acheté pour elles leur fondatrice temporelle, Mme Renée Trunel, veuve de M. d’Auxerre, président et lieutenant général de Forez. Le 2 février, fête de la Purification, l’archevêque célébra pontificalement la messe dans la chapelle improvisée et y exposa le saint sacrement ; M. Sordelot, pieux ecclésiastique, fit une solide exhortation, et dès ce jour la clôture fut gardée et la règle d’Annecy rigoureusement observée. Neuf mois après, la modeste chapelle s’emplissait d’une foule brillante venue pour assister aux obsèques de Mme d’Auxerre, devenue sœur Marie-Renée, et décédée, selon sa prédiction, après neuf mois seulement de vêture, mais non sans avoir prononcé ses vœux. « La maison, lit-on dans le manuscrit de la fondation, n’étant pas bâtie régulièrement, ni commode pour y avoir une sépulture, on supplia très humblement les dames de l’abbaye royale de Saint-Pierre, ordre de Saint-Benoît, dans la paroisse de laquelle on était, de donner sépulture chez elles à notre défunte : elles tinrent à honneur d’accorder la grâce qu’on leur demandait. »

Plan de l’ancien Couvent de la Visitation.

Malgré l’incommodité du lieu, les Visitandines restèrent rue du Grillon, exactement deux années cinq mois et treize jours, pendant lesquels se firent la profession religieuse de Marie-Françoise Rellet, Françoise-Jéronyme de Villette, première supérieure de Saint-Étienne, Marie-Catherine et Anne-Louise de Villars, Anne-Marie Chevalier et Jeanne-Françoise Étienne. Au départ de la mère de Chantal, Marie-Jacqueline Favre avait été nommée supérieure ; elle se mit en quête d’une habitation mieux séante et ne tarda pas à la trouver. Au prix de trente mille livres, dont monseigneur de Marquemont se porta garant, elle acheta du sieur Thiery une maison à Bellecour, paroisse Saint-Michel ; le prélat prêta en outre trois mille livres, sans intérêt. La communauté se transporta dans sa nouvelle demeure, le 14 juin 1617, accompagnée de la comtesse de Chevrières et de plusieurs demoiselles de qualité ; cette même année, la mère Favre acheta la petite maison Richard et en 1620, la mère de Blonay acquit un terrain proche de celui de M. Thiery, afin de rendre le grand jardin carré. Cette dernière fit également dresser les murs de clôture et planter les vergers.

Pendant les dix années environ qui suivirent la translation, la Visitation Sainte-Marie de Bellecour, — tel fut le vocable définitif du couvent — n’eut, comme dans la rue du Grillon, qu’une chapelle provisoire, avec un seul autel. Toutefois, les Visitandines ont gardé dans leur cœur et dans leur esprit le précieux et vif souvenir de cette chapelle presque misérable, parce que saint François de Sales « leur grand patriarche » y célébra souvent la messe de 1618 à 1622. On sait qu’en ces quatre ans, il fit cinq voyages à Lyon : au dernier, il y séjourna, avec les cours de France et de Savoie. Monseigneur de Marquemont dont il devait être l’hôte se trouvant à Rome où il fut fait cardinal, les sœurs eurent la joie de posséder leur fondateur dans leur petit logement, c’est-à-dire dans la maison Richard devenue la maison de leur jardinier ; de son côté le bon évêque fut tout aise de s’échapper ainsi de l’apparat. La ville faisait une entrée magnifique au roi et à la reine-mère : « le saint prélat, raconte le manuscrit déjà cité, laissa aller tous ces gens voir cette grande pompe et demeura tout seul dans notre parloir, comme un père avec ses enfants, sans se soucier de voir tout cet appareil du monde. Il nous fit, ce même jour, un très beau sermon tant sur le mystère — c’était le jour de l’Immaculée Conception — que sur l’entrée du roi et nous dit ce qu’il fallait considérer en l’un et en l’autre. La reine Marie de Médicis entra dans notre monastère avec un grand nombre de dames de la cour et y entendit les vêpres ; nos sœurs étaient si recueillies que pas une ne leva les yeux et ne sut dire comment Sa Majesté ni aucune de ses dames étaient vêtues. Le 25 décembre, le bienheureux nous dit la messe à minuit, où la communauté communia et à la fin de la messe, quoi qu’il fît bien froid, il nous fit une belle exhortation sur 1 anéantissement et la naissance de l’Enfant Dieu ».

Force nous est d’abréger ce naïf et charmant récit très circonstancié : « Le jour de la Saint-Jean il dit encore la messe et communia ses chères filles. Après quoi, il ouït la confession générale de notre mère de Blonay. Notre mère aperçut en ses yeux quelque changement causé par le catarrhe qui commençait à se former et elle lui dit : Monseigneur, vous vous trouvez mal ? Il répondit : Ma fille, tout revient à bien à ceux qui aiment Dieu ; il n’est pas loin de midi, s’il m’est possible je reviendrai tantôt recevoir votre novice à la profession : cette novice était sœur Marie-Éléonore Gontal. La bonne mère se mit à genoux ; il lui dit pour dernière parole : Adieu, ma fille, je vous laisse mon esprit et mon cœur. » L’après-midi, tandis qu’on préparait la cérémonie de profession le saint tombait en apoplexie, le lendemain, 28 décembre, il expirait. Toute la ville accourut à la pauvre logette. On n’ignore pas que Lyon et Annecy se disputèrent l’illustre corps ; Annecy l’emporta, grâce au testament même de saint François que la volonté du duc de Savoie et du roi de France fit exécuter. Pendant le débat, la dépouille mortelle du saint était restée en dépôt dans la chapelle de ses religieuses : il fallut hélas s’en séparer. « Mais le soir même de ce 29 décembre, continue le document, le cœur de notre bienheureux père nous fut apporté par M. Ménard, secrétaire de la paroisse Saint-Nizier, vicaire général, accompagné de M. le curé de la paroisse, de M. l’abbé de Mozac et de beaucoup d’ecclésiastiques avec des flambeaux ».

Après avoir été, de la sorte, insignement honorée, la chapelle Sainte-Marie de Bellecour fut remplacée par une église qui, commencée en 1621, fut achevée à la fin de 1627, et consacrée le 8 décembre. « Elle était, écrit Steyert, orientée régulièrement, prolongeant le cloître, le long de la rue à l’ouest, jusqu’à 1m50 environ de la porte de la caserne actuelle de gendarmerie. Le tout empiétait beaucoup sur la rue qui avait alors six mètres à peine de largeur tandis qu’elle en compte maintenant 8 à 10 ; le surplus a donc été pris en entier sur le terrain du monastère démoli. En retour d’équerre, sur le chœur de l’église qui était régulièrement orientée et contre le flanc occidental du cloître, était appuyé le chœur des religieuses, dont remplacement existe encore en grande partie. Il est représenté par l’espace vide entre la gendarmerie et le n° 26 de la rue formant une cour à laquelle on accède par un vaste portail s’ouvrant juste en face du débouché de la rue Boissac. »

Notre-Dame-de-Grâce (Couvent de la Visitation).

Le premier dessein avait été de bâtir du côté de la rue Sainte-Hélène, près des Pères Jésuites ; on commença même à y creuser un fondement de murailles. Mais on représenta que l’église des Jésuites était déjà bien avancée et que les religieuses franciscaines de Sainte-Élisabeth, pour lors logées dans une maison voisine, feraient apparemment la leur tout proche et qu’ainsi il y en aurait trois au même endroit. D’ailleurs tous les offices étaient placés sur la rue du côté des Jésuites qui y tenaient un noviciat, il ne fallait pas penser à prendre aucun jour de ce côté ; d’autre part, si le monastère était construit là, le carré en occuperait tout le jardin ; enfin la mère de Blonay jugeait que l’on s’éloignait trop du lieu où était mort le saint fondateur. Aussi tout bien pesé, on se résolut à faire le bâtiment à l’endroit même où était la maison que l’on avait achetée de M. Thiéry. Il y fallut de bons matériaux et beaucoup de solidité « à l’épreuve du canon de l’arsenal, parce que n’y ayant alors point de maison du côté de la place Bellecour, on y tirait ordinairement les pièces d’artillerie, qui faisaient trembler notre maison. » En moins de quatre ans, le grand bâtiment fut achevé avec la muraille de clôture, depuis l’église des Jésuites jusqu’au mur du jardin et avec les trois chapelles ou ermitages du jardin même. Toutefois, comme l’on ne put vaincre toutes les difficultés du terrain, l’église ne put être tout ce que l’on souhaitait. Des documents postérieurs la qualifieront de peu belle, irrégulière et de faible étendue.

Une petite cour la précédait ; la nef assez longue était par là disproportionnée au sanctuaire ; un lambris à hauteur d’appui régnait tout autour. Elle était « garnie de deux longs bancs attachés aux murailles et d’un sous-pied ainsi que d’un confessionnal » ; des degrés montaient de la nef dans le chœur : la mère de Blonay en voulut quinze, en l’honneur, dit-elle, des quinze marches que monta la Vierge en sa présentation au temple. Il y avait aussi une balustrade entre ces deux parties de l’église. Le jour venait par huit fenêtres percées dans l’épaisseur du mur de telle façon quelles pussent supporter, à leur base, de grands vases de fleurs aux fêtes solennelles ; plus tard, l’on mettra des rideaux de taffetas cramoisi à ces fenêtres distancées lune de l’autre par de larges trumeaux. Dans le haut, un grand arc doubleau séparait la nef du sanctuaire, précisément après deux autels dédiés, celui de droite à saint François de Sales, dès sa canonisation, celui de gauche à saint Augustin.

Le maître-autel d’environ huit pieds de longueur, trois de hauteur et trois ou quatre pouces de profondeur, portait, par-dessus la corniche, une croix de quatre pieds, avec un crucifix et un tableau de la Visitation donné, aux premiers temps du monastère, par un bienfaiteur inconnu. Le tabernacle avait été fait en Savoie, par les soins de sainte Jeanne de Chantal ; deux crédences, longues de deux pieds et demi, se voyaient de chaque côté du maître-autel : on y tenait deux grands chandeliers et, les jours de fête, on y exposait des reliques avec candélabres et fleurs. Une chaire médiocrement grande était aussi placée dans le sanctuaire ; une large grille remplissait entièrement le vide laissé à droite du maître-autel, entre le sanctuaire et le chœur des religieuses ; elle avait dix à douze mètres de largeur, six à dix de hauteur et était par le dessus en anse de panier ; on l’avait posée à deux pieds hors de terre, et elle était formée « de fer carré de petit échantillon, les barres, l’une dans l’autre, sans pointe ni façon, les trous ayant deux pouces et demi de vide » ; au milieu de la grille se trouvait « une fenêtre qui se fermait à clef du côté des sœurs ; haute d’un pied et demi et large d’un grand pied, elle servait à donner la communion et le voile aux religieuses. La stalle de la supérieure, au fond du chœur, était comme les autres, sans nulle façon », mais élevée d’un degré de quatre pouces ; au-dessus était placé un tableau de la Vierge, environné de sentences.

La sacristie était d’une agréable construction octogone ; elle renfermait un autel de cinq pieds avec deux escaliers, une table, une chaire, un agenouilloir et une fontaine d’étain au-dessus de la piscine. À côté d’une petite fenêtre grillagée couverte de toile noire, entre la sacristie des prêtres et celle des sœurs, s’ouvrait un trou d’environ trois pouces en carré pour y passer les flambeaux et les grands cierges.

Sainte Chantal encourageait la construction et conseillait de loin et parfois de près. Par les lettres qu’elle écrivait à la chère cadette — elle donnait ce nom d’amitié à la mère de Blonay — on voit quelle est instruite du moindre détail, qu’elle entre dans les plus minces particularités, suggère des idées artistiques et pratiques, propose « les petites économies à faire », rappelle des plans utiles, bref, se montre femme de tête, comme en toute circonstance.

Le bâtiment achevé en 1627, M. de Meschatin La Faye, chanoine, le bénit, et Robert Berthelot, évêque de Damas, suffragant de Lyon, le sacra ; Mme la présidente Le Blanc, de Grenoble, ayant donné la cloche, en fut la marraine ; la mère de Blonay avait dépensé tant pour l’église que pour le monastère la somme de quatre-vingt mille francs.

Depuis la consécration de l’église jusqu’à la Révolution, des circulaires envoyées du premier monastère de Lyon aux couvents de l’institut, mentionnent les réparations et les embellissements : on lit dans celle du 3 mai 1672 que la supérieure Catherine-Aimée de Vauzelles a orné le sanctuaire d’un balustre de fer « qui est bien beau et bien travaillé » ; dans sa circulaire du 23 avril 1691, Marie-Éléonore d’Apchon de Poncins se réjouit de l’achat coûteux d’une tapisserie de Flandre, de verdure, que l’on trouve fort belle.

Vierge conservée au monastère de la Visitation.

Pendant un de ses supériorats, Anne-Marie de Thélis, morte le 10 octobre 1701, fit faire un tabernacle doré, sans doute pour le grand autel. C’est peut-être de lui que M. l’abbé Vachet écrit : « L’église Sainte-Marie de Bellecour n’avait rien de remarquable que le tabernacle du grand autel ; c’est le modèle de celui qu’on devait exécuter en marbres choisis et en bronze doré ; le modèle était de Ferdinand Delamonce ! » Anne-Marie de Thélis érigea dans le chœur des religieuses un autel à Notre-Dame, où une des sœurs, Marie-Anne-Victoire Trollier, fonda par dévotion une lampe qui brûlait jour et nuit. Marthe-Séraphique d’Apchon de Poncins fit boiser, du haut en bas, le chœur intérieur de l’église, avec ses ornements d’architecture, le tout couleur de marbre blanc, enrichi de dorures, avec de grands tableaux représentant les mystères de Notre-Dame, faits par un excellent artiste ; elle fit peindre aussi la voûte du chœur de l’église qui, dans son genre, est un ouvrage achevé.

« L’espérance de pouvoir célébrer l’année dernière la béatification de notre digne mère, lit-on dans la circulaire de la mère Thérèse-Charlotte de Chevrières, le 8 février 1749, nous avait fait entreprendre un autel de marbre dont nous devons le plan à la personne la plus habile et la plus entendue de ce pays, en fait de tels ouvrages, à dom Prenel, prieur des Chartreux de cette ville. C’est à monseigneur Navarre, évêque de Sidon, que nous avons l’obligation de cette grâce et, à sa considération, ce respectable père a bien voulu conduire l’ouvrage, faisant choix des ouvriers, ordonnant des matériaux et réglant les prix faits à notre avantage. » Il y a plus de détails, à cet égard, dans la circulaire du 30 août 1752 : « Thérèse-Charlotte de Chevrières, à la fin de ses deux derniers triennaux, pensa efficacement à pourvoir notre église d’une chapelle, où notre bienheureuse mère pût être placée. Mais après bien des consultations, on conclut qu’on ne pouvait, sans de grands inconvénients, lui en édifier une nouvelle, la situation de notre église n’en étant pas susceptible : il fallut se déterminer à joindre la fondatrice au fondateur. Pour faire honneur à l’un et à l’autre, on forma le dessein de substituer le marbre, dans la chapelle Saint-François de Sales, à l’ancien retable qui n’élail qu’en bois doré et à tout le reste de la chapelle qui se ressentait du goût antique. On se remit de tout à dom Prenel qui ne trompa point la confiance que l’on avait à ses lumières. « Le couronnement de la chapelle qui porte jusqu’à la voûte de l’église est estimé des plus habiles connaisseurs en fait d’architecture. Monseigneur de Sidon, suffragant du diocèse, nous fit la grâce de sacrer très solennellement cette nouvelle chapelle qui est à portée de notre vue. »

Sous le gouvernement de Marguerite-Sibile Anisson, l’église fut rebâtie en partie et régularisée : ce qui contenta le plus les sœurs, fut la voûte plafonnée en plâtre, une corniche de même matière qui régnait tout le tour, avec des pilastres surmontés de leurs chapiteaux qui, placés de distance en distance, faisaient un ornement achevé. Trois ans plus tard, elles firent peindre, sur le châssis de la grille du chœur, la vie symbolique de saint François de Sales ; « divisée, dit la circulaire d’Anne-Christine Ferrary, en trente petits carreaux. L’un représente une ruche d’abeilles, l’autre un phénix sur un bûcher. » Le détail des autres serait trop long ; au-dessus de chacun se lisait une devise latine. Cette pièce est des plus curieuses. « Les peintres de ce pays-ci mettaient cet ouvrage à un prix excessif ; un italien qui passait a été beaucoup plus traitable ; nous nous en sommes prévalues pour l’acquisition de deux tableaux de cellule et pour en raccommoder plusieurs fort usés par le temps ; il a excellé à un qui est estimé bon par les connaisseurs ; il fait face à un corridor où l’on s’assemble pour l’office ; les figures sont de hauteur naturelle, elles représentent le mystère de la Visitation, saint Augustin et notre saint fondateur, avec deux de ses filles à genoux ; saint François de Sales semble les exhorter à imiter la Sainte Vierge. Cette perspective est des plus dévotes. »

Telles furent les dernières améliorations de Sainte-Marie de Bellecour : l’orage approchait et les jours du monastère étaient comptés. Ce qu’on regrette dans l’église disparue, c’est non pas un monument de valeur artistique, mais l’édifice témoin des inoubliables cérémonies qui célébrèrent la béatification de François de Sales, le 29 janvier 1662, sa canonisation, le 1er mai 1666, la béatification de Jeanne de Chantal, le 30 avril 1732. À ce titre, pour l’honneur de l’Histoire de Lyon, dont il rappelait les plus beaux traits, il ne devait pas périr.

Au demeurant, Sainte-Marie de Bellecour possédait un mobilier dont on doit déplorer la perte : 1o le tableau de la Visitation, présent d’un bienfaiteur inconnu déjà mentionné et que l’abbé Vachet attribue peut-être au peintre Ch. Lagou ; 2o un tableau de Notre-Dame, bonne copie que la mère Anne-Marie de Thélis fit prendre à Rome sur l’original ; 3o une grande peinture de la Merge fort estimée des connaisseurs et mentionnée dans une circulaire ; 4o un tableau du Sacré-Cœur, « le visage du Sauveur est tiré sur le portrait que Jésus-Christ envoya au roy Abagarre ; il a coûté environ quatre cents livres » ; 5o un autre grand tableau du Sacré-Cœur : « Mme de Savaron, abbesse de l’abbaye royale de Chazeaux, dit la dernière circulaire de Bellecour nous a fait don d’un tableau, où sont peintes sainte Scholastique et sainte Chantal réunies auprès du Sacré-Cœur de Jésus » ; 6o une effigie de ce même Sacré-Cœur, en bois doré, pour être mise au-dessus du tabernacle du grand autel, car le tableau « n’était pas assez honorablement placé » ; 7o un portrait de saint François de Sales, « déposé par la mère de Blonay en la place même où le bienheureux rendit son âme à Dieu » ; 8o un grand tableau apothéose exécuté pour les fêtes de la béatification de Jeanne de Chantal. « Ce tableau, qui représente notre digne mère prête à monter dans la gloire, où elle considère notre saint fondateur qui paraît l’y inviter, est fait par le meilleur peintre de Paris, en ce qui regarde les ouvrages de piété ; il est du choix de ma sœur Thérèse-Angélique de Tourmont, supérieure de notre deuxième monastère de Paris, rue Saint-Jacques : elle a donné tous ses soins pour que la pièce fût parfaite. » Et la circulaire du 30 août 1752 ajoute, sur cette même peinture : « La gloire et les anges de grandeur naturelle qui ornent ce tableau sont, au goût des connaisseurs, un morceau impayable ; ce tableau est du pinceau de M. Retours, en réputation à Paris, surtout pour les ouvrages de dévotion. » Plusieurs ornements, en sculpture dorée, accompagnaient, paraît-il, le fameux tableau ; on le mit définitivement au-dessus de l’autel latéral dédié aux deux fondateurs de la Visitation, après qu’il eut figuré aux fêtes de la béatification et de la canonisation de Jeanne de Chantal.

De plus, comme l’attestent les circulaires, avec des formules admiratives, l’église était, en partie, garnie de tableaux commémoratifs des guérisons obtenues par les deux saints, de têtes, de bras, de jambes de cire ; les cœurs d’or et d’argent y abondaient. Pour la sacristie qui fut longue à se pourvoir, elle eut sa revanche en chapes, chasubles, nappes, tours de chaire et tapis, enfin ornements liturgiques complets, de grand prix, dont le détail serait fastidieux. Les reliquaires et objets d’art ne le cédaient pas aux ornements, c’est-à-dire aux vêtements liturgiques et aux étoffes qui ornaient les autels et le sanctuaire. Notons-en quelques-uns : les reliques apportées de Varsovie par la mère Éléonore d’Apchon de Poncins furent enchâssées dans l’argent, l’ébène et le cristal par la générosité de la reine de Pologne ; d’autres beaux reliquaires d’or bien travaillé sont mentionnés ainsi que ceux qui renfermaient les reliques des fondateurs et le cœur d’argent contenant le cœur de chair de la mère Marie-Aimée de Blonay. En 1773, il y eut tout une nouvelle décoration de sept beaux reliquaires dont les cadres en glace et en sculpture dorée étaient montés sur des pieds de même style ; deux étaient pour les crédences du grand autel, les cinq autres pour l’autel Saint-François de Sales.

Le cœur de ce prélat fut enchâssé successivement dans cinq reliquaires différents en forme de cœur. C’étaient : 1o le cœur de plomb où il fut déposé par les religieuses après son extraction et qui plus tard servit à « mettre l’eau que les malades envoyaient sans cesse chercher dans des fioles pour en boire » ; 2o le premier cœur d’argent qui échut au monastère de la Visitation de Riom après que cette communauté eût offert à Bellecour, celui qu’elle eut d’abord et qui était de vermeil ; 3o le cœur d’or donné par Louis XIII. « Le roi, dit le manuscrit de la fondation, étant venu en cette ville de Lyon en 1630, y tomba malade à l’extrémité, d’une pleurésie : la reine Anne d’Autriche envoya chercher par un de ses aumôniers le cœur de notre saint fondateur auquel elle avait voué Sa Majesté ; le roi le baisa révéremment et lui fit plusieurs prières ; puis en reconnaissance de la santé qu’il obtint, par l’intercession de notre bienheureux père, la reine renvoya notre précieuse relique dans un cœur d’or que le roi avait donné. » La Révolution fit disparaître ce beau reliquaire ; 4° le cœur de vermeil, présent et non plus échange des sœurs de la Visitation de Riom ; il était soutenu par un grand pied droit et entouré de rayons en forme de soleil ; 5° un cœur enfin rehaussé de pierreries : « Monseigneur le duc de Mercœur ayant voulu voir cette relique, en actions de grâces de la santé qu’il en avait obtenue, la renvoya aussi dans un autre cœur d’or enrichi de pierreries que la duchesse de Vendôme lui avait offert ; ce reliquaire était en or et en forme de cœur comme celui du roi ; on le fit accommoder à la juste mesure de la précieuse relique ; il fut rivé dans celui du roi auquel on ne voulut pas toucher. »

Cette énumération ne serait pas complète si nous omettions un buste d’argent de saint François de Sales, haut de deux pieds y compris le soubassement, dit la circulaire du 18 mars 1703 ; en 1789, les sœurs livrèrent cette œuvre d’art à la monnaie : leur générosité pour le bien public ne fut pas sans apitoyer les ouvriers mêmes qui jetèrent cette pièce au creuset. Mentionnons également deux chandeliers à branche pour accompagner l’ostensoir, l’un et l’autre d’un travail des plus recherchés et des plus polis, affirme la circulaire du 18 mars 1703 ; enfin l’admirable crucifix de grandeur naturelle donné à la mère Marthe-Séraphique d’Apchon de Poncins : aux pieds du Christ « se trouve une sainte Madeleine en relief, d’une pierre blanche d’une hauteur naturelle, faite par un habile et excellent ouvrier et au-dessous, on voit un tombeau sur lequel ladite sainte est couchée ; on ne peut regarder le crucifix sans que la douleur qu’il imprime par la vue n’attire les larmes par la blessure qu’il a au cœur ».

Le couvent de la Visitation de Bellecour a disparu dans la tourmente révolutionnaire. Dans la première moitié du XIXe siècle, les religieuses Visitandines reprirent possession de la cité lyonnaise.

Sous la direction de Louise-Colombe Betton de Beaufoural, elles s’établirent à la Croix-Rousse, puis le 6 juin 1856, se transportèrent, à la montée du Télégraphe à Saint-Just, où elles se trouvent encore dans un vaste clos qui renferme des bâtiments neufs et bien aménagés.

La chapelle est l’œuvre de l’éminent architecte de Fourvière, M. Bossan, dont la sœur fut religieuse dans cette communauté. Elle manque de dégagement à l’extérieur, parce qu’elle joint de plusieurs côtés les bâtiments du couvent. À l’intérieur, elle présente une forme presque carrée. N’étant pas faite pour le public, on a peu allongé la nef. Le chœur est vaste, et sur le côté droit s’ouvre la salle de communauté d’où les religieuses assistent à l’office. Une immense grille les sépare du chœur de la chapelle. L’autel est de marbre blanc et le devant est orné d’épis et de raisins en cuivre sur fond bleu, rouge et or. Ces sujets sont encadrés par trois colonnettes de marbre gris. Par côté du tabernacle et formant retable, huit anges en cuivre, également sur fond polychromé, portent des objets du culte : le calice, une bourse, des burettes, un chandelier, la patène, le missel, un encensoir avec sa navette. L’autel est recouvert d’un gracieux et léger ciborium, orné à sa partie supérieure d’une sculpture représentant l’Assomption de la sainte Vierge.

À droite, comme il a été dit, s’ouvre la grille des religieuses, et vis-à-vis, à gauche de l’autel, se trouve la sacristie dont l’entrée est surmontée d’une fresque : saint Joseph assis porte l’Enfant Jésus qui lui offre un lis, tandis que deux anges sont en adoration. Dans la nef, deux autels de marbre blanc incrustés d’or sont dédiés à saint François de Sales et au Sacré-Cœur ; ils se font vis-à-vis.

Couvent de la Visitation Sainte-Marie des Chaînes (D’après une gravure de Boissieu).

La voûte de la chapelle est peinte, on y remarque notamment les symboles des litanies tels que : l’arche d’alliance, la maison d’or, etc. Le pavé est formé d’une mosaïque avec dessins géométriques. Il convient aussi de rappeler, à la fin du présent chapitre, le nom de la Visitation Sainte-Marie-des-Chaînes, qui se trouvait à l’emplacement de la caserne actuelle de Serin, près le pont de Serin, et dont il ne reste plus que le portail de sa chapelle que l’on voit encore aujourd’hui, rue François-Dauphin, servant de porche latéral à l’église Saint-François. Ce couvent fut fondé en 1640, sous le cardinal de Richelieu, archevêque de Lyon, par Antoinette Guinet de Montvert, native de Lagnieu en Bugey, laquelle acheta de Moneri, lyonnais, originaire de Milan, l’immeuble où fut installé le monastère. Sa première supérieure fut Anne-Marie Pillet, religieuse de la Visitation de Bellecour. La chapelle n’en fut consacrée que bien plus tard, le 4 janvier 1671, par l’archevêque Camille de Neuville, sous le vocable de Saint-François-de-Sales. Ce fut en France la première église dédiée à ce saint. Le couvent ne tarda pas à jouir d’une grande prospérité, on y compta jusqu’à trente novices. En 1689, quand mourut sœur Louise-Catherine Vernat, supérieure, la communauté comprenait soixante personnes et n’avait pas de dettes. Une de ses successeurs, Séraphique d’Honoraty, fit agrandir le monastère et l’acheva avant sa mort, survenue en 1729. Au xviiie siècle, la décadence s’accentua. Le 23 juin 1753, la communauté se réunissait et on demandait aux religieuses leur consentement pour l’extinction du couvent criblé de dettes. Cette disparition fut acceptée en ce sens qu’on décida de ne plus recevoir de novices. La révolution précipita la dispersion des religieuses, et, en 1807, les bâtiments de l’ancien couvent étaient utilisés par le ministère de la guerre.

La chapelle Sainte-Marie-des-Chaînes était vaste, et meublée, de chaque côté du chœur, d’une rangée de stalles comprenant en tout trente-six sièges. De sa décoration ni de son aménagement, rien, sauf une grande Crucifixion, ne méritait d’être conservé.


BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE IV

LA CHARITÉ

La police de l’aumosne de Lyon, imprimé chez Seb. Gryphius, 1539, auec priuilege pour deux ans comme il appert a la fin du liure ; in-4, 56 p.

Institvtion de l’avmosne générale de Lyon, ensemble l’œconomie & reglement qui s’obscrue dans l’hospital de Nostre-Dame de la Charité, où sont les pauures renfermez de ladite aumosne ; reueuë & augmentée de nouueau, cinquième édition. À Lyon, M.DC.XLVII, in-4, 14 f.-126 p.-i f., 1 plan. — La 2e édition est de 1628, la 3e de 1632, la 4e de 1639, la 5e de 1617, la 6e de 1662 : enfin il en existe une de 1699.

Oraison funèbre de Mme d’Orléans, souveraine de Dombes, prononcée en présence de la cour du parlement de Dombes, dans l’église de la Charité de Lyon, le 20 juin 1693, par J.-B. Doucette, chanoine de Saint-Martin d’Ainay. Lyon, 1693, in-4, 38 p.

R. P. Renaud, de l’ordre de Saint-Dominique, Description de la pompe funèbre de Mgr le maréchal duc de Villeroy, faite en l’église de la Charité de Lyon, avec l’oraison funèbre. Lyon, 1730, in-fol., planches dessinées par de Gérando et gravées par Daudet.

Lettres patentes accordées par sa majesté à l’hôpital général de la Charité, au mois de septembre 1729. Lyon, 1761.

Statuts et reglements de l’hôpital général de la Charité et aumône générale de Lyon. [Blason]. À Lyon, chez Aimé de la Roche, imprimeur ordinaire de Mgr le duc de Villeroy, de la ville & de l’hôpital général de la Charité, M.DCC.LXV, in-4, xvj-720 p. — Autre édition en 1766.

Inventaire sommaire des archives hospitalières antérieures à 1790, rédigé par MM. A. Steyert et F. Rolle. Ville de Lyon, La Charité ou aumône-générale, tome premier. [Blason.] Lyon, imprimerie Alf.-Louis Perrin et Marinet, 1874. in-4, 4 vol., 8 f.-396 p.-2 f., 2 f.-232-75-24-109 p.-l f., 138 p.-i f.

Comte G. de Soultrait, Introduction de l’inventaire des archives de l’hospice de la Charité de Lyon. Lyon, 1874, in-4, 12 p.

Marc Panissot, bienfaiteur de l’hospice de la Charité de Lyon, par P. Brégrot du Lut. [Blason.] Lyon, Mougin-Rusand, imprimeur, 1890. (Au début :) Extrait de la Revue du Lyonnais, in-8. 23 p.

Souvenirs hospitaliers lyonnais offerts au congrès national d’assistance par les membres du conseil général d’administration des Hospices civils de Lyon, juillet 1894, in-8. — C’est un album de 12 photographies de l’Hôtel-Dieu, de l’hôpital de la Croix-Rousse, de la Charité, de l’hôpital Renée Sabran, de l’hospice du Perron et de l’hospice de l’Antiquaille.

CŒUR-AGONISANT

Notice succincte sur l’archiconfrérie du Cœur agonisant de Jésus et de Notre-Dame des Douleurs, établie à Jérusalem, avec centre principal à Lyon, in-32, 2 f.

L’intercession perpétuelle au Cœur agonisant de Jésus, pour les quatre-vingt mille agonisants qui meurent chaque jour, confrérie, association ; par le p, J. Lyonnard, de la Compagnie de Jésus. Paris, Poussielgue, 1867, in-18, 339 p.

Salut des moribonds et manuel de l’archiconfrérie du Cœur agonisant de Jésus et du Cœur compatissant de Marie, établie à Jérusalem et à Lyon, en faveur des cent mille mourants de chaque jour et des affligés : par le p. Fulgence Boué, de la Compagnie de Jésus, 3e édition. Paris. Périsse, 1885, in-32, xxiv-301 p.

La mère Marie-Madeleine du Cœur-Agonisant de Jésus, fondatrice de la congrégation du Cœur agonisant. 1803-1883, par un père de la Compagnie de Jésus. Toulouse, Loubens, 1893, in-16, 53 p.

Bulletin de l’archiconfrérie du Cœur agonisant de Jésus et du Cœur compatissant de Marie, pour le salut des cent mille mourants de chaque jour et la consolation des affligés. Angers, Lecoq, 1901, in-8, par fascicules de 36 p.

CHARLOTTES

La ville des aumônes, tableau des œuvres de charité de la ville de Lyon, par l’abbé A. Bez. Lyon, librairie chrétienne, 1840, in-8, 282 p.

Règlement de la société charitable dite des Charlottes,

dévouée au soulagement des prisonniers et des malades dans les hospices, fondée à Lyon par Charlotte Dupin, l’an 1795. Lyon, impr. de M. P. Rusand, 1832, in-24, xiv-69 p.

TRINITAIRES

Notice historique sur l’œuvre de la Providence des religieuses Trinitaires, rue Boni, cours des Tapis, Croix-Rousse, Lyon. Lyon, imprimerie catholique, 1877. (À la fin signé :) P. Jourdan, aumônier, in-16, 33 p.

Mère Séraphin, supérieure des religieuses Trinitaires de Lyon, 10 avril 1828-17 mars 1900. Lyon, imprimerie M. Paquet, 1900, in-32, 16 p., portrait.

VISITATION

F.-Z. Collombet, La Visitation de Sainte-Marie de Bellecour, dans Revue du Lyonnais, 1re série, XVII, 118.

Dissertation sur les contestations élevées entre monseigneur l’archevêque administrateur et le monastère de la Visitation de Lyon, depuis le mois de février jusqu’à celui de juin 1834. Lyon, imprimerie Louis Perrin, 1834, in-4, 29 p.-1 f.

Lettre-circulaire de la Visitation de Lyon aux autres maisons du même ordre, datée de Lyon, 8 décembre 1875, relatant les événements de l’année et la vie des sœurs décédées, Marie-Antoinette Aurosset, Claire-de-Sales Arthaud, Marie-Claudine Chamussot, Marie-Germaine Albert, Marie-Madeleine Gomot, Marie-Gabrielle de Gallien de Lachaux, Louise-Eulalie Paschal. Sans lieu ni date, in-4, 80 p.

Abrégé de la vie et des vertus de notre très honorée et vertueuse mère Marie-Blandine Combe, décédée en ce monastère de la Visitation Sainte-Marie de Lyon, le 22 avril 1879, âgée de soixante-trois ans et neuf mois, de profession quarante-deux ans, cinq mois, quinze jours, du rang des sœurs choristes. Lyon, impr. J.-E. Albert. [2e partie :] Abrégé de la vie et des vertus de notre très honorée et vénérée mère Marie-Régis Deville, décédée en ce monastère de la Visitation Sainte-Marie de Lyon, le 25 octobre 1880, âgée de soixante-quatorze ans et quatre mois, de profession religieuse quarante-huit ans, quatre mois et vingt jours, du rang des sœurs choristes. Lyon impr. J.-E Albert, sans date (1882), in-4, 2 parties, 1 f.-50-64 p.

La propagatrice de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Anne-Madeleine Rémuzal, religieuse professe de la Visitation Sainte-Marie au 1er monastère de Marseille, d’après les documents de l’ordre. Lyon, Emmanuel Vilte, 1891, in-8, 2 f.xxxix- 160-119 p.

Notice sur Notre-Dame-de-Grâce, honorée au premier monastère de la Visitation Sainte-Marie de Lyon-Fourvière. Lyon, impr. Vitte, 1900, in-8, 7 p., grav.

La chapelle de la Visitation Sainte-Marie de Bellecour ; par J.-B. Martin, officier d’Académie, professeur d’archéologie chrétienne aux Facultés catholiques de Lyon. Lyon, imprimerie Emmanuel Vitte, 1902, in-8, 86 p. (Extrait du Bulletin historique du diocèse de Lyon, novembre 1901.)