Il pleut, bergère

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 179-180).


IL PLEUT, BERGÈRE


Il pleut, il pleut, bergère,
Rentre tes blancs moutons,
Allons à la chaumière,
Bergère, vite, allons ;
J’entends sur le feuillage
L’eau qui tombe à grand bruit,
Voici, voici l’orage,
Voilà l’éclair qui luit.

Entends-tu le tonnerre,
Il roule en approchant ;
Prends un abri, bergère,
À ma droite, en marchant ;
Je vois notre cabane…
Et tiens, voici venir
Ma mère et ma sœur Anne
Qui vont l’étable ouvrir.


Bonsoir, bonsoir, ma mère,
Ma sœur Anne, bonsoir ;
J’amène ma bergère,
Près de vous pour ce soir :
Va te sécher, ma mie,
Auprès de nos tisons ;
Sœur, fais-lui compagnie,
Entrez, petits moutons.

Soignons bien, ô ma mère,
Son tant joli troupeau ;
Donnez plus de litière
À son petit agneau.
C’est fait, allons près d’elle ;
Eh bien donc te voilà !
En corset qu’elle est belle !
Ma mère, voyez-la.

Soupons, prends cette chaise,
Tu seras près de moi,
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi…
Goûte de ce laitage ;
Mais tu ne manges pas…
Tu te sens de l’orage,
Il a lassé tes pas.

Eh bien ! voilà ta couche,
Dors-y jusques au jour,
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d’amour.
Ne rougis pas, bergère,
Ma mère et moi demain
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.

Fabre d’Églantine.