JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 septembre 1920

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JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 septembre 1920
CHAMBRE DES DÉPUTÉS
12e legislature — session extraordinaire de 1920

DÉBATS PARLEMENTAIRES


COMPTES RENDUS IN EXTENSO

Séance du Mardi 21 septembre 1920.







1. — Ouverture de la session extraordinaire.
2. — Excuses et congés.
3. — Message du Président de la République.
4. — Allocution de M. le président.
5. — Règlement de l’ordre du jour.


PRÉSIDENCE DE M. RAOUL PÉRET.

La séance est ouverte à quinze heures.

1. — OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE.

M. le président. J’ai reçu de M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères, le décret suivant :

« Le Président de la République française,

« Vu l’article 2 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875,

« Décrète :

« Art. 1er. — Le Sénat et la Chambre des députés sont convoqués en session extraordinaire, pour le 21 septembre 1920.

« Art. 2. — Le président du conseil, ministre des affaires étrangères, et le ministre de l’intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

« Fait à Rambouillet, le 17 septembre 1920.

« DESCHANEL. »

« Par le Président de la République :

« Le président du conseil,
ministre des affaires étrangères,
A. MILLERAND. »
« Le ministre de l’intérieur,
T. STEEG. »

En conséquence je déclare ouverte la session extraordinaire de la Chambre des députés pour l’année 1920.

Le décret, dont la Chambre vient d’entendre la lecture, sera inséré au procès-verbal de la séance de ce jour et déposé aux archives.

2. — EXCUSES ET CONGÉS

M. le président. MM. Barillet et Édouard Eymond s’excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.

M. Guernier s’excuse de ne pouvoir, pendant quelques jours, assister aux séances de la Chambre.

MM. Inghels, Paul Reynaud et Petit s’excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour et demandent des congés.

Conformément à l’article 129 du règlement, le bureau est d’avis d’accorder ces congés.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Les congés sont accordés.

3. — MESSAGE DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. J’ai reçu de M. le président du conseil le texte d’un message de M. le Président de la République.

J’en donne connaissance à la Chambre.

(MM. les députés se lèvent, à l’exception de la très grosse majorité du parti socialiste.)

« Rambouillet, le 20 septembre 1920.
« Messieurs les députés,

« Mon état de santé ne me permet plus d’assumer les hautes fonctions dont votre confiance m’avait investi lors de la réunion de l’Assemblée nationale le 17 janvier dernier.

« L’obligation absolue qui m’est imposée de prendre un repos complet me fait un devoir de ne pas tarder plus longtemps à vous annoncer la décision à laquelle j’ai dû me résoudre.

« Elle m’est infiniment douloureuse et c’est avec un déchirement profond que je renonce à la noble tâche dont vous m’aviez jugé digne.

« La charge de Président de la République implique en tous temps des devoirs graves. Elle réclame une activité et une énergie au-dessus de toute défaillance pendant les années où la France victorieuse est appelée à reconstituer ses forces à l’intérieur en même temps qu’à assurer à l’extérieur l’application intégrale du Traité de paix si glorieusement mais si chèrement acquis. (Vifs applaudissements.)

« J’ai persévéré jusqu’à la dernière extrémité. L’heure est venue où je manquerais à ce que je vous dois en ne résignant pas mes fonctions entre vos mains.

« A l’instant où je me retire, j’ose émettre le vœu que les représentants de la nation dont la concorde patriotique fut le puissant auxiliaire de la victoire maintiennent dans la paix leur union pour la grandeur et la prospérité de cette France adorée au service de laquelle j’avais voué ma vie et qui aura ma dernière pensée. (Vifs applaudissements unanimes.)

« Ce sera le rôle et l’enviable privilège de mon successeur de glorifier, dans quelques jours, devant le monde, l’œuvre de la République, qui, après avoir, il y a cinquante ans, sauvé l’honneur (Applaudissements prolongés et unanimes), a ramené sous nos drapeaux l’Alsace et la Lorraine. (Nouveaux applaudissements unanimes.)

« Certain de remplir le plus impérieux comme le plus cruel des devoirs, je dépose sur le bureau du Sénat et sur celui de la Chambre des députés ma démission de Président de la République.

« PAUL DESCHANEL. »
(Applaudissements prolongés.)
4. — ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT

M. le président. Mes chers collègues,

La Chambre va enregistrer avec une grande tristesse la résolution de M. le Président de la République. (Vifs applaudissements.)

Celui qui eut l’insigne honneur de le remplacer à ce fauteuil et en reçut tant de marques de bienveillance et d’amitié n’a pu vous la communiquer sans une émotion profonde. (Vifs applaudissements unanimes.)

Décidé à ne conserver ses hautes fonctions qu’autant qu’il aurait la certitude d’en pouvoir, sans défaillance, remplir toutes les obligations, M. Paul Deschanel les abandonne dans la crainte de voir ses forces le trahir.

Ce serviteur passionné du pays, dont vous venez d’entendre le cri d’amour pour la Patrie et pour la République (Applaudissements prolongés et unanimes) est, par-dessus tout, l’homme du devoir national dans ce qu’il a de plus pur et de plus élevé. (Nouveaux applaudissements.) Nul n’oubliera que le jour de l’accident tragique qui faillit coûter la vie, il avait surmonté ses souffrances pour aller, malgré l’opposition des siens, porter l’hommage de la nation à la mémoire d’un membre du Parlement tombé à l’ennemi. (Vifs applaudissements.)

Ce ne sont pas seulement les regrets de ceux dont les suffrages, en un témoignage d’éclatante confiance, l’avaient appelé à la magistrature suprême, qui l’accompagnent dans sa retraite ; ces regrets sont partagés par tous les Français ; l’étranger s’y associe sans réserve. (Applaudissements.)

Ses anciens collègues lui ont toujours manifesté la sympathie la plus respectueuse, un indéfectible attachement. Aux heures d’épreuves, ces sentiments deviennent plus vifs encore (Très bien ! très bien !) ; j’en adresserai l’expression à M. le président Deschanel et me ferai votre interprète fidèle en lui disant les vœux ardents qui sont dans nos cœurs. (Applaudissements prolongés et unanimes.)

M. Alexandre Millerand, président du conseil, ministre des affaires étrangères. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le président du conseil.

M. Alexandre Millerand, président du conseil, ministre des affaires étrangères. Le Gouvernement tient à s’associer aux nobles paroles par lesquelles M. le président de la Chambre vient de traduire vos sentiments unanimes.

Il se joint à lui pour adresser ses vœux fervents et respectueux à M. le président Deschanel, au bon serviteur de la France, si cruellement arraché en pleine force au poste où l’avait appelé la confiance de l’Assemblée nationale, interprète fidèle des sentiments et des volontés de la France. (Vifs applaudissements prolongés.)

M. le président. La Chambre donne acte à M. le Président de la République de la lettre dont elle vient d’entendre la lecture. Elle en ordonne l’insertion au procès-verbal de la séance et le dépôt dans ses archives.

La loi constitutionnelle du 25 février 1875 porte (art. 1er, § 1er) :

« En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause, les deux Chambres réunies procèdent immédiatement à l’élection d’un nouveau Président. »

Ex exécution de ces prescriptions constitutionnelles, la Chambre des députés se réunira à Versailles, conformément à l’article 3 de la loi du 22 juillet 1879, pour former avec le Sénat l’Assemblée nationale qui doit procéder à l’élection d’un nouveau Président de la République.

En ce qui concerne le jour et l’heure de la réunion de l’Assemblée nationale, je viens de recevoir de M. le président du Sénat la communication suivante :

« Paris, le 21 septembre 1920.
« Monsieur le président,

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que l’Assemblée nationale se réunira le jeudi 23 septembre, à quatorze heures, à Versailles, pour procéder à l’élection du Président de la République.

« Agréez, monsieur le président, etc.

« Le président de l’Assemblée nationale,
« LÉON BOURGEOIS. »

Acte est donné de la communication de M. le président du Sénat.

MM.  les membres de l’Assemblée nationale recevront d’ailleurs à domicile une convocation spéciale.

5. — RÈGLEMENT DE L’ORDRE DU JOUR

M. le président. Je pense que la Chambre voudra fixer sa prochaine séance au samedi 25 septembre, à quinze heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi ordonné.

Samedi prochain, à quinze heures, séance publique :

Communication du Gouvernement.

Il n’y a pas d’observation ?…

L’ordre du jour est ainsi fixé.

(La séance est levée à quinze heures vingt minutes.)

Le Chef du service sténographique
de la Chambre des députés,
Gabriel Raynaud.