Hymne sur l'abolition de l'esclavage des nègres

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Hymne sur l'abolition de l'esclavage des nègres
Garnier Frères (p. 262-264).


HYMNE
sur
L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE DES NÈGRES


Par Hériveaux.


Air : La foi que vous m’avez promise.

 
Quel est ce monstre à l’œil sinistre
Qui règne aux bords américains ?
La terreur lui sert de ministre,
D’horribles fouets arment ses mains ;
Partout une pesante chaîne
Marque les traces de ses pas.
Devant lui s’agitent la haine,
Le désespoir et le trépas.

Il ne s’abreuve que des larmes
Qu’il fait verser aux malheureux ;
Le trouble, les cris, les alarmes
Annoncent ses plaisirs affreux.
À ses côtés marche en silence
La soif, l’avide soif de l’or,
Qui, dans le sein de l’abondance,
Cherche encore un nouveau trésor.

 

Maître insolent, tyran féroce,
Ennemi de l’égalité,
Guidé par sa fureur atroce,
Il outrage l’humanité.
Sa bouche vomit l’injustice,
La vengeance dicte sa loi ;
Il dit, dans son cruel caprice :
Malheureux, vis et meurs pour moi !

À ce farouche et dur langage,
À ces abominables traits,
Qui ne reconnaît l’esclavage,
Ses attentats et ses forfaits ?
Bouffi du frivole avantage
Que lui donne une autre couleur,
Il croit que l’esprit, le courage
N’existent que sous la blancheur.

Ô mes amis ! quels cris de joie
Se font entendre dans les airs !
Un brillant drapeau se déploie
Sur un vaste monceau de fers !
Le monstre, frémissant de rage,
Sur ces débris tombe étendu :
L’esclave, repoussant l’outrage,
À ses justes droits est rendu.

La Nature, toujours la même,
Aime à varier ses effets ;

Elle n’adopte aucun système,
Chacun a part à ses bienfaits.
En nous formant tels que nous sommes,
Elle a voulu nous faire voir
Que la vertu faisait les hommes,
Et non le teint ou blanc ou noir.

Caste trop longtemps avilie,
Tu peux enfin sécher tes pleurs ;
Sur ton sort la France attendrie
A mis un terme à tes malheurs.
Enfants de la même patrie,
N’ayons plus qu’une volonté,
Et que chacun de nous s’écrie :
Vive, vive la liberté !