Initiation musicale (Widor)/ch13
CHAPITRE XIII
L’HARMONIE
TONS RELATIFS.
harmonie est l’art de grouper les sons dans l’ordre naturel et d’après nos principes de tonalité.
Intervalles et accords. ↔ On appelle intervalles l’association de deux sons, accord l’association de deux, ou plus de deux intervalles.
Non seulement l’Harmonie, mais le Contrepoint, lui aussi, traite de cette association, sans toutefois s’inquiéter d’intervalles ou d’accords. Il ne s’occupe que du mouvement des voix dans l’ensemble polyphonique.
On peut dire que le domaine de l’Harmonie est orienté nord-sud, celui du Contrepoint est-ouest.
Dans le second chapitre de ce livre, nous avons étudié les vibrations qui se dégagent d’une fondamentale. L’une d’elles est intéressante entre toutes : la septième, celle qui « accidente » la série. Comme désormais nous considérons un son non plus isolément, mais en rapport avec d’autres sons et dans ses fonctions harmoniques, il nous faut tenir compte de la tendancieuse attraction ut-si ♭ qui se dégage des harmoniques 1-7 et en constater les conséquences.
L’accident si ♭ classe l’ut fondamental parmi les dominantes — celle du ton de fa en l’espèce. — La nature ne nous dorme donc pas une tonique, mais une dominante. Donc, pour continuer en ut nos exemptes, nous prendrons sol, dominante d’ut, comme point de départ. (Revoir, p. 56).
Les intervalles sont consonants ou dissonants.
Consonants : ceux qui, ne résultant pas du choc de deux notes voisines, donnent plus ou moins l’idée de repos.
Dissonants : ut contre ré, ré contre mi, mi contre fa, etc., idée de mouvement. (Car il faut que la note choquée recule).
Parfaites : quinte et octave (repos plus ou mains absolu, invariables suivant le mode).
Imparfaites : tierce et sixte (variables).
Mixte : quarte (invariable, mais sans caractère).
Attractive : quinte mineure (agent de liaison avec les dissonances).
La seconde ;
La septième ;
La neuvième.
L’octave est l’intervalle produit par les harmoniques 1 et 2 ; la quinte, par les harmoniques 2 et 3 ; la quarte, par 3 et 4. Entre 4 et 9, nous trouvons la tierce majeure (4 et 5), la quinte (4 et 6), la septième (4 et 7), la neuvième (4 et 9) ; puis, de 5 à 6, la tierce mineure ; de 5 a 7, la quinte mineure ; de 5 a 9, la septième de sensible.
Ainsi, en ramenant à leur plus simple expression les homophones, — au sol 4, les sons 1, 2, 8, au ré 6, le son 3, — tout se réduit à cinq degrés.
En majeur comme en mineur, quintes et octaves restent immuables dans leur attitude de force et de durée. Exemple : le début de la Neuvième Symphonie ; l’infini du tableau : seul, à découvert, le scintillement du quatuor, symbole de l’éternité.
Caractéristiques du mode, tierces et sixtes, variables par destination, tantôt majeures, tantôt mineures.
Comme la quinte, la quarte est immuable, mais dépourvue de tout ce que représente, de solidité tonale, la consonance parfaite. On l’a beaucoup discutée, quelques-uns voulant en faire une dissonance, quoiqu’elle n’en eût aucun des attributs. Traitons-la « d’énigmatique » et n’en abusons pas.
Quatrième espèce des consonances : la quinte mineure qu’on devrait appeler moindre (minor = plus petite), car elle est aussi bien majeure que mineure ; invariable comme la quinte juste, mais particulièrement tendancieuse. Alors que sur chacun des degrés de la gamme diatonique la quinte compte sept demi-tons, celle de la note sensible n’en compte que six :
Il a été question, dans le chapitre précédent, du caractère attractif, nerveux, de cette note sensible. Ce caractère se trouve encore intensifié du fait de ces sept demi-tons, d’où résulte le sentiment d’instabilité, de recherche d’un point d’appui, de mouvement, qui prête à un intervalle consonant l’agitation d’une dissonance :
Comme une dissonance, la quinte doit descendre et la note sensible monter d’un degré.
Considérons maintenant le rapport des degrés de la gamme avec les intervalles.
Trois degrés ont le sentiment du repos : la tonique absolument ; dominante et sous-dominante, relativement.
Il fut de mode, il y a quelques années, de finir une composition en s’arrêtant tout court en pleine période, sans autre souci de prendre congé. L’exemple venait d’apprentis dramaturges empêtrés dans une inextricable situation. « Comment en sortir ? — Un moyen bien simple, baisser le rideau. » Et cela s’appelait une tranche de vie. Quand on ne sait comment finir, mieux vaut ne pas commencer.
Entre tonique et consonance parfaite, rapport intime. Remarquons, d’ailleurs, la situation de cette tonique sur l’échelle : à droite, les deuxième et troisième degrés sans personnalité tonale ; à gauche, la septième qui s’incline devant elle ; c’est comme une pierre précieuse mise en relief par sa monture. Il n’est d’œuvre sérieuse qui ne conclue avec elle et par elle dans le sentiment de la quinte et de l’octave.
Ce même sentiment, mais avec moins d’absolutisme, nous le reporterons sur la dominante et la sous-dominante. Si donc nous réservons quintes et octaves aux premier, quatrième et cinquième degrés, nous affecterons tierces et sixtes, consonances imparfaites, aux second, troisième et sixième, et aussi au septième, quoique déjà avantagé par la quinte mineure.
Telle est la classification rigoureuse des intervalles sur les degrés diatoniques. Hâtons-nous de déclarer que cette rigueur de principe n’exclut pas un très artistique libéralisme dans l’application. C’est l’esprit et non la lettre qui nous mène.
Ainsi, le caractère des premier, quatrième, cinquième degrés étant nettement défini, nous ne craindrons pas de leur accorder, après les consonances parfaites, la pleine et entière disposition des tierces et des sixtes, consonances imparfaites, lesquelles, nous le verrons dans le chapitre suivant, compléteront leur parement harmonique.
Nous ne transigerons point, toutefois, sur l’incapacité du second degré à bénéficier de la quinte. Deux quintes de suite, sans liens entre elles, sont inadmissibles, car chacune d’elles impliquant l’idée de repos (idée tonale), nous ne pouvons nous reposer dans deux tons à la fois. Nous sommes en ut ou en ré ; nous ne pouvons être en même temps et en ut et en ré.
Par contre, s’il y avait un lien entre elles et si l’unité tonale était hors de doute, peut-être oserions-nous écrire :
Nous serons moins rigoureux pour le troisième degré, dont les harmonies, grâce aux notes communes, se rapprochent du premier.
Moins encore pour le sixième.
Tons relatifs. ↔ On appelle ainsi deux tons, l’un majeur, l’autre mineur, usant à peu près des mêmes degrés, avec les mêmes accidents à la clef : par exemple, ut majeur et la mineur, ut mineur et mi bémol majeur.
Rappelons la formule vocale de la gamme mineure (p. 35), et constatons ses rapports avec la gamme majeure :
Or, la tonique de la mineur comporte la quinte ; le sixième degré du ton d’ut, qui ne devrait pas l’accepter, l’admet cependant par courtoisie pour le ton relatif son alter ego. Et ce la devient à la fois sixième et premier degré.
L’exemple suivant n’éveille aucun soupçon de changement de gamme :
Il est certain que ce la + appartient ici au ton d’ut majeur, et que nous n’avons pas modulé.