Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre III/Chapitre 6

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VI. Décadence des Anglois aux Indes.

Les Anglois pourſuivis dans tous les marchés par un ennemi puiſſant, acharné ſans ceſſe à leur ruine, ſuccomboient par-tout. Leur chute fut accélérée, par les diſſenſions civiles & religieuſes qui inondoient de ſang leur patrie, qui étouffoient tous les ſentimens, toutes les lumières. De plus grands intérêts firent totalement oublier les Indes ; & la compagnie opprimée, découragée, n’étoit plus rien à la mort inſtructive & terrible de Charles I.

Cromwel, irrité que les Hollandois euſſent été favorables aux malheureux Stuarts, & donnâſſent un aſyle aux Anglois qu’il avoit proſcrits ; indigné que la république des Provinces-Unies affectât l’empire des mers ; fier de ſes ſuccès ; ſentant ſes forces & celles de la nation à laquelle il commandoit, voulut la faire reſpecter & ſe venger. Il déclara la guerre à la Hollande.

De toutes les guerres maritimes dont l’hiſtoire a conſervé le ſouvenir, c’eſt la plus ſavante ; la plus illuſtre, par la capacité des chefs & le courage des matelots ; la plus féconde en combats opiniâtres & meurtriers.

Les Anglois eurent l’avantage, & ils le durent à la grandeur de leurs vaiſſeaux, que l’Europe a imitée depuis.

Le protecteur, qui donna la loi, ne fit pas pour les Indes tout ce qu’il pouvoit. Il ſe contenta d’y aſſurer le commerce Anglois, de faire déſavouer le maſſacre d’Amboine ; & de preſcrire des dédommagemens pour les deſcendans des malheureuſes victimes de cette action horrible. On ne fit nulle mention, dans le traité, des forts que les Hollandois avoient enlevés à la nation dans l’iſle de Java, & dans pluſieurs des Moluques. À la vérité, la reſtitution de l’iſle de Pouleron fut ſtipulée ; mais les arbres à épiceries y furent tous arrachés, avant qu’elle repaſſât ſous les loix de ſes anciens maîtres. Comme ſon ſol lui reſtoit cependant toujours, & qu’avec le tems, il pouvoit mettre obſtacle au monopole que la Hollande vouloit exercer, on la conquit de nouveau en 1666 ; & les inſtances de la France ne réuſſirent pas à en arracher le ſacrifice à la république.