Histoires (Grégoire de Tours)/Préface

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Préface de Grégoire de Tours
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PRÉFACE
DE GRÉGOIRE DE TOURS


La culture des lettres et des sciences libérales dépérissant, périssant même dans les cités de la Gaule ; au Milieu des bonnes et des mauvaises actions qui y étaient commises, pendant que les barbares se livraient à leur férocité et les rois à leur fureur ; que l’Église était attaquée par les hérétiques et défendue par les catholiques ; que la foi chrétienne, fervente dans la plupart des cœurs, était, dans quelques autres, tiède et languissante ; que les Églises étaient tour à tour enrichies par les hommes pieux et dépouillées par les infidèles ; il ne s’est rencontré aucun grammairien, habile dans l’art de la dialectique, qui ait entrepris de décrire ces choses soit en prose, soit en vers. Aussi beaucoup d’hommes gémissaient disant : « Malheur à nos jours ! l’étude des lettres périt parmi nous, et on ne trouve personne qui puisse raconter dans ses écrits les faits d’à présent. » Voyant cela, j’ai jugé à propos de conserver, bien qu’en un langage inculte, la mémoire des choses passées, afin qu’elles arrivent à la connaissance des hommes à venir. Je n’ai pu taire ni les querelles des méchans ni la vie des gens de bien. J’ai été surtout excité par ce que j’ai souvent entendu dire à mes contemporains, que peu d’hommes comprennent un rhéteur philosophe, tandis que la parole d’un homme simple et sans art se fait entendre d’un grand nombre. Il m’a plu aussi de commencer ce livre par le calcul des années qui se sont écoulées depuis l’origine du monde ; c’est pourquoi j’ai ajouté les chapitres suivans.