Histoire des doctrines économiques/1-2-3

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III

LA VALEUR, LES ÉCHANGES ET LE COMMERCE

Pour les scolastiques, comme pour Aristote, la valeur avait sa source dans le sentiment du besoin, et non pas dans la dignité intrinsèque de l’objet[1].

De plus, la distinction entre la valeur d’usage d’une part (ou valeur calculée au regard seulement de l’acquéreur ou du possesseur) et valeur d’échange d’autre part (ou valeur calculée au regard de tous ceux qui peuvent vouloir donner ou acquérir la richesse dont il s’agit) était quelque chose de trop obvie pour que l’attention des scolastiques ne se fût point portée sur elle. Ils trouvaient également cette distinction dans leur maître Aristote[2]. Ils avaient tout aussi bien compris que la première — valeur d’usage — ne dicte point nécessairement la seconde quand il s’agit d’un échange à contracter.

Pour fixer une valeur d’échange qui ne lèse aucune des parties, on tiendra compte, non seulement du travail, mais encore de l’opinion commune et de la diversité des circonstances et des lieux[3] ; on ne s’arrêtera pas à l’appréciation du besoin particulier plus ou moins intense de tel ou tel individu, mais on examinera le besoin de l’ensemble de tous ceux qui peuvent échanger entre eux et dont le contact possible détermine ce que nous appellerions aujourd’hui les limites d’un marché[4] ; enfin, ce besoin commun est lui-même rapporté à l’abondance ou à la rareté des marchandises[5]. Tout cela n’est pas autre chose qu’une judicieuse analyse de la loi de l’offre et de la demande.

Il est difficile après cela de souscrire à l’opinion, de certains socialistes chrétiens contemporains, d’après lesquels on devrait plonger jusqu’au cœur de la philosophie scolastique pour trouver les origines de la thèse de Karl Marx sur le travail cause et mesure de la valeur. À les en croire, les anciens écrivains ecclésiastiques, notamment saint Thomas et Duns Scott, auraient professé la doctrine que c’est le travail seul qui détermine la valeur ; et ce ne seraient que des auteurs théologiques plus récents qui auraient admis que les droits du propriétaire peuvent avoir une influence, très secondaire du reste, sur la valeur des produits obtenus[6]. La vérité, c’est que l’Église a toujours reconnu la culture par autrui et le droit du propriétaire aux fruits moyennant entretien ou salaire des travailleurs manuels, mais que ses théologiens n’ont commencé qu’assez tard à disserter sur la valeur[7]. Alors, c’est-à-dire aux XIVe et XVe siècle, ils l’ont fait avec trop de bon sens et de clarté pour fournir quelque argument aux théories socialistes du XIXe siècle[8].

L’idée de la juste valeur d’échange, quand on veut l’exprimer en monnaie, engendre l’idée du juste prix : il est celui qu’on pratique communément sur le marché[9]. Mais ce prix ne saurait être susceptible d’une limitation bien précise : il admet donc, de l’avis unanime des théologiens, trois degrés : 1° le medium justum pretium ; 2° le summum, au dessus duquel il y aurait une injustice commise envers l’acheteur, dont l’ignorance ou les besoins particuliers seraient exploités ; 3° l’infimum, au dessous duquel ce serait le vendeur qui serait exploité et lésé.

L’opinion publique admettait volontiers, avec saint Thomas, que ce juste prix fût déterminé par le législateur[10]. Gerson, au commencement du XVe siècle[11], et un peu après lui Biel, qu’on peut appeler le dernier des scolastiques[12], vont jusqu’à dire que personne n’est censé plus sage que le législateur. Les maxima légaux sont un des traits économiques de la fin dit moyen âge, dans une période où l’autorité commençait à se sentir assez forte pour étendre aussi loin son pouvoir réglementaire, mais où elle n’était pas encore assez éclairée pour comprendre les avantages de la liberté. Cependant les monopoles corporatifs, l’étroitesse des marchés et les difficultés des transports pouvaient paraître donner à ces mesures une justification que plus tard elles n’auraient plus eue aux mêmes titres. Les prix légaux étaient toujours édictés dans l’intérêt de l’acheteur.

Les maxima des salaires accompagnaient souvent les maxima de prix des denrées ; ici c’était encore dans l’intérêt des acheteurs que la réglementation intervenait, je veux dire dans l’intérêt des propriétaires et patrons, acheteurs du travail[13].

Du reste, dans le monde du travail, les désordres et les conflits étaient moins rares que beaucoup ne le supposent : plus d’un abus que l’on croit d’une origine tout à fait récente, avait fait son apparition, notamment le truck-system, contre lequel saint Antonin de Florence s’élève avec une grande force au commencement du XVe siècle[14].

Le commerce était vu défavorablement par une partie des théologiens scolastiques. Il ne s’agissait pas là d’une simple différence d’estime, mais bien d’une sorte de condamnation prononcée au nom de la justice et de la morale. Cette opinion avait d’ailleurs certaines apparences d’une tradition. Le Corpus juris canonici répétait saint Augustin : Merito dictum negotium, quia negat otium, quod malumest, neque quærit veram quietem ; quæ est Deus[15] ; et le sentiment du pape saint Léon, demandant de discerner la « qualité du lucre », servait à introduire seulement des distinctions[16]. Pour les scolastiques, le blâme du commerce s’expliquait d’ailleurs fort bien par l’autorité d’Aristote, qui, ainsi que nous l’avons vu déjà, avait condamné l’acquisition dite chrématistique[17]. Il importait, ce semble, de distinguer les arts qui, tels que l’agriculture, multiplient les richesses — artes acquisitivœ — et ceux qui se bornent à les déplacer — artes pecuniativœ.

Saint Thomas regarde le commerce comme honteux, turpe, c’est-à-dire mauvais, sauf dans les deux ordres de cas suivants : 1° si le negotiator, qui achète pour revendre plus cher, a le dessein de fournir aux besoins de sa famille, de subvenir aux indigents ou de rendre service à sa patrie ; 2° si la marchandise doit être transformée par lui, immutata, dans l’intervalle de l’achat et de la revente, c’est-à-dire si le commerce doit être mélangé d’industrie. Or, l’agriculture implique essentiellement cette production ou transformation matérielle : elle n’a rien à voir avec l’acquisition chrématistique, c’est-à-dire avec les artes pecuniativœ, et c’est pour cela qu’elle n’avait pas besoin d’être légitimée et purifiée par l’intention de celui qui s’y livrait. Quant à la productivité économique du commerce, il serait bien hardi de supposer que saint Thomas l’eût entrevue, malgré les termes propter publicam utilitatem, ne scilicet res necessariœ advitam patriœ desint[18]. Hors ces cas là, donc, il condamnait le profit commercial et le commerce exercé en vue d’un gain.

À vrai dire d’ailleurs, l’article de saint Thomas que nous venons d’analyser, était précisément établi contre les adversaires les plus intransigeants du commerce : la preuve, c’est qu’il débutait — suivant le procédé thomiste — par les arguments contre toute espèce de commerce et qu’il se terminait par leur réfutation. C’était donc une certaine licéité que saint Thomas voulait démontrer, contre ceux qui n’en admettaient aucune[19].

Peut-être aussi la question n’était-elle pas bien posée. Saint Thomas se demandait utrum liceat negotiando aliquid carius vendere quam emere. Eh bien, pourquoi le doute n’aurait-il existé qu’en cas de negotiatio ? Pourquoi aurais-je pu vendre ce que j’avais fait faire par mes ouvriers, plus cher que je ne leur en avais payé la façon ? Pourquoi surtout aurais-je pu vendre pour un prix quelconque un objet que je m’étais procuré sans aucun prix, par exemple, une chose qui m’avait été donnée ou que j’avais trouvée, ou bien encore un bois qui avait poussé naturellement sur mon terrain et que j’avais vendu sur pied, c’est-à-dire sans aucun frais de transport ni d’abattage ? Si le doute est permis à l’égard du commerce et si le théologien ne répond, en ce qui concerne celui-ci, que par des exceptions et des distinctions, il nous semble bien que le doute ou les exceptions seraient encore bien plus logiquement à leur place dans les cas que nous venons de relever. Cependant nous ne les y trouvons pas. Où en est la cause, sinon que les poser, c’eût été condamner toute espèce de propriété territoriale cultivée avec le concours d’autres mains que celles du propriétaire en personne ? C’eût été alors condamner tout le régime économique du moyen âge ; et cette condamnation n’était exigée ni par Aristote, avec sa distinction de l’acquisition primitive et de l’acquisition chrématistique, ni par la théologie contemporaine, avec sa distinction des artes possessivœ et des artes pecuniativœ. Mais il se peut que les socialistes chrétiens de notre temps ne soient que des logiciens impitoyables, lorsque, partis de ces mêmes principes, ils érigent en axiome la formule que le propriétaire foncier ne doit tirer de son fonds aucun autre revenu que celui du travail que lui-même y consacre personnellement[20]

Cependant l’opinion thomiste sur le commerce, quoique déjà plus douce que d’autres, n’était pas unanimement suivie, même au XIIIe siècle, et il semble qu’au XIVe siècle elle fut abandonnée sans que le profit commercial rencontrât plus longtemps de sérieux contradicteurs[21].

En tout cas, la réponse de saint Thomas sur la question, de savoir ulrum liceat negotiando aliquid carius vendere quam emere ne pouvait guère permettre la spéculation, dont l’utilité économique pour la régularisation des cours et l’atténuation des écarts n’était et ne pouvait être encore aucunement soupçonnée. Saint Thomas est absolument muet sur ce sujet[22]. Mais aux XIIIe et XIVe siècle l’Ayenbite of Inwyt[23] fait rentrer très nettement tous les cas de spéculation dans l’usure, dont ils forment une cinquième espèce. Celle-ci, y est-il dit, consiste, soit à vendre une chose plus qu’elle ne vaut en ce temps là, soit (ce qui est pire) à la vendre quand elle est beaucoup demandée et qu’elle atteint des prix doubles ou triples de sa valeur : ainsi il y a des gens qui achètent du blé au temps de la moisson ou bien quand il est très bon marché, avec l’intention de le revendre quand il sera cher et avec le désir de voir arriver la cherté[24].

Cependant le traité De regimine principum, dont les deux premiers livres sont attribués à saint Thomas et adressés au roi de Chypre, contient de judicieuses remarques sur l’utilité du commerce, qui permet à un pays de se procurer les denrées qu’il n’a pas lui-même[25].

Partagé comme on était sur l’utilité productive du commerce, on ne devait pas en voir la liberté avec une grande faveur. Les entraves y étaient donc nombreuses ; et avec les progrès toujours croissants de l’absolutisme royal, on s’acheminait vers le système annonaire, c’est-à-dire vers la conception de l’État chargé d’assurer l’alimentation publique, en constituant des réserves de grains, en interdisant la sortie des céréales et en prohibant, sous le nom même d’accaparement, jusqu’aux réserves de blé que les particuliers se seraient faites dans leurs greniers. L’Italie entra la première dans la voie de ce système annonaire, et il devait régner en France depuis le milieu du XVIe siècle jusqu’aux formidables assauts que les physiocrates lui livrèrent et même jusqu’à la fin de la Révolution.

La sévérité que l’on montrait à l’égard du commerce eut parfois son contrecoup à l’égard des professions libérales. Au commencement du XIIIe siècle, par exemple, Robert de Courçon, archevêque de Paris, ne permettait pas aux avocats de vendre leurs consultations, c’est-à-dire de recevoir des honoraires. La même opinion réapparaît encore chez Nifo, au commencement du XVIe siècle[26].

Mais c’est en matière de prêt à intérêt que l’influence des idées économiques des théologiens fut la plus puissante et la plus durable, et nous nous arrêterons un peu plus longtemps sur ce sujet.

    Voir pour les doutes soulevés sur le commerce la Somme théologique de saint Thomas, IIa IIne, quaestio LXXVII, art. 4.
    « Qui ad hoc emit ut carius vendat ».

    indécision tenait en grande partie à l’extrême étatisme d’alors, les philosophes chrétiens ont été amenés, par leur individualisme même, à être des théoriciens fort ardents de la propriété privée… À partir de saint Thomas tout au moins, il ne peut plus y avoir de doute sur l’opposition qui est ici entre la fermeté des théologiens et l’imprécision relative de la pensée grecque » (Op. cit., pp. 200-201).

  1. « Pretium venalium non consideralur secundum gradum naturae cum quandoque pluris vendatur unus equus quam unus servus ; sed consideratur secundum quod res in usum hominis veniunt » (Summa theologica, IIa IIae, quoestio LXXVII, art. 2, ad tertium). — Voyez saint Augustin, De Civitate Dei, 1. XI, ch. xvi.
  2. Voyez plus haut, p. 17.
  3. Saint Thomas, Summa theologica, IIa IIae, quaestio LXXVII, passim.
  4. Buridan, recteur de l’Université de Paris, mort en 1328 : « Valor rei non debet attendi secundum dignitatem rei, sed solum secundum indigentiam humanam.,..Indigentia istius vel illius hominis non mensurat valorem, sed indigentia communitatis eorum qui inter se commutare votant » (Commentarii in Ethicam, 1. V, quæst. xv et xvi).
  5. Langenstein (1325-1397), vice-chancelier-de l’Université de Paris et un des fondateurs de l’Université de Vienne : « Quantitas indigentise communis in ordine ad multitudinem vel paucitatem rerum ».
  6. Rudolf Meyer, Der Kapitalismus fin-de-siècle, p.33 : « Die alten kirchlichen Schriftsteller führen unter den Momenten, welche auf den gerechten Preis bestimmend einwirken, die verschiedenartigsten Dinge auf. Irgends jedoch findet man unter diesen Dingen eine Entschædigung fur die Capitalnützung. Im allgemeinen bestimmt sich bei ihnen der Werth durch die Arbeit… Uberhaupt ist bei allen alten canonischen Schriftstellern die Arbeit die einzige Quelle der Werthe, neben der erst spseter bei— jüngeren theologischen Autoren noch der Boden eine secundære Bedeutung hat. » Malheureusement il n’est pas dans l’habitude de Meyer, ni des sophistes, de citer aucun texte que l’on puisse vérifier. —Voyez aussi op. cit., p. 31 : « À l’origine, ce que le cultivateur donne au propriétaire, n’est pas autre chose que l’impôt moderne. Ce n’est pas un revenu sans travail, qui découle du droit positif de propriété, ce n’est pas une rente foncière. » — Expliquez donc avec cela le colonat et la pensio. C’est bien là cependant une période assez ursprünglich !
  7. «  Chez saint Thomas — dit Brants, professeur à l’Université catholique de Louvain — le principe du juste prix est exprimé et commenté, mais il n’y a point de vraie analyse de la valeur. On peut bien y trouver épars quelques éléments, mais ce n’est pas un ensemble. On trouve les variations reconnues par la diversitas loci vel temporis ; les frais et travaux, labor ; la rareté des choses ; l’appréciation des choses, æstimatio, qui couvre le tout, mais sans préciser… C’est à tort, nous paraît-il, qu’on a voulu, avec les quelques textes du grand docteur, édifier une théorie se rapprochant d’un système moderne… Ce n’est que chez les auteurs du XIVe siècle que nous trouvons une théorie systématique de la valeur et du prix » (Théories économiques aux XIIIe et XIVe siècle, p. 69).
  8. Quelques chrétiens sociaux contemporains ont prêté à la théologie du moyen âge une théorie absolument stupéfiante, d’après laquelle elle aurait imaginé valeur et prix comme deux concepts n’ayant aucun point de contact l’un avec l’autre (Voyez la Valeur d’après saint Thomas d’Aquin, par M. l’abbé Hohoff, dans la Démocratie chrétienne de Lille, n° de septembre 1898). — Saint Thomas, à en croire M. l’abbé Hohoff, ferait une grande différence entre la valeur et le prix, (Op. cit., p. 266), « Saint Thomas, dit-il, est le premier à notre connaissance qui ait dit d’une manière claire et précise : « La quantité de valeur de tous les produits est en rapport d’égalité avec le travail et les dépenses des producteurs ; mais comme les frais de production se ramènent naturellement et en fin de compte au travail, il s’ensuit que celui-ci seul détermine la valeur » (Op. cit., p. 263). — La conséquence de cette théorie, c’est que, le prix étant déterminé par une commune estimation tandis que la valeur le serait uniquement par le travail, il y aurait divorce habituel, sinon continu, du prix et de la valeur. Dans l’opinion courante, prix et valeur d’échange sont en fonction l’un de l’autre, absolument comme le poids et la densité le sont dans la physique : avec Hohoff, ils seraient plutôt entre eux comme la couleur et la densité, qui n’influent pas l’une sur l’autre puisque le plomb et la cendre, l’or et la paille sont assez rapprochés de couleur entre eux malgré l’extrême différence de leurs densités. — Hohoff doit donc aboutir au pur marxisme, et il y arrive : « Le prétendu facteur naturel — la matière et les forces naturelles — ne peut pas, dit-il, être un élément de la valeur d’échange, dont le travail humain est l’unique source. La nature concourt sans doute à la production de la valeur d’usage matérielle, à la production de l’objet utile, du corps de la marchandise, mais non de la valeur de celle-ci, de sa valeur d’échange » (Op. cit., p. 280). Combien saint Thomas ne serait-il pas étonné de se voir travesti en un Karl Marx !
  9. Henri de Gand (1217-1293), archidiacre de Tournai : « Prout communiter venditur in foro ».
  10. Saint Thomas : « In unoquoque loco ad rectores civitatis pertinet determinare quae sint justae mensurae rerum venalium, pensatis conditionibus locorum et rerum » (Summa theologica, IIa IIae, quaestio LXXVII, art 2, ad secundum). — Sur la question du juste prix envisagé sous son aspect économique, voyez Ashley, An introduction to English economic history and theory, t. I, ch. iii, sect. xvi : « Aquinas on just price ». Nous verrons plus loin qu’Ashley appartient à l’école historique. — Voyez aussi Claudio Jannet, le Capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, pp. 232 et s.
  11. Gerson (1363-1429) ; chancelier de l’Université de Paris : « Justa lege potest institui pretium rerum venalium, ultra quod pretium non liceat venditori exigere, imo nec emptori dare » (De contractibus, prop. xviii).
  12. Biel, recteur de l’Université de Tübingen, mort en 1495. : « Cum pretium sit in cpmmutationibus tanquam médium adaequatorium, et difficile est medium illud invenire,… illud medium aceipere oportet prout sapiens determinabit : nullus autem sapientior censelur législature » (Collectorium sententiarum, quaestio ix). — Biel est l’auteur de Epitome seu collectorium circa Lombardi sententiarum libros (paru en 1501) et du traité De monetarum potestate et utilitate (1488).
  13. Voir nos Éléments d’économie politique, 2e édition, p. 558.
  14. Saint Antonin (1389-1455), archevêque de Florence : « Cum quis conducitur ad aliquod opus, si promittit sibi dare pecuniam, non debet illi dare victualia vel pannum vel alias res, nisi in quantum velit ipse conductus sua sponte… Quia talia communiter inventa sunt ad decipiendum et opprimendum pauperes, ideo inducendi sunt setarioli et retagliatores quod abstineant a talibus » (Summa theologica, tit. I, c. xvii, art. 7). Saint Antonin vise, non seulement le cas de dation en paiement, mais même le cas de paiement proprement dit et convenu d’avance.
  15. Corpus juris canonici, Décret. I, distinctio LXXXVIII, C. XII.
  16. « Qualitas lucri negotiantem aut excusât aut arguit, quia est honestus quæstus aut turpis » (Epistola ad Rusticum).
  17. Supra, pp. 17 et 18.
  18. Voyez cependant Dubois, Précis de l’histoire des doctrines économiques, 1.1, p. 87. « Notons, dit-il, la découverte de cette vérité : le commerce est productif de valeur ». — Saint Thomas reconnaît bien que le commerce peut, en certains cas, rendre service : mais est-il le premier à s’en être douté, et reconnaître ces services est-ce la même chose que proclamer la productivité ?
  19. Par exemple, un peu plus tard, saint Raymond de Pennafort (mort en 1328) n’admettait que le profit industriel, résultant d’une transformation par l’artisan (Summa theologica, I. II, t. VII, §5).
  20. M. l’abbé Hohoff (La Valeur d’après saint Thomas d’Aquin, déjà citée) : « C’est une erreur totale, dit-il, de s’imaginer que logiquement le droit de propriété implique le revenu d’un gain sans labeur » (Op. cit., p. 282). Nous y reviendrons dans un instant, à propos du mutuum au cas de crédit à la production.
  21. En ce sens Henri de Gand, De mercimonio et negotiationibus, qui admet, pour justifier l’écart des deux prix d’achat et de revente, des différences basées sur les changements de lieu, de temps et de conditions (cité par Jourdain, Mémoire à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1874). — Dans le même sens, Duns Scott (1274-1308) et François de Mayronis (mort en 1325). — Montesquieu rattache aux théories scolastiques la ruine du commerce au moyen âge. « Nous devons, a-t-il dit, aux spéculations des scolastiques tous les malheurs qui ont accompagné la destruction du commerce » (Esprit des lois, 1. XXI, ch. xx). Il y a erreur. C’étaient les malheurs des temps qui avaient ruiné le commerce après les invasions des Barbares et non pas même immédiatement après elles. Quant aux spéculations des scolastiques, elles ne sont venues que plusieurs siècles plus tard, et elles sont venues précisément au temps où le commerce se relevait, soit au sein des républiques italiennes, soit dans les cités commerçantes des Flandres et de l’Allemagne. Montesquieu, en haine de l’Église, a donc commis un anachronisme de plusieurs siècles. Ashley, beaucoup mieux documenté, est beaucoup plus judicieux sur les conséquences sociales que la défaveur du commerce peut avoir entraînées (Ashley, op. cit., 3e édition [anglaise], t. I, pp. 129-130).
  22. Il permet, cependant, à un marchand de blé de vendre actuellement et aux cours actuels sans informer les acheteurs que l’arrivée prochaine d’autres marchands va déterminer une baisse des prix ; mais, il ajoute : « Si tamen exponeret vel de pretio subtraheret, abundantioris esse virtutis, quamvis ad hoc non videatur teneri ex justitiae debito » (IIa IIae, quaestio LXXVII, art ; 3, ad quartum).
  23. L’Ayenbite of ImwytAiguillon de conscience — est un manuel de morale à l’usage des confesseurs, qui fut composé en France au XIIIe siècle et qui fut traduit en anglais en 1340 par un moine du comté de Kent, nommé Dan Michel.
  24. Ashley, op. cit., 3e édition (anglaise), t.1, p. 162.
  25. Op. cit., 1. II, ch. III.
  26. Voir sur ce sujet Brants, op. cit., p. 130. — Auguste Nifo, de Sienne, auteur d’un traité De divitiis, 1531.