Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/II/Diverses justices

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Diverses iustices.

C’est l’opinion de Platon, que rien ne peut eſchapper aux yeux de la Iuſtice, & qu’à raiſon de cela les anciens Preſtres des Egyptiens, diſoient que par la force de ſa veuë elle penetroit dans le fonds de toutes choſes. De là vient auſſi qu’Apulée jure par l’œil du Soleil & de la Iustice enſemble, pour monſtrer que l’vn eſt auſſi clair-voyant que l’autre. D’où il nous eſt enſeigné pareillement quels doiuent eſtre les Minisſtres de la Iuſtice. Car il faut qu’il y ait en eux certains rayons par le moyen deſquels ils deſcouuvrent la verité en quelque lieu qu’elle ſoit cachée, & qu’à la façon des Vierges les plus chaſtes, ils ſoient exempts de toute ſorte de paſſion, ſans ſe laiſſer corrompre iamais ny par preſens, ny par flatteries. A raiſon dequoy nous pouuons dire que la Iuſtice eſt vne habitude ſuiuant laquelle l’Homme iuſte diſtribuë le bien & le mal entre ſoy-meſme & les autres, ſelon les qualitez ou les proportions Geometriques.

L’on peut rapporter à cecy que pour figurer la Iuſtice & l’integrité de l’ame, les Anciens auoient pour Symboles vne Eſguiere, vn Baſſin, & vne Colomne, comme il ſe verifie par pluſieurs tombeaux de marbre, & par diuerſes antiquitez, d’où vient que l’ingenieux Alciat dit dans ſes Embleſmes,

Qu’il faut que le bon Iuge ait l’ame & les mains pures,
S’il veut punir le crime & vanger les injures.

Tout ce que ie viens de dire parlant generalement de la Iuſtice, eſt icy repreſenté par ſa premiere Figure, qui eſt celle d’vne belle Vierge couronnée, couuerte d’vne robe d’or, & qui porte à ſon col vn riche Ioyau, pour nous enſeigner que cette vertu eſt ineſtimable, & la plus precieuſe de toutes les choſes du monde.