Histoire des Vampires/III/Chapitre VI

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CHAPITRE VI.

Suite du même sujet.

L’abbé Salin, prieur de Laye-Saint-Christophe en Lorraine, passa pour mort en 1680. Il était déjà dans le cercueil et près d’être enterré lorsqu’il fut ressuscité par un de ses amis, qui lui fit avaler un verre de vin de Champagne : il remourut quatorze ans plus tard. Dans un siècle ou dans un pays un peu plus barbare, c’eût été un grand miracle, et peut-être en fut-ce un pour les Lorrains, qui, quelques années après, furent aussi infestés de Vampires.

Nous dirons encore un mot des résurrections miraculeuses, qui sont citées dans des auteurs anciens, et qui se sont passées dans des temps reculés où nous ne pouvons chercher de preuves. Pline parle, dans le septième livre de son Histoire naturelle, d’un jeune homme qui, s’étant endormi dans une caverne, y demeura quarante ans sans s’éveiller. Nos légendes rapportent l’histoire des sept dormans, qui dormirent de même pendant cent cinquante ans. Le philosophe Epiménides dormit aussi quarante, ou quarante-sept, ou cinquante-sept ans, car les historiens ne sont pas d’accord.

Les chrétiens pensent qu’Énoch et Élie sont encore vivans : plusieurs croient même que S. Jean l’évangéliste n’est pas mort, mais qu’il vit toujours dans son tombeau, comme les Vampires.

Clément d’Alexandrie raconte, après Platon, qu’Er, fils de Zoroastre, ressuscita douze jours après que son corps avait été brûlé sur un bûcher. Phlégon dit qu’un soldat syrien de l’armée d’Antiochus, après avoir été tué aux Thermopyles, parut en plein jour au camp des Romains, et parla à plusieurs personnes : on pourrait croire qu’il n’avait pas été bien tué.

On trouve encore dans Pline un petit trait qui a quelque rapport au Vampirisme. On sait que Cardan, S. Paul et une foule d’autres se sont vantés de faire voyager leur âme sans que le corps fût de la partie. L’âme d’Hermotime de Clazomène s’absentait de son corps lorsqu’il le voulait, parcourait des pays éloignés, et racontait à son retour des choses surprenantes. Apparemment que cette âme faisait aussi de mauvais tours ; car Hermotime se fit des ennemis. Un jour que son âme allait en course, et que son corps, sans donner aucun signe de vie, était comme de coutume tout à fait semblable à un cadavre mort, les ennemis d’Hermotime brûlèrent ce corps, et ôtèrent ainsi à l’âme le moyen de revenir loger dans son étui.

On a remarqué, à propos des résurrections miraculeuses, que les ressuscités devraient rapporter des nouvelles de l’autre monde, ce qu’ils ne font pas, au lieu de tourmenter les vivans, ce qui est assez inutile.

Jamais les revenans et les Vampires n’ont rien dit de ce qui leur était arrivé depuis l’instant de leur mort. Lazare même, ni le fils de la veuve de Naïm, que Jésus-Christ a ressuscités, ni les morts qui se promenèrent dans les rues de Jérusalem quand le Sauveur expira sur la croix, n’ont rien découvert aux hommes de l’état des âmes dans l’autre vie ; et si quelques prétendus revenans en ont dit quelques absurdités, ils l’ont fait dans le sens et dans l’intérêt de leur religion. Les païens ont parlé de Pluton, de Minos, des Parques, des Furies : les chrétiens parlent du diable, des chaudières bouillantes, et des âmes bienheureuses qui passent l’éternité à chanter hosanna.

Quelques résurrections naturelles ont pu faire croire aux retours miraculeux. Dès-lors ce ne sont plus seulement des esprits qui reviennent, ce sont quelquefois des revenans en corps et en âme qu’un démon ressuscite et renvoie pour un temps parmi les vivans : que ces revenans matériels soient mauvais, ce sont des Vampires.