Histoire du parlement/Édition Garnier/Chapitre 13

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CHAPITRE XIII.

DU PARLEMENT SOUS LOUIS XII.

Le règne de Louis XII ne produisit pas la moindre difficulté entre la cour et le parlement de Paris. Ce prince, en répudiant sa femme, fille de Louis XI, avec laquelle il avait habité vingt années, et en épousant Anne de Bretagne, ancien objet de ses inclinations, ne s’adressa point au parlement, quoiqu’il fût l’interprète et le modérateur des lois du royaume. Ce corps était composé de jurisconsultes séculiers et ecclésiastiques. Les pairs du royaume, représentant les anciens juges de toute la nation, y avaient séance ; il eût été naturel dans tous les États du monde qu’un roi, dans une pareille conjoncture, n’eût fait agir que le premier tribunal de son royaume ; mais le préjugé, plus fort que la législation et que l’intérêt des nations entières, avait dès longtemps accoutumé les princes de l’Europe à rendre les papes arbitres de leurs mariages et du secret de leur lit. On avait fait un point de religion de cette coutume bizarre par laquelle ni un particulier, ni un souverain, ne pouvait exclure une femme de son lit, et en recevoir une autre, sans la permission d’un pontife étranger.

Le pape Alexandre VI, souillé de débauches et de crimes, envoya en France ce fameux César Borgia, l’un de ses bâtards, et le plus méchant homme de la chrétienté, chargé d’une bulle qui cassait le mariage du roi avec Jeanne, fille de Louis XI, et lui permettait d’épouser Anne de Bretagne. Le parlement ne fit d’autre démarche que celle d’aller en corps, suivant l’usage, au-devant de César Borgia, légat a latere[1].

Louis XII donna la duché-pairie de Nevers à un étranger, à un seigneur de la maison de Clèves ; c’était le premier exemple qu’on en eût en France. Ni les pairs ni le parlement n’en murmurèrent. Et lorsque Henri II fit duc et pair un Montmorency, dont la maison valait bien celle de Clèves, il fallut vingt lettres de jussion pour faire enregistrer les lettres de ce duc de Montmorency. C’est qu’il n’y eut aucun levain de fermentation du temps de Louis XII, et que du temps de Henri II tous les ordres de l’État commençaient à être échauffés et aigris.


  1. Voyez la note, tome XI, page 362.