Histoires poétiques (RDDM)/L’Arbre du nord

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Histoires poétiques (RDDM)
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 2 (p. 411-412).
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III.

l’arbre du nord.

Des bois de Lan-Veur 1855.

I.

Ô chêne, tu couvrais notre terre sacrée,
Mais, symbole de sa durée,
L’Avarice te hait : Meurs, roi de la contrée !

Tu veux mille ans et plus, dans ton paisible orgueil,
Pour former les nœuds durs où la hache s’émousse :
L’arbre frêle du Nord plus rapidement pousse.
Chaque avril, un marchand le mesure de l’œil,

Aux fêtes à venir, s’il reste encor des fêtes,
Où trouver, guerriers et poètes.
Le feuillage élégant qui doit ceindre vos têtes ?

Partout le noir sapin aura jeté son deuil ;
Sous cet ombrage froid, plus de fleurs, plus de mousse,
Plus de nid amoureux d’où sort une voix douce,
Mais le murmure sourd de l’arbre du cercueil.


II.



— Je suis triste, il est vrai, mon murmure l’annonce ;
Mais écoute, hélas! ma réponse,
Tant je saigne des coups que ta colère enfonce !

Arbre plaintif du Nord, de mon flanc déchiré,
J’épancherai pour toi la résine odorante.
Qui pourra dans la nuit guider ta course errante,
Par qui sera le chaume en novembre éclairé.

Le sapin reste vert quand le chêne est sans feuille ;
À l’heure où la muse t’accueille,
Sous mes rameaux houleux le penseur se recueille.

Je suis l’arbre pieux. L’être le plus aimé
Laisse bien peu de jours sa mémoire vivante ;
Moi, je le suis fidèle au lieu de l’épouvante.
Je l’abrite et m’éteins près de lui consumé.

III.



— Tes bienfaits soient bénis, arbre à la rude écorce,
Consolateur du Nord durant l’âpre saison.
Gaulois, j’aime la grâce unie avec la force :
Buis verts, chênes, ormeaux, entourez ma maison!

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