Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours/24

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CHAPITRE XXIV


Le mouvement janséniste pendant la Révolution. – Les Contre-Nouvelles ecclésiastiques de Jabineau. – Le rétablissement du culte ; pas de tentatives jansénistes. – Achat des ruines de Port-Royal. – Épanouissement de l’esprit de Port-Royal en France et en Italie.

Si l’on en croyait les principaux historiens de la Révolution française, le rôle du jansénisme en 1789 et depuis se réduirait à bien peu de chose. « Rien ne parait moins préoccuper les électeurs en 1789 que la question du jansénisme », dit M. l’abbé Sicard dans ses très remarquables études sur les Évêques avant la Révolution mais quelques lignes plus bas M. Sicard dit en propres termes : « Laissez la Constituante, une fois sortie des discussions orageuses qui marquent son début et du vote de ses grandes lois d’État, aborder la constitution civile du clergé, l’inspiration janséniste va présider à l’organisation de la nouvelle Église. Camus triomphera de Louis XIV ; le comité ecclésiastique vengera les cendres de Port-Royal, et les législateurs jansénistes qui ont tant parlé de rendre au clergé l’organisation de la primitive Église la ramèneront en effet au martyre[1]. » Ces deux affirmations de l’éminent historien semblent contradictoires, et quelques explications sont nécessaires. Il est certain que sauf deux cahiers du Tiers-État, l’un à Paris et l’autre à Auxerre, personne n’a réclamé la suppression du Formulaire, dont la signature était exigée rigoureusement dans le diocèse de Lyon par l’archevêque Marbœuf, successeur de Montazet en 1788. Partout ailleurs les anciennes querelles étaient manifestement assoupies. Faut-il donc admettre qu’elles se réveillèrent en 1790 ? Je crois pouvoir affirmer qu’il n’en fut rien, parce que la Constitution civile, élaborée par un comité de trente membres, libéraux, libres-penseurs ou gallicans, ne comptait pas quatre jansénistes dans son sein, et parce qu’elle a eu pour premier effet de diviser profondément la petite société janséniste. L’organe officiel du parti, son moniteur, si l’on peut s’exprimer ainsi, ce sont les Nouvelles ecclésiastiques, qui parurent sans interruption jusqu’en 1803, et c’est à cette feuille que l’historien doit recourir pour bien connaître l’état de la question. Or la lecture des Nouvelles ecclésiastiques fait voir avec évidence que le Formulaire et la Bulle Unigenitus ne sont pour rien dans ce qui constitue essentiellement la Révolution française.

Les Nouvelles ecclésiastiques ont été durant l’année 1789 ce qu’elles étaient depuis 1728, un journal de polémique religieuse, et on ne soupçonnerait pas en les lisant qu’il s’était passé au cours de cette année-là des événements tels que la transformation des États Généraux en Assemblée nationale, le Serment du jeu de paume, la prise de la Bastille et les journées d’Octobre. En

avril, le Nouvelliste attaquait vivement Voltaire ; en juin, il réprouvait les représentations théâtrales dans les collèges en juillet, il gémissait sur l’état lamentable du diocèse de Lyon où l’archevêque Marbœuf détruisait l’œuvre de Montazet. Le 25 septembre, il était longuement question d’un miracle opéré par l’intercession de Joseph Labre, un thaumaturge posthume comme le diacre Pâris. Enfin le dernier numéro contenait un grand éloge de du Tillet, évêque d’Orange, lequel proclamait les principes augustiniens sur la Grâce, et préconisait le silence, « un silence raisonnable » sur les questions controversées. Mais la situation changea à dater du 1er janvier 1790 ; les Nouvelles cessèrent d’être une publication clandestine et elles devinrent un journal hebdomadaire auquel on pouvait s’abonner chez un grand libraire de Paris[2]. Le discours initial de 1790, très différent de ceux qui l’avaient précédé, exaltait les bienfaits de la Révolution, « qui pouvait être aussi salutaire à l’Église qu’elle était nécessaire à l’État». Guénin de Saint-Marc, le rédacteur en chef, saluait l’apparition d’un ordre nouveau qui allait, disait-il, « remettre le clergé à sa place et le rappeler à sa vocation. » Il n’était même plus question de la Bulle, si ce n’est dans le titre du premier numéro. Les feuilles qui suivirent étaient consacrées exclusivement aux affaires religieuses jamais on n’y parlait des événements politiques, et la publication se poursuivit dans ces conditions jusqu’au 1er janvier 1794. On y trouve une foule d’indications très curieuses, mais je me contenterai d’en signaler un très petit nombre. Dans les numéros des 6 et 13 février 1790, le Nouvelliste a analysé une brochure singulière intitulée : Doléances des églisiers, soutaniers ou prêtres de paroisse de Paris (123 p. in 8°). Ce n’est pas du tout, comme on l’a cru. « le cahier de la secte janséniste, » car ces doléances, dont l’allure est parfois très vive, ont été adressées à l’Assemblée nationale dans les derniers jours de l’année 1789. Elles ont été utilisées par quelques-uns de nos contemporains, et on les a réimprimées plusieurs fois[3].

Le 15 et le 22 mai, les Nouvelles ecclésiastiques faisaient connaître à leurs lecteurs un ouvrage qui touchait à l’histoire du jansénisme, l’oraison funèbre de l’abbé de l’Epée par l’abbé Fauchet. Elle est bien curieuse, cette oraison funèbre prononcée le 23 février 1790, à Saint-Étienne-du-Mont, par le futur girondin Claude Fauchet, alors prédicateur du roi, avec la permission de l’archevêque de Paris, Juigné, à la prière de la commune de Paris et en présence des magistrats municipaux[4] et d’une députation de l’Assemblée nationale. Charles Michel de l’Épée, prêtre et avocat au Parlement, était mort à Paris le 23 décembre 1789. IL était franchement janséniste, appelant et réappelant, et Claude Fauchet ne se fit pas faute de le dire il insista sur ce fait que l’abbé de l’Épée devint prêtre grâce à l’évêque de Troyes, Bossuet, « qui accueillait avec empressement les hommes d’une piété sévère bannis des autres diocèses ». Il osa dire en chaire que Michel de l’Épée « entretenait des relations intimes avec le vénérable Soanen », et qu’il remit entre ses mains son acte d’appel de la Bulle Unigenitus. « Enfin, messieurs, ajoutait l’orateur, malgré sa foi vive à tous les dogmes catholiques et son ferme attachement à la doctrine des grands hommes de Port-Royal, M. l’abbé de l’Épée n’était ni un dévot ombrageux, ni un homme de parti. Nulle espèce de fanatisme n’avait accès dans son âme ». Mais, chose étrange, Fauchet, si nettement janséniste en cet endroit, prit aussitôt parti pour le fanatique Beaumont, « persécuté de la manière la plus inique pour avoir fait constamment ce qu’il regardait comme son devoir». Il blâma le recours aux tribunaux contre les refus de sacrements, et il représenta la Loi du silence de 1754 comme « un grand attentat contre la liberté de l’homme et du citoyen ». Le Nouvelliste n’a pas manqué de relever cette affirmation singulière, et il a cité les principaux passages de cet éloge, qu’il disait plein d’une éloquence noble et vraie, et contenant des beautés d’un ordre supérieur[5].

Le 24 juillet 1790 les Nouvelles ecclésiastiques publièrent un article relatif à la Constitution civile du clergé ; Guénin de Saint Marc, qui l’avait rédigé, approuvait sans réserve le rapport de Martineau, et il trouvait le plan du comité ecclésiastique « très judicieux, conforme à l’esprit de l’Église et aux principes essentiels de son gouvernement ». Cet article et ceux qui suivirent déplurent fort à un certain nombre de lecteurs, et le jansénisme français fut immédiatement divisé comme il l’avait été cinquante ans auparavant, au temps des convulsionnaires et des antisecouristes. Parmi les partisans de la Constitution civile du clergé se trouvaient des jansénistes de marque, tels que Louis Adrien Le Paige, Camus, Larrière, l’abbé Grégoire, Durand de Maillane ; au nombre de ses adversaires irréconciliables figuraient l’avocat Maultrot, l’abbé Jabineau, Vauvilliers, l’abbé Mey, Louis Silvy, les bénédictins Deforis et Coniac, et une infinité d’autres. L’ancien doctrinaire Jabineau, homme de beaucoup d’esprit et d’une imagination très vive, prit la tête du mouvement, et dès le 15 septembre 1791 il publia des Contre-Nouvelles ecclésiastiques analogues à certains égards à celles qu’avait fait paraître jadis le jésuite Patouillet. Imprimées dans le même format que les autres, elles paraissaient comme elles tous les huit jours, mais les numéros avaient en général quatre pages au lieu de huit. Ils étaient intitulés : Nouvelles Ecclésiastiques, ou Mémoires pour servir à l’histoire de la constitution prétendue civile du clergé. Le numéro du 15 septembre est une déclaration de guerre contre « une poignée de gens qui croient trouver un remède aux maux de l’Église dans le renversement de sa hiérarchie et de sa discipline. » Jabineau, qui ne se faisait pas connaître, voulait surtout, disait-il, « désavouer le téméraire Nouvelliste qui osait se couvrir du nom et des livrées des défenseurs de la Vérité pour la livrer à ses ennemis ». C’était bel et bien une guerre à mort de janséniste à janséniste. Les Contre-Nouvelles parurent ainsi jusqu’au 4 août 1792 ; c’est un ensemble d’environ quarante numéros dont quelques-uns, et notamment celui du 31 décembre 1791, sont des pamphlets d’une extrême violence. Le Nouvelliste répliqua dès le 22 novembre, avec modération d’abord, et la lutte, devenue très passionnée, ne cessa qu’à la mort de Jabineau, survenue en juillet 1792. Six mois plus tard, le 6 février 1793, les Nouvelles, qu’il avait si vivement combattues, lui consacraient une notice nécrologique et, après avoir rendu hommage à ses vertus et à ses talents, elles plaidaient en sa faveur les circonstances atténuantes elles disaient que s’il s’était jeté à corps perdu dans la contre-révolution, s’il s’était fait l’auxiliaire des ci-devant jésuites Feller et Barruel pour soutenir les aristocrates et les émigrés, il était assurément « plus fou que coupable », et il faisait beaucoup de mal sans s’en douter. Le spectacle de ces dissensions intestines est affligeant, mais du moins il prouve surabondamment que le jansénisme ne saurait être rendu responsable de la Constitution civile du clergé, la plus grande faute que l’Assemblée nationale ait commise.

Les Contre-Nouvelles de Jabineau ne survécurent pas à leur auteur et Guénin de Saint-Marc put continuer à publier les Nouvelles ecclésiastiques ; mais quand il vit la Convention s’attaquer au clergé constitutionnel et le persécuter avec fureur ; quand il vit les défaillances et les lâchetés d’un Gobel, d’un Torné, d’un Gay-Vernon et d’un Robert Lindet, il exprima. lui aussi son indignation et son dégoût, et le numéro du 25 décembre 1793, le dernier qui ait paru chez le libraire Le Clère, est d’une véhémence que Jabineau eût certainement approuvée. Le Nouvelliste y paraphrasait à propos de Manuel, condamné à mort par le tribunal révolutionnaire, le célèbre traité de Lactance sur la mort des persécuteurs, et, pour faire connaître les crimes de Manuel et de Pétion, il donnait sur la profanation des églises, sur leur fermeture et sur le culte de la Raison des détails d’une grande précision qui rendent ce numéro des Nouvelles ecclésiastiques bien précieux pour l’histoire. La Terreur ne lui aurait pas permis de récidiver ; il disparut donc de la scène politique ; et les Nouvelles ecclésiastiques de 1794 parurent après un intervalle de temps assez long. Elles furent publiées chez un libraire d’Utrecht nommé Schelling, et elles avaient pour rédacteur en chef un ecclésiastique très respectable, l’abbé Mouton, qui les fit paraître jusqu’à la fin de mai 1803[6]. Nous y retrouverons l’histoire du mouvement janséniste après la Terreur et sous le Consulat, et nous constaterons une une fois de plus que l’esprit de secte n’a rien eu à voir avec la restauration du catholicisme en France.

La Constitution civile du clergé, qui n’était pas née viable, fut emportée par le torrent révolutionnaire en novembre 1793, et lorsque le courageux Grégoire eut arraché à la Convention le décret du 21 février 1796 sur la liberté des cultes, ni lui, ni aucun des évêques constitutionnels qu’il s’était associés ne songea à la faire revivre. Il ne pouvait pas être question de revenir en arrière, de demander pardon au pape et de rappeler ceux des anciens évêques qui n’étaient ni morts, ni abdicataires, ni émigrés ; les grands chrétiens qui avaient à cœur de rendre à la France la religion de Bossuet crurent qu’il serait possible de faire appel à tous les prêtres de bonne volonté, jureurs ou non jureurs, pourvu qu’ils acceptassent franchement le régime que s’était donné la France républicaine.

Au lendemain de la Terreur et jusqu’au Concordat, la situation devint très nette ; il n’y eut plus ni constitutionnels ni anticonstitutionnels ; il y eut deux clergés : celui qui acceptait sans arrière-pensée le régime républicain, et celui qui refusait de l’admettre, le clergé patriote et le clergé royaliste. Tous deux professaient également le gallicanisme ; quant au jansénisme il n’entrait pas en ligne de compte, officiellement du moins. Il y a sans doute quelques prélats constitutionnels qui auraient pu trouver place dans un supplément au Petit Nécrologe de Cerveau, et voici leurs noms : Grégoire, Saurine, Debertier et Constant, qui tous deux moururent appelants de la Bulle Unigenitus, Molinier, Monin, qui correspondait avec l’Église de Hollande, Le Blant de Beaulieu, qui passa de la cure de Saint-Étienne-du-Mont au siège de Rouen, et enfin Clément, évêque de Seine-et-Oise. En dehors de ces sept ou huit évêques, on n’en trouverait pas d’autres. La presque unanimité de l’épiscopat ne partageait pas leurs sentiments. Ainsi l’évêque de Toulouse, Hyacinthe Sermet, écrivait à Grégoire le 10 avril 1797 : « Je ne suis ni moliniste, ni janséniste, mais, Dieu merci, chrétien et très zélé catholique, apostolique et romain, si toutefois, par ce mot de romain on entend un homme uni sincèrement au Saint-Siège et plein de respect pour le chef de l’Église, sans être néanmoins l’apologiste de toutes les prérogatives qu’il s’est arrogées et que le clergé de France a toujours contestées, encore moins des prétentions de la Cour de Rome[7]. » Dufraisse, évêque du Cher, était un ancien Jésuite qui ne reniait pas ses confrères, mais qui se contentait de déclarer qu’il n’avait jamais été moliniste ni bannésien[8]. L’évêque du Jura, le savant Moïse, appelait les jansénistes « des hommes dangereux qui réunissent presque tous les vices des jésuites sans en avoir les talents[9] ». Demandre , qui fut élu en 1798 évêque de Besançon, était encore plus dur pour les jansénistes : « Ils ne voudraient, disait-il, d’éloges que pour eux et leurs amis. Il y a longtemps que je connais ces messieurs, ils ont toujours la charité sur les lèvres et le fiel toujours dans le cœur. » Claude Lecoz, qui présida les deux conciles de 1797 et de 1801, était fortement entaché de molinisme, et enfin l’évêque de l’Ain, Royer, qui fut élu évêque de Paris en 1798, se vit réprimander vertement par le doctrinaire Minard, parce qu’il avait prêché en véritable jésuite, à Saint-Médard, à Notre-Dame et ailleurs au sujet de la fréquente communion. « Tout votre discours, lui disait-il en propres termes, n’a été qu’un réchauffé du livre du P. Pichon. Que pouviez-vous tirer d’une source aussi impure ? On n’ignorait point qu’élevé dans les écoles des Sulpiciens et des Jésuites, ce vieux fantôme du jansénisme vous inspirait une terreur panique ; que vous étiez en garde, en défiance contre ceux qu’il vous arrivait quelquefois de désigner sous le nom de gens de parti. …Cependant on aimait à se flatter que vos préjugés tomberaient peu à peu… Depuis ces dernières années vous aviez été à portée de voir de plus près ces hommes de parti prétendu, de conférer avec eux, de les entendre s’expliquer sur tous les points du dogme catholique. En aviez-vous trouvé un seul dont la foi ne fût pas celle de l’Église ? Il y a lieu de présumer que non, puisque vous fraternisiez avec eux, et que vous leur témoigniez même quelque estime. Mais voilà que tout à coup, sans y être aucunement provoqué, dans un discours public, vous. les accusez, avec une violence extrême, d’en vouloir à la fréquente communion, et vous les traitez en conséquence d’ennemis de Jésus-Christ. L’imputation est on ne peut plus grave ; heureusement elle est d’une fausseté on ne peut plus évidente[10]… » Ce n’était de la part du P. Minard, un vieillard qui mourut l’année suivante (en avril 1798), que l’application du principe de la correction fraternelle, et il ne publia pas sa mercuriale. Des laïques moins discrets poussèrent les choses plus loin, car ils s’efforcèrent d’empêcher Royer, le prédicateur du pichonisme et l’ennemi de la grâce, de monter sur le siège épiscopal de Paris. Ils avaient fait, disait le signataire de leur réclamation[11], « des neuvaines au tombeau du bienheureux diacre [Pâris] », et ils disaient que si l’on persistait à nommer Royer, « le tombeau du bienheureux diacre s’ouvrirait pour reprocher à leurs respectables pères Bailliet et Beaulieu leur infidélité à la grâce et leur refroidissement à la défendre ». Royer n’en fut pas moins élu les jansénistes qui composaient en grande majorité le Presbytère de Paris, et à leur tête Augustin Bailliet, curé de Saint-Médard et Le Blant de Beaulieu, curé de Saint-Étienne du Mont, vécurent en très bonne intelligence avec lui.

C’était d’ailleurs le principe qu’avaient fait prévaloir, au lendemain de la Terreur, les évêques réunis et Grégoire leur chef. Grégoire était assurément port-royaliste ou, si l’on veut, janséniste, mais sans doute à la manière de Rastignac, de Fitzjames et de Montazet. Il était né en 1750 et avait été ordonné prêtre aux environs de 1775, dans le diocèse de Toul ; et je ne vois pas qu’il ait, comme l’abbé de l’Épée et comme Jabineau, refusé de signer le Formulaire et d’accepter la Bulle Unigenitus. Il était foncièrement tolérant, il a eu pour amis intimes des protestants et des juifs : nous le verrons faire preuve d’un certain éclectisme. J’ai compulsé avec grand soin les archives de l’Église constitutionnelle qui étaient sa propriété et qu’il a sauvées de la destruction, les registres originaux des deux conciles de 1797 et de 1801, ainsi que les brouillons de leurs procès-verbaux, les registres du Presbytère de Paris et de la cultuelle de Notre-Dame, les innombrables brochures qu’il avait classées, et enfin les quinze ou vingt mille lettres qu’il avait conservées, et je puis affirmer sans crainte d’être démenti que le jansénisme n’a joué aucun rôle dans l’œuvre de la reconstitution du catholicisme par les évêques réunis et par leurs collaborateurs. Leur première Encyclique, datée du 15 mars 1795, débutait par une profession de foi qui ne donne pas la moindre prise à la critique ; la voici :

« Nous croyons que l’Église est l’assemblée des fidèles qui, sous la conduite des pasteurs légitimes, dans la profession d’une même foi et la participation aux mêmes sacrements, forment un même corps dont Jésus-Christ est le chef invisible, et le pape le chef visible.

« Nous croyons de cœur et d’esprit tout ce que croit et enseigne l’Église catholique, apostolique et romaine.

« Nous professons sa doctrine telle qu’elle a été définie par les conciles œcuméniques.

« Nous adoptons l’exposition de la doctrine de l’Église catholique par Bossuet. »

Les ultramontains pouvaient n’être pas satisfaits de cette dernière déclaration ; mais ils étaient si peu nombreux en 1795 !

Dans la seconde Encyclique, datée du 13 décembre de cette même année, Grégoire a introduit un chapitre d’histoire religieuse assez curieux. Il y a mis au rang des martyrs l’archevêque d’Arles, massacré aux Carmes, le 2 septembre 1792, l’abbé de Fénelon, et « les vertueuses Carmélites de Compiègne » et les « charitables Hospitalières de Cambrai ». Il y a parlé de Port-Royal et des Jésuites et voici en quels termes ; on comprend que le rédacteur des Nouvelles ecclésiastiques ait transcrit ce passage en faisant quelques réserves :

« Si nous arrêtons nos regards sur le dernier siècle, quel éclat n’a pas jeté l’Église gallicane ! Une société de solitaires illustres et pénitents qui comptait parmi ses membres Arnauld, Nicole, Hamon, Lancelot et Pascal, ne cessa, jusqu’au moment où elle succomba sous les coups de ses rivaux, d’enrichir la religion et la science d’ouvrages qui ne vieillissent point. Les pierres de son asile détruit rejaillirent ensuite sur une société non moins célèbre dans les fastes du christianisme et de la littérature, qui avait donné au monde François-Xavier, Kirker[12], Bourdaloue, etc., qui était une pépinière de savants instituteurs et de missionnaires zélés[13]. » Même discrétion, même réserve dans les documents relatifs aux deux conciles de 1797 et de 1801. Le petit volume publié à l’Imprimerie-librairie chrétienne (an de J.-C. 1798 – an 6 de la Rép.) et contenant les canons et décrets du concile de 1797 a été jugé inattaquable il a été impossible d’y trouver la moindre trace d’une préoccupation janséniste.

Peut-être n’en dirait-on pas autant au sujet d’une publication des évêques constitutionnels qui parut de 1795 à 1803 et qui a pour titre : Annales de la Religion, ou Mémoires pour servir à l’histoire du XVIIIe siècle, par une société d’amis de la Religion et de la Patrie[14]. En tête du premier numéro (2 mai 1795) se trouve un discours analogue à ceux que les Nouvelles ecclésiastiques publiaient tous les ans depuis 1728, et son auteur était précisément Guénin de Saint-Marc, le rédacteur en chef des Nouvelles ecclésiastiques jusqu’à la fin de 1793. Ce fougueux écrivain mit sa plume au service de Grégoire et de Desbois de Rochefort, les fondateurs des Annales, et on retrouve jusque dans le 18e volume des articles nécrologiques et des dissertations qui semblent bien devoir lui être attribués. Parmi les rédacteurs se trouvaient des écrivains notoirement jansénistes, et ce fut une source de difficultés. Le futur président des deux conciles, Claude Lecoz s’en plaignait à Grégoire[15], et d’autre part il résulte de lettres manuscrites très curieuses que l’on reprochait à ce même Grégoire de « s’unir aux ennemis de saint Augustin ». Comme il avait pris pour épigraphe des Annales : In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas, il fit de louables efforts pour tenir la balance égale, et grâce à l’aménité de son caractère, il y parvint on ne vit pas se renouveler la lutte fâcheuse de Jabineau contre les Nouvelles ecclésiastiques. Grégoire s’est montré dans ces circonstances délicates et jusqu’à la conclusion du Concordat tel que David l’a représenté dans le Serment du Jeu de Paume, le conciliateur qui amenait le pasteur Rabaud et le chartreux dom Gerle à se donner sans arrière-pensée l’accolade fraternelle.

Au-dessus de toutes ces divergences d’opinions planait le souvenir de Port-Royal, et les ruines de la célèbre abbaye, qui étaient un lieu de pèlerinage très fréquenté, avaient été achetées comme bien national dès le début de la Révolution. Voici l’acte de vente dressé le 15 novembre chez le notaire Pérignon :

« Par devant les notaires à Paris soussignés fut présent Maître Sébastien Louis Rendu, ancien notaire à Paris, y demeurant rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch.

« Lequel, pour réaliser les conventions verbales

ci-après, a par ces présentes vendu avec toute garanties à dame Marie-Françoise Humery de la Boissière du Plémont, veuve de M. Antoine Desprez, maître des requêtes de la reine, demeurante rue des Capucines, paroisse Saint-Roch, à ce présente et acceptante, acquéreure (sic) pour elle et pour ses ayants cause, l’emplacement de l’ancienne abbaye de Port-Royal des Champs, consistant en une ferme, moulin à eau, étang, terres labourables, prés et bois, dont partie est louée à divers particuliers, et une partie sans bail au sieur Mayeux et au garde des bois de ladite abbaye ; le tout décrit et détaillé dans le procès-verbal d’adjudication. faite au dit maître Rendu par le directoire du district de Versailles du 3 mars dernier, sous le nom du sieur J.-B. Théodore Susleau, qui lui en a passé sa déclaration le même jour au bas dudit procès-verbal d’adjudication faite moyennant le prix et aux charges, clauses et conditions y portées.

« Sur lequel prix ledit maître Rendu déclare avoir payé vingt mille livres suivant la quittance du trésorier de l’extraordinaire du 18 dudit mois de mars.

« Pour par ladite dame Desprez jouir et disposer desdits biens en toute propriété comme de chose à elle appartenante, à commencer la jouissance et recevoir les fermages par l’année échue à la Saint-Martin dernière.

« Et a le dit maître Rendu présentement remis à ladite dame Desprez expédition de ladite adjudication, et l’a mise et subrogée en son lieu et place, droits et actions, et lui a aussi remis ladite quittance de vingt mille livres.

« Cette vente faite moyennant soixante-dix mille deux cents livres, que ladite dame promet et s’oblige à payer, si fait n’a, à la décharge dudit maître Rendu pour le restant du prix de ladite adjudication avec les intérêts de ladite somme seulement.

« Fait et passé à Paris, ès études, l’an 1791, le 15 novembre, et ont signé la minute des présentes… »

Ainsi le domaine de Port-Royal des Champs, ou, comme disait l’administration, l’emplacement de l’ancienne abbaye, avait été mis en vente comme bien national le 11 février 1791. La mise à prix servant de base aux enchères était de 36.476 livres, et une adjudication provisoire avait donné comme acquéreur un sieur Leleu, qui en offrait 50.000 livres. L’adjudication définitive eut lieu le 3 mars, et elle fut assez mouvementée, car il fallut recourir à l’extinction de vingt-quatre feux successifs. Les sieurs Leleu, de Versailles, Riqbour, Cornu, Vaillant et Susleau, maître maçon résidant à Paris, mirent enchères sur enchères, et au vingt-quatrième feu Susleau fut déclaré adjudicataire moyennant 90,200 francs. Leleu s’était arrêté à 90.000. Susleau était le mandataire de Sébastien Rendu, et ce dernier agissait au nom de Mme Desprez. L’ancien notaire, grand’père d’Ambroise Rendu, était le chef d’une famille dont les membres étaient alors et furent dans la première moitié du dix-neuvième siècle des port-royalistes très fervents. Quant à Mme Desprez, veuve d’un maître des requêtes de la reine[16], j’incline à penser qu’elle était par son mari de la lignée des libraires de ce nom qui avaient publié jadis les Pensées de Pascal, et les ouvrages de Nicole et qui étaient riches et notoirement jansénistes. Mme Desprez ne s’en tint pas à cette première acquisition ; elle acheta le 1er août 1793 de vastes terrains provenant de l’ordre de Malte, commanderie de la Brosse, et elle les paya 82.000 francs. En 1798 enfin, elle acheta à Saint-Lambert l’ancien presbytère et quelques autres immeubles qui lui coûtèrent 61.900 francs. C’est à dater de ce moment qu’elle habita à Saint-Lambert, la maison de Le Nain de Tillemont, le pensionnat actuel. En 1797 elle avait loué Port-Royal au fermier Barat, qui payait son loyer partie en numéraire et partie en comestibles et denrées[17].

Le monastère de Paris ne fut pas mis en vente comme bien national, et l’on sait qu’il fut transformé en prison sous le nom de Port-Libre avant d’être affecté au service des enfants trouvés et des femmes en couches. Les amis de Port-Royal trouvèrent moyen d’y faire, en 1792, une ample moisson de souvenirs et d’objets d’art. Jean-Philippe-Gaspard Carnet de la Bonnardière, le citoyen Carnet au temps de la Révolution, et ensuite M. le baron de la Bonnardière, était alors membre de la commission des hospices ; il se joignit à son beau-père Laideguive, et ils achetèrent ensemble, je ne saurais dire dans quelles conditions, les anciens portraits qui provenaient de Port-Royal des Champs. On les avait relégués dans le grenier, parce que le couvent de Paris était au xviiie siècle la citadelle du molinisme ; seuls les deux tableaux de Philippe de Champaigne représentant la Cène et les Religieuses étaient exposés dans l’église et dans le chapitre. Ils furent retenus par le gouvernement et transportés au musée des monuments français. Les autres devinrent la propriété de Camet de la Bonnardière, et c’est ainsi que ces toiles sont aujourd’hui dans l’église de Linas ou chez des particuliers. Ainsi reparurent au jour des chefs-d’œuvre de Philippe de Champaigne que le fanatisme avait cachés à tous les yeux durant quatre-vingts ans. On voit par là que Port-Royal commençait à revivre, et qu’il comptait des amis dans les hautes classes de la société française, dans la magistrature, dans le clergé, parmi les érudits et les savants, et enfin dans le commerce et dans l’industrie. Les port-royalistes étaient nombreux dans cette intéressante Société de philosophie chrétienne dont Grégoire a été le fondateur en 1797[18]. Ils faisaient chaque année, sans doute au mois d’octobre, un pèlerinage à Port-Royal des Champs, et ils venaient prier au milieu des décombres que recouvraient alors les épines et les ronces. Quelques-uns d’entre eux, et notamment les évêques Saurine, Debertier, Clément et Grégoire, étaient reçus à Saint-Lambert chez Mme Desprez, durant la belle saison, et c’est ainsi que Grégoire a publié dans les Annales de la Religion[19] la première édition de ses Ruines de Port-Royal. Cet opuscule, écrit à la manière du temps par un mauvais élève de Jean-Jacques Rousseau, fut immédiatement analysé et transcrit en partie par les Nouvelles ecclésiastiques (no du 20 juin 1801) et le Nouvelliste n’accepta pas sans réserves tous les jugements de l’auteur. Il crut même devoir protester contre Grégoire qui, pour faire preuve d’impartialité, disait que les livres de Port-Royal n’étaient pas toujours écrits sous la dictée de la charité, et qui estimait que Saint-Cyran avait été « trop censuré par les uns et beaucoup trop vanté par les autres ». Le compte-rendu analytique finit par cette phrase significative : « Un léger vernis d’impartialité à la mode qu’on peut reprocher à cette production estimable, n’empêchera pas qu’on ne voie dans l’auteur un ami sincère de Port-Royal pleurant sur ses ruines pour en recueillir et en propager l’esprit. »

Propager l’esprit de Port-Royal, c’est ce que cherchaient à faire ses admirateurs et ses disciples et leurs efforts étaient couronnés de succès en France et à l’étranger. Sous le pontificat de Benoît XIV et depuis, les doctrines augustiniennes reprenaient faveur dans toute l’Europe catholique, et notamment en Portugal, en Espagne, en Autriche, en Hongrie et surtout en Italie. En 1774, les éditeurs d’Arnauld, Dupac de Bellegarde et Hautefage, firent entrer de France en Allemagne pour trois millions de bons livres ; Picot va jusqu’à dire qu’il y en eut pour dix millions ; et si l’on compulse les Nouvelles ecclésiastiques de 1789 à 1803, on est tout étonné de voir la vogue prodigieuse dont jouissaient les livres réputés jansénistes. En 1794, l’archevêque de Florence publiait aux frais du grand duc de Toscane le célèbre catéchisme de Montpellier, chef-d’œuvre de l’oratorien Pouget ; à Naples, on imprimait en italien et en français le non moins célèbre catéchisme de Gourlin. On traduisait à Venise, à Turin, à Rome, partout enfin, les Lettres spirituelles de Duguet, les œuvres de Nicole, l’Histoire ecclésiastique de Bonaventure Racine, et les ouvrages plus récents de Rastignac, de Mésenguy et de Montazet. Le 9 avril 1797 paraissait sous la rubrique de Pavie un article très curieux sur la prétendue alliance des Jansénistes et des Philosophes ; on y combattait vigoureusement le molinisme et on exaltait les doctrines augustiniennes. L’étude des Nouvelles ecclésiastiques serait à recommander aux savants italiens qui voudraient bien connaître le renouvellement du catholicisme en Italie au temps de Scipion de Ricci, de Thomas Vignoli, de Tamburini, de Molinelli et d’Eustache Dégola, ce prêtre génois qui assista au concile de 1801, et que nous retrouverons sous l’Empire à propos de Manzoni et du premier centenaire de la destruction de Port-Royal.

La publication des Ruines de Port-Royal par Grégoire correspondait à un mouvement de l’opinion publique très prononcé en faveur du prétendu jansénisme, et Bonaparte négociateur du Concordat aurait pu en tenir compte. Il y avait des jansénistes dans son entourage immédiat, notamment Portalis et Locré, secrétaire général du Conseil d’État[20]. Ni ceux-là, ni les canonistes Maultrot, Camus, Agier, ni leur maître à tous, l’octogénaire Adrien Le Paige ne l’auraient poussé à refaire, en le modifiant légèrement, le concordat simoniaque de 1515. « J’ai eu occasion, disait Brugière de Barante le 23 janvier 1801[21], de voir M. Le Paige. Il est d’avis qu’on s’oppose fortement à toute espèce de concordat avec le pape, et que dans la circonstance présente on imite la sage et louable conduite de l’Église d’Afrique, et qu’on prenne tous les moyens de ne pas se laisser subjuguer. » Le premier Consul se proclama le restaurateur d’un culte qui s’était reconstitué sans lui, et le gallicanisme tapageur des articles organiques n’empêcha pas le Concordat, qui certes n’a rien de janséniste, d’être en définitive, ce que Port-Royal n’aurait jamais admis, le triomphe des théories ultramontaines. Napoléon à Sainte-Hélène n’avait pas tort de déclarer que c’était la plus grande faute de sa vie.



  1. L’Ancien Clergé de France. Les évêques avant la Révolution, p. 421. En 1842, dans une lettre pastorale du 18 mars en faveur de l’Église d’Espagne, l’archevêque de Paris, Affre, disait en propres termes : « Il y a un demi-siècle, les disciples de Port-Royal, bien dégénérés à la vérité, donnèrent la main à des athées et à des déistes et, tous ensemble, ils travaillèrent à former une église constitutionnelle, de laquelle ils n’attendaient d’autre service que la destruction de l’unité catholique. »
  2. Chez Le Clère, rue Saint-Martin.
  3. Cf. Chassin. Les élections et les cahiers de Paris en 1789, t. II, p. 91. — Léon Séché : Les derniers jansénistes, tome I, p. 170 et 275.
  4. Imprimé par ordre de l’assemblée générale des représentants de la commune, 51 p. in-8o.
  5. Fauchet insinuait que l’abbé de l’Épée voyait avec indifférence les miracles du diacre Pâris ; le Nouvelliste le réfuta victorieusement en citant textuellement (p. 80) son testament spirituel de 1744.
  6. Guénin de Saint-Marc revint à Paris après la Terreur ; il travailla aux grandes publications des évêques réunis et de la Société de philosophie chrétienne.
  7. Lettre autographe, transcrite par M. Pisani, Répertoire de l’épiscopat constitutionnel, p. 366.
  8. Lettre autographe ; ibid.
  9. Cf. A .Gazier, Études sur l’histoire religieuse de la Révolution, f. 271.
  10. Ms. autographe conservé dans les papiers du presbytère de Paris, qui avaient été remis à Grégoire.
  11. Un nommé Aubert. Lettre autographe conservée dans les archives de Grégoire. Le citoyen Aubert proposait de substituer Saurine à Royer.
  12. Kirker, on mieux Kircher (Athanase), était un savant universel (1602-1680). Le pédantisme de Grégoire s’est toujours complu à citer ainsi d’illustres inconnus.
  13. Ici, le Nouvelliste, visiblement agacé, a ajouté qu’on devait aussi à la Société jésuitique « le Molinisme, le Probabilisme, les Casuistes et la morale relâchée, le Formulaire, la Bulle Unigenitus, l’imposture du prétendu jansénisme, avec laquelle elle a tout bouleversé dans l’Église et préparé la ruine de la religion en France », etc., etc.
  14. 18 volumes in-8o, publiés d’abord chez Leclère, ancien éditeur des Nouvelles ecclésiastiques, ensuite à l’Imprimerie-librairie chrétienne, rue Saint-Jacques, et finalement rue des Bernardins. Imprimées à 1.800 exemplaires, les Annales sont de toute rareté. J’ai connu un historien du Concordat qui les a fait rechercher inutilement en librairie pendant vingt ans.
  15. Lettre autographe du 27 avril 1797 : « J’ai vu, avec peine, au numéro 22 des Annales, ce qu’on y dit du Jansénisme et du Quesnellisme. Hélas ! n’avons-nous pas assez d’affaires sur les bras ? D’ailleurs peut-on soutenir que ces erreurs ne font rien à la foi ? J’en dis autant de la dévotion au Sacré-Cœur, que l’on semble ridiculiser. L’Église sans doute peut s’en passer. Mais cette dévotion n’a rien qui blesse la morale ou la doctrine catholique. Que les jésuites en soient les instituteurs et les jansénistes les détracteurs, laissons-les disputer. Et bornons-nous à tout ce qui peut accélérer en France cette paix religieuse qui en est depuis si longtemps bannie, et qui m’y fut jamais plus nécessaire à l’Église et à l’État. « Vous pourriez, mon respectable frère, vous devriez peut-être donner à ce sujet quelques conseils à notre bon Pilat. Incidimus per ignes suppositos cineri doloso ». L’article incriminé (tome IV, p. 509) était une citation textuelle d’un traité latin de la Tolérance ecclésiastique et civile, ouvrage d’un évêque allemand nommé Trautmansdorff, traduit par le citoyen Poan Saint-Simon.
  16. Il est mentionné dans l’almanach royal de 1789 ; il était entré en fonctions en 1756. Voici ce que Grégoire disait en 1801 de Mme Desprez : « On trouve dans sa bibliothèque les ouvrages, dans son esprit les principes, dans son cœur les sentiments, dans sa conduite, les vertus de Port-Royal. » — Les ruines de Port-Royal, p. 12.
  17. Le détail de ces comestibles et denrées est intéressant pour l’histoire économique :

    48 quintaux de farine à raison de 15 livres le quintal.
    24 setiers d’avoine, à 15 livres le setier ;
    1 setier d’orge à 12 livres ;
    400 bottes de foin à 30 livres le cent.
    1.000 bottes de paille à 15 livres le cent.
    Le voiturage à Paris de 12 cordes de bois à raison de 24 livres la corde.
    3.000 œufs à 40 livres le millier.
    300 livres de beurre à 20 sols la livre.
    24 poulets bons et marchands, moyennant 24 livres.
    6 dindes, bonnes et marchandes à raison de 3 livres l’une ;
    12 canes et canards à raison de 30 sols la pièce ;
    12 chapons, moyennant 9 francs.

    Acte passé à Chevreuse, chez le notaire Cornillet, le 6 floréal, an V.
    (25 avril 1797).

  18. Cf. A. Gazier, Études sur l’histoire religieuse de la Révolution française, p. 282 et suiv.
  19. Numéro de mai 1801 ; tome XIII, p. 49. Publies aussitôt sous forme de brochure, 40 p. in-8o, Les ruines de Port-Royal ne paraissent pas avoir été mises dans le commerce.
  20. Bonaparte mit son jeune frère Jérome en pension chez M. Savouré ; c’était une institution notoirement janséniste.
  21. Lettre autographe adressée à Grégoire, qui fut, comme l’on sait, consulté par le Premier Consul.